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16/05/2019 | FRANCE | N°18/04215

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 8 section 3, 16 mai 2019, 18/04215


République Française


Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI


CHAMBRE 8 SECTION 3


ARRÊT DU 16/05/2019


N° de MINUTE : 19/558


N° RG 18/04215 - N° Portalis DBVT-V-B7C-RXBM


Jugement rendu le 02 Juillet 2018


par le juge de l'exécution de Lille


APPELANTS





Madame K... L... née O...


née le [...] - de nationalité française


[...]





Monsieur H... L...


né le [...] à Lille - de nationalité français

e


[...]





Représentés par Me Eric Laforce, avocat au barreau de Douai et Me Fiona Bourdon, avocat





INTIMÉE





Caisse de Credit Mutuel de Wavrin


[...]


[...]





Représentée par Me Caroline Follet, a...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 3

ARRÊT DU 16/05/2019

N° de MINUTE : 19/558

N° RG 18/04215 - N° Portalis DBVT-V-B7C-RXBM

Jugement rendu le 02 Juillet 2018

par le juge de l'exécution de Lille

APPELANTS

Madame K... L... née O...

née le [...] - de nationalité française

[...]

Monsieur H... L...

né le [...] à Lille - de nationalité française

[...]

Représentés par Me Eric Laforce, avocat au barreau de Douai et Me Fiona Bourdon, avocat

INTIMÉE

Caisse de Credit Mutuel de Wavrin

[...]

[...]

Représentée par Me Caroline Follet, avocat au barreau de Lille

DÉBATS à l'audience publique du 07 Mars 2019 tenue par Bénédicte Royer magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Ismérie Capiez

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Sylvie Collière, président de chambre

Bénédicte Royer, conseiller

Catherine Convain, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 16 Mai 2019 après prorogation du délibéré du 2 mai 2019(date indiquée à l'issue des débats) et signé par Bénédicte Royer, président et Ismérie Capiez, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 11 février 2019

Aux termes d'un acte reçu par Maître Emmanuel Pluquet, notaire associé à Marchiennes en date du 21 mars 2008, la caisse de crédit mutuel de Santes-Wavrin a consenti à Mme K... L... et à M. H... L... un prêt d'un montant de 274 236 euros remboursable en 240 mensualités et portant intérêts au taux nominal de 4,95 % l'an et au taux effectif global de 5,041 % ce pour l'acquisition d'un immeuble sis [...] .

Depuis, les co-emprunteurs se sont installés au Canada.

Le 18 août 2017, la caisse du crédit mutuel de Santes-Wavrin a fait délivrer aux époux L... deux commandements aux fins de saisie-vente pour recouvrer la somme de 227 564,89 euros (frais d'acte inclus) en vertu de l'acte notarié du 21 mars 2008.

Les époux L... ont attrait la caisse du crédit mutuel de Santes-Wavrin devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Lille en contestation de cette mesure d'exécution forcée.

La décision frappée d'appel

Par jugement du 2 juillet 2018, le juge de l'exécution près le tribunal de grande instance de Lille, a :

'- condamné Mme K... O... épouse L... et M. H... L... de l'ensemble de leurs demandes,

- condamné in solidum Mme K... O... épouse L... et M. H... L... à payer à la caisse du crédit mutuel de Santes-Wavrin, la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum Mme K... O... épouse L... et M. H... L... aux dépens.'

Par jugement rectificatif rendu le 12 juillet 2018, ce même magistrat a :

- dit que le jugement rendu le 2 juillet 2018 dans l'affaire RG 18/01 sera rectifié en ce sens :

page 4 - dans le dispositif, la mention 'condamne Mme K... O... épouse L... et M. H... L... de l'ensemble de leurs demandes' est remplacée par la mention 'déboute Mme K... O... épouse L... et M. H... L... de l'ensemble de leurs demandes', le reste de la décision reste inchangé,

- ordonné la mention de la rectification sur la minute de la décision rendue le 2 juillet 2018,

- laissé les dépens à la charge du trésor public.

Sur la procédure d'appel

Par déclaration au greffe en date du 20 juillet 2018, les époux L... ont interjeté appel de ce jugement.

Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 18 octobre 2018, ils demandent à la cour d'infirmer le jugement entrepris et en conséquence de :

- constater que l'article 14 des conditions générales du prêt crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations du crédit mutuel de Santes-Wavrin d'une part et les emprunteurs d'autre part

- constater que la déchéance du terme a été prononcée de mauvaise foi,

- constater l'erreur dans le taux effectif global et le coût total du crédit,

- constater qu'ils avaient versé une somme supérieure à celle du montant du capital exigible au jour du soi-disant prononcé de la déchéance du terme,

- en conséquence à titre principal,

- prononcer la nullité de la stipulation relative aux intérêts conventionnels du prêt litigieux,

- prononcer la substitution du taux légal au taux d'intérêt conventionnel année par année et ordonner l'imputation des intérêts indûment perçus jusqu'à la date de l'arrêt à intervenir, déduction faite des intérêts légaux alors échus, sur le capital restant dû,

- enjoindre, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la signification de l'arrêt à intervenir, la caisse de crédit mutuel de Santes-Wavrin de produire un avenant et un nouveau tableau d'amortissement, prenant en compte la substitution du taux d'intérêt légal au taux conventionnel et cette imputation sur le capital restant dû,

à titre subsidiaire

- prononcer la déchéance du droit aux intérêts à hauteur du taux d'intérêt légal année par année et ordonner l'imputation des intérêts indûment perçus jusqu'à la date de l'arrêt à intervenir, déduction faite des intérêts légaux alors échus, sur le capital restant dû,

- enjoindre sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la signification de l'arrêt à intervenir, la caisse de crédit mutuel de Santes-Wavrin de produire un nouvel avenant et un nouveau tableau d'amortissement, prenant en compte cette déchéance du droit aux intérêts et cette imputation sur le capital restant dû,

en tout état de cause,

- constater l'absence de créance exigible

- constater qu'au jour du prononcé de la déchéance du terme, ils étaient à jour de leurs échéances en capital, seules exigibles,

- prononcer la nullité des commandements aux fins de saisie-vente,

- prononcer la nullité de la saisie-vente,

- dire et juger que le contrat de prêt litigieux devra continuer à être exécuté selon ses termes initiaux, mais dans la limite de la nullité de la clause de stipulation d'intérêts conventionnels ou de la déchéance du droit aux intérêts,

à titre subsidiaire

- constater l'erreur de calcul du taux effectif global et du coût total du crédit,

- en conséquence à titre principal, prononcer la nullité de la stipulation relative aux intérêts conventionnels,

- prononcer la substitution du taux légal au taux d'intérêt conventionnel année par année et ordonner l'imputation des intérêts indûment perçus jusqu'à la date de l'arrêt à intervenir, déduction faite des intérêts légaux alors échus, sur le capital restant dû,

- enjoindre sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la signification de l'arrêt à intervenir, le crédit mutuel de Santes-Wavrin de produire un nouveau décompte de sa créance, prenant en compte la substitution du taux d'intérêt légal au taux conventionnel et cette imputation sur le capital restant dû,

à titre subsidiaire

- prononcer la déchéance du droit aux intérêts à hauteur du taux d'intérêt légal année par année et ordonner l'imputation des intérêts indûment perçus jusqu'à la date de l'arrêt à intervenir, déduction faite des intérêts légaux alors échus, sur le capital restant dû,

- enjoindre sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la signification de l'arrêt à intervenir, le crédit mutuel de Santes-Wavrin de produire un nouveau décompte de sa créance, prenant en compte cette déchéance du droit aux intérêts et cette imputation sur le capital restant dû,

en tout état de cause

- condamner la caisse de crédit mutuel de Santes-Wavrin à leur verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la caisse de crédit mutuel de Santes-Wavrin, aux entiers dépens, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

A l'appui de leurs prétentions, ils font valoir que la clause de déchéance de terme prévue à l'article intitulé 'exigibilité immédiate du contrat de prêt' est abusive puisqu'elle prévoit une vingtaine de causes de déchéances du terme dont certaines ont trait à des causes extérieures au contrat de prêt, étant observé qu'il n'est pas prévu de mise en demeure préalable. Cette clause de déchéance du terme confère à la banque un pouvoir largement discrétionnaire au sens de l'article L.132-1 du code de la consommation et doit nécessairement être réputée non écrite en raison de son caractère abusif. Ils excipent que l'absence de mention prévoyant une mise en demeure préalable empêche la banque de prononcer la déchéance du terme. Ils exposent que cette déchéance du terme a été prononcée de mauvaise foi puisqu'ils se sont acquittés de l'ensemble des échéances dont ils étaient redevables envers la banque par chèques bancaires, pour un montant de total de 5 960,69 euros, étant observé que ces chèques étaient libellés en dollars canadiens en raison de la clôture de leur compte par la banque elle-même. Ils soulignent que le taux effectif global indiqué dans les différents documents contractuels n'est pas proportionnel aux taux de période car il aurait dû être de 5,053 % au lieu de 5,041% comme stipulé, que la durée de la période n'est pas indiquée dans le contrat de prêt - la banque s'étant contentée d'indiquer que la périodicité est mensuelle - et que les frais de domiciliation n'ont pas été pris en compte alors que l'organisme emprunteur a conditionné l'octroi du prêt à la domiciliation des revenus des emprunteurs. Ils précisent qu'en tant que non professionnels du crédit, ils n'étaient pas à même de vérifier les composants du calcul du taux effectif global, ni la validité dès la signature du contrat de prêt, raison pour laquelle leur action n'est pas prescrite.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 31 octobre 2018, la caisse de crédit mutuel de Santes-Wavrin demande à la cour de :

à titre principal,

- confirmer le jugement entrepris,

à titre subsidiaire, si la cour devait retenir que la déchéance du terme a été prononcée irrégulièrement,

- constater que les époux L... sont à minima redevables de 24 mensualités du prêt pour une somme de 43 254,38 euros,

- valider les commandements de payer valant saisie-vente délivrés aux consorts L...,

- les débouter de leurs demandes, fins et conclusions,

à titre subsidiaire et si le taux effectif global devait être déclaré erroné,

- rappeler que la caisse de crédit mutuel de Santes-Wavrin est fondée à réclamer des intérêts au taux légal depuis la mise en demeure,

- valider le commandement de payer délivré le 28 août 2017,

- débouter les consorts L... de toutes leurs autres demandes,

en tout état de cause,

- condamner solidairement les époux L... à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers frais et dépens de l'instance.

A l'appui de ses prétentions, elle fait valoir qu'elle a été plus que patiente et particulièrement pédagogue envers les appelants puisque le 15 septembre 2016, elle leur a écrit qu'elle entendait procéder à la clôture définitive de leur compte à l'expiration d'un préavis de soixante jours, et ce compte tenu des propos tenus par M. L... et des menaces proférées par ce dernier, qu'ultérieurement et après avoir vainement tenté d'obtenir une suspension du prêt, les consorts L... ont décidé de régler les sommes dont ils étaient débiteurs par chèques émis en dollars canadiens alors que le prêt est incontestablement souscrit en euros, qu'elle leur a donc retourné les chèques en leur adressant un relevé d'identité bancaire mais que les époux L... se sont volontairement abstenus de procéder à des virements pour le règlement de leurs échéances, que le 12 janvier 2017, elle leur a rappelé que le paiement en France d'une obligation de somme d'argent s'effectue en euros, qu'elle leur a adressé, deux autres courriers les 22 février et 17 mars 2017 pour les avertir, de façon particulièrement claire, de ce qu'elle entendait prononcer la déchéance du terme à défaut de régularisation, qu'enfin, aux termes de sa dernière lettre, elle a laissé aux emprunteurs jusqu'au 17 avril 2017 pour régler l'arriéré, mais que les débiteurs se sont obstinés et n'ont effectué aucun paiement, raison pour laquelle la déchéance du terme a été valablement prononcée le 20 avril 2017. Elle soutient que les consorts L... ne peuvent prétendre qu'ils n'ont reçu aucun des courriers adressés par ses soins alors qu'ils les visent précisément dans leur courrier en réponse. Elle excipe que le prononcé de la déchéance du terme repose sur l'absence de paiement de cinq mensualités par les appelants, ce qui correspond à une clause des plus classiques en matière de crédit relevant de l'essence même du contrat de prêt, ne créant aucun déséquilibre entre les parties au contrat. Elle expose que les éléments servant au calcul du taux effectif global sont repris clairement dans l'offre de prêt et étaient ainsi connus dès la réception de l'offre de prêt, raison pour laquelle les contestations des époux L... portant sur l'exactitude du taux effectif global sont prescrites en application des dispositions de l'article L.110-4 du code de commerce. Elle expose que les versements étant mensuels, le taux effectif global a été obtenu en multipliant le taux de période soit 0,420 par le rapport entre la durée de l'année civile et celle de la période unitaire, que le taux effectif global annuel a été mentionné à hauteur de 5,041%, qu'il est donc parfaitement régulier puisque calculé avec une précision d'au moins une décimale. Elle excipe que la durée de la période est le mois comme autorisé expressément à l'ancien article R.313-1 du code de la consommation et que les débiteurs n'établissent nullement que le coût de la domiciliation des revenus ait un impact sur le taux effectif global, les conditions générales rappelant expressément que cette domiciliation n'est pas une condition d'obtention du prêt mais une contrepartie du taux favorable consenti par le prêteur aux emprunteurs.

Il convient de se référer aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 février 2019 et l'affaire plaidée le 7 mars 2019 a été mise en délibéré au 2 mai 2019 prorogé au 16 mai 2019 par mise à disposition au greffe.

MOTIFS

Sur la nullité du commandement aux fins de saisie-vente

* sur la déchéance du terme

- sur le caractère abusif de la clause d'exigibilité immédiate

L'article L.132-1 alinéa 1 du code de la consommation dans sa version applicable au présent litige prévoit que dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. .../...

Les clauses abusives sont réputées non écrites.

L'appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert.

Le contrat restera applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s'il peut subsister sans lesdites clauses.

Les dispositions du présent article sont d'ordre public.

Le contrat de prêt notarié conclu le 21 mars 2008 prévoit en son article 14 intitulé 'Exigibilité immédiate' que 'les sommes dues seront de plein droit et immédiatement exigibles dans l'un quelconques des cas suivants. Pour s'en prévaloir, le prêteur en avertira l'emprunteur par simple courrier'. S'ensuivent 21 causes de déchéances du terme dont certaines comme excipé par les appelants relèvent de motifs extérieurs à l'exécution du contrat de prêt. Si ces dispositions contractuelles prévoyant la déchéance du terme pour des causes extérieures au contrat pourraient être déclarées abusives puisque créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment d'un emprunteur non professionnel, leur caractère non écrit ne saurait remettre en question l'ensemble de la clause intitulée 'Exigibilité immédiate' qui prévoit des causes de déchéances du terme valables et notamment celles liées à l'inexécution du contrat de prêt lui-même, la clause querellée pouvant survivre au retranchement de certaines de ces causes.

En l'espèce, la caisse du crédit mutuel de Santes-Wavrin s'est fondée sur la stipulation qui prévoit que ' si l'emprunteur est en retard de plus de trente jours dans le paiement d'une échéance en principal, intérêts et accessoires du prêt, les sommes seront dues de plein droit et immédiatement exigibles' pour faire valoir la déchéance du terme du contrat de prêt et ce en raison des échéances restées impayées par les époux L... à hauteur de la somme de 5 451,52 euros. Etant liée expressément à l'exécution du contrat, cette disposition contractuelle ne revêt aucun caractère abusif.

Les appelants soutiennent aussi que la clause d'exigibilité immédiate prévue au contrat de prêt est abusive car elle ne prévoit pas de mise en demeure préalable.

Or, seule l'insertion d'une clause expresse et non équivoque, stipulant que la résolution aura lieu de plein droit et automatiquement sans aucune sommation peut dispenser le créancier d'une mise en demeure préalable. La simple mention telle que prévue au contrat de prêt notarié du 21 mars 2008 prévoyant que ' le prêteur doit prévenir l'emprunteur par simple courrier' ne peut dispenser l'intimée d'une mise en demeure préalable des débiteurs d'avoir à remplir leurs obligations en leur précisant le délai dont ils disposent pour faire obstacle au jeu de la clause résolutoire.

La caisse de crédit mutuel de Santes-Wavrin a, par courriers recommandés avec accusé réception en date du 22 février 2017, mis en demeure tant Mme L... que M. L... 'de procéder au paiement des mensualités impayées d'un montant de 5 451,52 euros au titre du prêt Modulimmo d'un montant initial de 274 236 euros' et ce avant le 3 avril 2017 à défaut de quoi, la déchéance du terme serait prononcée.

La demande des époux L... visant à voir déclarer abusive la clause du déchéance du terme du fait qu'elle ne prévoit pas de mise en demeure préalable est donc sans objet, ladite mise en demeure leur ayant été régulièrement adressée.

Comme retenu par le premier juge, il n'y a dès lors pas lieu de considérer que la clause d'exigibilité anticipée appliquée en l'espèce serait abusive et donc réputée non écrite. Le jugement entrepris sera donc confirmé de ce chef.

Sur l'absence de créance exigible

Selon l'article 1343-3 du code civil dans sa rédaction applicable au présent litige, le paiement, en France, d'une obligation de somme d'argent s'effectue en euros. Toutefois, le paiement peut avoir lieu en une autre devise si l'obligation ainsi libellée procède d'un contrat international ou d'un jugement étranger.

M et Mme L... affirment que la déchéance du terme a été prononcée alors même qu'ils étaient à jour du paiement de leurs échéances puisque, malgré la clôture de leur compte par l'organisme emprunteur, ils ont remboursé les échéances des mois de décembre 2016, janvier et février 2017 par chèques et qu'en tout état de cause, il n'est pas justifié que les courriers de relance de la caisse du crédit mutuel de Santes-Wavrin leur ont bien été adressés.

Il est acquis aux débats que les époux L... ont souhaité s'acquitter des échéances du prêt consenti par la caisse de crédit mutuel de Santes-Wavrin à compter du mois de décembre 2016 - et ce en raison de la clôture de leur compte - par chèques établis en dollars canadiens. Il est produit par l'intimée deux courriers en date des 20 décembre 2016 et 12 janvier 2017 dans lesquels cette dernière indique aux époux L... leur faire retour des chèques qu'ils lui avaient adressés parce que, libellés en dollars canadiens qui n'est pas le devise convenue contractuellement. Dans ces missives, la caisse du crédit mutuel de Santes-Wavrin invitait les époux L... à rembourser leur prêt immobilier par virement bancaire. Même s'il n'est pas versé aux débats les accusés de réception de ces courriers dûment signés par les époux L..., ces derniers ne peuvent valablement affirmer ne pas en avoir été destinataires dans la mesure où ils en font état dans leur courrier en réponse daté du 6 mars 2017.

En application de l'article 1343-3 du code civil sus-évoqué, la monnaie du contrat de prêt étant l'euro, les époux L... ne pouvaient s'acquitter de leurs échéances dans une autre devise.

C'est donc à bon droit que le premier juge a considéré que les paiements effectués dans une autre devise ne valaient pas paiement et que la caisse du crédit mutuel de Santes-Wavrin était bien fondée à se prévaloir de l'exigibilité anticipée du prêt au mois d'avril 2017. Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Sur le taux effectif global

M et Mme L... concluent, à titre principal, à la nullité de la clause de stipulation des intérêts conventionnels et en conséquence, à titre de sanction, à la substitution au taux conventionnel du taux légal en application de l'article 1907 du code civil, subsidiairement, à la déchéance du droits aux intérêts en application de l'article L.312-33 du code de la consommation, à raison de l'irrégularité du taux effectif global aux motifs que :

- le taux effectif global n'est pas proportionnel au taux de période,

- la durée de la période n'est pas mentionnée dans le contrat de prêt,

- les frais de domiciliation des revenus n'ont pas été pris en compte dans le calcul du taux.

La caisse du crédit mutuel de Santes-Wavrin conclut, quant à elle, à la prescription quinquennale de la contestation par les époux L... du taux effectif global en application de l'article L.110-4 du code de commerce.

Aux termes de l'article 1907 du code civil, l'intérêt est légal ou conventionnel. L'intérêt légal est fixé par la loi. L'intérêt conventionnel peut excéder celui de la loi, toutes les fois que la loi ne le prohibe pas. Le taux de l'intérêt conventionnel doit être fixé par écrit.

La sanction d'un taux effectif global erroné est la substitution du taux d'intérêt légal au taux conventionnel.

Il résulte de l'article L. 312-33 du code de la consommation dans sa rédaction issue de la loi n° 92-1336 du 16 décembre 1992 que la sanction civile de l'inobservation des dispositions de l'article L. 312-8 du code de la consommation est la perte, en totalité ou en partie, du droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge.

Il est acquis aux débats que la prescription est quinquennale que ce soit pour la nullité de la stipulation du taux effectif global conventionnel ou pour l'action en déchéance du droit aux intérêts conventionnels, conformément aux dispositions de l'article 1304 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et de l'article L.110-4 du code de commerce.

Le point de départ du délai de prescription de l'exception de nullité de la stipulation du taux des intérêts conventionnels comme de l'action en déchéance du droit aux intérêts conventionnels se situe, au jour où l'emprunteur a connu ou aurait du connaître l'erreur affectant le taux effectif global.

En revanche, l'action en nullité concerne le contrat de prêt et l'action en déchéance, l'offre de crédit de sorte que, selon la nature de l'action, l'acte à prendre en considération n'est pas le même.

Or, en l'espèce, il ressort tant du contrat de prêt notarié que de l'offre de crédit immobilier qui sont d'ailleurs identiques dans leur rédaction, que les éléments de calcul du taux effectif global étaient parfaitement explicités aux articles 4-2 relatif au coût du crédit et 4-3 portant sur le remboursement du crédit, desdits actes. Pour soulever les irrégularités affectant le taux effectif global, les époux L... n'ont eu recours à aucun élément ou aide extérieure, aucun document d'analyse ou d'expertise n'étant versé aux débats à cette fin par leurs soins. Les erreurs ont ainsi été mises en exergue au regard des seules informations qu'ils avaient et qui sont issues du contrat et de l'offre de crédit.

Les époux L... étaient donc bien en mesure de réaliser par eux-mêmes les calculs dont il font état dans leurs conclusions et ainsi de déceler les erreurs qui selon eux affecteraient le taux effectif global dès la réception de l'offre de prêt ou la signature du contrat de crédit, étant observé qu'ils ne justifient d'ailleurs pas de la date à laquelle ils auraient été informés desdites irrégularités. Ainsi, le point de départ de l'action tendant à la nullité de la clause de stipulation des intérêts conventionnels a commencé à courir à compter de la date de la signature du contrat de prêt notarié et celui de l'action en déchéance du droits aux intérêts conventionnels se situe au jour de la réception par les époux L... de ladite offre. En conséquence, les prescriptions étaient acquise respectivement les 21 mars 2013 et 21 février 2013.

En tout état de cause, il convient d'observer que le taux effectif global a été retenu pour 5,041 % alors que selon les appelants, celui-ci aurait dû être de 5,053 % ce qui correspond à une erreur de moins d'une décimale qui n'est pas sanctionnée en vertu des dispositions de l'article R.313-1 II du code de la consommation dans sa version applicable au litige; que la durée de la période était expressément stipulée tant dans l'offre de prêt que dans le contrat de crédit notarié à savoir le mois et qu'enfin les époux L... n'établissent nullement que des frais de domiciliation auraient dû être inclus dans le taux effectif global, ce qui le rendrait nécessairement erroné alors qu'il ne ressort aucunement des conditions générales du contrat de prêt que des frais de domiciliation étaient prévus, bien au contraire, cette domiciliation étant seulement mentionnée comme une contrepartie à l'octroi d'un taux plus favorable.

En conséquence, c'est à bon droit que le premier juge a retenu que l'exception de nullité de la stipulation du taux des intérêts conventionnels comme l'action en déchéance du droit aux intérêts conventionnels formées par les époux L... étaient prescrites et a débouté les époux L... de leurs demandes tendant à enjoindre la caisse du crédit mutuel de Santes-Wavrin de produire un avenant et un nouveau tableau d'amortissement ainsi que de leur demande de nullité des commandements aux fins de saisies-ventes, étant observé que leur demande visant à la nullité de la saisie-vente est sans objet puisqu'il n'est pas justifié de ce que lesdits commandements auraient été suivis de procès-verbaux de saisie-vente. Le jugement entrepris sera donc confirmé de ces chefs.

Sur les demandes accessoires

Parties perdantes, les époux L... seront condamnés in solidum aux dépens d'appel.

L'équité commande également de les condamner in solidum à verser à la caisse du crédit mutuel de Santes-Wavrin la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du 2 juillet 2018 rectifié par le jugement du 12 juillet 2018,

Y ajoutant

Condamne in solidum Mme K... O... épouse L... et M. H... L... à verser à la caisse du crédit mutuel de Santes-Wavrin la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum Mme K... O... épouse L... et M. H... L... aux dépens d'appel.

Le greffier, Le président,

I. Capiez S. Collière


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 8 section 3
Numéro d'arrêt : 18/04215
Date de la décision : 16/05/2019

Références :

Cour d'appel de Douai 83, arrêt n°18/04215 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-05-16;18.04215 ?
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