République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 2
ARRÊT DU 27/06/2019
***
N° de MINUTE :
N° RG 17/03209 - N° Portalis DBVT-V-B7B-QWVA
Jugement (N° 16/07009)
rendu le 30 mars 2017 par le tribunal de grande instance de Lille
APPELANT
Monsieur [B] [D]
né le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 7]
demeurant
[Adresse 6]
[Localité 3]
représenté par Me Claire Guilleminot, avocat au barreau de Douai
INTIMÉS
Monsieur [R] [D]
demeurant
[Adresse 5]
[Localité 3]
Maître [E] [S] agissant en qualité de liquidateur judiciaire de M. [R] [D]
demeurant
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentés par Me Bernard Franchi, membre de la SCP François Deleforge & Bernard Franchi, avocat au barreau de Douai
assistés de Me Claire Cambernon, membre de la SELARL BRM avocats, avocat au barreau de Lille, substituée à l'audience par Me Mahaut Valette, avocat au barreau de Lille
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
Fabienne Bonnemaison, président de chambre
Sophie Tuffreau, conseiller
Jean-François Le Pouliquen, conseiller
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GREFFIER LORS DES DÉBATS : Anne-Cécile Maes
DÉBATS à l'audience publique du 25 mars 2019
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 27 juin 2019 après prorogation du délibéré en date du 13 juin 2019 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Mme Fabienne Bonnemaison, président, et Anne-Cécile Maes, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 18 mars 2019
***
Vu le jugement du tribunal de grande instance de Lille en date du 30 mars 2017,
Vu les appels interjetés,
- le 19 mai 2017 par M. [B] [D], (affaire n°17/3209),
- le 19 mai 2017 par M. [R] [D] et Maître [E] [S] en qualité de liquidateur judiciaire de M. [R] [D] (n°17/3211),
- le 16 juin 2017 par M. [R] [D] et Maître [S] ès qualités (17/3840),
Vu la jonction de ces trois instances opérée le 15 février 2018,
Vu les conclusions transmises :
- le 13 février 2019 par Maître [S] ès qualités et M. [R] [D],
- le 16 septembre 2018 par M. [B] [D],
conclusions auxquelles renvoie la cour en application de l'article 455 du code de procédure civile,
Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 18 mars 2019 et les débats du 25 mars 2019,
SUR CE
Il est renvoyé pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties au jugement déféré duquel il résulte essentiellement que :
- au terme d'un jugement définitif du tribunal de grande instance de Lille en date du 14 février 2008, M. [R] [D] a été reconnu créancier de la moitié des droits d'auteur généré par la création, pour le compte d'une société Lamy Lutti, du personnage '[Y]', fruit d'une oeuvre des frères [D], artistes graphistes, lorsqu'ils étaient associés au sein de la SCM [B] et [R] [D],
- après dépôt le 18 juin 2015 du rapport d'expertise judiciaire de M. [G] chargé par le tribunal de déterminer les indemnités de toute nature perçues par M. [B] [D] de la société Lamy Lutti ensuite d'un arrêt de cette cour du 8 décembre 1997 ayant condamné cette dernière, M. [R] [D] et Maître [S] ès qualités ont réclamé à M. [B] [D] diverses indemnités, tant au titre de la part des redevances de droit d'auteur revenant à M. [R] [D] qu'afin de sanctionner la mauvaise foi de M. [B] [D],
- M. [B] [D] s'est opposé à toutes ces réclamations,
C'est dans ces conditions qu'est intervenu le jugement dont appel, assorti de l'exécution provisoire, qui a condamné M. [B] [D] à verser à Maître [S] ès qualités une somme de 189 397,32 euros au titre des droits de M. [R] [D] sur les sommes versées par la société Lamy Lutti, 25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive outre une indemnité de procédure de 10 000 euros, rejetant par contre la demande de pénalités de retard formulée par le liquidateur judiciaire .
La saisine de la cour :
- l'appel de M. [B] [D] tend à voir infirmer ce jugement en toutes ses dispositions et reporter à deux ans les condamnations prononcées,
- l'appel de M. [R] [D] et Maître [S] tend à voir infirmer le jugement quant aux pénalités de retard, condamner à ce titre M. [B] [D] au paiement d'une somme de 147 729,91 euros, y ajouter une somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts et une indemnité de procédure de 8 000 euros.
Sur la créance de M. [R] [D] au titre des droits d'auteur et redevances diverses versées par la société Lamy Lutti
* Le montant de la créance de M. [R] [D] en principal et intérêts au titre des redevances versées par la société Lamy Lutti ne fait l'objet d'aucune critique des parties.
* Est par contre contestée par M. [B] [D] la réclamation de son frère et du liquidateur judiciaire au titre des dommages et intérêts alloués par cette cour dans le cadre de l'action exercée à l'encontre de la société Lamy Lutti dont il soutient qu'ils indemnisaient son préjudice personnel.
M. [R] [D] et Maître [S] objectent à raison qu'il résulte de l'arrêt de cette cour du 8 décembre 1997 que les dommages et intérêts alloués venaient sanctionner une violation manifeste par la société Lamy Lutti des droits d'auteur générés par la création du personnage [Y] dont il a définitivement été jugé qu'il était le fruit de la collaboration des deux frères, le fait que les poursuites judiciaires aient été initiées par M. [B] [D], en charge habituellement de la gestion des intérêts communs des deux frères, étant indifférent d'autant qu'il a été établi que M. [R] [D] n'était pas resté étranger à cette procédure même s'il n'en était pas partie constituée.
Le jugement qui admet de ce chef une créance de M. [R] [D] et Maître [S] sera confirmé.
Sur les pénalités de retard
M. [R] [D] et Maître [S] font grief au tribunal d'avoir rejeté leur demande de pénalités de retard en dépit de la mention systématique dans les notes d'honoraires adressées par M. [R] [D] à son frère de l'exigibilité d' intérêts de 2% par mois de retard que confirment les pièces communiquées en cause d'appel.
Par des motifs pertinents que la cour adopte, le jugement a toutefois valablement objecté qu'aucune pièce n'établissait l'acceptation par M. [B] [D] de ces 'conditions générales' que prétendait lui imposer son frère dans le cadre de réclamations adressées postérieurement à leur brouille.
Les pièces communiquées en appel ne caractérisent pas plus cet accord entre M. [B] et M. [R] [D], l' attestation de M. [V] [D] établie dans le contexte d'un contentieux familial avéré étant sujette à caution.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur les dommages et intérêts
M. [R] [D] et Maître [S] sollicitent la majoration à 50 000 euros des dommages et intérêts alloués par le tribunal, estimant que les premiers juges n'ont pas tiré toutes les conséquences de leur analyse de la mauvaise foi de M. [B] [D] dont ils rappellent qu'il n'a quasiment rien reversé à son frère à partir de 1998 au titre de ses droits d'auteur, porte la responsabilité de la longueur de l'expertise judiciaire pour n'avoir pas versé à son frère la provision allouée par le tribunal et refusé de collaborer avec l'expert judiciaire.
Ils soulignent encore que, ne pouvant plus accéder à sa comptabilité, M. [R] [D] a subi une taxation d'office de l'administration fiscale qui a contribué à sa déconfiture financière.
M. [B] [D] objecte qu'il n'était pas en mesure financièrement d'honorer la provision de 20 000 euros allouée par le tribunal ni de produire une comptabilité déjà ancienne et dénonce les propres lenteurs de M. [R] [D] et de Maître [S].
La cour ne dispose pas de tous les éléments lui permettant d'apprécier la responsabilité de chaque partie dans la longueur de l' instance judiciaire engagée par M. [R] [D] le 1er octobre 2003 contre son frère dans laquelle a néanmoins été déterminante, si l'on s'en tient à la chronologie de la procédure exposée par le jugement déféré, la liquidation judiciaire de M. [R] [D] intervenue le 7 mars 2008 .
Il résulte du rapport d'expertise de M. [G] qu'ensuite de l'arrêt de cette cour du 8 décembre 1997 condamnant la société Lamy Lutti à de substantielles indemnités, celle-ci a versé M. [B] [D], entre cette date et le 1er juillet 2000, un peu plus de 2 545 000 francs sur lesquels ont été rétrocédés à M. [R] [D] en tout et pour tout.... 30 000 francs en mars 1998.
Il n'est donc pas douteux que le refus persistant et abusif de M. [B] [D] de consentir à son frère (dont l'entourage atteste de surcroît le rôle décisif dans la création du personnage [Y] à l'origine des substantielles redevances perçues de la société Lamy Lutti), la moindre rétrocession des droits d'auteur hormis celle de 30 000 francs précitée, de même que l'impossibilité pour M. [R] [D] d'accéder aux locaux de leur société et à leur comptabilité ensuite de la brouille survenue fin 1998 ont eu un impact décisif sur la procédure collective subie par M. [R] [D] qui n'a en outre pas pu recouvrer les 20 000 euros de provision allouée par le jugement du 14 février 2008 pourtant assorti de l'exécution provisoire.
Le préjudice subi par M. [R] [D] depuis 1998 justifie l'allocation d'une somme de 45 000 euros à titre de dommages et intérêts , le jugement étant infirmé de ce chef.
Sur les demandes accessoires
* Les circonstances de l'espèce commandent le rejet de la demande de délais de paiement formulée par M. [B] [D].
* L'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Maître [S] suivant modalités prévues au dispositif.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort
Confirme le jugement déféré excepté s'agissant des dommages et intérêts alloués à M. [R] [D] ;
Statuant de ce chef et y ajoutant,
Condamne M. [B] [D] à verser à Maître [S] ès qualités :
- une somme de 45 000 euros à titre de dommages et intérêts,
- une indemnité de procédure de 5 000 euros ;
Condamne M. [B] [D] aux dépens avec faculté de recouvrement au profit de Maître Ricouart Maillet conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le greffier,Le président,
Anne-Cécile MaesFabienne Bonnemaison