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28/02/2019 | FRANCE | N°17/009998

France | France, Cour d'appel de Douai, A1, 28 février 2019, 17/009998


ARRÊT DU
28 Février 2019

N 277/19

No RG 17/00999 - No Portalis DBVT-V-B7B-QUFP

Jonction RG 17/1020

SM/NB

Jugement du
Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de CALAIS
en date du
22 Mars 2017
(RG -section 2)

GROSSE :

Aux avocats

le 28/02/19

République Française
Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
- Prud'Hommes-

APPELANT :

M. T... P...
[...]
Représenté par Me Jean-sébastien DELOZIERE, avocat au barreau de SAINT-OMER substitué par Me COURS

ELLE Agnès

INTIMÉE :

SASU D.F.D.S. SEAWAYS
[...]
[...]
Représentée par Me Sébastien BOULANGER, avocat au barreau de BOULOGNE-SUR-MER

COMPOSITION DE LA COUR ...

ARRÊT DU
28 Février 2019

N 277/19

No RG 17/00999 - No Portalis DBVT-V-B7B-QUFP

Jonction RG 17/1020

SM/NB

Jugement du
Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de CALAIS
en date du
22 Mars 2017
(RG -section 2)

GROSSE :

Aux avocats

le 28/02/19

République Française
Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
- Prud'Hommes-

APPELANT :

M. T... P...
[...]
Représenté par Me Jean-sébastien DELOZIERE, avocat au barreau de SAINT-OMER substitué par Me COURSELLE Agnès

INTIMÉE :

SASU D.F.D.S. SEAWAYS
[...]
[...]
Représentée par Me Sébastien BOULANGER, avocat au barreau de BOULOGNE-SUR-MER

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Sabine MARIETTE : PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Béatrice REGNIER : CONSEILLER
Patrick REMY : CONSEILLER

GREFFIER lors des débats : Audrey CERISIER

DÉBATS : à l'audience publique du 29 Janvier 2019

ARRÊT : Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 28 Février 2019,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Sabine MARIETTE, Président et par Annie LESIEUR, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 13 juillet 2017, avec effet différé jusqu'au 28 décembre 2018
EXPOSE DU LITIGE

M. T... P... a été engagé le 13 février 2012 par la société LD Transmanche Ferries aux droits de laquelle vient la société DFDS Seaways en qualité de responsable polyvalent.

Dans le dernier état de la relation contractuelle, il percevait une rémunération mensuelle de 2750 euros bruts.

Par requête reçue au greffe le 13 mars 2015, M. P... a saisi la juridiction prud'homale d'une demande tendant notamment à la reconnaissance de son droit à bénéficier de 25 jours ouvrés de congés annuels et à la condamnation de la société DFDS Seaways à lui restituer les jours de congés non attribués sur la période du 13 février 2012 au 1er juin 2016, soit 17 jours.

Par jugement du 22 mars 2017, le conseil de prud'hommes de Calais l'a débouté de sa demande tendant à se voir reconnaître un droit à 25 jours ouvrés de congés annuels, de sa demande de dommages-intérêts et de sa demande tendant à se voir remettre les bulletins de salaires rectifiés et a condamné la société à lui restituer 3,5 jours de congés au titre des jours de congés ouverts du 13 février 2012 au 1er juin 2016.

Par déclaration adressée au greffe le 20 avril 2017, M. P... a relevé appel de cette décision. L'affaire a été enregistrée sous le no17/00999.

Le même jour, la société DFDS Seaways a relevé appel de la décision prud'homale. L'affaire a été enregistrée sous le no17/01020.

Par deux ordonnances du président de chambre respectivement datées des 12 et 13 juillet 2017, ces affaires ont été instruites selon les dispositions de l'article 905 du code de procédure civile et leur clôture a été prononcée avec effet différé au 28 décembre 2018.

M. T... P..., par conclusions déposées et notifiées le 20 juillet 2017, demande à la cour d'infirmer le jugement et statuant à nouveau, de condamner la société DFDS Seaways :

- à lui attribuer pour l'avenir 25 jours ouvrés de congés annuels ;
- à lui restituer 21 jours de congés payés non attribués sur la période de mars 2012 à mai 2017 ;
- à lui verser 1500 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice subi ;
- à lui verser 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens des deux instances ;
- à lui remettre des bulletins de salaires conformes à la décision à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard dans les 30 jours de sa notification.

Il fait valoir à l'appui de ses demandes que depuis son embauche le 13 février 2012, il bénéficie d'une organisation de travail aménagée en cycles de dix jours ; que ces cycles se décomposent en six périodes de travail correspondant à des jours travaillés répartis suivant une alternance de deux matins, de 5h00 à 13h00, de deux après-midi, de 13h00 à 21h00 et deux nuits, de 21h00 à 5h00 ; que ces périodes de travail sont suivies d'une période de repos jusqu'au dixième jour inclus ; que dès lors, contrairement à ce que soutient l'employeur, ces cycles se décomposent non pas de six jours travaillés, mais de sept jours travaillés. Monsieur T... P... soutient par conséquent que le calcul de la SASU D.F.D.S. SEAWAYS tendant à convertir 30 jours ouvrables en 21 jours ouvrés de congés payés est incorrect.

Au surplus, invoquant les dispositions de l'article L.3122-5 du code du travail, il argue de l'importance de se voir accorder 25 jours ouvrés de jours de congés payés par an compte tenu des horaires de nuit effectués et de sa qualité de travailleur de nuit.

Par ailleurs, il rappelle que le droit de disposer de cinq semaines de congés payés pour un salarié est d'ordre public ; que l'employeur, qui a été saisi de cette question lors des réunions de délégués du personnel des 7 février 2014, 14 mars 2014, 18 avril 2014, 23 mai 2014, 27 juin 2014, 29 août 2014, 3 octobre 2014, 28 novembre 2014 et 16 janvier 2015, n'a pas modifié sa position, lui causant un préjudice appelant à une réparation sous la forme de dommages-intérêts.

La société DFDS Seaways, par conclusions déposées et notifiées le 22 février 2018, demande à la cour de joindre les instances no17/00999 et no17/01020, d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à restituer à son salarié 3,5 jours de congés au titre des jours de congés sur la période du 13 février 2012 au 1er juin 2016, et de condamner M. P... à lui verser la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient que les articles 5 et 6 du contrat de travail signé entre les parties prévoit une alternance de deux matins, deux après-midi et deux soirs de travail, suivis de quatre jours de repos, et que M. P... bénéficie de 30 jours ouvrables de congé annuel, soit 5 semaines ; que s'agissant du service opérationnel du terminal Transmanche de Calais, l'accord d'entreprise applicable à compter du 1er avril 2012 stipule notamment que les chefs d'escales, responsables polyvalents et agents d'escales travaillent en équipes postées sur un cycle de sept périodes de travail réparties en dix semaines ; que compte tenu de cette organisation, il y a lieu à procéder à la convertion des 30 jours ouvrables de congé annuel en 21 jours ouvrés.

Elle ajoute que pour la période du 13 février 2012 au 1er juin 2016, son salarié a droit à 127,5 jours ouvrables de congés alors qu'il en a liquidé 134 ; que par conséquent, elle est à jour de ses obligations au titre des droits à congés payés.

Enfin, elle prétend que M. P... qui demande réparation d'un préjudice subi, n'en rapporte pas la preuve ; que de surcroît, l'issu du litige n'étant pas évident, il ne saurait lui être reproché un quelconque manquement justifiant sa condamnation.

MOTIFS DE LA DECISION:

Vu leur connexité, il sera prononcé la jonction des deux instances no17/00999 et no17/01020.

Sur le droit à congés payés :

L'article 6 du contrat de travail liant les parties et relatif aux congés annuels stipule que « Monsieur P... bénéficiera du régime de congé annuel prévu par la convention collective applicable à savoir 30 jours ouvrables soit 5 semaines ».

Un accord d'entreprise applicable à compter du 1er avril 2012 prévoit quant à lui que l'activité de la société DFDS Seaways s'effectue en continu, par périodes de 10 jours ; il s'en déduit l'existence de 36,5 cycles par an.

Enfin, l'article 7.1 de la convention collective nationale du personnel sédentaire des entreprises de navigation libre prévoit que « La durée du congé annuel est fixée pour chaque membre du personnel, conformément aux dispositions légales et réglementaires en vigueur.

L'ensemble du personnel a droit, quelle que soit son ancienneté dans l'entreprise, à un nombre de jours de congés payés annuels égal à 30 jours ouvrables ou 25 jours ouvrés pour une année de référence entière ».

L'article L.3141-3 du code de travail dispose que le salarié a droit à un congé de deux jours et demi ouvrables par mois de travail effectif chez le même employeur. La durée totale du congé exigible ne peut excéder trente jours ouvrables.

Il résulte de ce texte que la durée des congés acquis est indépendante tant de la durée du travail prévue au contrat de travail, sous la réserve des absences non comptabilisées comme temps de travail effectif pour la détermination des droits à congé, que des rythmes et des modes d'organisation du travail.

Pour les salariés travaillant en continu, doivent être considérés comme jours ouvrables pour le décompte des congés payés tous les jours de l'année à l'exception des 52 jours de repos hebdomadaire et de 11 jours correspondant à l'ensemble des jours fériés mentionnés à l'article L.3133-1 du code du travail ;

Il résulte également de l'article L3141-5 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, que les jours de repos compensateurs attribués aux salariés travaillant en continu du fait de l'organisation du travail en cycles doivent être assimilés à des jours de travail effectif. Ainsi ce jour de repos ne peuvent être comptés comme des jours de congés payés pour vérifier le respect par l'employeur de l'attribution des trente jours ouvrables de congés payés.

En l'espèce, les parties s'accordent sur le droit des salariés à avoir trente jours ouvrables de congés payés par an, la divergence portant sur la conversion des 30 jours ouvrables en jours ouvrés.

Sur ce point, il résulte de la démonstration de l'employeur que celui-ci procède à un calcul des congés payés en jours ouvrés ou plus exactement travaillés, selon un système d'équivalence aboutissant à partir de la base légale de trente jours ouvrables à un nombre de vingt et un jours ouvrés pour les salariés travaillent en régime continu.

La société part du constat que le rythme de travail des salariés postés (cycle de dix semaines avec alternance de jours de repos) comporte globalement sur le cycle ou sur l'année un nombre de jours ouvrés inférieur à celui des salariés non postés et retient que les salariés travaillant en régime continu travaillent suivant une base de 6 jours travaillés suivis de 4 jours de repos soit 42 jours sur un cycle de 60 jours ouvrables et ont donc droit pour 30 jours ouvrables à vingt et un jours de congés payés correspondant à 21 jours travaillés ;

Cependant, force est de constater que l'employeur n'a ainsi pas tenu compte au titre du nombre de jours travaillés, des jours de repos liés à l'organisation du temps de travail en continu, alors que ces jours de repos doivent être assimilés à des jours de travail effectif et ne peuvent être comptés comme des jours de congés payés pour vérifier le respect par l'employeur de l'attribution des trente jours ouvrables de congés payés. Dès lors, le calcul pratiqué au sein de la société ne peut être retenu.

Pour opérer la conversion de 30 jours ouvrables de congés payés en jours ouvrés et éviter toute distorsion liée au mode d'organisation du travail du salarié, il convient d'employer la formule suivante : M. P... effectue 48 heures de travail effectif sur une période de dix jours, de sorte que la durée hebdomadaire moyenne de travail est de 33,6 heures (48/10x 7) et sa durée journalière de travail sur cinq jours ouvrés est de 6,72 heures (33,6/5). Dès lors, 33,6 heures de travail hebdomadaire en moyenne multipliés par cinq semaines de congés payés divisées par 6,72 heures de travail sont égales à 25 jours ouvrés de congés payés.

Il en résulte que les 30 jours ouvrables de congés payés annuels auxquels a droit M. P... équivalent à 25 jours travaillés par an pour le salarié et non 21 ainsi que le soutient la société DFDS Seaways.

M. P... qui n'a bénéficié que de 21 jours de congés payés n'a donc pas été rempli de ses droits et n'a pas bénéficié des 30 jours ouvrables auxquels il avait droit.

Par conséquent, il résulte de l'historique produit par les parties que M. P... est bien fondé dans sa demande de restitution des jours de congés payés manquants se décomposant comme suit :

- de mars 2012 au 31 mai 2012 : 6,25 jours de congé, sont dus : 5,25 jours de congés ont été attribués, 1 jour de congé est dû,
- du 1er juin 2012 au 31 mai 2013 : 25 jours de congé sont dus : 21 jours de congés ont été attribués ; 4 jours sont dus,
- du 1er juin 2013 au 31 mai 2014, 25 jours de congés sont dus : 21 jours de congés ont été attribués, 4 jours doivent être dus.
- du 1er juin 2014 au 31 mai 2015 : 25 jours de congés sont dus : 21 jours de congés ont été attribués, 4 jours sont dus,
- du 1er juin 2015 au 31 mai 2016, 25 jours de congés sont dus : 21 jours de congés ont été attribués, 4 jours sont dus,

En conséquence, le jugement sera infirmé et la société D.F.D.S. Seaways sera condamnée à restituer à M. P... les jours de congés payés non attribués sur la période de mars 2012 au 31 mai 2016, soit 17 jours et à lui attribuer 4 jours de congés payés sur la période du 1er juin 2016 au 31 mai 2017, soit un total de 21 jours.

En outre, la société DFDS Seaways sera condamnée à remettre à M. P... des bulletins de paie conformes à ce qui précède, sous astreinte selon les modalités prévues au dispositif.

Sur la demande de dommages et intérêts au titre du préjudice subi :

Depuis son embauche, M. P... est lésé en matière de congés payés. La perte de jours de congés pendant plusieurs années lui a causé un préjudice qui doit être réparé.

Il convient en conséquence d'allouer à M. P... la somme de 1000 euros à ce titre.

Sur la demande d'exécution provisoire

Les arrêts rendus par la cour d'appel étant exécutoires de droit, il n'y a pas lieu à statuer sur la demande d'exécution provisoire.

Sur les demandes relatives aux frais irrépétibles et aux dépens des instances

Compte tenu de l'issue du litige, la société D.F.D.S. Seaways sera condamnée aux dépens d'appel et à payer à M. P... la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles non compris dans les dépens qu'il a pu exposer.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Ordonne la jonction des procédures inscrites sous les numéros no17/00999 et no17/01020

Infirme le jugement du 22 mars 2017 rendu par le conseil de prud'hommes de Calais ;

Et, statuant à nouveau,

Condamne la société DFDS Seaways à restituer à M. T... P... les jours de congés payés non attribués sur la période de mars 2012 au 31 mai 2017, soit 21 jours ;

Enjoint la société D.F.D.S. Seaways à attribuer à compter du 1er juin 2017 à M. T... P... 30 jours ouvrables de congés payés équivalant à 25 jours ouvrés de congés payés selon les modalités prévues par le présent arrêt ;

Condamne la société D.F.D.S. Seaways à remettre à M. T... P... des bulletins de paie conformes à la présente décision, sous astreinte de 30 euros par jour de retard qui commencera à courir à compter du 15ème jour suivant la signification du présent arrêt et ce, pendant un délai de soixante jours passé lequel il appartiendra à la partie la plus diligente de saisir le juge de l'exécution pour qu'il soit de nouveau fait droit ;

Condamne la société D.F.D.S. Seaways à payer à M. P... les sommes suivantes :

• 1000 euros à titre de des dommages et intérêts venant en réparation de son préjudice tiré de la privation d'une partie de son droit aux congés payés ;
• 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande d'exécution provisoire ;

Condamne la société DFDS Seaways aux dépens.

Le Greffier, Le Président,

A. LESIEUR S. MARIETTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : A1
Numéro d'arrêt : 17/009998
Date de la décision : 28/02/2019
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.douai;arret;2019-02-28;17.009998 ?
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