La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/05/2019 | FRANCE | N°17/06428

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 2, 23 mai 2019, 17/06428


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 2



ARRÊT DU 23/05/2019



***





N° de MINUTE :

N° RG 17/06428 - N° Portalis DBVT-V-B7B-REJU



Jugement (N° 16/02125)

rendu le 17 octobre 2017 par le tribunal de grande instance de Lille





APPELANTE

SARL FD Automobiles prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social

[Adresse 1]

[Adresse 1]



reprÃ

©sentée par Me Isabelle Carlier, avocat au barreau de Douai

assistée de Me Philippe Talleux, avocat au barreau de Lille





INTIMÉE

SCI Frf2 Khepri 1, prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son ...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 2

ARRÊT DU 23/05/2019

***

N° de MINUTE :

N° RG 17/06428 - N° Portalis DBVT-V-B7B-REJU

Jugement (N° 16/02125)

rendu le 17 octobre 2017 par le tribunal de grande instance de Lille

APPELANTE

SARL FD Automobiles prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Isabelle Carlier, avocat au barreau de Douai

assistée de Me Philippe Talleux, avocat au barreau de Lille

INTIMÉE

SCI Frf2 Khepri 1, prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée et assistée par Me Jean-Pierre Vandamme, avocat au barreau de Lille,

assistée de Me Bertrand Thouny, membre de la SELARL Reinhart Marville Torre, avocat au barreau de Paris, substitué à l'audience par Me Xavier N'guyen, avocat au barreau de Paris

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Fabienne Bonnemaison, président de chambre

Sophie Tuffreau, conseiller

Jean-François Le Pouliquen, conseiller

---------------------

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe

DÉBATS à l'audience publique du 25 février 2019 après rapport oral de l'affaire par Sophie Tuffreau.

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 23 mai 2019 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Mme Fabienne Bonnemaison, président, et Anne-Cécile Maes, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 25 janvier 2019

***

Vu le jugement du tribunal de grande instance de Lille du 17 octobre 2017 ;

Vu la déclaration d'appel de la société FD Automobiles reçue au greffe de la cour d'appel de ce siège le 2 novembre 2017 ;

Vu les conclusions de la société Frf2 - Khepri 1 déposées au greffe le 14 janvier 2019 ;

Vu les conclusions de la société FD Automobiles déposées au greffe le 24 janvier 2019 ;

Vu l'ordonnance de clôture prise le 25 janvier 2019 ;

Vu les conclusions de la société FD Automobiles déposées au greffe le 4 février 2019 ;

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte notarié du 17 juillet 1986, la SNC Continent hypermarchés a consenti à la société financière LocaBanque un bail à construction sur un terrain situé à [Localité 1] et dépendant du centre commercial Continent.

Ce bail, stipulé sur 30 ans à compter du 6 mars 1986, oblige le preneur à construire un bâtiment de 600 m² destiné à être exploité comme centre automobile. Il prévoit également que le preneur doit conserver en bon état d'entretien les constructions édifiées et les aménagements et qu'il doit faire les réparations de toute nature, y compris des grosses réparations de l'article 606 du code civil.

Ce contrat prévoit par ailleurs l'engagement du bailleur d'accorder préférentiellement au preneur, à l'expiration du bail, un contrat de location sur les terrains et bâtiments.

Par acte notarié du 28 février 2014, la SCA Klemurs, venant aux droits de la société Continent, a cédé l'immeuble à la SCI Frf2 - Khepri 1.

Par courrier du 7 juillet 2014, la SCI Frf2 - Khepri 1 a demandé au preneur en place, la société FD Automobiles, de réaliser des travaux de toiture, bardage, exutoire, descente d'eaux et dépollution, pris acte de la volonté du preneur de les exécuter et indiqué qu'elle enverrait, à titre de simples pourparlers, un projet de promesse de nouveau bail.

Par acte d'huissier du 2 février 2016, la société Frf2 - Khepri 1 a fait délivrer à la société FD Automobiles un commandement visant la clause résolutoire exigeant le respect de l'article VII du bail et la remise en état du bâtiment, outre la justification de ce que le site n'est pas pollué.

Par acte d'huissier du 29 février 2016, la société FD Automobiles a fait assigner la société Frf2 - Khepri 1 devant le tribunal de grande instance de Lille afin de s'opposer au commandement et subsidiairement obtenir la suspension de la clause résolutoire.

Par acte d'huissier du 9 mai 2016, la société FD Automobiles a fait assigner la société Frf2 - Khepri 1 devant le tribunal de grande instance de Lille afin d'obtenir la conclusion d'un bail commercial sous astreinte.

Par ordonnance du 18 janvier 2017, le juge de la mise en état a prononcé la jonction des deux instances.

Par jugement du 17 octobre 2017, le tribunal de grande instance de Lille a :

' rejeté l'opposition au commandement du 2 février 2016

' dit que les conditions d'acquisition de la clause de résiliation de plein droit insérée au bail à construction du 17 juillet 1986 sont réunies

' constaté que le bail à construction du 17 juillet 1986 est résilié au 3 mars 2016

' rejeté la demande de délais d'exécution avec suspension des effets de la clause résolutoire

' rejeté la demande tendant à faire reconnaître à la société FD Automobiles un droit au maintien dans les lieux

' dit qu'à défaut de départ volontaire de la société FD Automobiles et de tous occupants de son fait, il pourra être procédé à leur expulsion du local litigieux dans les formes, conditions et délais prévus au code des procédures civiles d'exécution

' condamné la société FD Automobiles à payer à la société Frf2 - Khepri 1 une indemnité d'occupation d'un montant de 192 euros HT par jour à compter du 3 mars 2016 et jusqu'à libération effective des lieux

' rappelé que les sommes effectivement payées à compter du 3 mars 2016 par la société FD Automobiles devront être déduites de la créance indemnité d'occupation

' condamné la société FD Automobiles à payer à la société Frf2 - Khepri 1 la somme de 102 379 euros HT, TVA en sus, à titre de dommages et intérêts réparant l'inexécution de l'obligation d'entretien et de réparation de l'immeuble

' rejeté toutes les demandes d'astreinte

' condamné la société FD Automobiles à payer à la société Frf2 - Khepri 1 la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

' dit n'y avoir lieu à aucune autre condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile

' condamné la société FD Automobiles à supporter les dépens de l'instance

' dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire du jugement.

Par déclaration reçue au greffe le 2 novembre 2017, la société FD Automobiles a interjeté appel de cette décision.

*

* *

Dans ses dernières conclusions déposées au greffe le 24 janvier 2019, la société FD Automobiles demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

À titre principal, elle demande à la cour de :

' déclarer recevable son opposition au commandement du 2 février 2016, juger qu'il est infondé et irrégulier et débouter en conséquence la société Frf2 - Khepri 1 de l'ensemble de ses demandes

' condamner la société Frf2 - Khepri 1 à conclure avec la société FD Automobiles un bail commercial avec effet au 5 mars 2016, aux clauses et conditions prévues au bail à construction du 17 juillet 1986, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, à compter de la décision à intervenir

À titre subsidiaire, elle demande à la cour de lui accorder les plus larges délais pour se mettre en conformité et suspendre l'acquisition de la clause résolutoire.

À titre infiniment subsidiaire, elle demande à la cour d'effectuer une compensation entre le coût des travaux de remise en état chiffré par les premiers juges avec les travaux qu'elle a réalisés postérieurement au jugement.

En tout état de cause, elle sollicite la condamnation de la société Frf2 - Khepri 1 à lui payer la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles, outre sa condamnation aux dépens.

Enfin, sur l'appel incident de la société Frf2 - Khepri 1, elle demande à la cour de rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions du bailleur.

Dans ses dernières conclusions déposées au greffe le 14 janvier 2019, la société Frf2 - Khepri 1 demande à la cour, à titre principal, de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a :

' fixé l'indemnité d'occupation due par la société FD Automobiles à la somme de 192 euros HT par jour à compter du 3 mars 2016 jusqu'à la libération effective des lieux

' fixé le montant des dommages et intérêts dus par la société FD Automobiles au titre de l'inexécution de l'obligation d'entretien et de réparation du bâtiment à la somme de 102 379 euros HT

' rejeté toutes les demandes d'astreinte

Statuant à nouveau, elle demande à la cour de :

' condamner la société FD Automobiles à lui verser la somme de 204 828,96 euros HT correspondant au coût des travaux de remise en état du bâtiment, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard

' condamner la société FD Automobiles à lui payer une indemnité d'occupation journalière de 273 euros hors taxes et hors charges, depuis la résiliation du bail jusqu'au départ effectif de cette dernière, sous déduction des sommes d'ores et déjà versées

À titre subsidiaire, elle demande à la cour de constater que le contrat de bail à construction a pris fin le 5 mars 2016 et que la société FD Automobiles ne justifie d'aucun droit au maintien dans les lieux et par conséquent de :

' ordonner l'expulsion de la société FD Automobiles sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard

' condamner la société FD Automobiles à lui verser la somme, à parfaire, de 204 828,96 euros HT correspondant au coût des travaux de remise en état du bâtiment, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard

' condamner la société FD Automobiles au paiement d'une indemnité d'occupation journalière de 273 euros hors taxes et hors charges, depuis l'expiration du bail à construction jusqu'au départ effectif des lieux, sous déduction des sommes d'ores et déjà versées

À titre infiniment subsidiaire, si la cour constatait l'existence d'une promesse de bail commercial au profit de la société FD Automobiles, elle demande de :

' juger qu'elle est légitime à se prévaloir de l'exception d'inexécution

' conditionner la conclusion du bail commercial au versement préalable par la société FD Automobiles du montant des travaux de remise en état du bâtiment, estimé à une somme de 204 828,96 euros HT

' condamner la société FD Automobiles à lui verser la somme de 204 828,96 euros HT correspondant au coût des travaux de remise en état du bâtiment, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard

En tout état de cause, elle sollicite la condamnation de la société FD Automobiles à lui payer la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance est que soit prononcée l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie expressément à leurs conclusions ci-dessus visées.

L'ordonnance de clôture a été prise le 25 janvier 2019.

Par conclusions du 4 février 2019, la société FD Automobiles a sollicité la révocation de l'ordonnance de clôture afin de lui permettre de produire de nouvelles pièces.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I ' Sur la révocation de l'ordonnance de clôture

Aux termes de l'article 784 du code de procédure civile, « l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue. »

Au soutien de sa demande en révocation de l'ordonnance de clôture, la société FD Automobiles indique vouloir communiquer de nouvelles pièces dont elle ne précise pas la teneur.

Cette circonstance ne constituant pas une cause grave, la demande sera rejetée.

II ' Sur le commandement visant la clause résolutoire

L'article L251-1 du code de la construction et de l'habitation définit le bail à construction comme « le bail par lequel le preneur s'engage, à titre principal, à édifier des constructions sur le terrain du bailleur et à les conserver en bon état d'entretien pendant toute la durée du bail. »

L'article L251-4 du même code ajoute que le preneur « est tenu du maintien des constructions en bon état d'entretien et des réparations de toute nature. »

En l'espèce, le bail à construction du 17 juillet 1986, conclu pour une durée de 30 années, oblige notamment le preneur à édifier à ses frais un magasin d'exposition vente et 4 cellules atelier, qui devront être utilisées uniquement à l'usage de centre auto sous l'enseigne « Feu Vert ».

Il est prévu en page 15 du bail :

« VII'Entretien des constructions

Le preneur devra, pendant tout le cours du bail, conserver en bon état d'entretien les constructions édifiées et tous les aménagements qu'il y aura apportés, et effectuer, à ses frais et sous sa responsabilité, les réparations de toute nature, y compris les grosses réparations telles qu'elles sont définies par l'article 606 du code civil et par l'usage, ainsi que le remplacement de tous éléments de la construction et son aménagement au fur et à mesure que le tout se révélera nécessaire, à l'exception toutefois des grosses réparations concernant les réseaux qui resteront à la charge du bailleur, à moins que ces réparations ne deviennent nécessaires par le seul fait du preneur.

[']

Le bailleur aura droit de faire visiter la propriété et les constructions par son architecte ou son mandataire, une fois par an, à ses frais, pour s'assurer de l'exécution de tous travaux d'entretien, de réparation et de ravalement. »

Enfin, il est prévu au paragraphe XIV'Résiliation que :

« Le présent bail pourra être résilié de plein droit pour défaut de paiement d'un seul terme de loyer nonobstant le paiement des indemnités dont il sera ci-après parlé ou d'exécution de l'une ou de l'autre des charges et conditions du bail, conventionnelles ou légales, si bon semble au bailleur, un mois après un simple commandement de payer ou mise en demeure d'exécuter demeurés infructueux. »

Sur ce fondement, la société Frf2 - Khepri 1 a délivré à la société FD Automobiles le 2 février 2016 un commandement visant la clause résolutoire et mise en demeure de faire procéder aux travaux de remise en état du bâtiment, conformément aux règles de l'art en missionnant les bureaux d'études et de contrôle nécessaires et en souscrivant les polices d'assurance requises et d'apporter tout élément justifiant que le site n'est pas pollué.

Pour s'opposer à l'application de cette clause, la société FD Automobiles fait valoir que, preneuse des lieux depuis l'année 2005, elle justifie avoir satisfait à son obligation d'entretien des locaux, qu'elle ne s'est pas opposée à la réalisation de travaux supplémentaires et que, si ces derniers n'ont pas été effectués, c'est uniquement compte tenu de l'imprécision du bailleur sur la consistance des travaux à réaliser, ce dernier exigeant des conditions particulières non prévues au bail, ce qui rend la réalisation des travaux particulièrement difficile. Par ailleurs, elle soutient que le commandement doit indiquer de façon précise les manquements auxquels il doit être remédié et que seule une décision de justice, voire une expertise judiciaire, pourrait permettre de trancher la consistance des travaux à réaliser.

1. Sur le bien-fondé du commandement visant la clause résolutoire

Dès son arrivée, par courrier du 7 juillet 2014, la société Frf2 - Khepri 1 a rappelé à la société FD Automobiles la nécessité de procéder aux travaux d'entretien suivants :

' reprise de l'étanchéité de la toiture

' mise en place d'un nouveau bardage sur façade aux endroits des chocs

' remplacement des exutoires

' remplacement des descentes des eaux pluviales défectueuses

' dépollution de la cuve à huile

Puis, par courriers des 15 janvier, 24 février et 16 avril 2015, elle lui a demandé de lui adresser un rapport de visite établi par le maître d''uvre ou huissier permettant de constater la réalisation de ces travaux.

Pour justifier de son obligation d'entretien des locaux, la société FD Automobiles produit en appel différentes factures pour un montant total de 154 172,57 euros correspondant à des travaux effectués entre 2008 et 2015 pour des travaux de peinture, plafond de l'atelier, coffrage du dôme du plafond et porte de garage, nettoyage du chéneau, électricité, décapage et remise en état des carrelages et sols, remplacement de tôle, pose d'un chéneau et d'un bac acier, aménagement des locaux sociaux et des massifs bétons et réfection d'un carrelage.

Toutefois, si ces pièces démontrent que la société FD Automobiles a réalisé des travaux d'entretien de réparation du bâtiment, il appartient à cette dernière de démontrer, qu'aux termes de ces travaux, le bâtiment se trouvait dans un bon état d'entretien, conformément aux stipulations du bail.

Or, l'ensemble des constats et rapports produits par la société Frf2 - Khepri 1 atteste du mauvais entretien de ce dernier :

' le rapport de visite du 9 décembre 2013, réalisé à l'initiative de l'ancien bailleur avant la vente du local, fait état d'un mauvais état des façades commerciales qui comportent de nombreux chocs et dont la peinture se décolle, de la couverture, constituée de bacs secs de tôle, avec de nombreux points de rouille et des attaches défaillantes et de descentes des eaux pluviales défectueuses. Il ajoute que le bâtiment n'est quasiment pas isolé sur le plan thermique et que la présence de l'huile sur le sol ainsi qu'à l'extérieur préjuge d'un risque de pollution du sous-sol, consécutive à l'activité du local. Le rapport conclut que « le bâtiment n'est pas en bon état. Il n'a pas fait l'objet d'un entretien régulier. Lors du changement d'enseigne, il faudra probablement le démolir, pour en reconstruire un nouveau. »;

' le constat d'huissier réalisé le 1er octobre 2015, réalisé en présence du gérant de la société FD Automobiles, relève la présence de multiples tâches de rouille sur la toiture ainsi que l'oxydation des cavaliers, des affaissements ponctuels de la toiture, que le bardage est enfoncé ou choqué en une multitude de points, les traces de coulée sur la peinture, laquelle est craquelée sur deux faces, l'enterrement des bardages ainsi que la présence d'huile sur le sol situé aux abords de la cuve à huile. Enfin, il a noté que, selon le représentant de la société FD Automobiles, l'entretien annuel de la chaudière n'avait pas été réalisé ;

' l'évaluation environnementale réalisée par la société Soler environnement le 10 février 2016 révèle la présence d'hydrocarbures nécessitant la purge des terrains et leur remblaiement ainsi que le nettoyage de la dalle de l'appentis;

' le rapport de la société Atelier Bertrand Wibaux du 27 juillet 2016 conclut à l'existence d'un défaut manifeste d'entretien ainsi qu'à un risque majeur pour la sécurité du public fréquentant l'établissement et du personnel qui y travaille, du fait des nombreux désordres constatés ;

' le rapport de diagnostic solidité sécurité incendie établi par la société Dekra le 27 juin 2017 révèle certaines non-conformités à des normes de sécurité mais également un risque de dégradation de la charpente en raison d'une humidité excessive dans le plénum de faux plafond, un flottement important des poteaux de bois dans la surface de vente ainsi que la descente des bardages dans le sol.

Les deux reportages photos produits par la société FD Automobiles et réalisés par Soprassistance les 23 février et 23 mars 2015 ne font état que de travaux ponctuels de reprise, insuffisants pour satisfaire à l'obligation d'entretien des locaux : mise en 'uvre d'une résine sur sortie toiture, remplacement ponctuel de vis et cavaliers blancs laqués sur bac sec, application d'un joint à la silicone sur jonction de couvertin, fourniture et pose d'une boîte à eau, mise en 'uvre d'une résine Alsan flashing en deux couches y compris voile de renfort, fourniture et pose d'une pièce pliée Galva.

C'est dans ce contexte que, suite à la mise en demeure du bailleur du 16 novembre 2015 de lui faire parvenir des descriptifs, devis et calendrier des travaux de remise en état envisagés et de les réaliser avant le 31 janvier 2016, la société FD Automobiles lui a transmis par courrier du 24 décembre 2015 des devis de toiture, façade, coupure incendie, enseigne, dépollution ainsi que le récapitulatif des travaux avec planning d'exécution puis, par courrier du 8 février 2016, des pièces complémentaires ainsi que le justificatif du financement des travaux.

Toutefois, si la société FD Automobiles a satisfait à la demande de la société Frf2 - Khepri 1 de lui transmettre les devis et planning des interventions, il ne peut qu'être constaté que lors de la délivrance du commandement visant la clause résolutoire le 2 février 2016, aucun de ces travaux n'avait été réalisé et que seuls certains d'entre eux l'ont été à l'heure actuelle.

Il en résulte que la société FD Automobiles, qui avait connaissance des travaux d'entretien que le bailleur lui demandait de réaliser dès le mois de juillet 2014 (reprise de l'étanchéité de la toiture, mise en place d'un nouveau bardage, remplacement des exutoires, des descentes des eaux pluviales et dépollution de la cuve à huile) n'a, malgré les multiples relances de ce dernier, fait réaliser que quelques travaux de reprise ponctuels insuffisants pour remédier aux désordres de sorte que le bâtiment n'était pas en bon état d'entretien à l'expiration du délai d'un mois suivant la délivrance du commandement visant la clause résolutoire.

Par ailleurs, comme l'ont relevé les premiers juges, le bail stipule que l'exécution des travaux par le preneur se fait sous la responsabilité de ce dernier.

Dès lors, le fait que les parties étaient toujours en discussion sur l'étendue des travaux à réaliser et les exigences supplémentaires posées par le bailleur dans son courrier du 15 février 2016 ne peuvent avoir pour conséquence de diminuer les obligations mises à la charge du preneur à qui il appartenait seul de définir les travaux à exécuter et de les faire réaliser afin de se conformer à son obligation d'entretien du bâtiment.

Enfin, sur la régularité du commandement visant la clause résolutoire, il sera relevé que ce dernier mentionne l'ensemble des manquements que reproche le bailleur au preneur et qui ont été relevés tant dans le rapport de visite effectué en 2013 que dans le constat d'huissier du 1er octobre 2015 mentionnés audit commandement.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a dit que les conditions d'acquisition de la clause de résiliation de plein droit étaient réunies et que le bail à construction était résilié à la date du 3 mars 2016.

2. Sur la suspension de la clause résolutoire

La société FD Automobiles sollicite à titre subsidiaire les plus larges délais pour se mettre en conformité et la suspension de l'acquisition de la clause résolutoire.

Toutefois, comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, le bail à construction est insusceptible de prorogation, l'article L251-1 du code de la construction et de l'habitation prévoyant qu'il ne peut pas se prolonger par tacite reconduction et le bail stipulant qu'il est conclu pour une durée de 30 ans et qu'« en aucun cas la durée du présent bail à construction ne pourra faire l'objet d'une prorogation par tacite reconduction ».

En l'espèce, le bail prenant fin le 6 mars 2016, la demande tendant à accorder au preneur des délais pour exécuter avec suspension des effets de la clause résolutoire ne peut prospérer.

Le jugement entrepris sera dès lors confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

3. Sur les effets de la clause résolutoire

La société FD Automobiles se prévaut de la clause suivante figurant au bail à construction pour solliciter la condamnation de la société Frf2 - Khepri 1 à conclure un bail commercial avec effet au 5 mars 2016 :

« Droit préférentiel de location à l'expiration du bail à construction »

« À titre de condition essentielle et déterminante du présent bail à construction sans laquelle le preneur n'aurait pas contracté, le bailleur s'engage irrévocablement et engage de la même manière, tous ses ayants causes, à accorder préférentiellement au preneur lorsque ce dernier aura, à l'expiration du bail par arrivée du terme ou résiliation amiable, perdu la propriété des nouvelles constructions par suite du droit d'accession du bailleur un contrat de location portant sur la totalité des terrains et bâtiments, issus du présent bail à construction. ['] »

Cette clause n'a toutefois vocation à s'appliquer que dans l'hypothèse où le bail serait arrivé à son terme ou serait résilié amiablement entre les parties, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Ainsi, dans la mesure où la société FD Automobiles avait perdu son titre d'occupation à la date du 3 mars 2016, elle n'avait plus la qualité de preneur à l'expiration du bail à construction et ne peut donc prétendre au bénéfice du droit préférentiel de location.

Le jugement entrepris sera dès lors confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de la société FD Automobiles tendant à la conclusion d'un bail commercial à compter du 5 mars 2016 et en ce qu'il a ordonné son expulsion du local.

III ' Sur le montant de l'indemnité d'occupation

La société Frf2 - Khepri 1 considère que l'indemnité d'occupation journalière fixée par les premiers juges à un montant hors taxe de 192 euros est bien en deçà de la valeur locative des locaux et sollicite à ce titre un montant de 273 euros.

De son côté, la société FD Automobiles fait valoir que seule une expertise judiciaire permettrait de fixer le montant du loyer et remet en cause les calculs apportés par la société Frf2 - Khepri1. En tout état de cause, elle indique que le montant de l'indemnité fixée par les premiers juges apparaît en adéquation avec la surface réellement exploitée.

À de sa demande, la société Frf2 - Khepri 1 produit :

' une attestation établie par la société Cushman & Wakefield le 31 décembre 2015 aux termes de laquelle le prix moyen des loyers des commerces situés sur la commune en mars 2016 était de 130-150 euros/mètre carré/an

' une estimation de la valeur locative de marché d'un local commercial réalisée en avril 2018 par la société Colomer Expertises à la somme de 150 euros par mètre carré.

Les parties ne s'entendent pas sur la répartition de la surface du local à prendre en considération pour la fixation du loyer.

En effet, dans son rapport, la société Cushman & Wakefield a considéré forfaitairement que 80% du magasin d'une surface totale de 818 m² était accessible à la clientèle, ce qui aboutit à une surface pondérée de 703,48 m².

La société FD Automobiles considère de son côté que, si la surface du terrain est de 818 m², il n'y a cependant que 700 m² de construit et que, sur cette surface, celle accessible aux clients est de 375 m². Elle aboutit à une surface pondérée de 482,5 m².

Or, c'est la même répartition de la surface qui a été calculée par un expert géomètre dans le cadre du rapport de diagnostic du bâtiment effectué par la société Atelier Bertrand Wibaux à la demande de la société Frf2 - Khepri 1.

Dans ces conditions, il y a lieu de retenir ce calcul, soit une surface pondérée de 482,50 m², et d'y appliquer la valeur locative de marché d'un montant de 150 euros retenue par la société Colomer Expertises en avril 2018.

La valeur locative de marché doit donc être estimée à un montant annuel de 72 375 euros (482,50 x 150 euros), soit la somme journalière de 198 euros HT.

Le jugement entrepris sera dès lors infirmé et la société FD Automobiles sera condamnée à payer à la société Frf2 - Khepri 1 une indemnité d'occupation d'un montant de 198 euros HT par jour à compter du 3 mars 2016 jusqu'à la libération effective des lieux.

De cette somme, devront être déduites les sommes déjà versées au titre des loyers depuis cette date.

IV'Sur la demande de la société Frf2 - Khepri 1 en dommages et intérêts au titre de la remise en état du bâtiment

La société Frf2 - Khepri 1 considère que la somme de 102 379 euros HT à laquelle a été condamnée la société FD Automobiles est bien en deçà des sommes qu'elle sera contrainte d'exposer pour la remise en état du bâtiment et sollicite la somme de 204 828,96 euros HT retenue par le cabinet d'architecte Atelier Bertrand Wibaux.

La société FD Automobiles considère qu'elle a rapporté la preuve de l'exécution des travaux d'entretien, que l'estimation apportée par le bailleur repose sur les documents antérieurs aux travaux qu'elle a réalisés en 2017 et 2018 et que seule une expertise judiciaire pourrait mettre fin aux débats entre les parties.

En l'espèce, les postes sollicités par la société Frf2 - Khepri 1 comprennent l'isolation du bâtiment ainsi que la mise en conformité aux normes en vigueur en matière de sécurité qui n'entrent pas dans l'obligation d'entretien des constructions et des réparations mises à la charge du preneur par le bail à construction. Ainsi, comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, si le preneur n'avait pas manqué d'entretenir et réparer l'immeuble, le bailleur serait propriétaire d'un immeuble âgé de 30 ans en bon état mais qui ne correspondrait pas aux normes de sécurité actuelles.

Par ailleurs, la société FD Automobiles justifie avoir réalisé, postérieurement au jugement de première instance, les travaux suivants : étanchéité de la toiture (pour un montant TTC de 54 846,66 euros), nettoyage des façades (pour un montant TTC de 15 067,20 euros), entretien de la chaudière (pour un montant de 614,40 euros). En revanche, la société FD Automobiles, qui produit uniquement un devis non signé, ne justifie pas de la dépollution du site.

Dès lors, au vu des devis versés aux débats par les parties et du récapitulatif dressé par la société Atelier Bertrand Wibaux, la société FD Automobiles reste redevable, au titre de son obligation d'entretien et de réparation, de la dépollution du terrain et appentis pour un montant de 11 541 euros HT et de l'installation d'une vanne de coupure de gaz pour un montant de 1 247,87 euros HT, soit la somme de 12 788,87 euros, outre 10 % au titre des frais d'architecte, soit la somme totale de 14 067,75 euros HT.

En revanche, il ne résulte pas des photographies versées aux débats la nécessité de procéder à la réfection complète des peintures et des sols.

Le jugement entrepris sera dès lors infirmé et la société FD Automobiles sera condamnée à payer à la société Frf2 - Khepri 1 la somme de 14 067,75 euros HT.

Le jugement entrepris sera par ailleurs confirmé en ce qu'il a rejeté la demande d'astreinte, laquelle n'est pas justifiée dans la mesure où la présente condamnation porte intérêts au taux légal à compter de son prononcé.

V' Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qui concerne les dépens et les frais irrépétibles. La société FD Automobiles, qui succombe en appel, sera condamnée aux dépens de l'appel et à payer à la société Frf2 - Khepri 1 la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort ;

Rejette la demande de la société FD Automobiles en révocation de l'ordonnance de clôture ;

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a condamné la société FD Automobiles à payer à la société Frf2 - Khepri 1 d'une part une indemnité d'occupation d'un montant de 192 euros HT par jour à compter du 3 mars 2016 et d'autre part la somme de 102 379 euros HT à titre de dommages et intérêts au titre de l'inexécution de l'obligation d'entretien et de réparation de l'immeuble ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :

Condamne la société FD Automobiles à payer à la société Frf2 - Khepri 1 une indemnité d'occupation d'un montant de 198 euros HT par jour à compter du 3 mars 2016 jusqu'à libération effective des lieux ;

Rappelle que les sommes effectivement payées à compter du 3 mars 2016 par la société FD Automobiles devront être déduites de la créance indemnité d'occupation ;

Condamne la société FD Automobiles à payer à la société Frf2 - Khepri 1 la somme de 14 067,75 euros HT à titre de dommages et intérêts réparant l'inexécution de l'obligation d'entretien et de réparation de l'immeuble ;

Condamne la société FD Automobiles à payer à la société Frf2 - Khepri 1 la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en appel ;

Déboute la société FD Automobiles de sa demande au titre des frais irrépétibles ;

Condamne la société FD Automobiles aux dépens de l'instance d'appel.

Le greffier,Le président,

Anne-Cécile MaesFabienne Bonnemaison


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 2
Numéro d'arrêt : 17/06428
Date de la décision : 23/05/2019

Références :

Cour d'appel de Douai 1B, arrêt n°17/06428 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-05-23;17.06428 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award