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11/07/2019 | FRANCE | N°18/02774

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 2, 11 juillet 2019, 18/02774


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 2



ARRÊT DU 11/07/2019



***





N° de MINUTE :

N° RG 18/02774 - N° Portalis DBVT-V-B7C-RR47



Jugement (N° 16/08591)

rendu le 19 avril 2018 par le tribunal de grande instance de Lille





APPELANTS

Monsieur [D] [O]

né le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 1]

demeurant

[Adresse 1]

[Localité 2]



(bénéficie d'u

ne aide juridictionnelle totale numéro 59178002/18/007811 du 24/07/2018 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Douai)



Madame [H] [O]

demeurant

[Adresse 2]

[Localité 2]



Madame [Q] [O]

demeurant

[Adres...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 2

ARRÊT DU 11/07/2019

***

N° de MINUTE :

N° RG 18/02774 - N° Portalis DBVT-V-B7C-RR47

Jugement (N° 16/08591)

rendu le 19 avril 2018 par le tribunal de grande instance de Lille

APPELANTS

Monsieur [D] [O]

né le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 1]

demeurant

[Adresse 1]

[Localité 2]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 59178002/18/007811 du 24/07/2018 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Douai)

Madame [H] [O]

demeurant

[Adresse 2]

[Localité 2]

Madame [Q] [O]

demeurant

[Adresse 3]

[Localité 2]

Monsieur [P] [O]

demeurant

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentés et assistés par Me Gildas Brochen, avocat au barreau de Lille, constitué aux lieu et place de Me Cécile Hauser Pruvost, avocat au barreau de Lille, substitué à l'audience par Me Cécile Hauser, avocat au barreau de Lille,

INTIMÉS

Madame [S] [O] Épouse [X]

demeurant

[Adresse 5]

[Localité 2]

déclaration d'appel signifiée le 26 juillet 2018 à sa personne, n'ayant pas constitué avocat

Monsieur [A] [O]

demeurant

[Adresse 6]

[Localité 2]

déclaration d'appel signifiée le 26 juillet 2018 à sa personne, n'ayant pas constitué avocat

SCI Ar.Ca, prise en la personne de son représentant légal domicilié

ayant son siège social

[Adresse 7]

[Localité 3]

INTERVENANT VOLONTAIRE

Monsieur [X] [R]

né le [Date naissance 2] 1956 à [Localité 4]

demeurant

[Adresse 8]

[Localité 2]

représentés et assistés par Me Valéry Gollain, membre du cabinet Octant-Avocats, avocat au barreau de Lille, substitué à l'audience par Me Guillaume Herbert, avocat au barreau de Lille

DÉBATS à l'audience publique du 21 mai 2019 tenue par Sophie Tuffreau magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Anne-Cécile Maes

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Fabienne Bonnemaison, président de chambre

Sophie Tuffreau, conseiller

Jean-François Le Pouliquen, conseiller

ARRÊT REPUTE CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 11 juillet 2019 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Mme Fabienne Bonnemaison, président et Anne-Cécile Maes, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 30 avril 2019

***

Vu le jugement rendu le 19 avril 2018 par le tribunal de grande instance de Lille ;

Vu la déclaration d'appel de Monsieur [D] [O], Madame [H] [O], Madame [Q] [O] et Monsieur [P] [O] reçue au greffe de la cour d'appel de ce siège le 15 mai 2018 ;

Vu les conclusions d'intervention volontaire de Monsieur [X] [R] déposées au greffe le 15 avril 2019 ;

Vu les conclusions des consorts [O] et de Monsieur [R] déposées au greffe le 26 avril 2019 ;

Vu les conclusions de la SCI Ar.Ca déposées au greffe le 15 avril 2019 ;

Vu l'ordonnance de clôture prise le 30 avril 2019 ;

EXPOSÉ DU LITIGE

Suivant acte authentique du 30 juin 1961, Monsieur [J] [O] et son épouse Madame [C] [B] ont acquis une maison d'habitation située à [Adresse 9], cadastrée sous les références section J n° [Cadastre 1] et [Cadastre 2] d'une contenance de 105 m².

Le cadastre de la ville de [Localité 1] a fait l'objet d'une rénovation en 1972. Le cadastre rénové désigne actuellement la parcelle J[Cadastre 1] sous la référence section LS n° [Cadastre 3].

Monsieur et Madame [O] sont décédés, respectivement en 2005 et 2013, laissant 11 de leurs enfants pour leur succéder [D], [H], [Q], [P], [S], [A], [B], [Y], [R], [G] et [N] [O], ci-après l'indivision [O].

Suivant acte authentique du 11 avril 2005, la SCI Ar.Ca, ci-après la SCI, a fait l'acquisition de l'immeuble situé au n° 15 de la même rue cadastré sous la référence section LS n° [Cadastre 4] d'une contenance de 1 are 93 centiares.

Par un courrier du 10 décembre 2014, Monsieur [O] a écrit à la SCI pour revendiquer la propriété de l'ancienne parcelle J[Cadastre 2] incluse actuellement à la parcelle LS [Cadastre 4].

Par acte authentique du 29 décembre 2017, Monsieur [X] [R] a acquis la propriété de l'immeuble cadastré LS [Cadastre 4].

Saisi d'une demande de la SCI visant à voir ordonner la libération de la parcelle LS [Cadastre 4] par les membres de l'indivision [O], par jugement du 19 avril 2018, le tribunal de grande instance de Lille a :

' dit que la SCI Ar.Ca était propriétaire de l'entière parcelle située au [Adresse 10] et cadastrée section LS n° [Cadastre 4] d'une contenance de 1 a 93ca incluant notamment la parcelle anciennement section J n° [Cadastre 2]

' dit qu'à défaut de départ volontaire de [D], [H], [Q], [P], [S], [A], [B], [Y], [R], [G] et [N] [O] et de tous occupants de leur fait, il pourra être procédé à leur expulsion du local litigieux avec le concours de la force publique, si nécessaire dans les conditions des articles L411-1 et suivants et R411-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution

' rejeté la demande d'astreinte relativement à l'obligation de libérer les lieux

' ordonné à [D], [H], [Q], [P], [S], [A], [B], [Y], [R], [G] et [N] [O] de :

- supprimer le percement opéré dans le mur séparatif des actuelles parcelles cadastrées section LS n° [Cadastre 3] et [Cadastre 4] (et anciennement cadastrées section J n° [Cadastre 1] et [Cadastre 2])

- supprimer la porte installée dans ce percement

- supprimer le murage opéré sur le mur existant dans l'actuelle parcelle section LS n° [Cadastre 4] à la séparation des anciennes parcelles section J n° [Cadastre 2] et [Cadastre 2]

' dit que cette remise en état doit être exécutée dans le délai d'un mois suivant la date à laquelle le jugement deviendra exécutoire à peine d'astreinte provisoire d'un montant de 100 euros par jour de retard pendant 3 mois

' rejeté la demande de dommages et intérêts formée par la SCI

' dit n'y avoir lieu à aucune condamnation au titre des frais irrépétibles

' condamné les consorts [O] in solidum à supporter les dépens de l'instance

' dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du jugement.

Par déclaration reçue au greffe de la cour d'appel de ce siège le 15 mai 2018, Monsieur [D] [O], Madame [H] [O], Madame [Q] [O] et Monsieur [P] [O], ci-après les consorts [O], ont interjeté appel de cette décision.

*

* *

Dans leurs conclusions déposées au greffe le 26 avril 2019, les consorts [O] demandent à la cour d'infirmer le jugement entrepris et de :

' dire que l'indivision [O] est propriétaire d'une partie de la parcelle section LS [Cadastre 4] incluant notamment l'ancienne parcelle section J[Cadastre 2] située à [Localité 1]

' débouter la SCI et Monsieur [R] de l'ensemble de leurs demandes

' condamner solidairement la SCI et Monsieur [R] à verser à Monsieur [O] la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts

' condamner solidairement la SCI et Monsieur [R] à payer à Monsieur [O] la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles outre leur condamnation aux dépens de première instance et d'appel.

Dans ses conclusions déposées au greffe le 15 avril 2019, la SCI demande à la cour de débouter les consorts [O] de l'ensemble de leurs demandes et de confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a :

' rejeté la demande d'astreinte relativement à l'obligation de libérer les lieux

' rejeté la demande de dommages et intérêts formée par la SCI

' dit n'y avoir lieu à aucune condamnation au titre des frais irrépétibles

Statuant à nouveau, elle demande à la cour de :

' condamner solidairement les consorts [O] à lui verser la somme de 8 544 euros en réparation du préjudice subi

' dire que cette somme portera intérêt au taux légal à compter du prononcé de la décision

' accueillir l'intervention volontaire de Monsieur [I] [R] et dire que l'arrêt à intervenir sera opposable à Monsieur [D] [O], Madame [H] [O], Madame [Q] [O] et Monsieur [P] [O]

' condamner Monsieur [D] [O], Madame [H] [O], Madame [Q] [O] et Monsieur [P] [O] solidairement et in solidum au paiement d'une somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles outre les dépens avec distraction au profit de Maître Valéry Gollain.

Dans ses conclusions déposées au greffe le 15 avril 2019, Monsieur [X] [R] demande à la cour de :

' lui donner acte de son intervention volontaire et la déclarer recevable

' débouter les consorts [O] de l'ensemble de leurs demandes

' confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a :

' rejeté la demande d'astreinte relativement à l'obligation de libérer les lieux

' rejeté la demande de dommages et intérêts formés par la SCI

' dit n'y avoir lieu à aucune condamnation au titre des frais irrépétibles

Statuant à nouveau, il demande à la cour de :

' condamner solidairement les consorts [O] à lui verser la somme de 4 272 euros, somme à parfaire au jour de l'arrêt à intervenir, en réparation du préjudice subi

' dire que cette somme portera intérêt au taux légal à compter du prononcé de la décision

' accueillir l'intervention volontaire de Monsieur [I] [R] et dire que l'arrêt à intervenir sera opposable à Monsieur [D] [O], Madame [H] [O], Madame [Q] [O] et Monsieur [P] [O]

' condamner Monsieur [D] [O], Madame [H] [O], Madame [Q] [O] et Monsieur [P] [O] solidairement et in solidum au paiement d'une somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles outre les dépens avec distraction au profit de Maître Valéry Gollain.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie expressément à leurs conclusions ci-dessus visées.

L'ordonnance de clôture a été prise le 30 avril 2019.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Aux termes de l'article 553 du code de procédure civile, en cas d'invisibilité à l'égard de plusieurs parties, l'appel de l'une produit effet à l'égard des autres mêmes si celles-ci ne sont pas jointes à l'instance.

Il en résulte que l'appel formé par certains membres de l'indivision [O] produit effet à l'égard des autres.

I' Sur l'intervention volontaire de Monsieur [R]

Il résulte des dispositions des articles 325 et 329 du code de procédure civile que :

« L'intervention n'est recevable que si elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant. »

« L'intervention est principale lorsqu'elle élève une prétention au profit de celui qui la forme. Elle n'est recevable que si son auteur a le droit d'agir relativement à cette prétention. »

En l'espèce, Monsieur [R] justifie de ce qu'il est le nouveau propriétaire de la parcelle LS [Cadastre 4], parcelle dont les consorts [O] revendiquent la propriété pour partie.

Disposant dès lors du droit d'agir contre toute atteinte à son droit de propriété, son intervention volontaire sera déclarée recevable.

II' Sur la propriété de l'ancienne parcelle J n° [Cadastre 2]

Aux termes des dispositions de l'article 544 du code civil, la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements.

La propriété d'un bien se prouve par tous moyens.

Le litige porte sur la propriété de la parcelle anciennement cadastrée J n° [Cadastre 2] et qui a été intégrée, après rénovation du cadastre, dans la parcelle LS n° [Cadastre 4], dès lors composé des anciennes parcelles [Cadastre 2] et [Cadastre 2].

En l'espèce, par courrier du 10 décembre 2014, Monsieur [O] a revendiqué auprès du gérant de la SCI la propriété de l'ancienne parcelle [Cadastre 2], selon lui propriété de l'habitation de ses parents, et en a pris possession au cours du premier semestre 2015, entreprenant des travaux de rénovation.

La SCI était donc en possession de la parcelle litigieuse avant que les consorts [O] ne l'occupent « de force » en 2015, justifiant la présente procédure.

La possession par la SCI de l'ancienne parcelle [Cadastre 2] fait donc présumer sa qualité de propriétaire et il appartient dès lors aux consorts [O] de démontrer, au regard des dispositions de l'article 9 du code de procédure civile, de rapporter la preuve que le bien immobilier qu'ils revendiquent est leur propriété.

À ce titre, les consorts [O] font valoir que l'ancienne parcelle J[Cadastre 2] a toujours été la propriété de leurs parents et que c'est par erreur que le cadastre l'a intégrée dans la parcelle LS n° [Cadastre 4].

Au soutien de leur demande en revendication, les consorts [O] s'appuient sur leur titre de propriété et les indications cadastrales, la disposition des lieux ainsi que des attestations de témoins. Ils revendiquent également la possession en qualité de propriétaire.

De son côté, la SCI fait valoir son titre de propriété et le plan cadastral rénové, ainsi que les indications de la direction générale des impôts. À titre subsidiaire, elle se prévaut de l'usucapion.

- sur les titres et les indications cadastrales

Le titre de propriété des consorts [O], établi avant rénovation du cadastre, porte sur une maison d'habitation, située [Adresse 9], avec les fonds et terrain en dépendant, « reprise au cadastre sous le n° [Cadastre 1] et [Cadastre 2] de la section J, pour une contenance de 105 m². »

Lors de la rénovation du cadastre, la direction générale des impôts a envoyé à Monsieur et Madame [O] un avis constituant la notification des résultats de la rénovation du cadastre aux termes duquel ils étaient désormais propriétaires de la parcelle LS [Cadastre 3], située [Adresse 9] pour une superficie de 74 m².

Malgré l'avis leur indiquant qu'ils devaient examiner très attentivement les renseignements communiqués, appelés à servir de base à la publicité foncière, et qu'ils pouvaient pour cela prendre connaissance à la mairie du nouveau plan cadastral, Monsieur et Madame [O] n'ont fait aucune réclamation. Il n'est toutefois pas démontré qu'ils ont renvoyé ledit relevé daté et signé comme il le leur était demandé. Il ne peut dès lors en être déduit qu'ils ont accepté cette modification cadastrale.

Aux termes de cette rénovation du cadastre, la parcelle située [Adresse 9] ne comprenait donc plus que l'ancienne parcelle n° [Cadastre 1] et se trouvait de ce fait diminuée d'une superficie de 31 m².

De son côté, la SCI produit l'acte de vente du 11 avril 2005 par lequel elle a acquis la propriété située [Adresse 10], consistant en un immeuble à usage de garage et d'entrepôt, cadastré LS [Cadastre 4] pour une superficie de 193 m².

Aux termes de cet acte, elle a donc acquis les anciennes parcelles [Cadastre 1] et [Cadastre 2].

Les consorts [O] et la SCI ont donc chacun un titre portant sur l'ancienne parcelle [Cadastre 2], émanant d'auteurs différents.

Si l'ancienneté d'un titre ne lui donne pas une valeur plus importante qu'à l'autre, il doit toutefois être tenu compte du fait que le titre des consorts [O] est antérieur à la rénovation du cadastre alors que la SCI ne produit pas les titres de propriété portant sur le n° 15 de la rue des fabricants, antérieurs à la rénovation du cadastre qui auraient permis de déterminer avec certitude que ses prédécesseurs étaient propriétaires des parcelles [Cadastre 2] et [Cadastre 2].

Au vu de ces éléments, le titre de propriété des consorts [O], antérieur à la rénovation du cadastre, ainsi que la diminution de la superficie de leur propriété, sont donc des indices de ce que ces derniers sont propriétaires de l'ancienne parcelle [Cadastre 2].

' sur les attestations des témoins

Les consorts [O] produisent plusieurs attestations :

' Monsieur [U] [W] [L], voisin habitant au [Adresse 11], qui « certifie que la parcelle ex [Cadastre 2] est la propriété de Monsieur [O] et cela je le sais de part mes discussions avec le défunt et aussi parce qu'on la voit depuis la cour et par le bas avec l'emplacement d'une ancienne porte »

' Madame [K] [U], qui indique se « souvenir que la parcelle ex [Cadastre 2] au fond de la maison de la famille [O] une dépendance de 30 m² avec une ouverture sur le haut avec un vis-à-vis sur la cour et la salle à manger il y avait une porte entre ancienne qui donnait sur cette parcelle avec un escalier genre échelle à l'étage une grande fenêtre qui donnait sur une terrasse. Avec mon père je me rendais souvent aux [Adresse 9] entre 1969 et 2006. »

' Madame [O] [O], cousine, qui certifie « qu'il y avait bien une cabane au fond de la cour. J'allais souvent chez mon oncle avec mes frères et s'urs et mon oncle nous interdisait d'y aller pour jouer car limiter ces outils. »

' Monsieur [Z] [P], ami de la famille, qui indique « j'ai visité le papa de la famille [O] bien avant 1961 et le fils [D] [O] décédé en 1961 qui étaient mon ami, j'ai assisté au déménagement en 1961 vers 1962 les 2 parcelles étaient réunies comme ce jour de juillet 2018, le papa de la famille [O] acquis cette habitation chez maître [K] à [Localité 1] en 1961 avec sa femme. »

' Madame [V] [V], qui indique que « la parcelle ex [Cadastre 2] ce local fait partie de la maison [Adresse 9] avec une porte en bas au fond de la maison et une baie vitrée en haut donnant accès à une terrasse, j'ai visité la famille [O] entre 1979 et 2001. »

Ces attestations, qui pour la plupart ne font que décrire la disposition des lieux, ne donnent que peu d'éléments sur la possession de cette parcelle par les parents des consorts [O].

- sur la disposition des lieux

Il ressort du plan du cadastre que la parcelle litigieuse se situe dans la continuité de la parcelle LS [Cadastre 3] appartenant aux consorts [O].

Par ailleurs, le constat d'huissier du 16 juillet 2018 montre la présence, en bout de la parcelle [Cadastre 3], d'un ancien bâti de porte donnant sur une pièce en cours de rénovation, dans laquelle la charpente pour accéder au premier étage a été refaite et un escalier a été placé. La pièce située à l'étage possède deux grandes fenêtres qui donnent sur une toiture plate surplombant la propriété des consorts [O]. Il sera relevé que les évacuations des eaux de cette pièce se font sur cette toiture terrasse et par la gouttière du bâtiment appartenant aux consorts [O].

Par ailleurs, il ressort de la photographie n° 10 du constat que l'ancienne parcelle [Cadastre 2] n'est pas le prolongement de l'ancienne parcelle [Cadastre 2] mais a été construite entre les parcelles [Cadastre 5] et [Cadastre 2], dont les murs sont beaucoup plus élevés.

De son côté, la SCI produit une photographie du mur de l'ancienne parcelle [Cadastre 2] dans lequel a été percée une ouverture donnant sur l'ancienne parcelle [Cadastre 2] qui a été par la suite rebouchée, selon elle par les consorts [O]. Or, aucun bâti de porte ne figure sur cette ouverture, seule une poutre ayant été placée afin de soutenir le mur.

La disposition des lieux plaide donc en faveur de la propriété des consorts [O].

- sur la lettre de la direction générale des impôts

La SCI se prévaut d'un courrier de la direction générale des finances publiques du 25 mars 2015 qui indique « la présence d'une partie de mur dans la prolongation des parcelles [Cadastre 3] et [Cadastre 6] peut correspondre à l'ancienne situation des années 1950-1960, où le fond de la parcelle [Cadastre 4] aurait été intégré à la [Cadastre 3] (ancienne J[Cadastre 2]). Rien ne prouve, par ailleurs, que cette ancienne parcelle J[Cadastre 2] était intégrée à la propriété lors de l'acquisition de la famille [O] en 1961, même si elle figure dans l'acte. »

Ce courrier n'apporte ainsi aucun élément permettant de relier l'ancienne parcelle [Cadastre 2] à la parcelle [Cadastre 4]. Au contraire, il évoque une situation antérieure, celle des années 50-60, en émettant l'hypothèse que l'ancienne parcelle [Cadastre 2] (« fond de la parcelle [Cadastre 4] ») était à cette époque intégrée à la parcelle [Cadastre 1], actuelle propriété des consorts [O].

Il ne peut donc en être retiré aucune preuve de la propriété de la SCI.

- sur la possession

Chacune des parties se prévaut des dispositions de l'article 2272 du code civil aux termes duquel :

« Le délai de prescription requis pour acquérir la propriété immobilière est de trente ans.

Toutefois, celui qui acquiert de bonne foi et par juste titre un immeuble en prescrit la propriété par dix ans. »

L'article 2261 du même code précise que « pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire.»

Il appartient dès lors aux parties de démontrer des actes de possession, de manière continue, et ce pendant une durée de 10 ans dans la mesure où elles disposent chacune d'un juste titre.

À ce titre, les attestations versées aux débats par les consorts [O] ne sont pas suffisamment précises pour établir une possession continue pendant 10 ans.

Quant à la SCI, si elle a acquis la parcelle par acte du 11 avril 2005, elle ne démontre aucun acte matériel de possession, à l'exception du percement du mur dont aucune précision n'est fournie quant à sa date exacte. Contrairement à ce qu'elle affirme, elle ne démontre également pas que la parcelle litigieuse était déjà occupée par ses prédécesseurs.

Tant les consorts [O] que la SCI ne sauraient dès lors se prévaloir d'une prescription acquisitive.

*

* *

Dès lors, le titre de propriété de 1961, les anciennes mentions cadastrales ainsi que la disposition des lieux permettent d'établir que l'indivision [O] est propriétaire de l'ancienne parcelle [Cadastre 2], intégrée après rénovation du cadastre dans la parcelle LS [Cadastre 4].

Le jugement entrepris sera dès lors infirmé et la SCI Ar.Ca et Monsieur [R] seront déboutés de l'ensemble de leurs demandes.

Les consorts [O] seront déboutés de leur demande en dommages et intérêts formée à l'égard de la SCI et de Monsieur [R], aucune faute de ces derniers, qui ont acquis la parcelle de bonne foi, ne pouvant leur être reprochée.

III' Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qui concerne les dépens et les frais irrépétibles.

La SCI, qui succombe, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et à payer aux consorts [O] la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe, réputé contradictoire et en dernier ressort ;

Infirme le jugement rendu le 19 avril 2018 par le tribunal de grande instance de Lille ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Déclare recevable l'intervention volontaire de Monsieur [X] [R] ;

Dit que [D], [H], [Q], [P], [S], [A], [B], [Y], [R], [G] et [N] [O] sont propriétaires de l'ancienne parcelle cadastrée J n° [Cadastre 2] située rue des fabricants à [Localité 1], actuellement incluse dans la parcelle LS n° [Cadastre 4] ;

Déboute la SCI Ar.Ca et Monsieur [X] [R] de l'ensemble de leurs demandes ;

Déboute Monsieur [D] [O], Madame [H] [O], Madame [Q] [O] et Monsieur [P] [O] de leur demande en dommages et intérêts ;

Condamne la SCI Ar.Ca à payer à Monsieur [D] [O], Madame [H] [O], Madame [Q] [O] et Monsieur [P] [O] la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

Condamne la SCI Ar.Ca aux dépens de première instance et d'appel.

Le greffier,Le président,

Anne-Cécile MaesFabienne Bonnemaison


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 2
Numéro d'arrêt : 18/02774
Date de la décision : 11/07/2019

Références :

Cour d'appel de Douai 1B, arrêt n°18/02774 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-07-11;18.02774 ?
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