République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 2
ARRÊT DU 07/03/2019
***
- TIERCE OPPOSITION -
N° de MINUTE :
N° RG : N° RG 17/05610 - N° Portalis DBVT-V-B7B-RAKP
Arrêt (N° 08/07777)
rendu le 26 janvier 2010 par la cour d'appel de Douai
Jugement (N° 07/0920)
rendu le 26 septembre 2008 par le tribunal de grande instance de Saint Omer
APPELANT
le Conservatoire d'Espaces Naturels du Nord Pas-de-Calais (nouvelle dénomination du Conservatoire des Sites Naturels du Nord Pas-de-Calais), agissant en son nom propre et pour le compte de l'indivision formée entre le Conservatoire d'Espaces Naturels du Nord Pas-de-Calais et la Fédération Départementale des Chasseurs
ayant son siège social
[...]
représenté et assisté par Me Valéry Gollain, avocat au barreau de Lille, substitué à l'audience par Me Charles Abeel, avocat au barreau de Lille
INTIMÉES
SCI des bassins du pont d'Ardres, prise en la personne de son représentant légal
ayant son siège social
[...]
représentée par Me Marie-Hélène Laurent, avocat au barreau de Douai
assistée de Me Laurent Fillieux, avocat au barreau de Lille
Fédération Départementale des Chasseurs, prise en la personne de son président en exercice
ayant son siège social
[...]
[...]
représentée par Me Isabelle Carlier, avocat au barreau de Douai
ayant pour conseil Me Jean-Philippe Verague, avocat au barreau d'Arras
SA Société d'Aménagement Foncier et d'Etablissements Ruraux Hauts de France venant aux droits de la SAFER Flandres Artois, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux
ayant son siège social
[...]
représentée par Me Bernard Franchi, membre de la SCP François Deleforge & Bernard Franchi, avocat au barreau de Douai
assistée de Me Vincent Bué, avocat au barreau de Lille, substitué à l'audience par Me Pierre-Emmanuel Boniface, avocat au barreau de Lille
Assignée en intervention forcée
Société Tereos, prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social
[...]
représentée par Me Loïc Le Roy, membre de la SELARL Lexavoué Amiens Douai, avocat au barreau de Douai
assistée de Me Claudine Coutadeur, membre de la SEP Lachaud Mandeville Coutadeur et associés, avocat au barreau de Paris
DÉBATS à l'audience publique du 10 décembre 2018 tenue par Fabienne Bonnemaison magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Claudine Popek
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Fabienne Bonnemaison, président de chambre
Sophie Tuffreau, conseiller
Jean-François Le Pouliquen, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 07 mars 2019 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Mme Fabienne Bonnemaison, président et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 29 novembre 2018
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Vu l'arrêt de cette cour en date du 26 janvier 2010,
Vu la saisine de la cour le 11 septembre 2017 sur tierce opposition formée par le Conservatoire d'Espaces Naturels du Nord Pas-de-Calais (ci-après désigné le Conservatoire) suivant assignations délivrées les 7 et 8 septembre 2017 par ce dernier, disant agir pour son propre compte et ès qualité de représentant de l'indivision formée par le Conservatoire et la Fédération Départementale des Chasseurs, à la SCI des bassins du pont d'Ardres (ci-après désignée la SCI), à la SAFER Flandres et à la Fédération Départementale des Chasseurs (ci-après la Fédération),
Vu l'assignation en intervention forcée délivrée le 27 novembre 2017 par le Conservatoire à la société Tereos France,
Vu les conclusions transmises le :
- 5 novembre 2018 par le Conservatoire,
- 6 novembre 2018 par la SCI,
- 21 novembre 2018 par la Fédération,
- 7 décembre 2018 par la SAFER,
- 27 février 2018 par la société Tereos France (ci-après désignée Tereos)
conclusions auxquelles renvoie la cour en application de l'article 455 du code de procédure civile,
Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 29 novembre 2018 et les débats du 10 décembre 2018,
SUR CE
Il sera préalablement rappelé que :
- la société Tereos était propriétaire de diverses parcelles sur les communes [...] et Ardres qu'elle projetait de vendre d'une part à M. G... (pour les parcelles [...],[...],[...],[...] et [...] ,[...],[...],[...] la commune [...]), d'autre part à la SCI des bassins du pont d'Ardres (parcelles [...] et [...] sur la commune d'Ardres),
- la SAFER a dénoncé le 14 mars 2007 à la SCI et à M. G... sa décision d'exercer son droit de préemption,
- la cession des parcelles de la société Tereos à la SAFER est intervenue le 1er juin 2007,
- le 31 août 2007 la SCI a assigné la SAFER aux fins d'annulation de sa décision de préemption et d'interdiction de toute rétrocession.
Un jugement du tribunal de grande instance de Saint Omer 26 septembre 2008 a annulé la décision de la SAFER et dit que cette annulation remettait les parties en l'état dans lequel elles se trouvaient le 13 mars 2007,
- dans l'intervalle, les 13 et 14 mars 2008 la SAFER les avait rétrocédées au Conservatoire et à la Fédération qui les ont acquises en indivision,
- sur appel de la SAFER est intervenu l'arrêt précité objet de la tierce opposition qui a confirmé le jugement et, y ajoutant, a déclaré nulle la rétrocession des parcelles intervenue les 13 et 14 mars 2008,
- un arrêt de la cour de cassation du 28 septembre 2011 a rejeté le pourvoi formé par la SAFER,
- parallèlement M. G... avait assigné le 12 septembre 2007 la SAFER aux fins d'annulation de sa décision de préemption.
Il en a été débouté par un jugement du 12 janvier 2010, infirmé par un arrêt de cette cour du 6 novembre 2012 qui a annulé la décision de préemption avec toutes conséquences de droit sur les actes subséquents, notamment les actes de rétrocession.
Les deux arrêts de la cour retenaient un même fondement au soutien de l'annulation de la décision de préemption : l'absence de présentation d'un projet spécifique conformément au exigences de l'article L 143-2 du code rural.
Sur la rétractation de l'arrêt
le Conservatoire (en cela soutenu par la SAFER et la société Tereos) sollicite la rétractation de l'arrêt au motif que la SCI n'a jamais publié son assignation, y compris à hauteur d'appel, alors même qu'elle sollicitait l'annulation des ventes subséquentes, en violation des dispositions de l'article 30 du décret du 4 janvier 1955 qui dispose : « Les demandes tendant à faire prononcer la résolution, la révocation, l'annulation ou la rescision de droits résultant d'actes soumis à publicité ne sont recevables devant les tribunaux que si elles ont été elles-mêmes publiées conformément aux dispositions de l'article 28-4° (...) », ce qui constitue une fin de non recevoir susceptible d' être soulevée en tout état de cause.
Elle ajoute que la publication de cette assignation dans le cadre de la présente instance est sans incidence sur l'irrégularité de la procédure et sans portée dès lors que la rétrocession est intervenue antérieurement à l'arrêt qui lui est, par suite, inopposable.
La SCI (en cela soutenue par la Fédération) fait valoir que son assignation du 31 août 2007 tendait uniquement à voir annuler la décision de préemption de la SAFER et interdire à celle-ci la signature des actes de rétrocession à venir, demandes qui ne relevaient de la publicité foncière obligatoire.
Elle ajoute qu'elle a régularisé la publication de son assignation le 7 mai 2018 dans le cadre de cette instance sur tierce opposition.
Sur le fond, elle réitère les moyens retenus par la cour au soutien de l'annulation de la décision de préemption et fait valoir que les rétrocessions doivent être annulées non seulement en tant que conséquence de l'annulation de la décision de préemption mais également en raison des irrégularités entachant la procédure de réattribution.
La Fédération dénonce de son côté la 'rare mauvaise foi' du Conservatoire parfaitement informé de l'existence de ce contentieux lors de la signature des rétrocessions.
S'il est exact que l'assignation délivrée en août 2007 à la SAFER tendait exclusivement à l'annulation de sa décision de préemption et à voir empêcher toute rétrocession ultérieure des parcelles litigieuses, les conclusions déposées devant la cour par la SCI le 29 avril 2009 sollicitaient l'annulation des rétrocessions intervenues les 13 et 14 mars 2008, une telle demande étant assujettie à publicité foncière obligatoire en application de l'article 30 du Décret du 4 janvier 1955.
Ceci étant, la cour constate que cette publication a été opérée dans le cadre de la présente instance sur tierce opposition qui, selon l'article 582 du code de procédure civile, remet en question relativement à son auteur les points jugés qu'il critique pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit.
Il en résulte, en l'espèce, la faculté pour le Conservatoire de soulever dans le cadre de cette tierce opposition la fin de non recevoir tirée de l'absence de publication de la demande d'annulation mais aussi la faculté pour la SCI de régulariser cette publication avant que la cour de céans ne statue.
La fin de non recevoir doit être, par suite, rejetée.
La cour observe, par ailleurs, que le Conservatoire ne conteste pas le bien fondé de l'arrêt en ce qu'il annule la décision de préemption de la SAFER faute de présentation d'un projet.
Les dispositions de l'arrêt sont donc, de ce chef, définitivement acquises.
Enfin, s'agissant de l'inopposabilité de l'arrêt au regard du caractère définitif des rétrocessions intervenues et publiées avant la publicité foncière ci-dessus évoquée, la cour rappelle que le Conservatoire, comme la Fédération, était parfaitement informé par une clause insérée aux actes de rétrocession de l'existence de l'instance pendante devant le tribunal de grande instance de Saint Omer, de la précarité des droits de la SAFER sur les parcelles litigieuses et des conséquences légales d'une éventuelle annulation de la décision de préemption, auxquelles manifestement les parties aux rétrocessions ont décidé de passer outre.
La demande de rétractation sera en conséquence rejetée et l'arrêt du 26 janvier 2010 déclarée opposable en toutes ses dispositions aux rétrocessionnaires : le Conservatoire et la Fédération.
Sur les demandes accessoires
La tierce opposition permet tout au plus au défendeur de s'opposer à celle-ci et lui interdit toute prétention nouvelle.
La demande formée par la SCI de cession forcée à son profit des parcelles litigieuses est donc irrecevable.
L'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la SCI et de la Fédération exclusivement suivant modalités prévues au dispositif prévues au dispositif.
Appelée en intervention forcée par le Conservatoire, la société Tereos n'est pas fondée à solliciter une indemnité de procédure à la SCI.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Dit recevable mais non fondée la tierce opposition formée par le Conservatoire d'espaces naturels des Hauts de France à l'encontre de l'arrêt de cette cour 26 janvier 2010,
Dit par suite l'arrêt opposable en toutes ses dispositions au Conservatoire d'espaces naturels des Hauts de France et à la Fédération Départementale des Chasseurs,
Dit irrecevable la demande de cession forcée formée par la SCI des bassins du pont d'Ardres,
Condamne le Conservatoire d'espaces naturels des Hauts de France à verser à la SCI des bassins du pont d'Ardres et à la Fédération chacune une indemnité de procédure de 2500euros,
Condamne le Conservatoire d'espaces naturels des Hauts de France aux dépens.
Le greffier, Le président,
Delphine Verhaeghe Fabienne Bonnemaison