République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 1
ARRÊT DU 13/06/2019
***
N° de MINUTE : 19/
N° RG 18/05373 - N° Portalis DBVT-V-B7C-R3XZ
Jugement (N° 15P00323) rendu le 16 mars 2016 par le tribunal de commerce de Compiègne
Arrêt (RG : 16/1585) rendu le 26 janvier 2017 par la cour d'appel d'Amiens
Arrêt (N° K 17-15.395) rendu par la cour de cassation
Renvoi après cassation
APPELANT
M. [J] [G]
né le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 1], de nationalité française
demeurant [Adresse 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représenté par Me Loïc Le Roy, avocat au barreau de Douai
assisté de Me Amaury Sonnet, avocat au barreau de Paris
INTIMÉES
SAS Novamonde Immobilier prise en la personne de son représentant légal
ayant son siège social [Adresse 2]
[Adresse 2]
signification de déclaration de saisine, de conclusions et avis de fixation avec assignation le 26 octobre 2018 (procès-verbal de recherches infructueuses selon l'article 659 du code de procédure civile)
N'ayant pas constitué avocat
SCP [H] mandataires judiciaires associés, prise en la personne de Maître [A] [B], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SAS Novamonde Immobilier selon jugement du tribunal de commerce de Compiègne en date du 24 septembre 2014
ayant son siège social [Adresse 3]
[Adresse 3]
SELARL [C] prise en la personne de son représentant légal, ès qualités de mandataire ad hoc de la société SAS Novamonde Immobilier
ayant son siège social [Adresse 4]
[Adresse 4]
représentées par Me Laure Goislot, avocat au barreau de Lille
assistées de Me Serge Lequillerier, avocat au barreau de Senlis
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
Véronique Renard, présidente de chambre
Anne Molina, conseiller
Nadia Cordier, conseiller
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GREFFIER LORS DES DÉBATS : Stéphanie Hurtrel
en présence de Samira Salmi, greffier en pré-affectation
DÉBATS à l'audience publique du 21 mars 2019 après rapport oral de l'affaire par Véronique Renard
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 13 juin 2019 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Véronique Renard, présidente et Stéphanie Hurtrel, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 6 mars 2019
***
Vu le jugement contradictoire rendu le 16 mars 2016 par le tribunal de commerce de Compiègne qui a :
- dit M. [G] [J] irrecevable en sa demande,
- confirmé le jugement du 7 octobre 2015 reportant la date de cessation des paiements de la SAS Novamonde Immobilier au 23 janvier 2013,
- condamné M. [G] [J] aux dépens et à payer la somme de 800 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile à la procédure de liquidation judiciaire de la SAS Novamonde Immobilier,
Vu l'arrêt contradictoire rendu le 26 janvier 2017 par la cour d'appel d'Amiens qui a :
- confirmé le jugement du tribunal de commerce de Compiègne en date du 16 mars 2016,
- condamné M. [J] [G] à verser aux intimés une indemnité de
1.200 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné M. [J] [G] aux dépens d'appel,
Vu l'arrêt rendu le 5 septembre 2018 par la Cour de cassation qui a cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 janvier 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens, remis en conséquence la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d'appel de Douai,
Vu la déclaration de saisine de la présente cour en date du 27 septembre 2018 de
M. [J] [G],
Vu l'assignation devant la cour de la SCP [H] représentée par Maître [A] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Novamonde Immobilier, de la SCP [C] ès qualités de mandataire ad hoc de la SAS Novamonde Immobilier ainsi que de la SAS Novamonde Immobilier selon actes d'huissier des 24 et 26 octobre 2018,
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le
22 janvier 2019 par M. [J] [G], qui demande à la cour de :
- ordonner, contradictoirement et avant dire droit, une expertise en application de l'article 1324 du Code civil, sur les éléments pour lesquels les défendeurs prétendent que M. [G] les aurait signés, ce dernier désavouant sa signature,
En toute hypothèse,
- infirmer en intégralité le jugement rendu par le tribunal de commerce de Compiègne le 16 mars 2016,
En conséquence,
- rétracter le jugement du 7 octobre 2015 en ce qu'il a reporté la date de cessation des paiements au 23 janvier 2013,
- dire que, conformément aux dispositions de l'article 591, alinéa 2, du Code de procédure civile, la chose jugée par la décision à intervenir le sera non seulement à l'égard de M. [G], mais, en outre, à l'égard de toutes les parties appelées à l'instance,
- débouter la SCP [Z] de toutes ses demandes,
- condamner la SCP [Z] ès qualité de liquidateur aux entiers dépens,
- condamner la SCP [Z] au paiement de la somme 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le
18 décembre 2018 par la SCP [H] prise en la personne de Maître [A] [B], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Novamonde Immobilier et la SELARL [C] ès qualités de mandataire ad hoc de la SAS Novamonde Immobilier, qui demandent à la cour de :
- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Compiègne du 7 octobre 2015 ayant ordonné le report de la date de cessation des paiements,
- débouter M. [G] de l'ensemble de ses demandes,
- le condamner aux dépens outre une indemnité de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Vu l'ordonnance de clôture du 6 mars 2019,
SUR CE,
Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.
Il sera simplement rappelé que M. [J] [G] était actionnaire et président de la société Novamonde Immobilier.
La société Novamonde immobilier a été placée en redressement puis en liquidation judiciaire les 23 juillet et 24 septembre 2014, la société [Y] étant désignée liquidateur. La date de cessation des paiements initialement fixée au 15 février 2014 a été reportée au 23 janvier 2013 par jugement du 7 octobre 2015 du tribunal de commerce de Compiègne.
M. [G], qui avait démissionné de ses fonctions de président de la société Novamonde Immobilier le 12 novembre 2013, a formé tierce opposition à ce jugement.
La cour d'appel d'Amiens a, dans son arrêt confirmatif du 26 janvier 2017, déclaré irrecevable ce recours en retenant qu'en l'absence de publication de sa démission et de désignation d'un nouveau dirigeant, M. [G] était le dirigeant en titre de la société Novamonde immobilier et devait former un appel contre le jugement de report de la cessation des paiements, en sa qualité de représentant légal de celle-ci.
Après avoir rappelé que la date de la cessation des paiements fixée dans le jugement d'ouverture de la procédure collective d'une personne morale ou dans un jugement de report est opposable à son dirigeant qui, ayant un intérêt personnel à critiquer cette date, est recevable à former un appel ou une tierce opposition contre cette décision, selon qu'il était présent ou non à titre personnel à l'instance, la Cour de cassation a cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 janvier 2017 par la cour d'appel d'Amiens au visa des articles 83 du Code de procédure civile et L. 631-8 du Code de commerce, au motif qu'il ne résulte pas du jugement reportant la date de cessation des paiements que M. [G] y ait été personnellement partie, de sorte que, peu important les conditions de sa démission des fonctions de dirigeant, laquelle est sans incidence, il ne pouvait, contestant à titre personnel le report, agir à cette fin que par la voie de la tierce opposition.
Devant la cour de renvoi M. [G] soutient en substance que la tierce opposition qu'il a formée est recevable dès lors qu'il est tiers au jugement qui a reporté la date de cessation des paiements de la société Novamonde Immobilier, et sur le fond, conteste que ce soit sa signature sur les documents versés par les intimés et demande une vérification d'écriture en application de l'article 1324 du Code civil pour conclure encore à la recevabilité de son opposition, enfin il fait valoir qu'aucun élément ne permet de remonter à janvier 2013 la cessation des paiements de la société Novamonde Immobilier.
Tout en sollicitant la confirmation du jugement rendu par le tribunal de commerce le 7 octobre 2015, les intimés ne contestent plus la recevabilité de la tierce opposition formée par M. [G] et indiquent que la demande de vérification d'écriture est sans objet. Sur le report de la date de cessation des paiements, ils soutiennent que les éléments de fait démontrent que la société Novamonde se trouvait, dix-huit mois avant le jugement d'ouverture, déjà dans des difficultés caractérisant son état de cessation des paiements.
Sur la recevabilité de l'opposition de M. [G]
Les intimés ne contestent plus devant la cour de renvoi la recevabilité de la tierce opposition formée par M. [G] à l'encontre du jugement rendu par le tribunal de commerce de Compiègne le 7 octobre 2015 qui a reporté la date de cessation des paiements de la SAS Novamonde Immobilier initialement fixée au 15 février 2014 au 23 janvier 2013.
La demande de vérification d'écriture de M. [G] dont le but était de désavouer la signature portée sur les pièces produites par la partie adverse, tendant à démontrer sa qualité de gérant de la société Novamonde immobilier à la date du 23 juillet 2104, et partant l'irrecevabilité de la tierce opposition au jugement du 7 octobre 2015 du tribunal de commerce de Compiègne, est devenue sans objet.
Sur le report de la date de cessation des paiements de la société Novamonde Immobilier
Selon maître [A] et maître [C], ès qualités, les pièces qu'ils produisent aux débats révèlent que l'état de cessation des paiements de la SAS Novamonde immobilier était manifeste depuis 2011, date à laquelle les condamnations civiles ne sont pas exécutées et le passif fiscal non honoré, outre le fait que M. [G] aurait usé d'artifices pour soustraire les sociétés du groupe au paiement de l'impôt, ce qui a donné lieu à des redressements fiscaux.
Il y a donc lieu de rechercher s'il ressort des éléments versés aux débats, la preuve suffisante que la société Novamonde immobilier se trouvait effectivement, dix-huit mois avant le jugement d'ouverture de la procédure collective, déjà dans des difficultés caractérisant son état de cessation des paiements.
Les intimés se prévalent en premier lieu de la déclaration de créance du service des impôts (pièce 7) et produisent les propositions de rectification adressées par la direction générale des finances publiques, ainsi qu'une lettre de la commission des infractions fiscales (pièces 32, 33 et 34). Ils font en particulier état dans leurs dernières écritures d'une dette fiscale de 103.934 euros en principal pour la période courant du 1er juillet 2008 au 30 juin 2009 au titre de l'impôt sur les sociétés et l'imposition forfaitaire annuelle, et de 49.810 euros pour la période courant du 1er juillet 2009 au 30 juin 2010 au titre de l'impôt sur les sociétés.
La cour constate en premier lieu que l'état des créances déclarées produit en pièce 35 n'est pas la version signée par le juge commissaire.
Par ailleurs, outre que M. [G] n'est pas contredit lorsqu'il indique qu'il n'a pas été en mesure de faire valoir ses observations dans le cadre des vérifications par l'administration fiscale, la cour relève que :
- la pièce n° 7 susvisée est constituée en réalité d'une page volante intitulée 'annexe 1 de la déclaration de créances à titre définitif' et n'est accompagnée d'aucun autre document, notamment de lettre de transmission de l'administration fiscale,
- aucun élément ne vient justifier des sommes mentionnées à titre de dette fiscale qui ne figurent pas sur l'état du passif en tant que telles,
- les pièces 32 et 34 des intimés ne constituent pas plus des justificatifs des sommes portées sur la déclaration de créances,
- la pièce 33 montre tout au plus les conséquences du redressement fiscal de la SCI Thésée sur la société Novamonde, et notamment une modification du déficit de cette dernière, mais ne justifie pas non plus les sommes portées sur la déclaration de créances.
En tout état de cause, l'ensemble de ces éléments se rapportent à des redressements fiscaux, relatifs à des exercices comptables (2008- 2010 et 2009-2010), mais n'établissent en rien un état de cessation des paiements, au 23 janvier 2013.
La déclaration de créance du cabinet Vauban en date du 11 septembre 2014(pièce 6) concerne deux factures d'honoraires d'avocat des 29 mai et 23 juillet 2012 pour un montant total de 6.069,14 euros. La lettre du même cabinet Vauban du 16décembre 2015 (pièce 29) fait état de procès-verbaux d'assemblées établis par ses soins et signés par M. [G] depuis 2010 mais semble n'avoir aucune correspondance avec la déclaration de créance.
Maître [A] indique ensuite avoir appris, à l'occasion d'un contentieux périphérique à la présente instance, et dans lequel il a été appelé en intervention forcée par les cessionnaires de M. [G], que la société Novamonde avait été condamnée par le tribunal de grande instance de Compiègne, par jugement du 17 mai 2011, et que les condamnations n'ont jamais été réglées, malgré des mesures d'exécution, ni garanties par son assureur. Il est produit les première et dernière page de ce jugement ainsi que la déclaration de créance de la société Images et Caractères. Cependant, celle-ci indique elle-même dans sa déclaration que le jugement a été infirmé par un arrêt de la cour d'appel d'Amiens du 20 septembre 2012 et qu'elle s'est pourvue en cassation ; la cour ignore donc le sort définitif de la condamnation alléguée.
Enfin, les intimés se prévalent à l'appui de leur demande de report de cessation des paiements de la société Novamonde, d'un arrêt rendu le 29 novembre 2018 par la cour d'appel d'Amiens. Or la cour d'appel d'Amiens, rappelant que le retard dans la déclaration de cessation des paiements ne se confond pas avec une poursuite d'activité déficitaire, n'a pas statué sur un défaut de déclaration de cessation des paiements de la société Novamonde dans le délai légal puisque précisément elle a constaté que la date de cessation des paiements n'était pas définitivement fixée et qu'il appartenait à la présente cour de fixer cette date.
S'agissant de la dette de la société Novamonde sur ses filiales, le fait que figurent dans les bilans de la société Novamonde relatifs aux exercices clos le 30 juin 2012 et le
30 juin 2013, d'une part une dette envers ses filiales, au demeurant portée dans la rubrique 'autres dettes' sans aucun détail, et d'autre part des créances sur ces mêmes filiales, qui seraient fictives car constituées de remontées de dividendes non effectives, n'établit pas plus la cessation des paiements de la société Novamonde au 23 janvier 2013 dès lors qu'il s'agit tout au plus de la démonstration d'une gestion déficitaire, et/ou d'opérations de cavalerie, lesquelles ont été sanctionnées par la cour d'appel d'Amiens dans son arrêt du 29 novembre 2018, qui fait actuellement l'objet d'un pourvoi en cassation, et non pas celle d'un état de cessation des paiements, défini par le Code du commerce comme étant l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, et qui ne résulte pas d'une situation comptable.
Enfin aucun élément n'est communiqué quant aux actifs de la société Novamonde.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que les intimés, auxquels appartient la charge de la preuve, n'établissent pas que la société Novamonde se trouvait dix-huit mois avant le jugement d'ouverture de la procédure collective, déjà dans des difficultés caractérisant son état de cessation des paiements. L'opposition de M. [G] apparaît dès lors comme bien fondée.
Le jugement rendu le 16 mars 2016 par le tribunal de commerce de Compiègne ayant confirmé le jugement du 7 octobre 2015 doit en conséquence être infirmé en toutes ses dispositions et le jugement du 7 octobre 2015 rétracté en ce qu'il a reporté la date de cessations des paiements de la SAS Novamonde Immobilier au 23 janvier 2013.
Il n'y a pas lieu de rappeler les dispositions de l'article 591, alinéa 2, du Code de procédure civile relative à la chose jugée sur tierce opposition.
Sur les autres demandes
La SCP [Z], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Novamonde Immobilier, qui succombe, sera condamnée aux entiers dépens.
Enfin M. [G] a dû engager des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge ; il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile dans la mesure qui sera précisée au dispositif du présent arrêt.
PAR CES MOTIFS
Déclare recevable l'opposition de M. [J] [G] au jugement rendu le
7 octobre 2015 pat le tribunal de commerce de Compiègne.
Dit sans objet la demande d'expertise formée sur le fondement de l'article 1324 du Code civil.
Déboute la SCP [Z], représentée par maître [A], es qualités de liquidateur judiciaire de la société Novamonde Immobilier de sa demande de report de la date de cessation des paiements de la SAS Novamonde Immobilier au
23 janvier 2013.
En conséquence,
Infirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Compiègne le
16 mars 2016 en toutes ses dispositions.
Rétracte le jugement rendu le 7 octobre 2015 par le tribunal de commerce de Compiègne en ce qu'il a reporté la date de cessation des paiements de la SAS Novamonde Immobilier au 23 janvier 2013.
Condamne la SCP [Z], représentée par maître [A], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Novamonde Immobilier, à payer à M. [J] [G] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Rejette toute autre demande.
Condamne la SCP [Z], représentée par Maître [A], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Novamonde Immobilier aux entiers dépens.
Le greffierLa présidente
Stéphanie HurtrelVéronique Renard
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