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28/02/2019 | FRANCE | N°17/016068

France | France, Cour d'appel de Douai, A3, 28 février 2019, 17/016068


ARRÊT DU
28 Février 2019

N 344/19

No RG 17/01606 - No Portalis DBVT-V-B7B-QYA5

PR/NB

RO

Jugement du
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOURCOING
en date du
09 Mai 2017
(RG 16/00107 -section 5)

GROSSE :

aux avocats

le 28/02/19

République Française
Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
- Prud'Hommes-

APPELANT :

SARL XP BAT
en liquidation judiciaire
[...]
ayant pour avocat Me Karl VANDAMME, avocat au barreau de LILLE,
qui a indiqué ne

plus être en charge du dossier

Me O... L... (SELARL AXYME)
Liquidateur judiciaire de la SARL XP BAT - Intervenant forcé
[...]
[...]
-assigné le 04/09/2018 à pe...

ARRÊT DU
28 Février 2019

N 344/19

No RG 17/01606 - No Portalis DBVT-V-B7B-QYA5

PR/NB

RO

Jugement du
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOURCOING
en date du
09 Mai 2017
(RG 16/00107 -section 5)

GROSSE :

aux avocats

le 28/02/19

République Française
Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
- Prud'Hommes-

APPELANT :

SARL XP BAT
en liquidation judiciaire
[...]
ayant pour avocat Me Karl VANDAMME, avocat au barreau de LILLE,
qui a indiqué ne plus être en charge du dossier

Me O... L... (SELARL AXYME)
Liquidateur judiciaire de la SARL XP BAT - Intervenant forcé
[...]
[...]
-assigné le 04/09/2018 à personne habilitée à la diligence de Me KAPPOPOULOS
-assigné avec signification de conclusions le 03/01/2019 à personne habilitée à la diligence de Me DELEFORGE
N'ayant pas constitué avocat

INTIMÉS :

M. Q... V...
[...]
[...]
Représenté par Me Ioannis KAPPOPOULOS, avocat au barreau de VALENCIENNES substitué par Me BIZEUR

UNEDIC DELEGATION AGS CGEA IDF OUEST
Intervenante forcée
[...]
[...]
Représentée par Me François DELEFORGE, avocat au barreau de DOUAI
substitué par Me CAMUS-DEMAILLY

DÉBATS : à l'audience publique du 05 Février 2019

Tenue par Patrick REMY
magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Séverine STIEVENARD

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Sabine MARIETTE : PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Béatrice REGNIER : CONSEILLER
Patrick REMY : CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 28 Février 2019,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Sabine MARIETTE, Président et par Annie LESIEUR, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 2 août 2017, avec effet différé jusqu'au 4 janvier 2019
M. Q... V... a été engagé le 27 juillet 2012 par la société XP BAT dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée en qualité de maçon niveau 3 coefficient 230 de la convention collective applicable, en l'occurrence celle du bâtiment de plus de 10 de salariés.

M. V... était rémunéré sur la base du Smic pour 35 heures hebdomadaires.

La relation de travail s'est déroulée dans de bonnes conditions jusqu'au 20 janvier 2016, date à laquelle M. V... a eu une altercation sur un chantier avec M. W... , à l'époque dirigeant de la société XP BAT.

Le 10 février 2016, M. V... s'est vu notifier son licenciement pour faute grave par une lettre qui était libellée dans les termes suivants :

«
vous étiez à bord du véhicule de la société, accompagné de votre frère Monsieur G... V....
Monsieur A... W... vous a indiqué qu'il n'était pas dans l'obligation de fournir 1 GPS et vous expliquer l'itinéraire à emprunter pour vous rendre jusqu'à l'autre chantier.
Vous avez coupé court à ces explications et, sur un ton agressif, lui avait dit que vous en aviez « marre ».
C'est alors que vous êtes descendu de la camionnette et avez porté plusieurs coups au visage de Monsieur A... W... .
Votre frère est intervenu pour que vous cessiez vos agissements.
Vous avez alors insulté Monsieur A... W... dans les termes suivants « jevais niquer ta mère », « fils de pute ».
Devant la violence de ce comportement et de ses propos, Monsieur A... W... vous a demandé de quitter immédiatement le chantier dans le cadre d'une mise à pied conservatoire (qui vous a été confirmée par écrit le 20 janvier 2016).
Monsieur A... W... a été contraint de déposer plainte auprès du commissariat de police de CYSOING.
Les faits ainsi exposés qui vous sont directement imputables rendent impossible votre maintien dans l'entreprise ; ils sont constitutifs d'une faute grave justifiant la rupture immédiate et sans préavis ni indemnité de votre contrat de travail. »

Le 16 mars 2016, M. V... a saisi le conseil de prud'hommes de Tourcoing pour contester son licenciement.

Par jugement du 9 mai 2017, auquel il y a lieu de se reporter pour l'exposé des faits, prétentions et moyens antérieurs des parties, le conseil de prud'hommes de Tourcoing a :
- dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné la société XP BAT à régler à M. V... les sommes de :
1 154,81 € à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire injustifiée,
115,48 € au titre des congés payés afférents,
3 745,62 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
374,56 € au titre des congés payés afférents,
1 370,90 € à titre d'indemnité légale de licenciement,
11 236,86 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
1,60 € au titre de remboursement des frais de transport,
1 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- débouté le salarié du surplus de ses demandes, ordonné le remboursement par la SARL XP BAT à l'organisme intéressé, des indemnités de chômage versées à M. V... depuis son licenciement dans la limite de trois mois, débouté la société de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure de civile et rappelé que sont de droit, exécutoires à titre provisoire les jugements ordonnant le paiement de sommes au titre des rémunérations et indemnités mentionnées à l'Article R1454-14 du Code du Travail dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois, ladite moyenne s'élevant à 1 642,23 € bruts.

La SARL XP BAT a interjeté appel de ce jugement par déclaration enregistrée le 8 juin 2017.

Une ordonnance du 2 août 2017 a fixé un calendrier de procédure, une clôture différée au 4 janvier 2019 et l'audience de plaidoirie au 5 février 2019.

Par jugement du 11 janvier 2018, le Tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société XP BAT et désigné Me L... en qualité de mandataire liquidateur.

Par message adressé à la cour le 31 mai 2018, Me Karl Vandamme a indiqué ne plus intervenir au soutien de la société XP BAT.

Par assignation du 4 septembre 2018, M. V... a mis en cause la SELARL Axyme, prise en la personne de Me L..., es qualité de liquidateur de la société XP BAT.

Par assignation du 5 septembre 2018, M. V... a mis en cause l'AGS CGEA d'IDF Ouest.

Par courrier adressé à la cour du 14 septembre 2018, Me L... a indiqué que la liquidation judiciaire étant totalement impécunieuse, il n'était pas en mesure de soutenir l'appel et qu'il ne se fera donc pas représenter à l'audience du 5 février 2019.

Par courrier du 18 septembre 2018 qu'il a adressé à la cour, le conseil de M. V... a, en conséquence, sollicité de la Cour que soit prononcée la caducité de l'appel diligentée par la société XP BAT.

Il lui a été répondu le 5 décembre 2018 qu'il ne pouvait être fait suite à sa demande, le CGEA s'étant constitué, des conclusions pouvant encore être déposées jusqu'au 4 janvier 2019.

Le 3 janvier 2019, l'AGS CGEA IDF Ouest a signifié ses conclusions à la SELARL Axyme pris en la personne de Me L..., es qualité de liquidateur de la société XP BAT.

Aux termes de ses conclusions déposées le 4 janvier 2019, auxquelles il convient de se référer pour l'exposé des moyens, M. V... demande à la cour de :
INFIRMER le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison du licenciement verbal dont il a fait l'objet ;
INFIRMER le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison du défaut de qualité pour agir du signataire de la lettre de licenciement ;
CONFIRMER le jugement en ce qu'il a reconnu l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement en raison de l'absence de comportement fautif du salarié.

Statuant à nouveau,

A titre principal :
DIRE et JUGER qu'il a fait l'objet d'un licenciement verbal ;
DIRE et JUGER que son licenciement verbal est dépourvu de toute cause réelle et sérieuse ;
En conséquence :
FIXER AU PASSIF de la société XP BAT les sommes suivantes :
- 1,60 € au titre de remboursement de frais de transport,
- 1 154,81 € à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire,
- 115,48 € au titre des congés payés afférents,
- 3 745,62 à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 374,46 € au titre des congés payés afférents,
- 1 370,90 € à titre d'indemnité légale de licenciement,
- 18 728,10 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
en application de l'article L 1235-3 du Code du travail,
- 3 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire.

A titre subsidiaire :
DIRE et JUGER que son licenciement a été prononcé par une personne n'ayant pas qualité pour le faire ;
DIRE et JUGER que son licenciement est dépourvu de toute cause réelle et sérieuse.
En conséquence :
FIXER AU PASSIF de la société XP BAT les sommes suivantes :
- 1,60 € au titre de remboursement de frais de transport,
- 1 154,81 € à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire,
- 115,48 € au titre des congés payés afférents,
- 3 745,62 à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 374,46 € au titre des congés payés afférents,
- 1 370,90 € à titre d'indemnité légale de licenciement,
- 18 728,10 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
en application de l'article L 1235-3 du Code du travail,
- 3 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire.

A titre infiniment subsidiaire :
DIRE et JUGER que son licenciement ne repose sur aucune faute grave et est dépourvu de toute cause réelle et sérieuse.
En conséquence :
FIXER AU PASSIF la société XP BAT les sommes suivantes :
- 1,60 € au titre de remboursement de frais de transport,
- 1 154,81 € à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire,
- 115,48 € au titre des congés payés afférents,
- 3 745,62 à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 374,46 € au titre des congés payés afférents,
- 1 370,90 € à titre d'indemnité légale de licenciement,
- 18 728,10 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
en application de l'article L 1235-3 du Code du travail
- 3 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire.

En tout état de cause :
CONDAMNER Maître L..., mandataire liquidateur ès qualité, à lui payer la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
CONDAMNER Maître L..., mandataire liquidateur ès qualité, aux entiers dépens.
DIRE qu'en application de l'Article 1153-1 du Code Civil, les sommes dues porteront intérêts à compter du jour de la demande.
CONSTATER qu'il demande la capitalisation des intérêts par voie judiciaire ;
DIRE y avoir lieu de plein droit à capitalisation des intérêts en application de l'Article 1154 du
Code Civil, du moment qu'ils sont dus pour une année entière.
DIRE que le CGEA-AGS devra sa garantie sur les sommes qui lui sont dues.

Aux termes de ses conclusions déposées le 31 décembre 2018, auxquelles il convient de se référer pour l'exposé des moyens, l'AGS CGEA IDF Ouest demande à la cour de :
Vu la liquidation judiciaire de la société XP BAT

Vu l'absence aux débats du liquidateur,

Donner acte à l'organisme concluant de ce qu'il s'en rapporte à la sagesse de la Cour concernant l'appréciation du bien-fondé du licenciement pour faute grave

En toute hypothèse,

Débouter le salarié de son appel incident tendant à obtenir des indemnités plus importantes ou des indemnités dont le conseil de prud'hommes l'a débouté

Constater que le salarié ne justifie pas du préjudice subi et de l'indemnisation revendiquée
En conséquence, le débouter de ses demandes indemnitaires

En toute hypothèse

Dire que l'arrêt à intervenir ne sera opposable à l'AGS que dans la limite de sa garantie légale telle que fixée par les articles L.3253-6 et suivants du code du travail (ancien art. L 143.11.1 et suivants du Code du Travail) et des plafonds prévus à l'article D.3253-5 du code du travail (ancien art. D 143.2 du Code du Travail), et ce toutes créances du salarié confondues.

Dire et juger que l'obligation du CGEA de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement, conformément aux dispositions de l'article L.3253-20 du Code du Travail.

Statuer ce que de droit quant aux dépens.

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

La cour relève d'abord que la société Axyme, prise en la personne de Me L..., es qualité de liquidateur de la société XP BAT n'a pas conclu de sorte qu'elle n'a pas soutenu son appel.

La cour relève ensuite que, sous couvert de demander l'infirmation du jugement à titre principal et subsidiaire, M. V... demande la confirmation du jugement en ce qu'il a jugé son licenciement sans cause réelle et sérieuse, sauf à dire que les sommes sollicitées devront être mises au passif de la société et qu'elles devront être garanties par L'AGS CGEA IDF Ouest.
M. V... ne demande réellement l'infirmation du jugement que sur le quantum des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en sollicitant une somme de 18 728 euros à ce titre.
En outre, M. V... demande 3 000 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire.

La cour relève enfin que l'AGS CGEA IDF Ouest s'en remet à la sagesse de la cour en ce qui concerne l'appréciation du bien-fondé du licenciement pour faute grave, mais demande en revanche à la cour de débouter M. V... de son appel incident sur le quantum des indemnités sollicitées et de sa demande indemnitaire pour prétendu licenciement vexatoire.

Sur le licenciement :

S'agissant de la faute grave :

En l'absence de moyen soutenu sur le licenciement pour faute grave, il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a jugé le licenciement de M. V... comme étant sans cause réelle et sérieuse.

S'agissant des conséquences financières de l'absence de cause réelle et sérieuse :

*Sur les sommes non contestées :

Il y a lieu de fixer aux sommes suivantes la créance de M. V... au passif de la liquidation de la société XP BAT :
– 1 154,81 € à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire injustifiée,
– 115,48 € au titre des congés payés afférents,
– 3 745,62 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
– 374,56 € au titre des congés payés afférents,
– 1 370,90 € à titre d'indemnité légale de licenciement,
– 1,60 € au titre de remboursement des frais de transport,

Le jugement déféré sera confirmé sur ces quantums.

*Sur les indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

M. V... soutient que le préjudice qu'il a subi dépasse de loin le minimum légal des 6 mois de salaires. En effet, au regard des circonstances et du caractère particulièrement vexatoire de son licenciement après près de 4 années de collaboration étroite avec l'entreprise, M. V... a subi un préjudice d'autant plus important qu'il était un salarié pleinement investi et que son travail était irréprochable. Suite à son agression, M. V... a été contraint de se placer en arrêt et la société XP BAT l'a privé de toute ressource, du jour au lendemain, occasionnant pour lui un double préjudice. Il a été contraint de s'inscrire à Pôle emploi et a été indemnisé à ce titre pendant plusieurs mois, mais cette indemnisation ne compense la perte de son salaire qu'à hauteur de 57% du salaire brut. En outre, du fait du non-respect de la procédure de licenciement, il a subi un préjudice spécifique qui, certes, ne peut se cumuler avec les indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse, mais qui doit être pris en compte dans l'évaluation des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ce qui le fonde à réclamer la somme de 18 728,10 euros.

L'AGS CGEA IDF Ouest fait valoir qu'il n'y a plus d'automaticité du préjudice et qu'il incombe au salarié de l'évaluer et surtout d'en justifier, ce qu'il ne fait pas en l'espèce, et qu'en tout état de cause il n'est nullement justifié une demande indemnitaire supérieure à l'indemnité de 6 mois de salaire.

La cour rappelle d'abord que la perte injustifiée de l'emploi cause au salarié nécessairement un préjudice et qu'en l'espèce, M. V... ayant plus de 2 ans d'ancienneté et la société XP BAT employant 30 salariés au moment du licenciement, le montant de son indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ne peut pas être inférieur à 6 mois de salaire, en application des dispositions du code du travail alors en vigueur.

En l'espèce, en considération de l'ancienneté de M. V... (plus de 3 ans et demi), de sa rémunération brute mensuelle (1 871 euros), de son âge (34 ans au moment du licenciement), de sa formation et de sa capacité à retrouver un nouvel emploi, de la durée de sa période de recherche d'emploi ou de reconversion professionnelle, il convient de lui allouer la somme de 11 236,86 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera confirmé sur ce quantum.

Il y a donc lieu de fixer la créance de M. V... au passif de la liquidation de la société XP BAT à la somme de 11 236 euros au titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

S'agissant de la demande de dommages et intérêts pour préjudice distinct lié au caractère vexatoire de la rupture :

M. V... soutient qu'ayant fait l'objet d'un licenciement verbal, précédé d'une agression, il a été licencié dans des conditions humiliantes et vexatoires, ce caractère vexatoire ayant perduré après la rupture. Or, il est constant que les circonstances vexatoires de la rupture constituent un préjudice distinct qui doit être réparé en tant que tel, indépendamment de la justification ou non de la rupture. M. V... évalue le préjudice distinct à la somme de 5 000 euros.

L'AGS CGEA IDF Ouest objecte que M. V... ne faisant pas la preuve du préjudice de ce fait, il doit être débouté de sa demande.

Si les conditions dans lesquelles le licenciement a été prononcé peuvent être à l'origine d'un préjudice distinct de celui de sa justification quand ces conditions sont vexatoires, la cour relève qu'en l'espèce l'humiliation et la vexation dont se prévaut M. V... sont liées au motif du licenciement lui-même et non aux conditions dans lesquelles il a été prononcé.
La cour ajoute que M. V... ne prouve pas qu'il a subi un préjudice distinct qui n'aurait pas déjà été réparé par la somme qui lui a été allouée au titre de son licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il y a donc lieu de débouter M. V... de sa demande de ce chef.

S'agissant des intérêts et de leur capitalisation :

Il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que les condamnations prononcées portent intérêt au taux légal : à compter de la première présentation à l'employeur de la convocation devant le Bureau de Conciliation, c'est-à-dire le 19 mars 2016 pour l'indemnité compensatrice de préavis, de licenciement, le salaire et ses accessoires et d'une façon générale pour toutes autre somme de nature salariale ; à compter du 9 mai 2017, date du jugement, pour toute autre somme.

La cour rappelle toutefois que l'ouverture de la procédure collective à l'encontre de la société XP BAT a arrêté le cours des intérêts au taux légal, de sorte que la demande de M. V... sera rejetée pour le surplus, comme la demande de capitalisation desdits intérêts.

Sur l'opposabilité de l'arrêt à l'AGS CGEA IDF Ouest :

Le présent arrêt sera opposable à l'AGS CGEA IDF Ouest dans les conditions précisées au dispositif.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Le jugement sera confirmé de ces deux chefs, sauf à dire que les sommes en question seront inscrites au passif de la liquidation de la Société XP BAT.
En outre, il y a lieu de condamner Me L..., es qualité de liquidateur de la société XP BAT à verser à M. V... la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles qu'il a engagés en cause d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Tourcoing du 9 mai 2017 dans toutes ses dispositions, sauf à dire que les sommes que la société XP BAT a été condamnée à payer à M. Q... V... seront inscrites au passif de la liquidation de la société XP BAT,

Rappelle que les sommes en question portent intérêt au taux légal :
– à compter de la première présentation à l'employeur de la convocation devant le Bureau de Conciliation, c'est-à-dire le 19 mars 2016 pour l'indemnité compensatrice de préavis, de licenciement, le salaire et ses accessoires et d'une façon générale pour toutes autre somme de nature salariale ;
– à compter du 9 mai 2017, date du jugement, pour toute autre somme.

Rappelle que l'ouverture de la procédure collective à l'encontre de la société XP BAT a arrêté le cours des intérêts au taux légal,

Déboute M. Q... V... du surplus de ses demandes,

Déclare le présent arrêt opposable à l'AGS CGEA IDF Ouest qui sera tenue de garantir le paiement des sommes allouées à M. Q... V... dans les limites légales et réglementaires de sa garantie résultant des dispositions des articles L. 3253-17 et D.3253-5 du code du travail, à l'exclusion des sommes allouées sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens et sous réserve de l'absence de fonds disponibles entre les mains du liquidateur ;

Condamne Me L..., en sa qualité de liquidateur de la société XP BAT à verser à M. V... la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles engagés en cause d'appel,

Condamne Me L..., es qualité de liquidateur de la société XP BAT aux entiers dépens.

Le Greffier, Le Président,

A. LESIEUR S. MARIETTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : A3
Numéro d'arrêt : 17/016068
Date de la décision : 28/02/2019
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.douai;arret;2019-02-28;17.016068 ?
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