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21/03/2019 | FRANCE | N°18/02202

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 8 section 4, 21 mars 2019, 18/02202


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 4

ARRÊT DU 21/03/2019



BAUX RURAUX



N° de MINUTE : 19/347

N° RG 18/02202 - N° Portalis DBVT-V-B7C-RPUV

Jugement (N° 51-15-45) rendu le 19 Mars 2018

par le tribunal paritaire des baux ruraux d'Arras



APPELANTE



Madame [E] [R] [Z] [W] veuve [J] tant en son nom personnel qu'en qualité d'administratice légale de ses enfants mineurs :

- [K] [P] [D] [J], né le [Date naissance 1] 2004

à [Localité 1]

- [H] [X] [Q] [J] née le [Date naissance 2] 2007 à [Localité 1]

née le [Date naissance 3] 1975 à [Localité 1] - de nationalité française

[Adr...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 4

ARRÊT DU 21/03/2019

BAUX RURAUX

N° de MINUTE : 19/347

N° RG 18/02202 - N° Portalis DBVT-V-B7C-RPUV

Jugement (N° 51-15-45) rendu le 19 Mars 2018

par le tribunal paritaire des baux ruraux d'Arras

APPELANTE

Madame [E] [R] [Z] [W] veuve [J] tant en son nom personnel qu'en qualité d'administratice légale de ses enfants mineurs :

- [K] [P] [D] [J], né le [Date naissance 1] 2004 à [Localité 1]

- [H] [X] [Q] [J] née le [Date naissance 2] 2007 à [Localité 1]

née le [Date naissance 3] 1975 à [Localité 1] - de nationalité française

[Adresse 1]

Représentée par Me Jean-Philippe Verague, avocat au barreau d'Arras

INTIMÉS

Monsieur [U], [F] [R]

né le [Date naissance 4] 1980 à [Localité 2] - de nationalité française

[Adresse 2]

Gaec de la Tour

[Adresse 3]

Représentés par Me Philippe Meillier, avocat au barreau d'Arras

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Sylvie Collière, président de chambre

Louise Theetten, conseiller

Maria Bimba Amaral, conseiller

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Adeline Penning

DÉBATS à l'audience publique du 17 Janvier 2019 après rapport oral de l'affaire par Louise Theetten

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 21 Mars 2019 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Sylvie Collière, président, et Adeline Penning, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux d'Arras du 19 mars

2018 ;

Vu l'appel partiel interjeté le 13 avril 2018 par Mme [E] [W] en son nom personnel et en qualité d'administratrice légale de ses enfants mineurs [K] [J] et [N] [J] ;

Vu les conclusions déposées et visées par le greffier à l'audience du 13 septembre 2018 pour Mme [W] en son nom personnel et en qualité d'administratrice légale de ses enfants mineurs [K] [J] et [N] [J] ;

Vu les conclusions déposées et visées par le greffier à l'audience du 13 septembre 2018 pour M.[U] [R] et le GAEC de la tour et portant appel incident ;

Vu la réouverture des débats ordonnée par mention au dossier, le renvoi de l'affaire à l'audience du 17 janvier 2019 et la note d'audience de la même date ;

Vu les articles L. 411-59, L. 411-74, L. 491-1 du code rural et de la pêche maritime, 815-5, 817 à 819 et 873 du code civil, 35, 90 alinéa 2, 562, 696 et 700 du code de procédure civile ;

Attendu que, par acte authentique du 15 février 2008 reçu par Maître [A], notaire à [Localité 3], [O] [J] a consenti à M. [R] un bail d'une durée de 9 années à effet du 1er octobre 2007 pour se finir le 30 septembre 2016, portant sur les parcelles suivantes qu'il exploitait antérieurement :

- Commune de [Localité 4]:

* parcelle ZD [Cadastre 1] pour 1 ha 12 a 30 ca

- Commune de Berles au bois:

* parcelle ZB [Cadastre 2] pour 85 a 00 ca

* parcelle ZB [Cadastre 1] pour 45 a 80 ca

* parcelle ZB [Cadastre 3] pour 44 a 90 ca

* parcelle ZB [Localité 5] pour 47a 50 ca

* parcelle ZC [Cadastre 4] pour 1 ha 72 a 90 ca

* parcelle ZC [Cadastre 5] pour 1 ha 76 a 90 ca

* parcelle ZC [Cadastre 6] pour 3 ha 12 a 40 ca

* parcelle ZC [Cadastre 7] pour 1 ha 34 a 70 ca

* parcelle ZC [Cadastre 8] pour 1 ha 52 a 90 ca

* parcelle ZE [Cadastre 1] pour [Cadastre 7] a 50 ca

* parcelle ZE [Cadastre 3] pour 16 a 40 ca

* parcelle ZE [Localité 5] pour 1 ha 14 a 80 ca

* parcelle ZN [Cadastre 9] pour 1 ha 91 a 40 ca,

soit une superficie totale de 16 ha [Cadastre 8] a 40 ca ;

Que l'acte stipule que les parcelles sont mises à disposition du GAEC de la tour dont il est justifié que M. [R] est associé ;

Attendu que, selon acte dressé par Maître [P], notaire le 21 décembre 2011, [O] [J] est décédé le [Date décès 1] 2010, laissant pour lui succéder, ses deux enfants mineurs [N] et [K] [J] ; que Mme [W], veuve de [O] [J], est donataire de l'usufruit de l'universalité des biens et droits mobiliers et immobiliers aux termes d'un acte reçu le 26 avril 2000 par Maître [Z], notaire, et a opté pour l'usufruit de la totalité des biens dépendant de la succession ;

Attendu que, par acte d'huissier de justice du 13 mars 2015, Mme [W] a donné congé à M. [R] à effet du 30 septembre 2016 aux fins de reprise pour exploitation personnelle ;

Que, par requête du 9 juillet 2015 reçue au greffe le 10 juillet 2015, M. [R] et le GAEC de la tour ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux d'Arras d'une demande d'annulation de congé et d'une demande de répétition de l'indu dirigées contre Mme [W] en son nom personnel;

Que, par requête du 28 septembre 2017 reçue au greffe le 4 octobre 2017, M. [R] et le GAEC de la tour ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux d'Arras d'une demande de condamnation solidaire de [K] et [N] [J] et en tant que de besoin de Mme [W], en qualité d'administratrice légale de ses enfants à répéter la somme de 123 285 euros avec intérêts au taux légal majoré de trois points à compter du 4 février 2008 ;

Attendu que le jugement entrepris, auquel il convient de se référer pour un rappel de la procédure antérieure, a ordonné la jonction des procédures, a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par Mme [W] en son nom personnel et ès qualités, s'est déclaré compétent pour l'ensemble du litige, a rejeté les fins de non recevoir tirées du défaut de qualité à agir du GAEC de la tour et de la prescription, a déclaré recevables les demandes de M. [R] et du GAEC de la tour, a rejeté la demande de nullité du congé délivré par Maître [L], huissier de justice en date du 13 mars 2015 par Mme [W] à M. [R], a validé le congé aux fins de reprise portant sur les parcelles litigieuses, a débouté le GAEC de la tour de sa demande de répétition dirigée contre Mme [W], a condamné [N] et [K] [J] en leur qualité d'héritiers ou ayants droit de [O] [J], représentés par leur mère Mme [W] ès qualité à payer au GAEC de la tour la somme de 115 043 euros avec intérêts au taux légal à compter du 10 juillet 2010 pour la période antérieure au 13 octobre 2014, et au taux légal mentionné à l'article L. 313-2 du code monétaire et financier majoré de trois points pour la période postérieure à compter du 13 octobre 2014, a fait droit à la demande de capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière à compter du 10 juillet 2015, conformément aux dispositions de l'article 1154 devenu 1343-2 du code civil, a débouté les parties de demandes plus amples ou contraires, a débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile, a dit que chacune des parties supportera la charge de ses propres dépens et a dit que le jugement sera transmis au juge des tutelles mineurs par les soins du greffe ;

Attendu que Mme [W], en son nom personnel et ès qualités, demande la confirmation du jugement en ce qu'il a validé le congé délivré à M. [R], l'infirmation du jugement pour le surplus sauf en ce qu'il a rejeté la demande de répétition du GAEC de la tour dirigée contre Mme [W] en son nom personnel, et sollicite de la cour qu'elle constate l'incompétence du tribunal paritaire des baux ruraux au profit du tribunal de grande instance d'Arras pour statuer sur les demandes du GAEC de la tour et, à titre subsidiaire, qu'elle déclare irrecevables ces demandes pour défaut de qualité à agir et prescription, qu'elle déboute le GAEC de la tour, à titre infiniment subsidiaire, qu'elle limite le quantum des condamnations à hauteur des superficies louées, qu'elle dise les intérêts datant de plus de 5 ans avant l'introduction de l'instance prescrits, qu'elle dise que les intérêts courront au taux légal pour la période antérieure au 13 octobre 2014 et au taux légal majoré de 3 points pour la période postérieure au 13 octobre 2014 et que la capitalisation des intérêts ne pourra intervenir par année entière qu'à compter de la date d'introduction de l'instance ;

Attendu que M. [R] et le GAEC de la tour demandent l'infirmation du jugement sur la validité du congé et sollicitent son annulation ; qu'ils demandent la confirmation du jugement pour le surplus sauf sur les dépens ;

MOTIFS

Sur l'effet dévolutif de l'appel

Attendu que la cour n'est pas saisie d'un appel contre la disposition du jugement ayant débouté le GAEC de la tour de sa demande de répétition de l'indu dirigée contre Mme [W] en son nom personnel ;

Sur l'exception d'incompétence

Attendu que l'article 35 du code de procédure civile dispose que lorsque plusieurs prétentions fondées sur des faits différents et non connexes sont émises par un demandeur contre le même adversaire et réunies en une même instance, la compétence et le taux du ressort sont déterminés par la nature et la valeur de chaque prétention considérée isolément ; qu'en son alinéa 2, ce même article dispose que lorsque les prétentions réunies sont fondées sur les mêmes faits ou sont connexes, la compétence et le taux du ressort sont déterminés par la valeur totale de ces prétentions ;

Qu'en application de l'article L. 491-1 du code rural et de la pêche maritime, le tribunal paritaire des baux ruraux est compétent pour connaître des contestations entre bailleurs et preneurs de baux ruraux relatives à l'application des titres Ier à VI et VIII du livre IV dudit code;

Que le tribunal paritaire des baux ruraux a une compétence générale pour connaître de toutes les contestations dont le bail rural est l'objet, la cause ou

l'occasion ;

Attendu que le GAEC de la tour a formé devant les premiers juges une demande en répétition de l'indu fondée sur l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime dirigée contre les héritiers de [O] [J] et l'usufruitière des parcelles litigieuses et dirigées uniquement contre les héritiers de [O] [J] en cause d'appel ; que la contestation du congé est formée par M. [R] et non par le GAEC de la tour ;

Qu'en conséquence, les demandes de M. [R] et du GAEC de la tour doivent être prises en compte isolément pour apprécier la compétence, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, étant précisé que l'exception d'incompétence n'est soulevée que s'agissant des demandes du GAEC ;

Attendu que le GAEC de la tour est un tiers au bail rural conclu entre M. [R] et [O] [J] ; que contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, ce bail ne constitue ni l'occasion ni la cause de l'action en répétition de l'indu, l'indu allégué étant déclaré versé à l'occasion de la cession d'exploitation ; que l'action du GAEC ne relève pas de la compétence du tribunal paritaire des baux ruraux ;

Que le jugement est donc infirmé en ce qu'il a retenu la compétence du tribunal paritaire des baux ruraux d'Arras s'agissant de la demande de répétition du GAEC de la tour ; que le tribunal de grande d'instance d'Arras était compétent pour connaître de cette demande ;

Attendu, toutefois, qu'en application de l'article 90 alinéa 2 du code de procédure civile, il appartient à la cour, juridiction d'appel des décisions du tribunal de grande instance d'Arras, de statuer sur le fond du litige ;

Sur la fin de non recevoir tirée du défaut de qualité à agir du GAEC de la tour

Attendu que les premiers juges ont retenu que l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime ne réserve pas l'action en répétition de l'indu au seul preneur, cette action étant également ouverte à celui qui, à l'occasion du changement d'exploitant, a, pour le compte du preneur, réglé une somme indue au bailleur ; que les premiers juges en ont déduit que le GAEC de la tour avait qualité à agir et ont rejeté la fin de non recevoir tirée du défaut de qualité à agir du GAEC de la tour ;

Que si, en cause d'appel, Mme [W] en son nom personnel et ès qualité soulève une fin de non recevoir tirée du défaut de qualité à agir, elle ne critique pas ce motif du jugement ; qu'en l'absence de critique du jugement, celui-ci sera confirmé en ce qu'il a rejeté la fin de non recevoir tirée du défaut de qualité à agir du GAEC de la tour ;

Qu'en réalité Mme [W] en son nom personnel et ès qualité soutient que le GAEC de la tour ne peut agir contre elle en sa qualité d'usufruitière des biens de [O] [J] ;

Qu'ainsi c'est la fin de non recevoir tirée de l'absence de qualité de Mme [W] ès nom que cette dernière soulève ;

Que toutefois cette fin de non recevoir, formée en cause d'appel, est sans objet dès lors que la cour n'est pas saisie de demande de condamnation contre Mme [W] en son nom personnel formée par le GAEC de la tour ; que la fin de non recevoir ainsi soulevée sera, ajoutant au jugement, rejetée comme sans objet ;

Sur la fin de non recevoir tirée de la prescription

Attendu que Mme [W] ès qualité soutient que le GAEC de la tour a appelé tardivement à la procédure [N] et [K] [J] héritiers de [O] [J] ;

Attendu qu'en application de l'article 2224 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n°2008-561 du 17 juin 2008, entrée en vigueur le 18 juin suivant, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'auparavant la prescription était trentenaire ;

Attendu que l'action en répétition de l'indu n'est pas réservée au seul preneur et est ouverte à celui qui, à l'occasion du changement d'exploitant, a réglé les sommes alléguées pour le compte du preneur ; qu'exercée contre le bailleur, l'action en répétition de l'indu demeure, aux termes de l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime , recevable pendant toute la durée du bail initial et des baux renouvelés qui lui font suite ainsi que, en cas d'exercice du droit de reprise, pendant un délai de dix-huit mois à compter de la date d'effet du congé ;

Attendu que les premiers juges ont retenu que l'action étant dirigée contre le conjoint survivant et les héritiers du bailleur défunt, les règles relatives à l'action diligentée contre le bailleur s'appliquent, que l'action étant recevable pendant toute la durée du bail augmentée de 18 mois à compter de la date d'effet du congé, soit le 30 septembre 2016, et que le GAEC de la tour ayant introduit son action en répétition par requête du 9 juillet 2015 reçue le 10 juillet 2015, son action est recevable ;

Attendu qu'en cause d'appel, la demande de répétition de l'indu n'est dirigée que contre les héritiers de [O] [J] à l'exclusion de Mme [W] en son nom personnel ;

Attendu que Mme [W] soutient que l'action du GAEC de la tour en sa qualité de tiers au contrat de bail est dirigée contre le preneur sortant ; qu'elle en déduit qu'elle est soumise au délai de prescription de droit commun réduit à cinq ans et que, si paiement il y a eu, celui-ci étant allégué comme étant intervenu le 4 février 2008, l'action était prescrite depuis le 4 février 2013 ;

Attendu que contrairement à ce que soutient Mme [W], [O] [J] n'avait pas la qualité de preneur sortant à l'égard de M. [R] puisqu'il lui a donné à bail les parcelles qu'il exploitait personnellement ;

Attendu que les dispositions de l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime relatives à la prescription de l'action en répétition de l'indu exercée à l'encontre du bailleur n'opèrent aucune distinction sur la durée du délai de prescription selon la qualité de tiers ou preneur de celui qui se prétend créancier d'un indu ;

Qu'ainsi, l'action du GAEC de la tour n'est pas soumise à la prescription quinquennale de droit commun du seul fait que le GAEC de la tour n'a pas la qualité de preneur à bail ;

Que l'action dirigée contre les héritiers nus-propriétaires des parcelles litigieuses prises à bail jusqu'au 30 septembre 2016, date d'effet du congé contesté, a été introduite le 4 octobre 2017, soit moins de 18 mois à compter de la date d'effet du congé ;

Qu'en l'absence d'autres moyens développés à l'appui de sa fin de non recevoir tirée de la prescription, le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a rejetée ;

Sur le congé pour reprise personnelle

Attendu que le jugement n'est pas critiqué en ce qu'il a retenu que Mme [W], titulaire d'un Brevet Professionnel Responsable d'Exploitation Agricole, justifie de sa compétence professionnelle, que la reprise, selon notamment courrier de Mme la sous-préfète du Pas de Calais du 14 janvier 2016, n'est pas soumise à une autorisation préalable d'exploiter et que la condition de domicile est remplie ;

Attendu que M. [R] soutient que Mme [W] ne dispose pas du matériel adapté à l'exploitation des 16 hectares de parcelles et qu'il n'est pas justifié qu'elle ait obtenu l'autorisation du juge des tutelles pour bénéficier d'un bail sur les terres en litige alors que ses droit d'usufruitier sont précaires et ne lui permettent pas d'exploiter personnellement les terres à la date du congé et pendant neuf années dès lors qu'en application des articles 817 et suivants du code civil, les nus-propriétaires peuvent provoquer le partage ;

Que, s'agissant du matériel, au vu de la carte grise d'un engin de marque John Deere, du relevé des immobilisations pour l'année 2015 de Mme [W], des factures en date des 19 septembre 2016, 30 juillet 2014, 5 octobre 2011, [Cadastre 1] décembre 2013, 17 juillet 2014, 10 avril 2014 et 27 décembre 2013 dressées respectivement par Mme [M], M. [G], les établissements Novargi équipement, la société Nord Agri service, les Ecuries du val d'ancre, la société Asa Company, et par l'EARL Leroy, Mme [W] disposait, dès avant la date d'effet du congé, de cinq chevaux et poulains, notamment d'un tracteur, de boxes, d'une structure modulable de [Localité 5] mètres X 20 mètres à usage de manège, d'un hangar, d'un club house, de box, de parcours d'obstacle, d'une tonne à eau, d'un râteau faneur, d'une faucheuse, de tondeuses, de deux charrettes, de deux tracteurs, d'une herse, de selles, de matériel permettant d'apporter des soins aux équidés, d'une remorque, d'une benne, d'un 'bobcat', d'une herse et d'un semoir ;

Que Mme [W] dispose d'un bâtiment permettant le stockage de la nourriture des équidés et qu'il n'est pas démontré que le litige invoqué par M. [R] relativement à une construction non autorisée par l'administration empêche l'exploitation des terres en litige dans le cadre de l'activité de centre équestre de Mme [W] ;

Qu'ainsi, Mme [W] disposait à la date d'effet du congé d'un matériel, certes ancien mais non hors d'usage, suffisant pour mettre en valeur 16 hectares de terres à usage principal de prairies dans le cadre de l'exercice d'une activité agricole de centre équestre, laquelle ne rend pas la possession d'une moissonneuse batteuse nécessaire ;

Qu'en outre, en sa qualité d'usufruitière à titre viager, Mme [W] a l'usage et la jouissance du matériel provenant de la succession de [O] [J] ;

Que Mme [W] est seule usufruitière des parcelles, ses enfants mineurs en étant nus-propriétaires ;

Qu'en conséquence, d'une part, Mme [W] n'avait pas à solliciter l'autorisation du juge des tutelles pour qu'un bail lui soit accordé par ses enfants ;

Que, d'autre part, il n'existe aucune indivision, y compris sur la jouissance des parcelles litigieuses, entre Mme [W] et ses enfants puisque Mme [W] et ces derniers sont titulaires de droit de nature différentes sur les parcelles litigieuses ; qu'il en résulte que ni l'action de l'article 817 du code civil, ni celle de l'article 819 du code civil ne sont ouvertes aux enfants de Mme [W] ; qu'en outre, l'article 818 du code civil, renvoyant expressément à l'article 815-5 du code civil lequel en son alinéa 2, interdit au juge, saisi d'une demande de partage de la nue-propriété, d'ordonner la vente de la pleine propriété d'un bien grevé d'usufruit contre la volonté de l'usufruitier ;

Que dans ces conditions, les droits d'usufruitier de Mme [W] ne sont pas précaires et contraires à une exploitation des parcelles pendant neuf années ;

Que le jugement sera confirmé en ce qu'il a validé le congé et rejeté la demande de nullité ;

Sur l'action en répétition de l'indu

Attendu que les héritiers sont tenus des dettes et charges de la succession, personnellement pour leur part successorale ;

Attendu que selon l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime, sera puni d'un emprisonnement de deux ans et d'une amende de 30000 € ou de l'une de ces deux peines seulement, tout bailleur, tout preneur sortant ou tout intermédiaire qui aura, directement ou indirectement, à l'occasion d'un changement d'exploitant, soit obtenu ou tenté d'obtenir une remise d'argent ou de valeurs non justifiée, soit imposé ou tenté d'imposer la reprise de biens mobiliers à un prix ne correspondant pas à la valeur vénale de ceux-ci ;

Que les sommes indûment perçues et sujettes à répétition sont majorées d'un intérêt calculé à compter de leur versement et égal au taux de l'intérêt légal mentionné à l'article L. 313-2 du code monétaire et financier majoré de trois points ;

Que la prescription des intérêts est quinquennale ;

Attendu que [N] et [K] [J] sont chacun héritiers pour moitié de la succession de [O] [J] ;

Attendu qu'à l'appui de sa demande, le GAEC de la tour produit un document intitulé 'détermination des biens cessibles' non daté et non contesté en ce que les signatures apposées sont imputées à [O] [J] et M. [R] ; que ce document atteste d'un accord des parties sur les éléments suivants :

'améliorations du fonds : 6603 euros/ ha X 21,96 Ha = 145000 euros

et quota laitier

Matériel (voir liste ci dessous) : = 23000 euros (...)

TOTAL = 168000euros";

Que deux factures du 4 février 2008, imputées à [O] [J] adressées au GAEC de la tour mais non signées, sont produites ; que celle portant le numéro [Cadastre 3], d'un montant de 32 292 euros toutes taxes comprises est relative à la cession d'un matériel détaillé et porte mention du numéro de chèque 4871053 à titre de paiement ; que la seconde, numérotée 26, est relative à l'amélioration du fonds d'une surface de 21 ha 66 a, aux droits à paiement unique et à une autre immobilisation incorporelle pour un montant total de 152 194,59 euros, et mentionne un acompte par chèque numéro 4871054 d'un montant de 107 194,59 euros ;

Qu'il est établi par les relevés de compte du GAEC de la tour et les copies de chèques émis le 4 février 2008 que l'EARL Van der Poorten, dont M. [R] était associé et aux droits de laquelle le GAEC de la tour justifie venir, a payé les sommes de 107 194,59 euros (chèque n°4871054), de 9 776,50 euros (chèque n°4871052) et 32 292 euros (chèque 4871053) à [O] [J] par débit de ces chèques sur le compte du GAEC de la tour ; que la preuve d'un paiement de 45 000 euros par chèque du 4 mai 2008 n'est pas rapportée par la production de la seule copie du chèque et par des extraits du 'journal auxiliaire' de l'année 2007/2008 produit en pièce 6 par M. [R] et le GAEC de la tour ;

Qu'ainsi, le GAEC de la tour, ayant pour associé M. [R], preneur, a payé à [O] [J], bailleur, une somme de 149 263,09 euros peu de temps avant la conclusion du bail rural le 15 février 2008 ;

Que la réalité de la cession de matériel pour un montant de 32 292 euros toutes taxes comprises est établie au vu de l'extrait de journal auxiliaire produit par le GAEC de la tour et M. [R] ;

Qu'en revanche, les améliorations culturales, au demeurant non établies, ne peuvent être mises à la charge du preneur entrant, que les quotas laitiers ne peuvent être cédés ; qu'il n'est pas démontré l'existence d'une contrepartie aux 'autres immobilisations incorporelles' non détaillées sur la facture n°26 ;

Attendu qu'ainsi, sans qu'il y ait lieu de réduire le montant des améliorations à la surface des parcelles réellement prises à bail, le GAEC de la tour justifie que la somme de 116 971,09 euros versée à [O] [J] est constitutif d'un indu au sens de l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime ;

Que toutefois, le GAEC de la tour limite sa demande à la somme de 115 043 euros fixée par les premiers juges dès lors qu'il demande la confirmation du jugement de ce chef ;

Attendu que la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014, qui a modifié le deuxième alinéa de l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime relatif au taux d'intérêt dû sur les sommes indûment perçues, est immédiatement applicable aux instances en cours, mais ne s'applique pas rétroactivement à la répétition de sommes versées antérieurement à la date de son entrée en vigueur ; qu'en conséquence, les intérêts ayant couru avant l'entrée en vigueur de la loi doivent être calculés en application du seul taux légal sans pouvoir être majorés de trois points ;

Que cette loi est entrée en vigueur le 15 octobre 2014 ;

Que la requête en répétition de l'indu dirigée contre [N] et [K] [J], héritiers de [O] [J], représentés par Mme [W] a été reçue le 4 octobre 2017 de sorte que les intérêts ne peuvent courir qu'à compter du 4 octobre 2012 ;

Que la capitalisation annuelle des intérêts sera ordonnée à compter du 4 octobre 2017 et non du 10 juillet 2015, date de réception de la requête en répétition de l'indu dirigée contre Mme [W] en son nom personnel, comme décidé par les premiers

juges ;

Qu'en conséquence, le jugement sera infirmé sur le taux et le point de départ des intérêts et sur la capitalisation annuelle des intérêts ;

Que Mme [W] ès qualité de représentante légale de ses enfants mineurs [N] et [K] [J], chacun personnellement tenu pour moitié, sera condamnée à payer au GAEC de la tour la somme de 115 043 euros avec intérêts au taux légal à compter du 4 octobre 2012 jusqu'au 14 octobre 2014 inclus et avec intérêts au taux légal majoré de trois points à compter du 15 octobre 2014 ;

Que la capitalisation annuelle des intérêts sera ordonnée par années entières et successives à compter du 4 octobre 2017 ;

Sur les mesures accessoires

Attendu que la solution du litige conduit à confirmer le jugement sur les dépens et, y ajoutant, à dire que chaque partie conservera la charge de ses dépens d'appel ;

Attendu que le jugement sera confirmé sur l'article 700 du code de procédure civile et il sera dit n'y avoir lieu à article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

PAR CES MOTIFS

Statuant dans la limite des appels ;

Confirme le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux d'Arras du 19 mars 2018 sauf en ce qu'il a retenu sa compétence pour connaître de la demande en répétition de l'indu fondée sur l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime formée par le GAEC de la tour, condamné [N] et [K] [J] en leur qualité d'héritiers ou ayants droit de [O] [J], représentés par leur mère Mme [W] ès qualité à payer au GAEC de la tour la somme de 115 043 euros avec intérêts au taux légal à compter du 10 juillet 2010 pour la période antérieure au 13 octobre 2014, et au taux légal mentionné à l'article L. 313-2 du code monétaire et financier majoré de trois points pour la période postérieure à compter du 13 octobre 2014 et fait droit à la demande de capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière à compter du 10 juillet 2015, conformément aux dispositions de l'article 1154 devenu 1343-2 du code civil ;

Statuant à nouveau sur ces chefs et y ajoutant,

Rejette la fin de non recevoir tirée de l'absence de qualité de Mme [W] ès

nom ;

Dit que le tribunal de grande instance d'Arras était compétent pour connaître de la demande en répétition de l'indu fondée sur l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime formée par le GAEC de la tour ;

Condamne, à hauteur de la moitié chacun, [N] [J] et [K] [J] en leur qualité d'héritiers de [O] [J], représentés par leur mère Mme [E] [W] à payer au GAEC de la tour la somme de 115 043 euros ( cent quinze mille quarante-trois euros ) avec intérêts au taux légal à compter du 4 octobre 2012 jusqu'au 14 octobre 2014 inclus et avec intérêts au taux légal majoré de trois points à compter du 15 octobre 2014 ;

Ordonne par années entières et successives la capitalisation annuelle des intérêts à compter du 4 octobre 2017 ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens d'appel.

Le greffier,Le président,

A. PenningS. Collière


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 8 section 4
Numéro d'arrêt : 18/02202
Date de la décision : 21/03/2019

Références :

Cour d'appel de Douai 84, arrêt n°18/02202 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-03-21;18.02202 ?
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