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29/03/2019 | FRANCE | N°17/042248

France | France, Cour d'appel de Douai, B1, 29 mars 2019, 17/042248


ARRET DU
29 Mars 2019

No RG 17/04224 - No Portalis DBVT-V-B7B-RGJ6

No 16/19

GROSSE

le 29/03/19

République Française
Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Renvoi après Cassation
- Prud'hommes -

CONSEIL DE PRUD'HOMMES D'ARRAS en date du 11/12/2014
COUR D'APPEL DOUAI en date du 18/12/2015
COUR DE CASSATION DU 06/10/2017

APPELANT :

M. K... D...
[...]
Représenté par Me Alexandre BAREGE, avocat au barreau de LILLE
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 59178002/17/011658

du 31/10/2017 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de DOUAI)

INTIMEE :

Association LA VIE ACTIVE
[...]
Représentée par Me Lauren...

ARRET DU
29 Mars 2019

No RG 17/04224 - No Portalis DBVT-V-B7B-RGJ6

No 16/19

GROSSE

le 29/03/19

République Française
Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Renvoi après Cassation
- Prud'hommes -

CONSEIL DE PRUD'HOMMES D'ARRAS en date du 11/12/2014
COUR D'APPEL DOUAI en date du 18/12/2015
COUR DE CASSATION DU 06/10/2017

APPELANT :

M. K... D...
[...]
Représenté par Me Alexandre BAREGE, avocat au barreau de LILLE
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 59178002/17/011658 du 31/10/2017 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de DOUAI)

INTIMEE :

Association LA VIE ACTIVE
[...]
Représentée par Me Laurent POUILLY, avocat au barreau de LILLE, assisté de Me Jean-Louis DECOCQ, avocat au barreau de COMPIEGNE -

DEBATS : à l'audience publique du 29 Janvier 2019

Tenue par Monique DOUXAMI
magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Maryse ZANDECKI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE

Monique DOUXAMI : PRESIDENT DE CHAMBRE
Leila GOUTAS : CONSEILLER
Patrick REMY : CONSEILLER

ARRET : Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 29 Mars 2019,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Monique DOUXAMI, Président et par Annick GATNER greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DES FAITS, DE LA PROCEDURE, DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Monsieur K... D... a été embauché par l'ALEFPJ, aux droits de laquelle vient aujourd'hui l'association LA VIE ACTIVE, en qualité de secrétaire le 9 septembre 1977.

Il a été promu chef de service responsable d'un foyer d'hébergement pour adultes handicapés à compter du 1er septembre 1997.

Placé en arrêt de travail à compter du 5 mars 2010 puis en affection longue maladie le 6 septembre 2010, il a fait l'objet de deux visites médicales de reprise les 20 septembre et 4 octobre 2010 à l'issue desquelles le médecin du travail l'a d'abord déclaré « inapte à la reprise de son poste. Apte à un poste identique dans un environnement différent » puis « inapte définitif à tout poste dans l'entreprise ».

Par courrier du 9 décembre 2010, il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Soutenant qu'il avait été victime de harcèlement moral, que son licenciement était nul et à titre subsidiaire, dépourvu de cause réelle et sérieuse et sollicitant la condamnation de l'association LA VIE ACTIVE au paiement de diverses sommes, il a saisi le 4 mars 2013 le conseil de prud'hommes d'Arras qui, par jugement du 11 décembre 2014 :
- a déclaré que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse ;
- a condamné l'association LA VIE ACTIVE à lui payer la somme de 4048,73 euros bruts au titre de rappel de salaire et celle de 404,87 euros bruts au titre des congés payés y afférents ;
- a condamné l'association LA VIE ACTIVE à lui remettre un certificat de travail reprenant l'intégralité de sa carrière sous astreinte ;
- l'a débouté du surplus de ses demandes et a débouté l'association LA VIE ACTIVE de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- a condamné l'association LA VIE ACTIVE aux dépens.

Par arrêt du 18 décembre 2015, la cour d'appel de Douai, statuant sur l'appel formé par Monsieur K... D..., a infirmé le jugement déféré en ses dispositions sur le rappel de salaire, l'a confirmé pour le surplus, a débouté Monsieur K... D... de ses demandes, a dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et a laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens.

Saisie par Monsieur K... D... d'un pourvoi, la cour de cassation, par arrêt du 6 octobre 2017 :
- a cassé et annulé l'arrêt déféré mais seulement en ce qu'il a débouté Monsieur K... D... de ses demandes de rappel de salaire ainsi que de ses demandes au titre du harcèlement moral et pour manquement de l'association LA VIE ACTIVE à son obligation de prévention ;
- a remis en conséquence, sur ces points, la cause et les parties en l'état où elles se trouvaient avant le dit arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Douai autrement composée.

Par conclusions transmises par voie électronique le 13 juin 2018, Monsieur K... D... demande à la cour de :
- infirmer le jugement rendu le 11 décembre 2014 par le conseil de prud'hommes d'Arras ;
- sur le rappel de salaire, condamner l'association LA VIE ACTIVE au paiement de la somme de 4 048,73 euros nets au titre de rappel de salaire et celle de 404,87 euros nets au titre des congés payés y afférents ;
- sur le licenciement,
* à titre principal, dire que le licenciement est nul et condamner l'association LA VIE ACTIVE au paiement des sommes suivantes : 17 940 euros au titre d'indemnité compensatrice de préavis, 1 794 euros au titre des congés payés y afférents, 226 991,20 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, 15 000 euros au titre de dommages et intérêts au titre du manquement de l'employeur à son obligation de prévention et 15 000 euros au titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;
* à titre subsidiaire, dire que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse et condamner l'association LA VIE ACTIVE au paiement des sommes suivantes : 17 940 euros au titre d'indemnité compensatrice de préavis, 1 794 euros au titre des congés payés y afférents, 226 991,20 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement qualifié par erreur de nul au lieu et place de sans cause réelle et sérieuse et 15 000 euros au titre de dommages et intérêts au titre du manquement de l'employeur à son obligation de prévention ;
- en tout état de cause,
* condamner l'association LA VIE ACTIVE à lui remettre un certificat de travail rectifié reprenant ses différents emplois en son sein sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir ;
* condamner l'association LA VIE ACTIVE au paiement, outre des dépens, de la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions transmises par voie électronique le 12 juillet 2018, l'association LA VIE ACTIVE demande à la cour de :
- confirmer le jugement rendu le 11 décembre 2014 par le conseil de prud'hommes d'Arras ;
- débouter Monsieur K... D... de ses demandes au titre du harcèlement moral et d'un prétendu manquement de sa part à l'obligation de prévention et/ou un harcèlement moral ;
- y ajoutant, débouter Monsieur K... D... de sa demande de rappel de salaire ;
- condamner Monsieur K... D... au paiement, outre des dépens, de la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le rappel de salaire

Monsieur K... D... expose qu' il n'a pas été complètement rempli de ses droits au salaire prévu par la convention collective durant les arrêts de travail pour maladie dont il a fait l'objet au motif que l'association LA VIE ACTIVE n'a pas inclus les astreintes dans le salaire de référence sur lequel le salaire qui lui a été servi a été calculé.

L'association LA VIE ACTIVE fait valoir que les astreintes doivent être exclues des sommes à prendre en considération pour déterminer le salaire de référence.

Selon l'article 6 de l'annexe no6 intitulée « dispositions spéciales aux cadres » à la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966, sous réserve des dispositions de l'article 26 de la convention collective du 15 mars 1966, en cas d'arrêt de travail résultant de maladie, d'accident de travail, les cadres percevront, pendant les 6 premiers mois le salaire net qu'ils auraient perçu normalement sans interruption d'activité, pendant les 6 mois suivants le demi salaire correspondant à leur activité normale. Viendront en déduction du montant ainsi fixé les indemnités journalières versées par la sécurité sociale, les caisses des cadres ou tout autre institution de prévoyance.

L'article 26 de la convention collective précise que la période de référence pour l'appréciation des droits est la période de 12 mois consécutifs précédant l'arrêt de travail en cause.

Les documents produits aux débats établissent que l'association LA VIE ACTIVE a servi à Monsieur K... D... pendant son l'arrêt maladie un salaire calculé sur un salaire de référence ne tenant pas compte des astreintes.

Néanmoins, les rémunérations versées au salarié à l'occasion des astreintes constituent une partie du salaire normalement perçu par celui-ci de sorte que l'association LA VIE ACTIVE aurait du les inclure sans le calcul du salaire de référence.

Dès lors, Monsieur K... D... est fondé à obtenir un rappel de salaire correspondant à la différence entre le salaire perçu pendant l'arrêt maladie et celui qu'il aurait du percevoir, soit la somme nette de 4 048,73 euros nets, et les congés payés y afférents, soit la somme nette de 404,87 euros nets.

En conséquence, l'association LA VIE ACTIVE sera condamnée au paiement des sommes et le jugement déféré sera confirmé de ce chef, sauf à préciser que les condamnations portent sur des sommes nettes et non brutes.

Sur la nullité du licenciement prononcé en raison d'une inaptitude trouvant son origine dans un harcèlement moral

Monsieur K... D... fait valoir que son licenciement est nul pour avoir été prononcé en raison d'une inaptitude qui trouve son origine dans une situation de harcèlement moral. L'association LA VIE ACTIVE le conteste.

Selon l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarie, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un tel harcèlement. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs.

Selon Monsieur K... D..., les éléments constitutifs du harcèlement moral ressortent de :
- des agissements répétés suivants :
1 - son supérieur hiérarchique, Monsieur M... H..., lui a imposé des méthodes de travail générant un stress permanent :
- il formulait diverses demandes exigeant une réponse immédiate ou pour le lendemain au plus tard l'obligeant à cesser toute autre activité pour y répondre et à consulter très régulièrement ses mails, ce qui était générateur d'un stress majeur,
- il n'a jamais caché pratiquer un management par la pression,
2 - ses congés lui ont été refusés dans des conditions extrêmement brutales, sans la moindre explication,
3 - il a été discrédité par un mail de Monsieur M... H... du 4 septembre 2009 qui a mis en évidence de prétendues lacunes devant l'ensemble des personnes travaillant avec lui,
4 - il a fait l'objet de pratiques humiliantes consistant à se voir imposer de suivre une formation d'initiation à l'informatique en avril 2009 alors qu'il travaillait sur informatique depuis plus de 20 ans,
5 - Monsieur M... H... a cherché à l'atteindre un peu plus par un mail qu'il lui a adressé le 30 septembre en réponse à sa candidature à une formation ayant pour thème « sensibilisation à la médiation »,
6 - Les personnes ayant pu travailler avec lui ont pu constater l'existence de reproches destinés à le dévaloriser, de propos tendant à mettre en doute ses compétences professionnelles et de réflexions désobligeantes à son égard,
7 - pendant l'arrêt de travail, l'association LA VIE ACTIVE n'a pas respecté les dispositions conventionnelles relatives aux garanties de salaire durant les périodes de maladie ;
- des documents médicaux produits ;
- des conséquences des agissements répétés, ayant entrainé une dégradation de ses conditions de travail et une atteinte à ses droits, ayant conduit à une altération de sa santé et ayant compromis son avenir professionnel.

1 - Il fournit :
- 3 mails adressés à tous les chefs de service, les deux premiers les 14 avril 2009 et 7 septembre 2009 par M... H... et le dernier du 11 mai 2009 par le service administratif :
* le premier leur rappelle les procédures concernant la paie des salariés et conclut :
« Je vous rappelle ces procédures car à ce jour elles ne sont pas appliquées par tous et il est urgent qu'elles le soient pour demain matin »,
* le second les informe de la réorganisation du CODI, leur rappelle qu'il disposent d'un téléphone portable professionnel leur permettant d'être joignables à tout moment pendant leur service et les avertit qu'il procédera lui même à tout moment à la vérification de la mise en œuvre de ses instructions sur la prise d'appel rapide avec les dits téléphones avec toutefois possibilité d'une réponse différée.
* le dernier réclame pour le lendemain les états de modulation aux « établissements pour lesquels cela n'a pas été fait »,
- 2 échanges de mails des 12 et 13 mai 2009 puis du 25 février 2010 avec le service administratif :
* le premier lui réclame « par retour de mail », des documents qu'il n'a pas transmis, certains d'entre eux ayant fait l'objet d'un accord de transmission la veille pour le soir même,
* le second lui demande de communiquer les noms des personnes présentes sur les établissements pendant l'été en ajoutant « C'est urgent, il faut que je réponde pour la semaine prochaine. N'oublie pas de me transmettre les personnels responsables des usagers le 27/02/10 après midi pour les deux structures ».
Ces mails ne comportent pas de termes humiliants et ils comprennent tous des formules de politesse et précautions de langage d'usage. Leur nombre réduit et leur contenu, ne dépassant pas le cadre de demandes courantes adressées à un responsable de service, ne caractérisent pas des méthodes de travail l'ayant soumis à une pression excessive ou inhabituelle, génératrice d'un stress permanent. Il s'ensuit que le premier fait n'est pas matériellement établi.

2 - Les bulletins de paie et la demande de congés du 19 juin 2009 démontrent que Monsieur K... D... a bénéficié régulièrement de congés durant l'année 2009 et que seule la prise d'un jour de RTT, le 13 juillet 2009, lui a été refusée. Il s'ensuit que le deuxième fait est matériellement établi mais uniquement pour cette journée de RTT.

3 - Le mail litigieux du 4 septembre 2009 est libellé comme suit : « Bonjour à tous, Afin de ne pas pénaliser la structure, je vous transmets par mail les demandes d'engagement de dépenses relatives à l'alimentation du foyer de Hermies que Monsieur D... a oublié de nous transmettre avant son départ en congés. C'est à titre tout à fait exceptionnel que nous les avons traitées en urgence. Bonne journée. Cordialement». Il n'émane pas de Monsieur M... H... mais de Madame L... J..., qui appartient au service administratif, et il ne fait état que d'un simple oubli de transmission de documents qui n'est pas de nature à discréditer Monsieur K... D... auprès des deux seules personnes auxquelles il a été diffusé. Il s'ensuit que le troisième fait n'est pas matériellement établi.

4-Monsieur K... D... justifie avoir suivi la formation « initiation informatique »les 9, 16 et 20 avril 2009 alors qu'il avait précédemment occupé des emplois dans le secrétariat et qu'il avait participé en 1992, 1994, 1995 et 1999 aux formations suivantes : « mise au point logiciel christal », « initiation au traitement de texte Word 5.5 », « la gestion commerciale sur les logiciels Alfa Informatique » et « Découvrir internet ». Toutefois, il ne démontre pas que, comme il le soutient, cette formation lui a été imposée par l'association LA VIE ACTIVE. Il s'ensuit que le quatrième fait n'est pas matériellement établi.

5- Monsieur K... D... communique le mail envoyé le 30 septembre 2009 par Monsieur M... H... en réponse à sa demande d'autorisation de s'inscrire à un stage de sensibilisation à la médiation qui est ainsi libellé : « Mr D..., Bonsoir, j'ai procédé à votre inscription à ce stage. J'attends la confirmation de la part de Madame N.... Je prends note que vous avez conscience de votre difficulté dans la gestion des situations difficiles. Cordialement ». Cette réponse est certes hâtive et maladroite mais n'est pas révélatrice de la volonté alléguée de son supérieur hiérarchique de « l'atteindre un peu plus ». Il s'ensuit que le cinquième fait n'est pas matériellement établi.

6- L'attestation d'une ancienne salariée, Madame S... R..., outre qu'elle est unique, n'est pas précise et circonstanciée. Partant, elle n'est pas suffisante à corroborer les allégations de Monsieur K... D... selon lesquelles les personnes qui ont travaillé avec lui ont constaté l'existence de reproches destinés à le dévaloriser, de propos tendant à mettre en doute ses compétences professionnelles et de réflexions désobligeantes à son égard. Il s'ensuit que la matérialité du sixième grief n'est pas établie.

7- Il résulte des développements qui précèdent que, pendant l'arrêt de travail, l'association LA VIE ACTIVE n'a pas respecté les dispositions conventionnelles relatives aux garanties de salaires pendant les périodes de maladie. Il s'ensuit que le septième fait n'est pas matériellement établi.

Monsieur K... D... produit également aux débats un certificat médical du docteur W... du 10 janvier 2010, qui fait état non pas d'une tentative de suicide mais d'idées suicidaires qu'il présentait ainsi que de son refus d'être hospitalisé et d'arrêter le travail, trois courriers des docteurs U... et V... des 5 mars 2010, 18 mars 2010 et 6 mai 2010, des arrêts de travail à partir du 5 mars 2010 et un placement en longue maladie du 6 septembre 2010, mentionnant un état dépressif, qui prouvent la réalité de la dégradation de son état de santé.

Le médecin du travail l'a également déclaré inapte à son poste de travail le 20 septembre puis à tout poste dans l'entreprise le 4 octobre suivant.

Contrairement à ce qu'il soutient, il ne saurait être déduit de la seule précision apportée par le médecin du travail dans son premier avis, selon laquelle il était apte à un poste identique dans un autre environnement, qu'il était exposé à une situation de harcèlement moral.

De même, les indications des médecins qui ont délivré les certificats médicaux et les arrêts de travail sur la genèse de son état dépressif sont inopérantes à établir celle-ci dès lors que ces praticiens n'ont connu de sa situation que ce qu'il a bien voulu leur en dire.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que Monsieur K... D... présente à l'appui de sa demande au titre du harcèlement des faits qui, pour certains ne sont pas matériellement établis, et pour ceux qui le sont, ne permettent pas, pris dans leur ensemble et au regard des éléments médicaux versés aux débats, de laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral.

En conséquence, il sera débouté de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral et le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

Conformément à l'article L1152-3 du code du travail, toute rupture de contrat consécutive à des faits de harcèlement est nulle. Il en va ainsi notamment lorsque l'inaptitude définitive d'un salarié à son poste de travail résulte de son état dépressif consécutif aux agissements de harcèlement moral dont il a fait l'objet.

Le harcèlement moral a été écarté de sorte que l'inaptitude de Monsieur K... D... ne saurait trouver son origine dans une telle situation.

En conséquence, Monsieur K... D... sera débouté de sa demande tendant à voir prononcer la nullité du licenciement et de ses prétentions subséquentes. Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

Sur l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement prononcé en raison d'une inaptitude trouvant son origine dans le comportement fautif de l'employeur.

Monsieur K... D... fait valoir à titre subsidiaire que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse car l'association LA VIE ACTIVE a eu un comportement fautif à l'origine de son inaptitude. L'association LA VIE ACTIVE le conteste.

Le licenciement pour inaptitude est sans cause réelle et sérieuse lorsqu'il est démontré que l'inaptitude est consécutive à une faute préalable de l'employeur. En effet, dans une telle hypothèse, le licenciement, même s'il est fondé sur une inaptitude régulièrement constatée par le médecin du travail, trouve en réalité sa cause véritable dans ce manquement de l'employeur.

Monsieur K... D... a été confronté à des manquements de l'association LA VIE ACTIVE consistant en un refus d'une journée de RTT et un non respect des dispositions conventionnelles sur le maintien du salaire pendant l'arrêt de travail.

Il n'est pas démontré que la dégradation de son état de santé est en lien avec ces manquements, étant souligné que les éléments précédemment relevés à cet égard sont confortés par les rapports de conciliation communiqués par l'association LA VIE ACTIVE qui intervenus devant le conseil départemental de l'ordre des médecins avec les docteurs U... et V... en avril 2014 aux termes desquels le premier de ces praticiens reconnaît que ses écrits de mars et septembre 2010 où il mentionne « dépression motif professionnel » puis « conflit avec l'employeur » ont fait l'objet d'une rédaction maladroite et ont été détournés de leur objet par le patient et le second atteste que la formulation « dans le cadre de difficultés professionnelles » de l'écrit du 18 mars 2010 ne peut entrainer une imputabilité du constat à l'une ou l'autre des parties.

Partant, la preuve que l'inaptitude médicalement constatée du salarié résulte d'une faute de l'employeur n'est pas rapportée.

En conséquence, Monsieur K... D... sera débouté de sa demande tendant à voir déclarer que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et de ses prétentions subséquentes. Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

Sur le manquement à l'obligation de prévention

Monsieur K... D... soutient que :
- il est établi que l'association LA VIE ACTIVE n'a pas respecté les obligations qui s'imposaient à elle afin de garantir la santé et la sécurité des salariés en ce qu'il a été victime de nombreux agissements ayant eu une incidence sur son état de santé, ces agissements ayant été d'une telle violence qu'ils l'ont conduit à se livrer à une tentative de suicide ;
- les éléments produits aux débats par l'association LA VIE ACTIVE ne permettent pas de considérer qu'elle a respecté son obligation de prévention en ce qu'ils sont postérieurs aux agissements qu'il a subis, ne visent pas la situation de harcèlement moral et pour le document unique d'évaluation, fait état d'une procédure pour le risque de violence verbale qu'il identifie dont la mise en place n'est pas établie.

L'association LA VIE ACTIVE fait valoir que :
- elle justifie avoir satisfait à ses obligations en communiquant l'accord relatif à la mesure et à la prévention du stress au travail signé le 4 mars 2010 et le document unique à évaluation des risques et action de prévention « en date de mise à jour septembre 2010 »;
- Monsieur K... D... ne démontre pas en quoi elle aurait manqué à ses obligations : il n'a jamais signalé à la direction l'existence de difficultés particulières qu'elle aurait sous-estimées ou tardé à traiter. De surcroît, contrairement à ce qu'il affirme, si sur le plan clinique, une dépression a pu être constatée, aucun lien avec les conditions de travail n'est établi.

L'article L4121-1 du code du travail prévoit que l'employeur doit prendre toutes les mesures pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs : actions de prévention, de formation et d'information et mise en place d'une organisation et de moyens appropriés et adaptés conformément aux principes généraux de la prévention énumérés à l'article L4121-2 du même code.

Ne méconnait pas l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures nécessaires prévues par les articles L4121-1 et L4121-2 du code du travail.

Les agissements établis de l'association LA VIE ACTIVE sont sans rapport avec son obligation de sécurité.

Quand bien même l'association LA VIE ACTIVE n'aurait pas respecté son obligation de prévention, le lien de causalité entre ce manquement et la dégradation de l'état de santé de Monsieur K... D... n'est pas établi.

En conséquence, Monsieur K... D... doit être débouté de sa demande de dommages et intérêts et le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

Sur les autres demandes

Il convient de condamner l'association LA VIE ACTIVE à remettre à Monsieur K... D... un certificat de travail reprenant l'intégralité des postes qu'il a occupés en son sein.

Il n'y a pas lieu d'assortir cette condamnation d'une astreinte.

Il convient de débouter chacune des parties de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Chacune des parties conservera la charge des dépens qu'elle a exposés dans le cadre de l'instance d'appel de renvoi après cassation.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant par arrêt contradictoire mis à disposition par les soins du greffe,

Confirme le jugement rendu le 11 décembre 2014 par le conseil de prud'hommes de Lille en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Dit que les condamnations au titre du rappel de salaire et des congés payés portent sur des sommes nettes et non brutes ;

Condamne l'association LA VIE ACTIVE à remettre à Monsieur K... D... un certificat de travail reprenant l'intégralité des postes qu'il a occupés en son sein ;

Déboute Monsieur K... D... du surplus de ses demandes ;

Déboute l'association LA VIE ACTIVE de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit que chacune des parties conservera à sa charge les dépens qu'elle a exposés dans le cadre de l'instance d'appel de renvoi après cassation.

Le Greffier, LePrésident,

A. GATNER M. DOUXAMI


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : B1
Numéro d'arrêt : 17/042248
Date de la décision : 29/03/2019
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.douai;arret;2019-03-29;17.042248 ?
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