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06/06/2019 | FRANCE | N°18/02883

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 2, 06 juin 2019, 18/02883


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 2 SECTION 2



ARRÊT DU 06/06/2019





***





N° de MINUTE : 19/

N° RG 18/02883 - N° Portalis DBVT-V-B7C-RSIE



Jugement (N° 2015J93) rendu le 16 avril 2018 par le tribunal de commerce de Dunkerque





APPELANTE



SAS Ciments Calcia prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 1

]

[Adresse 1]

représentée par Me Isabelle Carlier, avocat au barreau de Douai

assistée de Me Bernard Vatier, avocat au barreau de Paris



INTIMÉE



SAS Arcelor Mittal Atlantique et Lorraine agis...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 06/06/2019

***

N° de MINUTE : 19/

N° RG 18/02883 - N° Portalis DBVT-V-B7C-RSIE

Jugement (N° 2015J93) rendu le 16 avril 2018 par le tribunal de commerce de Dunkerque

APPELANTE

SAS Ciments Calcia prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Isabelle Carlier, avocat au barreau de Douai

assistée de Me Bernard Vatier, avocat au barreau de Paris

INTIMÉE

SAS Arcelor Mittal Atlantique et Lorraine agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 2][Adresse 3]

[Adresse 3]

représentée par Me Bruno Khayat, avocat au barreau de Dunkerque substitué à l'audience par Me Dhorne

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Marie-Laure Dallery, président de chambre

Nadia Cordier, conseiller

Agnès Fallenot, conseiller

---------------------

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Valérie Roelofs

DÉBATS à l'audience publique du 28 mars 2019 après rapport oral de l'affaire par Nadia Cordier

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 06 juin 2019 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Marie-Laure Dallery, président et Valérie Roelofs, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 12 février 2019

***

FAITS ET PROCEDURE

Arcelor Mittal a pour activité la fabrication d'aciers plats au carbone élaborés à partir de fonte produite par les hauts fourneaux (HF), la fabrication d'acier générant la production de laitiers sidérurgiques.

La Société Ciments Calcia a pour activité la production et la commercialisation de ciments, le laitier produit par le haut fourneau n°2 (HF2) après granulation de la veine liquide pouvant être utilisé comme ajout dans la composition de certains ciments.

Le 15 décembre 2005, les parties ont conclu, pour une durée de 15 ans, un contrat dénommé 'contrat de vente de laitier de haut fourneau', prévoyant que le traitement et la valorisation du laitier étaient confiés à [Personne physico-morale 1]Calcia au moyen d'une installation de granulation ainsi que son exploitation.

Il a donc été envisagé les modalités de la vente du laitier liquide (I) - avec notamment un prix de la veine liquide et l'obligation de fournir une quantité de 350 kt par an de laitier -, les opérations de traitement ( II) - avec notamment l'obligation pour [Personne physico-morale 1]Calcia de financer le granulateur (appelé avec son environnement le Moyen), ce dernier devenant indissociable du haut fourneau n° 2 (HF2) et devant faire l'objet par Arcelor Mittal d'un rachat à l'expiration du contrat, et l'obligation de partage équitable des quantités totales d'évitement des gaz à effet de serre résultant de l'utilisation des laitiers -, la logistique de l'enlèvement du produit (III) ainsi que des dispositions générales (IV) - avec notamment la durée du contrat, la clause de sauvegarde ( art20) et la résiliation du contrat.

Plusieurs actions ont été menées par les parties :

- une assignation en date du 22 décembre 2014, par laquelle Arcelor Mittal demande le paiement de factures en suspens pour un montant de 1 798 687, 70 euros TTC, somme portée en cours d'instance à 3 329657, 32 euros,

- une assignation en date du 22 décembre 2014 portant demande en paiement de la somme de 6 504 853 euros au titre d'une créance née du partage de l'évitement des gaz à effet de serre,

- une assignation en date du 4 février 2015, par laquelle il est demandé de constater l'inapplicabilité de la clause de sauvegarde et d'ordonner à [Personne physico-morale 1]Calcia la poursuite du contrat, et subsidiairement en vue de voir condamner cette dernière au paiement d'une somme de 20 286 583 euros en réparation du préjudice né de la résiliation du contrat et de voir fixer le prix du granulateur à 2 500 000 euros, la décision du tribunal de commerce de Dunkerque en date du 20 juillet 2015 qui a rejeté la demande ayant été infirmée par arrêt de la cour de Douai du 25 février 2016 qui a prononcé la résiliation du contrat à effet du 24 mars 2015.

Dans le cadre de l'assignation en date du 22 décembre 2014 concernant la créance née du partage de l'évitement des gaz à effet de serre, le tribunal de commerce de Dunkerque a nommé M. [W] en qualité d'expert, lequel a déposé son rapport le 26 septembre 2016.

Par jugement contradictoire et en premier ressort en date du 16 avril 2018, le tribunal de commerce de Dunkerque a :

- rejeté les demandes d'annulation du rapport d'expertise susvisé, déposé au greffe par M. [V] [W] le 26/09/2016 ;

- vu ledit rapport, rejette la demande de convocation de l'expert en vue d'observations supplémentaires ;

- condamné la société Ciments Calcia à payer à la société Arcelor Mittal Atlantique et Lorraine la somme de 2 601 050 euros pour apurement du compte d'évitement de gaz à effet de serre prévu en leur contrat du 15/12/2005 ;

- rejeté toutes les demandes supplémentaires de part et d'autre dont celles d'indemnités procédurales ;

- Vu l'importance des deux entreprises et leurs capacités financières, dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;

- fait masse des dépens pour être supportée par chacune d'elle pour moitié, incluant ceux du jugement du 20/07/2015 ainsi que le coût de l'expertise judiciaire.

Par déclaration en date du 22 mai 2018, la SAS Ciments Calcia a interjeté appel de la décision, visant l'ensemble des chefs de la décision précitée.

MOYENS ET PRETENTIONS

Par conclusions récapitulatives signifiées par voie électronique en date du 10 octobre 2018, la SAS Ciments Calcia demande à la cour de :

- débouter Arcelor Mittal de son appel incident et sa demande en paiement de la somme de 3 974 482 euros,

- réformer dans toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Dunkerque le 16 avril 2018,

- vu l'article 117 du code de procédure civile,

- annuler le rapport d'expertise,

- vu l'article 9.1 du contrat du 15 décembre 2005 et l'article 1134 ancien du code civil,

- débouter Arcelor Mittal de l'ensemble de ses demandes en paiement de la somme de 6 504 853 euros,

- et faisant droit à la demande reconventionnelle de [Personne physico-morale 1]Calcia,

- constater que la société [Personne physico-morale 1]Calcia est créancière de la société Arcelor Mittal au titre du partage des gaz à effet de serre de la somme de 8 448 844,50 euros,

- condamner Arcelor Mittal au paiement de ladite somme de 8 448 844,5euros,

- subsidiairement,

- condamner Arcelor Mittal au paiement de la somme de 6 670 424,50 euros,

- encore plus subsidiairement,

- désigner tel expert spécialisé dans la fabrication de ciments qu'il plaira à la cour de nommer, avec faculté afin d'évaluer l'impact de l'évitement des gaz à effet de serre et la base d'un partage «équitable » au vu du contrat signé par les parties le

15 décembre 2005, avec faculté de se faire adjoindre un sapiteur pour procéder l'examen des décomptes de l'impact des gaz à effet de serre fournis par les parties et de déterminer,

- à titre infiniment subsidiaire et si par impossible, la cour ne faisait pas droit aux demandes de [Personne physico-morale 1]Calcia,

- constater que la clause 9.1 serait alors une clause de « meilleurs efforts », et que [Personne physico-morale 1]Calcia a fait ses meilleurs efforts pour proposer un partage équitable.

- débouter en conséquence Arcelor Mittal de ses demandes

- en tout état de cause,

- vu l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Arcelor Mittal au paiement de la somme de 80 000 euros,

- condamner la société Arcelor Mittal aux entiers dépens de première instance et d'appel qui comprendront les frais d'expertise.

Sur la demande de nullité du rapport de l'expert,  la société Ciments Calcia fait valoir que:

- l'expert n'a pas répondu aux dires déposés par la société [Personne physico-morale 1]Calcia, en temps utile pourtant, qui visaient à rappeler à ce dernier que c'est au niveau de la fabrication du ciment que doivent être appréciés les avantages de l'évitement des gaz à effet de serre,

- l'expert n'a pas rempli la mission qui lui a été confiée par le jugement du

20 juillet 2016, laquelle ne porte pas sur le gain théorique de CO2 que représente le laitier liquide à la sortie du haut fourneau mais du gain ou de la perte réellement enregistrés en fin de processus d'élaboration du ciment par l'exploitation du laitier granulé,

- l'expert n'a pas procédé à un examen contradictoire des décomptes, soulignant que la société Arcelor Mittal n'a jamais émis d'avis sur les décomptes produits ; l'expert ne pouvait le faire de lui-même,

- cela engendre nécessairement un grief.

Il appartenait à l'expert de solliciter le juge chargé de l'exécution des mesures d'expertise, s'il avait un doute sur l'étendue de sa mission et la société Ciments Calcia estime que :

- le rapport procède tout à la fois d'une interprétation juridique des accords entre les parties (contrat de vente de laitier liquide apprécié à la sortie du haut fourneau) à laquelle l'expert ne peut se livrer en vertu de l'article 238 CPC et d'une interprétation erronée de la mission,

- Arcelor Mittal ne peut lui reprocher de ne pas avoir saisi le juge chargé du contrôle des expertises.

Elle revient sur :

- l'article 9.1 du contrat, clause qui a été dénaturée par le tribunal lequel estime que la base du partage doit s'apprécier à la sortie du haut fourneau, alors que c'est au niveau de l'utilisation de granulé par son emploi aux lieu et place des autres matériaux que s'apprécie la base du partage,

- la position d'Arcelor Mittal qui estime que la clause n'a pas pour objet de partager l'économie globale des opérations de valorisation du laitier mais seulement les gains liés à l'évitement des gaz à effet de serre, créant ainsi un gain théorique à son profit et constituant un engagement léonin pour [Personne physico-morale 1]Calcia,

- l'effondrement imprévisible du cours du CO2.

Elle fait valoir que :

- la cour détient tous les éléments qui permettent d'établir la base du partage équitable prévu par le contrat,

- la société Arcelor Mittal a tiré un avantage considérable de l'exploitation du granulateur,

- la base partageable est négative et Arcelor Mittal a tiré profit de la perte enregistrée par [Personne physico-morale 1]Calcia et est donc débitrice au titre de la clause de partage,

- il est nécessaire de prendre en compte un coefficient de substitution exact qui correspond à la quantité de clinker économisé par tonne de laitier utilisé, tel qu'exposé dans le dire n°3 ou dans les travaux de M. [P], non pris en compte par l'expert judiciaire,

- l'expert n'a pas appliqué la clause de limitation expressément prévue par l'avant-dernier alinéa de la clause 9.1 du contrat, impliquant que l'expert doit vérifier si la valorisation des quotas CO2 économisés n'est pas supérieure au prix d'achat de la veine liquide,

- l'expert a commis deux erreurs :

- une première erreur en rapportant le montant total des coûts à la quantité de laitier humide, et non à la quantité de laitier sec,

- une seconde qui tient dans le fait que son calcul repose sur des hypothèses théoriques, refusant de prendre en compte les coûts réels exposés par [Personne physico-morale 1]Calcia,

- des erreurs sont commises également sur le coût moyen pondéré réel du transport y compris le séchage du laitier,

- la période à prendre en compte pour le calcul du coût de revient du clinker doit être celle fixée par le tribunal, soit la période de 2006 à 2014.

À titre subsidiaire, si la cour retenait un coût au pied du haut fourneau et n'écartait pas le rapport d'expertise, elle soutient que les conclusions de l'expert ne sont pas non plus pertinentes, aux motifs que :

- l'expert n'a pas pris en compte le montant réel des amortissements du granulateur et la quantité théorique exacte qui aurait dû être produite annuellement par le granulateur ( 350 000 tonnes)

- l'expert aurait dû prendre en compte l'intégralité des quantités livrées par Arcelor Mittal en ce compris celles qui ont été rétrocédées à Arcelor ou à des tiers, faute de débouchés.

Encore plus subsidiairement, au cas où la cour ne ferait pas droit aux demandes de [Personne physico-morale 1]Calcia, il échet de constater que la clause est une clause de 'meilleurs efforts', [Personne physico-morale 1]Calcia ayant fait ses meilleurs efforts pour proposer un partage équitable.

Par conclusions récapitulatives signifiées par voie électronique en date du 21 septembre 2018, la société Arcelor Mittal Atlantique Lorraine demande à la cour, au visa de l'article 1134 du Code Civil, (en sa rédaction en vigueur lors de la souscription du contrat), du contrat du 15 décembre 2005, et le jugement du Tribunal de commerce de Dunkerque du 20 juillet 2015, du rapport d'expertise déposé par M. [W] le 23 septembre 2016, de l'article 283 du code de procédure civile :

-convoquer et entendre M. [W], expert judiciaire, pour qu'il présente toutes observations utiles et réponde à toutes questions du Tribunal,

- dire n'y avoir lieu à annulation du rapport,

- subsidiairement,

- dans l'hypothèse où le Tribunal entendrait procéder à l'annulation du rapport d'expertise de M. [W] ou en écarter les conclusions, désigner un nouvel expert et de lui impartir la mission définie par le jugement du 20 juillet 2015,

- en tout état de cause,

- condamner la société Ciments Calcia à payer à la société Arcelor Mittal au titre de l'application de l'article 9.1 du contrat, la somme de 3 974 482 euros,

- débouter la société Ciments Calcia de toutes ses demandes fins et conclusions,

- condamner la société Ciments Calcia à payer à la société Arcelor Mittal Atlantique et Lorraine la somme de 50.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Ciments Calcia aux entiers dépens y compris les frais d'expertise.

Arcelor Mittal revient sur :

- le fonctionnement du haut fourneau n° 2, le laitier de haut fourneau et le contrat conclu le 15 décembre2005,

- la mise en place de quotas de CO2, la société [Personne physico-morale 1]Calcia escomptant vendre des quotas de CO2 générés par l'évitement d'émission de CO2 grâce à la substitution du clinker par le laitier,

- l'article 9.1 du contrat, prévoyant le partage de la quantité de gaz à effet de serre évités par la valorisation du laitier, partage qui doit se faire en équité en fonction d'une comptabilisation des gains transparente par [Personne physico-morale 1]Calcia

- le refus de [Personne physico-morale 1]Calcia d'appliquer amiablement la clause.

Elle soutient que :

- le tribunal a estimé qu'il convenait d'évaluer le volume et le prix des gaz à effet de serre en déterminant le volume des gaz à effet de serre produit par les deux procédés et la quantité de gaz à effet de serre déterminée par un ratio d'évitement,

- [Personne physico-morale 1]Calcia a toujours critiqué le rapport, sans pour autant saisir le juge du contrôle des expertises d'une quelconque difficulté,

- l'expert a répondu aux dires, respecté le contradictoire et rempli sa mission, ayant effectué deux propositions distinctes selon que l'on considère que le gain potentiel de CO2 doit être apprécié à la sortie du haut fourneau ou en fin de processus d'élaboration du ciment, afin de permettre en fonction de l'interprétation du contrat faite par la juridiction d'avoir les deux hypothèses.

Elle conteste chacune des erreurs reprochées à l'expert par [Personne physico-morale 1]Calcia :

- au niveau du ratio de substitution, l'expert ayant retenu le taux d'émission de CO2 édité par l'Union européenne et non un taux de substitution,

- au niveau de l'application de la clause de limitation, estimant que la clause limite l'impact CO2 au prix de la veine de sorte que [Personne physico-morale 1]Calcia ne doive pas payer au total plus de deux fois le prix de la veine liquide,

- au niveau du coût de revient du laitier à la sortie du granulateur, la société [Personne physico-morale 1]Calcia ayant toujours refusé de produire les factures de la société Phoenix assurant la maintenance du granulateur,

- au niveau du coût de transport et de séchage du laitier, l'expert majorant le coût de la veine du prix de la logistique et du séchage,

- au niveau de la période à prendre en compte.

Elle conclut subsidiairement à une nouvelle expertise judiciaire.

Quant à l'interprétation de la clause, elle estime que :

- il ne s'agit pas d'une clause ayant pour objet de partager l'économie globale des opérations de valorisation du laitier ( gain ou perte) mais simplement les gains liés aux évitement de gaz à effet de serre,

- cela justifie la clause de limitation rédigée dans le seul intérêt de [Personne physico-morale 1]Calcia,

- partager les quantités totales d'évitement des gaz à effet de serre ne signifie pas faire une évaluation globale de la rentabilité supposée du laitier par rapport au clinker et partager les bénéfices du contrat dans sa globalité,

- la cour dans son arrêt du 25 février 2016 n'a aucunement jugé qu'il s'agirait d'un contrat de co-entreprise et que devrait être partagés les avantages ou les pertes globales de l'opération.

Sur la proposition de partage formulée par l'expert, Arcelor fait valoir que :

- l'expert a répondu aux différents points de la mission, notant toutefois l'emprise de [Personne physico-morale 1]Calcia sur nombre de données (clinker, transformation du laitier),

- [Personne physico-morale 1]Calcia n'a pas communiqué les chiffres réels de ses coûts de production

( minorant les coûts du clinker, alourdissant les coûts du traitement du laitier),

- la proposition de décompte de l'expert (déduisant une perte liée au mauvais retour sur investissement résultant de l'arrêt du haut fourneaux n°2 et à la rupture des livraisons de laitiers liquides au cours de l'année 2009 et 4 mois au cours de l'année 2010) ne tient pas compte de l'indemnisation d'ores et déjà effectuée par Arcelor sur ce point ( 2 151 031 euros),

- la valorisation appréciée en fin de processus d'élaboration du ciment à la demande de [Personne physico-morale 1]Calcia n'est pas pertinente puisque la rentabilité dépend exclusivement des décisions prises par [Personne physico-morale 1]Calcia lors de son propre processus d'élaboration.

Sur la demande reconventionnelle de [Personne physico-morale 1]Calcia, elle souligne que :

- [Personne physico-morale 1]Calcia envisage un bénéfice supplémentaire en cas d'utilisation du clinker chiffrée à 20 000 000 euros, hypothèse qui n'a nullement été validée par l'expert,

- la notion d'équité ne répond à aucune définition et [Personne physico-morale 1]Calcia convient qu'elle doit conduire à un partage par moitié,

- [Personne physico-morale 1]Calcia, bien qu'elle ait résilié le contrat de 2005 poursuit l'achat de laitier granulé issu du haut fourneau n° 2 au prix CO2 inclus de 20 euros la tonne.

MOTIVATION

I - Sur le rapport d'expertise judiciaire de M. [W]

1.Sur la demande de nullité du rapport d'expertise présentée par la société Ciments Calcia

a) pour défaut de réponses aux dires et non respect du contradictoire

En vertu des dispositions de l'article 16 du code de procédure civile, le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

L'article 276 du code de procédure civile dispose que l'expert doit prendre en considération les observations des parties, et lorsqu'elles sont écrites, les joindre dans son avis si les parties le demandent. Toutefois lorsque l'expert a fixé un délai pour formuler leurs observations ou réclamations, il n'est pas tenu de prendre en compte celles qui auraient été faites après l'expiration de ce délai, à moins qu'il n'existe une cause grave et dûment justifiée, auquel cas il en fait rapport au juge. Lorsqu'elles sont écrites, les dernières observations ou réclamations des parties doivent rappeler sommairement le contenu de celles qu'elles ont présentées antérieurement. À défaut elles sont réputées abandonnées par les parties.

L'expert doit faire mention, dans son avis, de la suite qu'il aura donnée aux observations et réclamations présentées.

L'inobservation des formalités prescrites par le texte précité, ayant un caractère substantiel, n'entraîne la nullité qu'à charge pour la partie qui l'invoque de prouver le grief que lui cause cette irrégularité.

Tel n'est pas le cas si l'expert a implicitement répondu dans son rapport aux dires qu'il a omis de mentionner.

La société Ciments Calcia sollicite la nullité du rapport d'expertise sur deux fondements : la violation des dispositions de l'article 276 précité et le non respect du contradictoire, l'expert n'ayant pas procédé à un examen contradictoire des décomptes et ayant développé lui même une argumentation s'opposant aux demandes de la société Ciments Calcia, alors qu'aucun dire argumenté n'était établi par la société Arcelor Mittal.

Cinq dires ont été déposés en temps utile par la société Ciments Calcia en date des 15 octobre 2015, 3 novembre 2015, 2 février 2016, 18 mai 2016, et 26 juillet 2016.

Les dires n°3 et 4 ont donné lieu à une note en réponse de l'expert en date du

27 mai 2016 et le dire n° 5 a été suivi d'une note explicative de l'expert en date du

5 septembre 2016.

Les termes du dire 3 de la société Ciments Calcia mettent en évidence qu'une note et le pré-rapport ont répondu aux dires 1 et 2.

La société Arcelor Mittal quant à elle a formalisé 4 dires, qui ont donné lieu à deux notes formalisées par l'expert en réponse.

Il ressort clairement des échanges entre les parties, joints en annexe du rapport, que l'expert a pris la précaution de répondre à chacun des dires des parties, soit par le biais de notes explicatives spécifiques, soit dans le cadre des notes faisant suite aux réunions d'expertise, comme le reconnaît d'ailleurs Ciments Calcia[Personne physico-morale 1] dans son dire n° 3 qui conteste les réponses données par l'expert dans sa note du 14 novembre 2015, ayant intégré les premiers dires de [Personne physico-morale 1]Calcia.

Dans son rapport auquel sont annexés les dires et leurs réponses, l'expert a tenu compte, à tout le moins implicitement voire expressément des remarques faites par les parties, y accordant une réponse, ou explicitant son défaut de réponse par les contours et la nature de sa mission.

Le fait que l'analyse de l'expert ne reprenne pas la solution proposée par la société Ciments Calcia ou élève des contradictions aux propositions effectuées par la société Ciments Calcia, démontre les échanges ayant pu exister entre l'expert et les parties en vue de faire progresser la recherche et améliorer la réponse à la mission confiée à l'expert, qui consiste en son avis et non en un assentiment à la thèse de la partie, sans qu'il ne constitue un défaut de réponse aux dires voire un défaut de réserve de l'expert ou un non respect du principe de la contradiction, sous entendant une connivence avec la partie adverse, de sa part.

La société Ciments Calcia n'est pas fondée à reprocher à l'expert le refus de la société Arcelor Mittal de donner suite à sa demande, que l'expert a relayée, comme le démontre notamment le dire n°4 d'Arcelor, de communication des contrats ou de ses décomptes, alors qu'elle aurait parfaitement pu, saisir de la difficulté le juge chargé du contrôle des expertises.

Le défaut de réponse apportée par Arcelor Mittal aux décomptes produits par la société Ciments Calcia en cours d'expertise ne peut être reproché à l'expert, qui n'est pas comptable d'une éventuelle obstruction faite par une partie aux échanges, la mission lui permettant d'ailleurs de passer outre le défaut de remise des informations, sans qu'il soit nécessaire de recourir aux dispositions de l'article 275 du code de procédure civile.

Il ne peut enfin être fait grief à l'expert de ne pas avoir analysé de façon détaillée les décomptes de la société Ciments Calcia, les notes en réponse aux dires et l'expertise se référant au contenu des rapports de M. [P] et Sorgem, que l'expert a discuté. À aucun moment l'expert n'a écarté lesdits documents comme le soutient dans ses écritures la société Ciments Calcia.

Ce grief, visant à reprocher à l'expert à la fois un défaut de réponse et une contradiction apportée uniquement par lui-même et non par Arcelor Mittal aux éléments produits par la société Ciments Calcia, n'est pas établi.

b) pour non-respect de la mission d'expertise

En vertu des dispositions de l'article 238 du code de procédure civile, le technicien doit donner son avis sur les points pour l'examen duquel il a été commis. Il ne peut répondre à d'autres questions, sauf accord écrit des parties. Il ne doit jamais porté d'appréciation juridique.

La société Ciments Calcia reproche à l'expert de ne pas s'être conformé à la mission dévolue, sans avoir fait usage de l'article 279 du code de procédure civile.

Ce grief ne saurait être fondé, le plan même adopté par l'expert démontrant qu'il a respecté les grands axes dessinés par la mission d'expertise, tout en tentant de circonscrire le débat que les parties entamaient devant lui sur l'interprétation des stipulations contractuelles.

Ainsi, a t-il apporté une réponse aux deux questions techniques expressément fixées par la mission qui constituent les deux premiers titres de son rapport (les volumes de gaz évités et les avantages financiers), le troisième titre étant consacré à la proposition d'établissement d'un décompte qui lui était demandé. L'expert était invité à faire 'ses propres observations' sur les avantages financiers évoqués par les parties.

La Société Ciments Calcia ne peut se retrancher derrière les motifs du jugement lesquels n'ont pas autorité de la chose jugée pour estimer que l'expert s'étant éloigné de la définition y figurant, n' a pas respecté sa mission.

C'est avec raison que l'expert, au vu des divergences d'interprétation de la clause existant entre les parties, a relevé 'la question fondamentale est de savoir si le gain de CO2 s'apprécie uniquement sur le potentiel gain de CO2 qu'apporte le laitier liquide à la sortie du haut fourneau ou si le gain CO2 s'apprécie en fin de processus lors de la fabrication des ciments dans toutes leurs diversités, en intégrant les coûts de granulation et de logistique. Établir une proposition de décompte nécessite une interprétation claire du point 9-1 du contrat', et a refusé de se positionner sur cette question, faisant choix d'offrir deux propositions et plusieurs hypothèses, pour les soumettre à la sagacité du juge.

Ce grief n'est donc pas établi, étant observé qu'aucune disposition ne sanctionne de nullité l'inobservation des obligations imposées par l'article 238 du code de procédure civile au technicien commis, le juge disposant d'un pouvoir souverain pour apprécier la portée du rapport d'expertise.

c) sur les erreurs commises par l'expert

Sous ce vocable, la société [Personne physico-morale 1]Calcia estime que le prix du marché du laitier granulé inclut nécessairement la valorisation du CO2 et qu'il n'y a pas eu d'examen de l'avantage financier retiré par Arcelor Mittal.

Ces critiques relèvent de constatations sur le fond du dossier et ne constituent en rien une cause de nullité de l'expertise.

Tout au plus ces critiques, à les supposer fondées, peuvent-elles aboutir à nuancer la portée à donner au rapport de l'expert et doivent être prises en compte dans l'appréciation faite par la juridiction des différents éléments offerts pour trancher le litige, l'expertise judiciaire n'étant qu'un élément parmi d'autres.

2.Sur la demande subsidiaire formulée par Arcelor Mittal de nouvelle expertise voire de convocation de l'expert

Aucune nullité du rapport d'expertise judiciaire présentée par la société Ciments Calcia n'étant accueillie, la demande de nomination d'un nouvel expert à titre subsidiaire présentée par la société Arcelor Mittal doit être rejetée.

En tenant compte de l'expertise judiciaire de M. [W], des différents rapports transmis par la société Ciments Calcia émanant de M. [P], de la Sorgem, des rapports et documents émanant d'Arcelor Mittal, notamment le rapport Ecofys présent dans les annexes du rapport d'expertise, la cour dispose de suffisamment d'éléments pour trancher le litige, sans qu'il soit nécessaire ni de recourir à un nouvel expert ni de procéder à la convocation de l'expert [W] à l'audience conformément aux dispositions de l'article 283 du code de procédure civile.

II - Sur la clause et son application

1.Sur l'interprétation de la clause

'En vertu des dispositions de l'article 1134 ancien du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

Conformément aux dispositions de l'article 1156 du code civil, il convient de rechercher quelle a été la commune intention des parties contractantes, plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes.

Sans dénaturer les obligations qui résultent des termes clairs et précis d'une convention, et sans modifier les stipulations qu'elle renferme, il appartient au juge également de rechercher la commune intention dans tout comportement ultérieur de nature à la manifester.

Dans le cadre du contrat conclu 15 décembre 2005, dénommé 'contrat de vente de laitier de haut fourneau', l'article 9.1, relatif à l'installation de traitement, au sein de la section II Opération de traitement par le client stipule que : 'les parties conviennent que la quantité totale d'évitement des gaz à effet de serre résultant de l'utilisation des laitiers de haut-fourneau en application du présent contrat en lieu et place d'autres matériaux devra faire l'objet d'une comptabilisation et d'un partage équitable entre les parties, dans le respect des dispositions législatives et réglementaires applicables en la matière, au moment considéré, tant au niveau national qu'européen.

Les parties conviennent de se réunir au plus tard le 31 décembre 2009 afin de déterminer les quantités et ratios ( c'est à dire le taux de substitution) et d'arriver à un accord pour le 30 juin 2010.

Il est convenu dès à présent que l'impact maximum jusqu'en décembre 2012 de cette clause sur le prix de revient du laitier granulé sorti du granulateur est limité au prix maximal de référence de la veine liquide de chaque année telle que défini à l'article 2 de l'annexe 1 du présent contrat.'

'La société Ciments Calcia ne saurait brandir les motifs du jugement avant dire droit selon lesquels ' un partage équitable de l'évitement des gaz à effet de serre suppose que le prix et le volume évités soient d'abord évalués, donc la baisse de volume de clincker permise selon le volume effectivement livré de laitier ce au regard des gaz émis dans chacun des deux procédés de ces deux procédés de fabrication de ciment selon leur coût respectif pour aboutir à des produits de qualité équivalente' , pour estimer tranchée la question de l'interprétation de la clause en la faveur d'une appréciation en fin de processus lors de la fabrication des ciments pour partager les résultats de l'opération entre les parties.

À supposer que ces derniers puissent avoir le sens que leur confère la société Ciments Calcia, lesdits motifs ne disposent d'aucune autorité de la chose jugée.

Il en est de même des motifs de l'arrêt du 25 février 2016 qualifiant le contrat litigieux de 'contrat sui généris, comportant des obligations multiples, complexes et réciproques, ' l'économie globale s'entend[ant] dans la vente à [Personne physico-morale 1]Calcia de laitier liquide, produit par Arcelor, pour après traitement et valorisation de ce dernier à l'aide d'un investissement effectué par [Personne physico-morale 1]Calcia sur le site d'Arcelor, obtenir un ajout à sa gamme cimentière, dans le cadre d'un partenariat et en vue de bénéficier d'un partage des économies de CO² réalisés, par le biais de cette opération', sans d'ailleurs qu'ils puissent raisonnablement en être extrapolé que devaient être envisagés les pertes ou le gains réellement enregistrés en fin de processus d'élaboration du ciment par l'exploitation du laitier granulé.

'L'application des règles supplétives d'interprétation des conventions est mise à mal en l'espèce par les parties, faute pour elles d'offrir à la cour la matière suffisante pour dessiner leur commune intention, notamment par la communication des discussions et négociations avant la conclusion du contrat, voire lors des rapprochements en vue de mettre en oeuvre la clause litigieuse, échanges qui n'ont pas manqué d'exister au vu de l'ampleur de la convention souscrite ainsi que de l'importance des investissements tant financiers que sur la durée.

Il ne peut pas plus être recouru à l'article 1162 ancien du code civil, puisque la convention comprend des obligations multiples, complexes et réciproques de chacune des parties et l'article 9-1 de la convention n'édictant aucune obligation en faveur ou à l'encontre de quiconque mais prévoyant une comptabilisation et un partage de la quantité totale d'évitement des gaz à effet de serre.

Quand bien même ce contrat ne se réduirait pas à une simple vente, il ne saurait être lu comme instituant une véritable société en participation entre les parties comme le sous-entend la société Ciments Calcia.

'D'un examen attentif de la clause litigieuse, au vu des éléments lapidaires transmis par les parties, lesquelles pourtant appellent de leur voeux une interprétation de cette dernière, on peut retenir que :

- la clause envisage uniquement la comptabilisation et le partage ' des quantités d'évitement des gaz à effet de serre',

- l'emploi du terme 'quantité d'évitement des gaz à effet de serre résultant de l'utilisation du laitier de haut fourneaux' renvoie à une notion de volume et de matière, et non à une notion économique ,

- la référence à'l'utilisation des laitiers de hauts fourneaux en application du présent contrat au lieu et place d'autres matériaux' n'est effectuée que pour préciser le contexte dans lequel est obtenu la quantité de gaz à effet de serre à partager,

- elle ne saurait être interprétée comme se référant à la fabrication du ciment et comme renvoyant au terme du processus de fabrication et d'élaboration de la gamme cimentière,

- n'est pas évoquée la rentabilité globale de l'opération qui nécessiterait une évaluation globale de la rentabilité du laitier par rapport au clinker en fin de processus de fabrication de la gamme cimentière, correspondant aux gains ou aux pertes effectifs de la partie concernée,

- la structure même de l'article 9-1 et la temporalité prévue par cette disposition permettent d'écarter cette thèse développée par la société Ciments Calcia,

- aucun élément ne vient plaider en faveur d'un 'ratio' établi en fonction de la production réelle et des coûts réels, puisqu'au contraire le mécanisme prévu par la clause prévoit un rapprochement unique des parties en 2009 pour parvenir à un accord avant fin juin 2010, tandis que le contrat est prévu pour une durée de 15 ans,

- ce taux arrêté une fois pour toute, et non à une périodicité régulière, après un nouveau processus tel que celui envisagé par la disposition en 2009-2010, est nécessairement déconnecté de la réalité de la production et des gains et pertes de l'une ou l'autre des parties,

- cela est d'ailleurs confirmé par les dispositions finales de l'article qui prévoit une clause de limitation, en tout cas jusqu'en décembre 2012, puis à compter de décembre 2013, une prise en compte de l'impact rentrant de plein droit dans la clause de sauvegarde de l'article 20 de la convention.

Il s'ensuit qu'au vu des termes employés dans la clause litigieuse, le gain de CO2 s'apprécie uniquement sur le potentiel gain de CO2 qu'apporte le laitier liquide à la sortie du haut fourneau et non en fin de processus lors de la fabrication des ciments dans toutes leurs diversités en intégrant les coût de la granulation et logistique du laitier granulé.

Avec contradiction, la société Ciments Calcia appelle de ses voeux une prise en compte réelle des coûts supportés, sans avoir fourni tant devant l'expert judiciaire que devant la cour, l'ensemble des éléments nécessaires pour étayer sa thèse, comme cela a pu être déploré en raison de l'absence de transmission des factures de la société Phoenix pour évaluer précisément le coût de revient du laitier à la sortie du granulateur

' Ainsi, doit être déterminée la quantité de gaz à effet de serre en volume produit par le laitier et la quantité de gaz à effet de serre en volume produit par l'utilisation du clinker pour établir des ratio de substitution, et pouvoir ainsi déterminer la quantité totale des évitements en fonction des tonnes de laitiers facturées, en la valorisant au prix de la tonne de CO² après application de la clause de limitation, afin d'effectuer ensuite le partage convenu.

Dans le cadre de son rapport, l'expert a déterminé les volumes réellement exploités par la société Ciments Calcia en tonne de laitier humide, aboutissant à un total pour la période de 2006 à 2014 de 1. 395.179,07.

En effet, l'évaluation des quantités de laitier granulé à prendre en compte, au vu de la rédaction même de la clause, devait nécessairement se faire sans tenir compte des quantités rétrocédées à la société Arcelor Mittal ou à des tiers faute de débouchés, ces quantités n'étant pas utilisées par la société Ciments Calcia elle-même au lieu et place du clincker.

Les critiques de la société Ciments Calcia relative à une non prise en compte d'un taux d'humidité ne sont aucunement fondées, l'expert ayant appliqué un taux d'humidité moyen, fixé à 0,09603 pour déterminer explicitement les volumes de laitiers secs et calculer leur équivalence en volume de CO2 comme cela ressort du tableau

n° 4 du rapport en page 09/28.

En effet, après avoir rappelé qu'une tonne de clinker génère entre 890 et 835 kg de CO2 pour son élaboration et précisé retenir le coefficient spécifié dans le journal officiel de l'Union européenne pour le clincker de ciments gris, soit 0,766 de CO2 par tonne produite, l'expert a pu retenir que les 1.264.440 tonnes de laitier granulé sec résultant des 1. 395.179,07 tonnes de laitier humide avaient donné lieu à des gains CO2 en remplacement du clincker par le laitier, au vu du coefficient retenu de 0,766, de

968 561,1781 tonnes de gains CO2.

La Société Ciments Calcia ne peut pas, au vu des termes de la clause, particulièrement généraux et correspondant à une approche in abstrato et non in concreto, exiger que le coefficient de substitution soit obtenu en faisant le ratio de la somme des pourcentages de substitution pour chaque ciment par rapport à la production nominale.

À juste titre, l'expert note une multitude de combinaisons possibles et de substitutions des différents composants qui permettent de remplacer le laitier par le clinker et aussi par d'autres produits, ce que concèdent les deux protagonistes.

L'application du coefficient 0,766 permet de retenir une donnée objective au niveau européen, ne dépendant pas des choix stratégiques et conjoncturels aux mains d'une seule partie, ce taux étant en outre très proche de celui initialement proposé par [Personne physico-morale 1]Calcia et ses experts, notamment le taux de (0,89x0,87), soit 0,7743 repris par Sorgem.

'Les deux derniers aliénas de l'article 9-1 de la convention sont expressément consacrés à la clause de limitation, les parties s'opposant là encore sur le sens à donner à ladite clause laquelle stipule que' il est prévu dès à présent que l'impact maximum jusqu'en décembre 2012 de cette clause sur le prix de revient du laitier granulé sorti du granulateur est limité au prix minimal de référence de la veine liquide de chaque année tel que défini à l'article 2 de l'annexe 1 du présent contrat'

Le contenu lapidaire de la stipulation contractuelle, accentuée par l'absence de communication d'éléments pré-contractuels permettant de déterminer la commune intention des parties, et la lecture opposée que les parties font de la clause nécessite que cette dernière soit interprétée.

Toutefois, au vu de la place de ladite clause dans l'architecture de l'article, la thèse de la société Ciments Calcia tendant à dire que la limitation à retenir est égale au produit de la quantité de veine liquide achetée (et non pas la quantité de quotas de CO2 économisés) par le prix de la veine liquide n'est pas opportune, la limitation ne pouvant se référer qu'à la quantité totale des gaz à effet de serre évoquée juste à l'alinéa précédent.

La lecture que fait l'expert, suivie en cela par la société Arcelor Mittal, tendant à multiplier la quantité de quotas CO2 par deux fois le prix de la veine liquide, ne correspond pas plus à la lettre de la clause précitée et des prévisions contractuelles des parties telles qu'elles peuvent être extraites de cette clause.

En effet, cette clause, qui a pour objectif de limiter l'impact du CO2, ne peut être lue que comme la mise en oeuvre d'un plafond des gains de CO2 partageables au prix de la veine liquide multiplié par la quantité évitée, et ce jusqu'en décembre 2012, dès lors que le prix spot CO2 au mois en euros est supérieur au prix minimal de référence de la veine liquide sans bonification, dont les valeurs sont dressées dans le tableau en annexe 1 à la convention.

Dès lors au vu des éléments ci-dessus, détaillés, la multiplication des volumes exploités par [Personne physico-morale 1]Calcia par le prix spot CO2, après application de la clause de limitation et référence au prix minimal de référence de la veine liquide sans bonification en cas de prix Spot CO2 supérieur à ce dernier conduit à un prix total avec clause de limitation de 4.359.129,733 euros se décomposant comme suit :

01

02

03

04

05

06

07

08

09

10

11

12

2006

31.479,

585

114.326,

41

141.911,

525

129.786,

118

956.496,

90

513.000,583

2007

3.631,

15

26,812,

46

15.085,

53

5.647,

885

3.868,

895

2.549,

21

1.636,

611

1.459,

508

1.427,

268

1.446,

508

1.292,

502

999,

8286

98.510,3518

2008

136.101,

2245

113.934,269

110.098,

7725

124.944,

4275

16.966,

4234

128.643,

5965

134.923,

13

106.877,

0305

133.565,795

90.844,

701

1.187.744,091

2009

2010

120.834,

5145

136.133,

6865

141.237,

747

123.585,

4725

521.791,4205

2011

33.796,

5753

145.895,1717

162.372,2608

165.444,9995

155.468,1937

133.712,5436

137.059,1649

142.607,0665

124.523,7748

1.200.879,751

2012

129.168,7

66.555,

76

142.536,9

152.112,4

148.366,9

131.611,1

141.422,3

81.356,

17

993.130,3185

2013

7.879,

444

53.930,

21

56.607,

74

3.587,

7

40.173,

75

51.951,

99

63.770,

28

57.245,

20

62.403,

17

52.159,

24

69.809,

63

66.839,

78

618.158,1197

2014

106.744,

8

56.232,

82

131.937,

5

294.915,0979

4.359.129,733

'Les parties s'accordent désormais sur le sens à donner à la notion de 'partage équitable' puisque tant la société Ciments Calcia que la société Arcelor Mittal sollicitent que la moitié du bénéfice ( réalisé pour Arcelor ou non réalisé pour [Personne physico-morale 1]Calcia) soit divisée par deux.

Il n'y a pas lieu de déduire de la masse précitée, avant partage par moitié d' un montant de 2.746.847,00 euros sur la période, correspondant selon l'expert aux pertes liées au mauvais retour sur investissement résultant de l'arrêt du haut-fourneaux n°2 et à la rupture des livraisons de laitiers liquides au cours de l'année 2009 et des 4 mois de 2010.

En effet cette absence de livraison a d'ores et déjà fait l'objet d'une indemnisation par Arcelor qui a accepté de régler à la société Ciments Calcia une facture intitulée 'surcoût arrêts prolongé du HF2" pour un montant de 2.151.031,00 euros et la société Ciments Calcia n'apportant pas la preuve d'un préjudice supplémentaire lié sur cette période à l'absence de retour sur investissements.

C'est donc bien la somme précitée de 4.359.129,733 euros qui doit être partagée par moitié, la société Ciments Calcia devant être condamnée à payer à la société Arcelor Mittal la somme de 2.179.564, 867 euros.

La décision de première instance est donc infirmée en ce qu'elle a condamné la société Ciments Calcia à payer la somme de 2.601.050,00 euros pour apurement du compte d'évitement de gaz à effet de serre prévue en leur contrat du 15 décembre 2015.

La demande reconventionnelle de la société Ciments Calcia visant à condamner Arcelor Mittal à lui payer la somme de 8.448.844, 50 euros, voire 6.670.424, 50 euros, ne peut qu'être rejetée.

La décision est donc confirmée en ce qu'elle a rejeté les demandes supplémentaires de part et d'autre.

Il en est de même de la demande à titre infiniment subsidiaire de la société Ciments Calcia, visant à voir constater que la clause 9-1 serait une clause de 'meilleurs efforts', étant observé que présenter une telle demande à titre subsidiaire n'a que peu de sens et que la lecture même de la clause conduit à écarter cette notion, s'agissant d'une clause contraignante visant à régir et encadrer les relations entre les parties et non à énoncer une pure obligation de bonne foi renforcée et de moyens, quand bien même les parties auraient laissé ouverte à la négociation des variables permettant l'application de la clause.

III - Sur les dépens et accessoires

En application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, chacune des parties succombant en leurs prétentions, il convient de faire masse des dépens et de les partager par moitié.

Les chefs du jugement déféré sont donc confirmés sur les dépens et l'indemnité procédurale.

Au vu de la situation de chacune des parties, des relations contractuelles complexes les unissant et du sens du présent arrêt, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code procédure civile, en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

INFIRME le jugement en ce qu'il a condamné la société Ciments Calcia à payer à la société Arcelor Mittal Atlantique et Lorraine la somme de 2.601.050,00 euros pour apurement du compte d'évitement de gaz à effet de serre prévu en leur contrat du 15 décembre 2005 ;

Statuant à nouveau de ce chef ;

CONDAMNE la société Ciments Calcia à payer à la société Arcelor Mittal Atlantique et Lorraine la somme de 2.179.564, 867 euros au titre du partage de l'évitement des gaz à effet de serre ;

CONFIRME le jugement pour le surplus ;

Y ajoutant,

DEBOUTE la société Ciments Calcia de sa demande à titre infiniment subsidiaire visant à qualifier la clause de ' meilleurs efforts' et à débouter Arcelor Mittal Lorraine Atlantique de sa demande ;

DIT n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

FAIT MASSE des dépens et LES PARTAGE par moitié ;

CONDAMNE chacune des parties à payer la moitié des dépens.

Le greffierLe président

V. RoelofsML.DalleryRoelofsML.Dallery


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 2 section 2
Numéro d'arrêt : 18/02883
Date de la décision : 06/06/2019

Références :

Cour d'appel de Douai 22, arrêt n°18/02883 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-06-06;18.02883 ?
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