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29/03/2019 | FRANCE | N°17/003178

France | France, Cour d'appel de Douai, B1, 29 mars 2019, 17/003178


ARRÊT DU
29 Mars 2019

N 436/19

No RG 17/00317 - No Portalis DBVT-V-B7B-QOWT

MD/SD

RO

Jugement du
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'Arras
en date du
25 Janvier 2017
(RG 16/00363 -section5 )

GROSSE :

aux avocats

le29/03/2019

République Française
Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
- Prud'Hommes-

APPELANT :

M. W... P...
[...]
Représenté par Me Anne sophie AUDEGOND-PRUD'HOMME, avocat au barreau de DOUAI

INTIMÉ :

SARL ETS POU

CHAIN
[...]
Représenté par Me Philippe JOOS, avocat au barreau de SAINT-OMER

DÉBATS : à l'audience publique du 08 Janvier 2019

Tenue par Monique DOUXAMI
magistrat cha...

ARRÊT DU
29 Mars 2019

N 436/19

No RG 17/00317 - No Portalis DBVT-V-B7B-QOWT

MD/SD

RO

Jugement du
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'Arras
en date du
25 Janvier 2017
(RG 16/00363 -section5 )

GROSSE :

aux avocats

le29/03/2019

République Française
Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
- Prud'Hommes-

APPELANT :

M. W... P...
[...]
Représenté par Me Anne sophie AUDEGOND-PRUD'HOMME, avocat au barreau de DOUAI

INTIMÉ :

SARL ETS POUCHAIN
[...]
Représenté par Me Philippe JOOS, avocat au barreau de SAINT-OMER

DÉBATS : à l'audience publique du 08 Janvier 2019

Tenue par Monique DOUXAMI
magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Maryse ZANDECKI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Monique DOUXAMI : PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Alain MOUYSSET : CONSEILLER
Patrick SENDRAL : CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 29 Mars 2019,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Monique DOUXAMI, Président et par Annick GATNER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 03 mai 2017, avec effet différé jusqu'au 10 décembre 2018
EXPOSE DES FAITS, DE LA PROCEDURE, DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Monsieur W... P... a été embauché par la SARL Pouchain, en qualité de soudeur monteur, par contrat initiative emploi du 1er février 2000 au 31 janvier 2002 puis, en qualité de monteur soudeur et réparateur de machines agricoles, par contrat à durée indéterminée à compter du 1er février 2002.

Il a été placé en arrêt de travail pour maladie du 5 novembre 2014 au 30 novembre 2014 puis du 8 décembre 2014 au 26 avril 2015.

Il a fait l'objet d'une visite de pré reprise le 29 janvier 2015 et de deux visites de reprise les 10 et 26 mars 2015. A l'issue de la dernière, et après une étude de son poste de travail réalisée 24 mars 2015, le médecin du travail l'a déclaré inapte à son poste de travail et inapte à tout poste dans l'entreprise.

Convoqué par courrier du 1er avril 2015 à un entretien préalable, il s'est vu notifier son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre recommandée avec accusé de réception du 16 avril 2015.

Contestant le bien fondé de son licenciement et sollicitant la condamnation de la SARL Pouchain au paiement de diverses sommes au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, dommages et intérêts pour préjudice moral, indemnité compensatrice de préavis, congés payés y afférents et frais irrépétibles, il a saisi le conseil de prud'hommes d'Arras qui, par jugement du 25 janvier 2017 :
-a constaté que le licenciement avait été prononcé dans le respect des articles L1133-3, L1226-2, L1232-1, L4121-1, L4624-1 et R4624-31 du code du travail ;
-l'a débouté de l'intégralité de ses demandes ;
-a débouté la SARL Pouchain de sa demande au titre des frais irrépétibles;
-l'a condamné aux dépens.

Par déclaration d'appel transmise au greffe le 13 février 2017, Monsieur W... P... a relevé appel de ce jugement.

Il demande à la cour de :
-réformer le jugement déféré ;
-condamner la SARL Pouchain au paiement des sommes suivantes :
*33 772 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
*20 000 euros au titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,
*3002 euros au titre d'indemnité compensatrice de préavis et 300,20 euros au titre des congés payés y afférents,
*2500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La SARL Pouchain demande à la cour de :
-confirmer le jugement déféré ;
-condamner Monsieur W... P... au paiement de la somme de 2500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, ils est renvoyé aux dernières conclusions transmises par voie électronique :
-le 22 décembre 2017 pour Monsieur W... P...,
-le 4 janvier 2018 pour la SARL Pouchain.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 mai 2017 avec effet différé au 10 décembre 2018.
MOTIFS DE LA DECISION

Sur le licenciement

Monsieur W... P... soutient que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse car la SARL Pouchain n'a respecté ni son obligation de sécurité de résultat ni son obligation de reclassement.

Sur l'obligation de sécurité de résultat

Selon l'article L.4121-21 du code du travail, l'employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la sécurité physique et mentale des travailleurs.

Le manquement à une obligation de sécurité de résultat suffit à faire perdre son caractère réel et sérieux à un licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Les éléments produits aux débats par Monsieur W... P... consistent, pour l'essentiel, en :
-des courriers qu'il a adressés à la SARL Pouchain les 29 octobre 2014, 4 et 10 décembre 2014 pour dénoncer des humiliations dont il a fait l'objet, des menaces pour le contraindre à démissionner, des irrégularités en matière de durée du travail et des incohérences quant aux tâches à accomplir,
-une plainte qu'il a formulée auprès du procureur de la République le 22 novembre 2014 et une demande d'explications envoyée le 27 janvier 2015 à la SARL Pouchain par l'inspection du travail concernant ces mêmes faits,
-un certificat médical du 8 décembre 2014 et une ordonnance du même jour.

Ces derniers documents démontrent l'état dépressif qu'il a présenté mais pas sa genèse dès lors que le médecin n'a su de sa situation que ce qu'il a bien voulu lui en dire.

Les autres pièces se bornent à rapporter ses allégations et ne sont pas confortées par des témoignage ou élément objectif de nature à établir les faits sur lesquels elles portent.

Il s'ensuit que ces éléments sont insuffisants à établir la réalité des agissements qu'il impute à la SARL Pouchain et, a fortiori, des conséquences de ceux-ci sur la dégradation de son état de santé susceptible de caractériser un lien entre sa maladie et un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat.

Au demeurant, la SARL Pouchain communique les attestations de Messieurs D... K..., G... Q... et I... S... qui confirment ses dires sur l'objectif qu'il poursuivait d'obtenir une rupture conventionnelle ou un licenciement, le décrivant comme de plus en plus démotivé, faisant volontairement des erreurs, ne soignant plus son travail, répondant aux remarques « mi je m'en fou » et disant « Pouchain veut pas me mette dehors. Il n'a pas voulu me signer un accord. j'veux plus m'emmerder ici avec l'héritage de ma mère ».

Elle indique également, sans être contredite, que ni le procureur de la République ni l'inspection du travail n'ont donné de suite à ses courriers.

En conséquence, ce premier moyen ne saurait prospérer.

Sur l'obligation de reclassement

Selon l'article L.1226-2 du code du travail, alors applicable, lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. L 'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, transformations de poste de travail ou aménagement du temps de travail.

L'inaptitude à tout emploi dans l'entreprise constatée par le médecin du travail ne dispense pas l'employeur de rechercher une possibilité de reclassement du salarié. Le point de départ de cette recherche est fixé au moment où l'inaptitude du salarié est définitivement acquise, soit à la date du second examen médical confirmant l'inaptitude ou de l'examen unique le cas échéant. Son périmètre est fixé aux emplois disponibles dans l'entreprise ou du groupe auquel elle appartient.

Il appartient à l'employeur de prouver qu'il a bien satisfait à cette obligation de reclassement.

La SARL Pouchain produit aux débats le compte rendu d'une réunion exceptionnelle des délégués du personnel du 30 mars 2015 qui fait apparaître que dès l'étude de poste du 24 mars 2015, elle s'est préoccupée du reclassement interne de Monsieur W... P... en échangeant avec le médecin du travail sur les recherches réalisées, ce dont il est résulté qu'elle ne disposait pas de poste disponible compatible avec les préconisations de ce praticien. (« Au cours de cette réunion, l'entreprise a informé le docteur X... de la recherche de solutions de reclassement réalisées. Au vu des préconisations émises par le médecin du travail, aucun poste n'a pu être retenu pour être proposé à Monsieur W... P... »).

Elle justifie en outre, avoir réalisé les démarches supplémentaires suivantes qui n'avaient aucun caractère obligatoire :
-informer les délégués du personnel lors de la réunion précitée du 30 mars 2015 de l'impossibilité de reclassement interne de Monsieur W... P... et de la recherche d'un reclassement externe qu'elle envisageait d'effectuer auprès d'autres entreprises ;
-remettre dès le lendemain, 31 mars 2015, des courriers en vue d'un reclassement externe à trois sociétés voisines qui y ont apposé une mention manuscrite indiquant elles n'avaient pas de poste disponible sous leur tampon et une signature. Certes, ces courriers ont été remis en main propre. Cette seule circonstance ne permet pas d'en déduire, comme le fait Monsieur W... P..., qu'ils ont été rédigés pour les besoins de la cause et constituent des faux. D'ailleurs Monsieur W... P... s'est bien gardé d'engager une procédure spécifique en vue d'étayer ses allégations.

Il résulte de ce qui précède que la SARL Pouchain justifie pas avoir satisfait à son obligation de recherche sérieuse et loyale de reclassement.

En conséquence, ce second moyen ne saurait prospérer.

* * *

Aucun des moyens soulevés par Monsieur W... P... n'ayant abouti, le licenciement est pourvu d'une cause réelle et sérieuse et le jugement déféré sera confirmé de ce chef.
Sur le harcèlement moral

Selon l'article L.1l52-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En cas de litige, l'article L.1154-1 du code du travail dispose que :
-le salarié doit établir la matérialité de faits permettant de présumer l'existence du harcèlement moral,
-à charge ensuite pour l'employeur de rapporter la preuve que les agissements reprochés ne sont pas constitutifs de harcèlement et s'expliquent par des éléments objectifs.

Pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un tel harcèlement. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs.

Selon Monsieur W... P..., les éléments constitutifs du harcèlement moral ressortent des pressions morales dont il a fait l'objet de la part de son employeur.

Les documents qu'il produit aux débats qui consistent dans les courriers, plainte et demande d'explication de l'inspection du travail auprès de la SARL Pouchain décrits plus haut sont insuffisants à établir la matérialité de ces pressions pour les motifs précédemment retenus tenant à l'absence de témoignage ou d' élément objectif de nature à corroborer ses allégations.

De même, aucun élément du dossier ne permet de relier l'état dépressif médicalement constaté le 8 décembre 2015 avec des pressions morales qui auraient été exercées par la SARL Pouchain.

Il résulte de ce qui précède que Monsieur W... P... n'établit pas la matérialité de faits qui, pris dans leur ensemble et au regard des éléments médicaux versés, permettent de présumer de l'existence d'un harcèlement moral.

En conséquence, Monsieur W... P... doit être débouté de sa demande de dommages et intérêts et le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

Sur les autres demandes

Monsieur W... P... sera débouté de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et condamné à payer à la SARL Pouchain la somme de 300 euros sur ce même fondement.

Monsieur W... P... sera également condamné aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant par arrêt contradictoire par arrêt mis à disposition par les soins du greffe,
Confirme le jugement rendu le 25 janvier 2017 par le conseil de prud'hommes d'Arras en toutes ses dispositions sauf celles sur les frais irrépétibles et les dépens ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne Monsieur W... P... à payer à la SARL Pouchain la somme de 300 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Monsieur W... P... aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

A.GATNER M.DOUXAMI


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : B1
Numéro d'arrêt : 17/003178
Date de la décision : 29/03/2019
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.douai;arret;2019-03-29;17.003178 ?
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