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29/03/2019 | FRANCE | N°17/003198

France | France, Cour d'appel de Douai, B1, 29 mars 2019, 17/003198


ARRÊT DU
29 Mars 2019

N 427/19

No RG 17/00319 - No Portalis DBVT-V-B7B-QOXX

MD/VCO

RO

Jugement du
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CALAIS
en date du
20 Janvier 2017
(RG 16/29 -section 5)

GROSSE :

aux avocats

le 29/03/2019

République Française
Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
- Prud'Hommes-

APPELANT :

M. V... L...
[...]
[...]
Représenté par M. Bertrand PERON (Défenseur syndical CFDT)

INTIMÉE :

SAS ENTREPRISE D'EL

ECTRICITE ET D'EQUIPEMENT
[...]
[...]
[...]
Représentée par Me François DELEFORGE, avocat au barreau de DOUAI, assisté de Me Philippe ROUSSELIN-JABOULAY, avocat au barreau ...

ARRÊT DU
29 Mars 2019

N 427/19

No RG 17/00319 - No Portalis DBVT-V-B7B-QOXX

MD/VCO

RO

Jugement du
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CALAIS
en date du
20 Janvier 2017
(RG 16/29 -section 5)

GROSSE :

aux avocats

le 29/03/2019

République Française
Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
- Prud'Hommes-

APPELANT :

M. V... L...
[...]
[...]
Représenté par M. Bertrand PERON (Défenseur syndical CFDT)

INTIMÉE :

SAS ENTREPRISE D'ELECTRICITE ET D'EQUIPEMENT
[...]
[...]
[...]
Représentée par Me François DELEFORGE, avocat au barreau de DOUAI, assisté de Me Philippe ROUSSELIN-JABOULAY, avocat au barreau de LYON, substitué par Me Laurent ASTRUC, avocat au barreau de LYON

DÉBATS : à l'audience publique du 08 Janvier 2019

Tenue par Monique DOUXAMI
magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Maryse ZANDECKI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Monique DOUXAMI : PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Alain MOUYSSET : CONSEILLER
Patrick SENDRAL : CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 29 Mars 2019,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Monique DOUXAMI, Président et par Annick GATNER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 03/05/2017, avec effet différé jusqu'au 10/12/2018
EXPOSE DES FAITS, DE LA PROCEDURE, DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Monsieur V... L... a été embauché par la SAS Entreprise d'Electricité et d'Equipement en qualité d'ouvrier d'exécution par contrat à durée indéterminée à compter du 14 octobre 2002.

Il a été victime d'un accident de travail le 20 mai 2013.

Lors des visites périodiques des 30 janvier 2014 et 21 janvier 2015, le médecin du travail l'a successivement déclaré « apte conducteur d'engin et tous travaux au sol. inapte travail en hauteur pendant un an» et « apte travail au sol et conduite d'engins. Privilégier la conduite. Pas de travail en hauteur ».

Il a été convoqué à un entretien préalable par lettre recommandée avec accusé de réception du 31 août 2015 et s'est vu notifier son licenciement pour cause réelle et sérieuse par lettre recommandée avec accusé de réception du 22 septembre suivant.

Contestant le bien fondé du licenciement et sollicitant la condamnation de la SAS Entreprise d'Electricité et d'Equipement au paiement de diverses sommes au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, dommages et intérêts pour défaut d'autorisation de conduite, dommages et intérêts pour non respect du contrat de travail et frais irrépétibles, il a saisi le conseil de prud'hommes de Calais qui, par jugement du 20 janvier 2017 :
- a dit que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse ;
- l'a débouté de l'ensemble de ses demandes;
- l'a condamné au paiement de la somme de 250 euros au titre des frais irrépétibles et des dépens.

Par déclaration d'appel déposée au greffe le 14 février 2017, Monsieur V... L... a relevé appel de ce jugement.

Il demande à la cour de condamner la SAS Entreprise d'Electricité et d'Equipement au paiement des sommes suivantes :
-72 000 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-10 000 euros au titre de dommages et intérêts pour autorisation de conduite,
-10 000 euros au titre de dommages et intérêts pour non respect du contrat de travail,
-1000 euros au titre des frais irrépétibles.

La SAS Entreprise d'Electricité et d'Equipement demande à la cour de :
-confirmer le jugement déféré ;
-débouter Monsieur V... L... de l'ensemble de ses demandes ;
-condamner Monsieur V... L... au paiement d'une somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles et des dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, il est renvoyé aux dernières conclusions :
-de Monsieur V... L... reçues par courrier au greffe le 14 septembre 2017,
-de la SAS Entreprise d'Electricité et d'Equipement transmises par voie électronique le 27 octobre 2017.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 mai 2017 avec effet différé au 10 décembre 2018.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le licenciement

En application des articles L 1232-1 et L 1235-1 du code du travail, tout licenciement personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. En cas de litige, il appartient au juge d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Dans la lettre de licenciement, reprise presque in extenso dans le jugement déféré, la SAS Entreprise d'Electricité et d'Equipement reproche à Monsieur V... L... d'avoir, le 25 août 2013, après le chargement sur un chantier d'un pylône qu'il devrait livrer, omis de replier la grue auxiliaire de son camion et d'avoir accroché avec cette grue une ligne France Télécom, arrachant les ancrages et endommageant les poteaux.

La SAS Entreprise d'Electricité et d'Equipement précise que la circulation a été interrompue pendant une heure pour dégager la route et que les réparations ont nécessité le concours de France Télécom qui le lui avait facturé.

Elle ajoute que la semaine précédente, le 18 août 2015, Monsieur V... L... avait déjà omis de replier la grue auxiliaire de son camion et que l'intervention d'un chef d'équipe, qui l'avait alerté par téléphone, avait permis d'éviter un accident de justesse.

Au préalable, il est observé que Monsieur V... L... procède par voie d'affirmations lorsqu'il fait état dans ses écritures de la brièveté de l'entretien préalable, de l'impossibilité de s'expliquer et des excuses que le chef d'entreprise lui aurait adressées de l'avoir fait « déplacer pour si peu ».

En outre, il se contredit en indiquant que la lettre de licenciement « ne relate absolument pas la position de M. L... lors de l'entretien préalable », ce dont il se déduit qu'il a pu s'expliquer sur les faits reprochés lors de l'entretien préalable.

En tout état de cause, l'attitude de l'employeur dénoncée, à la supposer établie, ne saurait avoir pour effet de priver la rupture de cause réelle et sérieuse.

Sur le fond, Monsieur V... L... admet ne pas avoir replié correctement la grue auxiliaire de son camion.

Pour se dédouaner, il invoque :
-la responsabilité d'un tiers qui lui a ordonné d'effectuer un chargement qui débordait ;
-la responsabilité du conducteur de travaux qui, placé à proximité de son camion, ne l'a pas alerté sur le risque encouru ;
-la responsabilité de la SAS Entreprise d'Electricité et d'Equipement qui n'a pas fait neutraliser la ligne France Télécom aérienne ;
-le fait qu'il ne pouvait être considéré comme un chauffeur, n'ayant jamais été employé en cette qualité, n'en ayant qu'une rare pratique et n'ayant pas suivi la formation obligatoire pour la conduite des camions (FIMO ou FCO).

Ses dernières affirmations sont inopérantes, les faits reprochés ayant trait à la manipulation de la grue auxiliaire, à l'exclusion de la conduite des camions.

La SAS Entreprise d'Electricité et d'Equipement communique les attestations de Monsieur Z... A..., conducteur de travaux, une photographie du câble, plus exploitable que celle fournie par Monsieur V... L..., et un constat amiable qui corroborent les circonstances des faits et leurs conséquences telles que décrites dans la lettre de licenciement, contredisant en particulier les allégations de Monsieur V... L... sur le caractère inadapté du chargement, la présence du conducteur de travaux à proximité immédiate du camion et la nécessité de neutraliser la ligne France Télécom.

Elle démontre par ailleurs que Monsieur V... L... connaissait parfaitement les précautions essentielles à prendre dans le cadre de l'utilisation d'une grue auxiliaire et ne pouvait ainsi ignorer qu'il devait nécessairement replier sa grue correctement avant de rouler.

Il était en effet titulaire d'une autorisation de conduite d'engins de chantier et d'un CACES R 390, tous deux en cours de validité. La formation afférente au CACES R 390 sur l'utilisation des grues auxiliaires de chargement de véhicules suivie le 5 mars 2014, dont l'objectif était de lui permettre d'appliquer les consignes de sécurité, de manipuler l'engin de chantier en sécurité pour le matériel et le personnel et d'effectuer une maintenance préventive, comportait dans son programme une sensibilisation aux principaux risques et plus particulièrement aux risques électriques (lignes aériennes).

Enfin, la SAS Entreprise d'Electricité et d'Equipement fournit l'attestation de Monsieur S... N..., chef d'équipe, selon laquelle : « Le 18/8 lors de l'opération de dépose des protections de la partie 115-116, après chargement des poteaux sur la remorque du camion, M V... chauffeur de camion est parti sans replier sa grue. Je l'ai appelé au téléphone pour qu'il repli sa grue. Accident grave évité de justesse ». Monsieur V... L... ne conteste pas la réalité de ces faits et il soutient vainement qu'il n'y aurait pas de réitération de manquements professionnels pouvant entrainer des conséquences graves au motif qu'il s'est rendu coupable d'une erreur non sanctionnée le 18 août 2013, d'une faute sanctionnée par un licenciement le 25 août suivant et n'avait reçu auparavant que des courriers et primes pour son efficacité.

Il s'ensuit que les faits reprochés à Monsieur V... L... sont suffisamment établis. Ils consistent en une violation des règles de sécurité élémentaires pouvant mettre en danger les personnes et les biens. Ils sont d'autant plus graves qu'ils s'inscrivent dans un contexte de réitération à bref délai, démontrant une absence de volonté de corriger des négligences présentant une dangerosité certaine.

En conséquence, ils sont suffisamment sérieux pour justifier la rupture du contrat de travail et le jugement déféré sera confirmé en tant qu'il a dit que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse et débouté le salarié de sa demande de dommages et intérêts pour rupture injustifiée.

Sur les dommages et intérêts pour défaut d'autorisation de conduite

Monsieur V... L... impute à la SAS Entreprise d'Electricité et d'Equipement un défaut de formation FIMO ou FCO obligatoire et nécessaire pour les chauffeurs de camion.

Il indique, de manière confuse, que l'essentiel de son travail consistait à conduire et transporter du matériel à la fin de ses écritures alors qu'il soutient le contraire au début de celles-ci, dans la partie consacrée au licenciement, comme rappelé plus haut.

La SAS Entreprise d'Electricité et d'Equipement répond que la conduite ne représentait qu'une partie minoritaire du travail de Monsieur V... L..., qu'elle évalue à moins de 20%, de telle sorte que la formation FIMO ou FCO n'était pas nécessaire.

Sont soumis à l'obligation de formation FIMO ou FCO tous les conducteurs de véhicules dont le poids total en charge est supérieur à 3T5 à l'exception notamment de ceux transportant du matériel ou de l'équipement à utiliser dans l'exercice du métier de conducteur, si la conduite n'est pas son activité principale.

Monsieur V... L... produit aux débats l'attestation de Monsieur O... I... qui est sans incidence sur la détermination de ce que représente la conduite sur l'ensemble de son activité, l'auteur relatant son expérience en tant de chauffeur poids lourds, fonction pour laquelle il est embauché, ce qui n'est pas son cas.

Il fournit également l'attestation de Monsieur E... C... selon laquelle « il a été régulièrement chargé de transférer le camion d'un chantier à l'autre qui souvent était distant de plusieurs centaines de kilomètres correspondant à de nombreuses heures de conduite ». Ce témoignage n'est pas suffisamment précis et circonstancié pour établir que l'essentiel de son travail consistait à conduire des camions.

En outre, il est contredit par les documents concordants suivants communiqués par la SAS Entreprise d'Electricité et d'Equipement :
-les attestations de deux chefs de chantier, Messieurs D... B... et S... N..., qui ont été les supérieurs hiérarchiques de Monsieur V... L..., selon lesquelles ce dernier conduisait, sur le chantier, le camion qui lui était affecté de 1 à 3 heures par jour selon les travaux et le reste du temps travaillait avec l'équipe ;
-les relevés du dispositif de chronotachygraphe numérique, dont la force probante équivaut contrairement à ce qu'affirme Monsieur V... L... à celle d'un dispositif à disque, qui font apparaître que le temps de conduite de ce dernier pour les mois de janvier à août 2015 a été inférieur à 20% de son temps de travail.

Il résulte de ce qui précède que la conduite n'était pas l'activité principale de Monsieur V... L... de sorte que ce dernier n'était pas soumis à l'obligation de formation FIMO ou FSO. Partant, il ne saurait reprocher à la SAS Entreprise d'Electricité et d'Equipement de ne pas lui avoir fait bénéficier de cette formation.

En conséquence, il sera débouté de sa demande et le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

Sur les dommages et intérêts pour non respect du contrat de travail

Monsieur V... L... n'explicite ni a fortiori ne justifie du manquement reproché à la SAS Entreprise d'Electricité et d'Equipement au titre du non respect du contrat de travail, ni du préjudice qui en serait résulté pour lui et du lien de causalité entre le manquement et le préjudice.

En conséquence, il sera débouté de sa demande et le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

Sur les autres demandes

Chacune des parties sera déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel. Le jugement déféré sera infirmé et complété en ce sens.

Monsieur V... L... sera condamné aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant par arrêt contradictoire mis à disposition par les soins du greffe,

Confirme le jugement rendu le 20 janvier 2017 par le conseil de prud'hommes de Calais à l'exception de ses dispositions sur les frais irrépétibles de première instance de la SAS Entreprise d'Electricité et d'Equipement ;

Statuant de nouveau de ce chef et y ajoutant,

Déboute chacune des parties de sa demande au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

Condamne Monsieur V... L... aux dépens de première instance et d'appel.

Le Greffier, Le Président,

A. GATNER M. DOUXAMI


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : B1
Numéro d'arrêt : 17/003198
Date de la décision : 29/03/2019
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.douai;arret;2019-03-29;17.003198 ?
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