République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 2
ARRÊT DU 07/03/2019
***
- TIERCE OPPOSITION -
N° de MINUTE :
N° RG 17/05626 - N° Portalis DBVT-V-B7B-RANH
Arrêt (N° 10/01107)
rendu le 06 décembre 2012 par la cour d'appel de Douai
Jugement (N° 08/00688)
rendu le 12 janvier 2010 par le tribunal de grande instance de Boulogne sur Mer
APPELANT
Le Conservatoire d'Espaces Naturels du Nord Pas-de-Calais (nouvelle dénomination du Conservatoire des Sites Naturels du Nord Pas-de-Calais) agissant en son nom propre et pour le compte de l'indivision formée entre le Conservatoire d'Espaces Naturels du Nord Pas-de-Calais et la Fédération Départementale des Chasseurs
ayant son siège social
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représenté et assisté par Me Valéry Gollain, avocat au barreau de Lille, substitué à l'audience par Me Charles Abeel, avocat au barreau de Lille
INTIMÉS
Monsieur [Z] [L]
né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 1]
demeurant
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représenté et assisté par Me Philippe Meillier, membre de la SCP Meillier Thuilliez, avocat au barreau d'Arras
SA Société d'Aménagement Foncier et d'Etablissement Rural Hauts de France venant aux droits de la société SAFER Flandres Artois, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux
ayant son siège social
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représentée par Me Bernard Franchi, membre de la SCP François Deleforge & Bernard Franchi, avocat au barreau de Douai
assistée de Me Vincent Bué, avocat au barreau de Lille, substitué à l'audience par Me Pierre-Emmanuel Boniface, avocat au barreau de Lille
Fédération Départementale des Chasseurs, prise en la personne de son président en exercice
ayant son siège social
[Adresse 4]
[Adresse 4]
représentée par Me Isabelle Carlier, avocat au barreau de Douai
ayant pour conseil Me Jean-Philippe Verague, avocat au barreau d'Arras
Assignée en intervention forcée
Société Tereos, prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social
[Adresse 5]
[Adresse 5]
représentée par Me Loïc Le Roy, membre de la SELARL Lexavoué Amiens Douai, avocat au barreau de Douai
assistée de Me Claudine Coutadeur, membre de la SEP Lachaud Mandeville Coutadeur et associés, avocat au barreau de Paris
DÉBATS à l'audience publique du 10 décembre 2018 tenue par Fabienne Bonnemaison magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Claudine Popek
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Fabienne Bonnemaison, président de chambre
Sophie Tuffreau, conseiller
Jean-François Le Pouliquen, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 07 mars 2019 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Mme Fabienne Bonnemaison, président et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 22 novembre 2018
***
Vu l'arrêt de cette cour en date du 6 novembre 2012 (et non du 6 décembre 2012 comme indiqué par certaines parties) qui infirme le jugement du tribunal de grande instance de Boulogne sur Mer du 12 janvier 2010, annule la décision de péremption de la SAFER prise le 14 mars 2007 sur la vente intervenue entre la société Tereos et M. [L] portant sur des parcelles sises sur la commune [Localité 2] (62) avec toutes conséquences de droit sur les actes subséquents, notamment les actes de rétrocession des 13 et 14 mars 2008, condamnant la SAFER Flandres Artois au paiement d'une indemnité de procédure et aux dépens,
Vu l'assignation en tierce opposition délivrée les 7 et 8 septembre 2017 par le Conservatoire disant agir pour son propre compte et pour le compte de l'indivision formée par lui et la Fédération départementale des chasseurs ( ci-après désignée la Fédération) à l'encontre d'[Z] [L], de la SAFER Flandres Artois (ci-après la SAFER) et de la Fédération départementale des chasseurs et la saisine de la cour par le Conservatoire d'espaces naturels du Nord -Pas de Calais ( ci-après désigné le Conservatoire) le 11 septembre 2017,
Vu l'assignation en intervention forcée délivrée le 27 novembre 2018 par le Conservatoire à la société Tereos,
Vu les conclusions transmises :
- le 5 novembre 2018 par le Conservatoire,
- le 12 mars 2018 par M. [L],
- le 27 février 2018 par la SAFER Hauts de France venant aux droits de la SAFER Flandres Artois,
- 14 septembre 2018 par la Fédération,
- le 27 février 2018 par la société Tereos France ( ci-après Tereos),
conclusions auxquelles renvoie la cour en application de l'article 455 du code de procédure civile,
Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 22 novembre 2018 et les débats du 10 décembre 2018,
SUR CE
Il sera préalablement rappelé que :
- la société Tereos était propriétaire de diverses parcelles sur les communes [Localité 2] et [Localité 3] qu'elle s'était engagée à vendre à M. [L] (pour les parcelles AL [Cadastre 1],[Cadastre 2],[Cadastre 3],[Cadastre 4] et AM [Cadastre 5],[Cadastre 6],[Cadastre 7],[Cadastre 8]sur la commune [Localité 2]) et à la SCI [Adresse 6] (parcelles AE[Cadastre 9] et AZ [Cadastre 10] sur la commune [Localité 3]),
- la SAFER a dénoncé le 14 mars 2007 à M. [L] et la SCI l'exercice de son droit de préemption,
- la vente Tereos - SAFER est intervenue le 1er juin 2007,
- les 13 et 14 mars 2008 la SAFER a rétrocédé l'ensemble de ces parcelles au Conservatoire et à la Fédération, acquéreurs indivis,
- dans l'intervalle, sur assignation de la SAFER délivrée le 12 septembre 2007 aux fins d'annulation de la décision de préemption, M. [L] a été débouté de ses demandes suivant un jugement du 12 janvier 2010 infirmé par l'arrêt précité,
- parallèlement, sur l'action en annulation initiée le 31 août 2007 par la SCI , un jugement du tribunal de grande instance de Saint Omer du 26 septembre 2008 avait annulé la décision de la SAFER.
Ce jugement a été confirmé par un arrêt de cette cour du 26 janvier 2010, objet d'un pourvoi qui a été rejeté par la cour de cassation (arrêt du 28 septembre 2011).
La motivation des deux arrêts de la cour d'appel était la même :
l'annulation de la décision de préemption sanctionnait l'absence d'invocation par la SAFER d'un projet spécifique conformément aux exigences de l'article L 143-2-8 du code rural.
Sur la recevabilité de la tierce opposition
M. [L] invoque le défaut de qualité à agir du Conservatoire dès lors que celui-ci, propriétaire indivis avec la Fédération des parcelles objet du litige, ne peut exercer seul ce recours auquel la Fédération ne s'associe pas mais, au contraire, s'oppose.
Le Conservatoire le conteste au visa de l'article 815-2 du code civil dès lors que la tierce opposition qui tend à voir rétracter l'arrêt à tout le moins en ses effets sur les ventes subséquentes des 13 et 14 mars 2008 a pour objet de préserver la conservation du bien indivis.
La Fédération s'en rapporte à justice sur ce point et les autres parties sont taisantes sur ce moyen.
Dès lors que l'action engagée par le Conservatoire tend à voir maintenir les parcelles litigieuses dans le patrimoine de l'indivision par le biais d'une rétractation d'une décision susceptible d'emporter annulation de leur cession au profit de cette indivision, elle s'analyse en une action conservatoire au sens de l'article 815-2 du code civil que le Conservatoire pouvait exercer seul.
Le moyen sera rejeté.
Sur le mérite de la tierce opposition
Dans son dispositif, l'arrêt du 6 novembre 2012 annulait la décision de préemption (....) 'avec toutes conséquences de droit sur les actes subséquents et notamment les actes de rétrocession'.
Au motif que la vente entre la SAFER d'une part, le Conservatoire et la Fédération d'autre part est définitivement acquise, puisque régularisée et publiée antérieurement à la publication par M. [L] le 10 décembre 2009 de son assignation aux fins d'annulation de la décision de préemption, le Conservatoire (en cela soutenu par la SAFER et la société Tereos) sollicite la rétractation de l'arrêt dans sa totalité sinon en ce qu'il admet qu'il produise effet sur les ventes subséquentes.
M. [L] le conteste aux motifs, d'une part que son assignation n'était pas soumise à publication obligatoire à la Conservation des hypothèques en ce qu'elle tendait uniquement à l'annulation de la décision de la décision de préemption, d'autre part qu'il a publié cette assignation en cause d'appel et que le Conservatoire ne peut valablement en invoquer l'inopposabilité dès lors que son titre mentionnait expressément l'existence de l'instance initiée par M. [L] à l'encontre de la SAFER.
La Fédération, autre rétrocessionnaire des parcelles litigieuses, conclut aux mêmes fins et dénonce quant à elle la mauvaise foi du Conservatoire au regard de l'information qui leur avait été donnée lors des rétrocessions sur l'action exercée par M. [L].
La cour rappelle que, selon l'article 582 du code de procédure civile, la tierce opposition a un effet dévolutif limité et remet en question relativement à son auteur les points jugés qu'elle critique pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit.
Elle l'autorise à invoquer les moyens qu'il aurait pu présenter s'il était intervenu à l'instance.
En l'espèce le Conservatoire ne conteste pas le bien fondé de l'arrêt en ce qu'il annule la décision de préemption de la SAFER faute de présentation d'un projet.
Ces dispositions sont donc définitivement acquises.
Il conteste, par contre, que cette annulation puisse entraîner l'annulation des rétrocessions dès lors que celles-ci ont été régularisées et publiées antérieurement à la publication de l'assignation de M. [L].
La cour observe tout d'abord que le débat relatif au caractère obligatoire ou non de la publication de l'assignation est sans intérêt puisque M. [L] a effectivement publié son assignation au cours de l'instance devant le tribunal de grande instance de Boulogne sur Mer, aucune fin de non recevoir ne pouvant être invoquée du fait de sa 'tardiveté' puisque, de jurisprudence constante, il est admis que cette publication peut intervenir à tout moment, y compris à hauteur d'appel.
La cour considère ensuite que le Conservatoire n'est pas fondé à soutenir que l'annulation de la décision de préemption est sans effet sur la rétrocession des parcelles préemptées régularisée et publiée antérieurement à cette publication dès lors que l'acte de rétrocession rappelait expressément l'existence cette instance pendante devant la juridiction de Saint Omer initiée par M. [L] en sorte que le Conservatoire ne pouvait ignorer la précarité des droits de la SAFER sur les parcelles litigieuses et les conséquences légales d'une éventuelle annulation de la décision de préemption, auxquelles manifestement les parties aux rétrocessions ont décidé de passer outre sans attendre l'issue de l'instance en cours.
La demande de rétractation sera en conséquence rejetée et l'arrêt du 6 novembre 2012 déclaré opposable aux rétrocessionnaires : le Conservatoire et la Fédération.
Sur les demandes accessoires
L'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de M. [L] et de la Fédération exclusivement, suivant modalités prévues au dispositif.
Le sens du présent arrêt commande la condamnation du Conservatoire aux dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort
Déclare recevable mais non fondée la tierce opposition du Conservatoire d'espaces naturels des Hauts de France à l'arrêt du 6 novembre 2012
Rejette la demande de rétractation de l'arrêt
Condamne le Conservatoire d'espaces naturels des Hauts de France à verser à M. [L] et à la Fédération départementale des chasseurs une indemnité de procédure de 2 500 euros chacun
Condamne le Conservatoire d'espaces naturels des Hauts de France aux dépens.
Le greffier,Le président,
Delphine VerhaegheFabienne Bonnemaison