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28/02/2019 | FRANCE | N°17/006638

France | France, Cour d'appel de Douai, A1, 28 février 2019, 17/006638


ARRÊT DU
28 Février 2019

N 396/19

No RG 17/00663 - No Portalis DBVT-V-B7B-QQ4F

SM/NB

RO

Jugement du
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DUNKERQUE
en date du
03 Février 2017
(RG 16/00302 -section 4)

GROSSE :

aux avocats

le 28/02/19

République Française
Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
- Prud'Hommes-

APPELANT :
M. WE... P...
[...]
Représenté par Me Marie hélène LAURENT, avocat au barreau de DOUAI, assisté de Me Fiodor RILOV, avocat au

barreau de PARIS

INTIMÉS :
- SARL GREEN SOFA DUNKERQUE
en liquidation judiciaire

Me Y.. E...es qualité de liquidateur judiciaire de la société GREEN SOFA ...

ARRÊT DU
28 Février 2019

N 396/19

No RG 17/00663 - No Portalis DBVT-V-B7B-QQ4F

SM/NB

RO

Jugement du
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DUNKERQUE
en date du
03 Février 2017
(RG 16/00302 -section 4)

GROSSE :

aux avocats

le 28/02/19

République Française
Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
- Prud'Hommes-

APPELANT :
M. WE... P...
[...]
Représenté par Me Marie hélène LAURENT, avocat au barreau de DOUAI, assisté de Me Fiodor RILOV, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉS :
- SARL GREEN SOFA DUNKERQUE
en liquidation judiciaire

Me Y.. E...es qualité de liquidateur judiciaire de la société GREEN SOFA DUNKERQUE
[...]
Représenté par Me David LACROIX, avocat au barreau de DOUAI

- Société GROUPE I...
en liquidation judiciaire

Me F... R... es qualité de liquidateur judiciaire de la société GROUPE I...
[...]
Représenté par Me Virginie LEVASSEUR, avocat au barreau de DOUAI, assisté de Me Cyril GAILLARD, avocat au barreau de PARIS

- Société I... GREEN SOFA
[...] [...] / [...]
Représentée par Me LAURENT HIETTER, avocat au barreau de LILLE, assisté de Me Philippe BERTEAUX, avocat au barreau de PARIS

- UNEDIC AGS/CGEA LILLE
[...]
Représenté par Me François DELEFORGE, avocat au barreau de DOUAI
substitué par Me CAMUS-DEMAILLY

DÉBATS : à l'audience publique du 31 Janvier 2019

Tenue par Sabine MARIETTE etamp; Leila GOUTAS
magistrats chargés d'instruire l'affaire qui ont entendu les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en ont rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Aurélie DI DIO

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Sabine MARIETTE : PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Leila GOUTAS : CONSEILLER
Caroline PACHTER-WALD : CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 28 Février 2019,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Sabine MARIETTE, Président et par Annie LESIEUR, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 1er juin 2017, avec effet différé jusqu'au 15 octobre 2018 EXPOSE DU LITIGE :

La société I... Dunkerque ( devenue GREEN SOFA Dunkerque) créée en janvier 1991 était spécialisée dans la fabrication de meubles destinés à la grande distribution. Elle était intégrée dans le groupe I..., dirigé par la SAS Groupe I..., implanté dans plusieurs pays, principalement en France, à Hong-Kong et en Roumanie. Le groupe comptait un total de dix sociétés réparties en Europe et en Asie du Sud-Est, dont la société de droit roumain Sarmas International Mobila-Sim (devenue I... GREEN SOFA SRL ) et la société I... Dunkerque.

A la suite d'un protocole d'accord de cessions de parts, du 19 février 2010, le capital de la société Sarmas International Mobila-Sim devenue I... GREEN SOFA SRL, qui était contrôlé par la société Groupe I... jusqu'en septembre 2010, est actuellement détenu à hauteur de 80% par la société de droit français P3G Industries elle-même détenue à hauteur de 90% par M. XI... I... par ailleurs président de la société I... GREEN SOFA SRL.

A la suite du même protocole d'accord, le capital de la société I... Dunkerque devenue GREEN SOFA Dunkerque qui était également contrôlé par la société Groupe I... a été cédé à compter de septembre 2010, à hauteur de 100% à la société Gavinco elle-même détenue à hauteur de 100% par M XI... I..., lequel est également le dirigeant de la société GREEN SOFA Dunkerque.

Cette société était spécialisée dans la fabrication de meubles destinés à 100% au groupe Ikea.

La société GREEN SOFA Dunkerque a été placée en redressement judiciaire le 20 mars 2012, puis en liquidation judiciaire le 23 novembre 2012, Maître E... étant désigné en qualité de liquidateur.

L'ensemble des salariés de la société GREEN SOFA Dunkerque dont M WE... P..., ont été licenciés pour motif économique par lettre du 28 janvier 2013 après la mise en place d'un plan de sauvegarde de l'emploi.

M. P... a saisi, le 21 janvier 2013, le conseil de prud'hommes de Dunkerque de demandes dirigées contre Maître E... en sa qualité de liquidateur de la société GREEN SOFA Dunkerque, la société I... GREEN SOFA SRL et Maître R... en sa qualité de liquidateur de la société I... Groupe aux fins de voir reconnaître la qualité de co-employeur de la société I... GREEN SOFA SRL et obtenir paiement de dommages et intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement du 3 février 2017, le conseil de prud'hommes a écarté le coemploi, dit le licenciement fondé, mis hors de cause M. B... en sa qualité d'administrateur judiciaire de la société GREEN SOFA Dunkerque et M. X... en sa qualité d'administrateur judiciaire de la société Groupe I... et a fixé à une certaine somme la créance de dommages-intérêts du salarié au passif de la liquidation judiciaire de la société GREEN SOFA Dunkerque en réparation du préjudice subi du fait de la violation par l'employeur de son obligation d'adaptation au poste de travail.

Par déclaration adressée au greffe le 10 mars 2017, via le RPVA, M. P... a relevé appel de cette décision.

Par ordonnance du 1er juin 2017 l'affaire a été instruite dans les formes prévues par l'article 905 du code de procédure civile.

M. P..., par conclusions déposées le 12 octobre 2018, demande à la cour d'infirmer le jugement, et à titre principal de dire que la société I... GREEN SOFA SRL était coemployeur, constater la nullité du licenciement, condamner in solidum les sociétés I... GREEN SOFA SRL et la société Green Dunkerque représentée par Maitre E... en qualité de mandataire liquidateur à lui payer la somme de 98 118 euros à titre de dommages et intérêts.

A titre subsidiaire, il demande à la cour de constater l'insuffisance du PSE au regard des moyens du groupe ou le manquement de l'employeur à son obligation de reclassement et de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner la société Green Dunkerque représentée par Maitre E... en qualité de mandataire liquidateur à lui payer la somme de 98 118 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

A titre infiniment subsidiaire, il demande de condamner la société GREEN SOFA Dunkerque à lui payer la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation par l'employeur de son obligation d'adaptation au poste de travail et en tout état de cause de condamner les sociétés intimées à lui verser la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il soutient en substance que :

sur le co-emploi :

– lorsque l'entreprise qui cesse son activité appartient à un groupe, il convient de vérifier qu'il n'existe pas en réalité une situation de coemploi à l'égard du groupe auquel elle appartient ; dès lors qu'est caractérisé entre deux sociétés une confusion d'intérêts, d'activités et de directions, la seconde d'entre elles, bien qu'elle ne soit pas employeur de droit du salarié, en est l'employeur de fait et les obligations mises à la charge de l'employeur de droit lui incombent également ;

– en l'espèce la société GREEN SOFA Dunkerque ne disposait d'aucune autonomie de gestion par rapport aux sociétés Groupe I..., les activités des sociétés GREEN SOFA Dunkerque et I... GREEN SOFA SRL se confondant de même que leurs intérêts ;

– la société GREEN SOFA Dunkerque a été réduite à l'état de simple établissement de la société I... GREEN SOFA SRL ;

– il y avait également une confusion de direction : les fonctions d'organisation dont le service de comptabilité étaient assurés par la société roumaine laquelle par le truchement du cabinet de Mme H... assurait également le paiement des fournisseurs de la société dunkerquoise ;

– en sa qualité de coemployeur, la société I... GREEN SOFA SRL aurait dû être coauteur du plan de sauvegarde de l'emploi ;

Sur l'insuffisance du PSE :

– il résulte de l'article L. 1235-10 du code du travail dans sa rédaction applicable en la cause que la pertinence d'un plan de sauvegarde de l'emploi doit être appréciée en fonction des moyens dont disposent l'entreprise et le groupe dont elle fait partie pour maintenir les emplois ou faciliter le reclassement. S'agissant des moyens financiers du groupe, la pertinence doit s'apprécier compte tenu des moyens de l'ensemble des entreprises unies par le contrôle ou l'influence d'une entreprise dominante dans les conditions définies à l'article L. 2331-1 du code du travail sans qu'il y ait lieu de réduire le groupe aux entreprises situées sur le territoire national ;

– M. I... qui dirigeait la société GREEN SOFA Dunkerque, était directement ou indirectement actionnaire majoritaire de dix autres sociétés du groupe en sorte que les conditions du contrôle effectif prévues par l'article L. 2331-1 du code du travail étaient remplies entre ces sociétés ;

– le contenu du Plan de Sauvegarde de l'Emploi était insuffisant, en raison de l'indigence des moyens financiers mis en œuvre au regard du groupe auquel appartenait la société et en raison de l'absence de recherche de mesures de reclassement externe. lesquelles n'ont pourtant pas été consultées par le liquidateur lors de l'élaboration du PSE ;

Sur l'inexécution de l'obligation de reclassement :

– le liquidateur es-qualités n'a entrepris aucune recherche de reclassement individuelle au sein du groupe composé par toutes les sociétés détenues par M. XI... I... et a ainsi manqué à son obligation de reclassement individuelle et personnalisée.

Sur la violation de l'obligation d'adaptation des salariés à leur poste de travail :

– la société GREEN SOFA Dunkerque a violé l'obligation énoncée à l'article L.6321-1 du code du travail en ne faisant bénéficie les salariés d'aucune formation au cours de leurs années de carrière, ce que leur a causé un préjudice distinct de celui résultant de la rupture du contrat de travail ;

Maître E..., en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société GREEN SOFA Dunkerque par conclusions déposées le 4 juin 2018, demande à la cour de confirmer le jugement, de débouter le salarié de l'ensemble de ses demandes et dire que les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure collective.

Il fait notamment valoir que :

s'agissant du coemploi :

– la théorie du co-emploi développé par la Cour de Cassation ne trouve à s'appliquer qu'au sein d'un groupe de sociétés, et elle concerne la relation société mère - société fille, or en l'espèce, les sociétés GREEN SOFA Dunkerque et I... GREEN SOFA SRL ne font pas partie du même groupe de sociétés ; l'une n'est pas la filiale de l'autre et vice versa et il existait bien une indépendance économique entre les deux sociétés ;

S'agissant de l'insuffisance prétendue des mesures incluses dans le plan de sauvegarde de l'emploi

– une personne physique ne saurait être assimilée à une entreprise de telle sorte que le fait que M. XI... I... contrôle plusieurs sociétés ne saurait instituer un groupe entre lesdites sociétés,
– la société GREEN SOFA Dunkerque appartenait à une société holding Govinco qui n'avait que cette filiale de sorte qu'il ne peut être soutenu que cette société dunkerquoise aurait appartenu au même groupe que les sociétés P3G Industrie, Anavil, Zone-Co et I... GREEN SOFA SRL ;

S'agissant de la violation alléguée de l'obligation de reclassement :

– le périmètre de reclassement est celui du groupe de reclassement, qui regroupe "les entreprises, les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation qui permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel" ;

– les salariés ne démontrent pas cette permutabilité laquelle doit être exclue dès lors qu'il n'y a jamais eu d'exemple de salarié qui aurait été muté de GREEN SOFA Dunkerque vers une des autres sociétés contrôlées par M. I... ou vice et versa ; les lieux d'exploitation extrêmement éloignés, les différences de culture, de langue, de monnaie excluent toute permutabilité du personnel, de même que les différences de salaire ;

– les salariés n'ayant pas répondu dans le délai de six jours à la demande de l'employeur s'agissant du reclassement en dehors du territoire national, ne sont fondés en aucun de leurs moyens de contestation dans la mesure où ils n'ont pas été l'objet d'offres de reclassement, étant réputés avoir refusé un reclassement à l'étranger et ne disposant pas de la formation initiale leur permettant d'occuper l'unique poste de reclassement existant en France ;

S'agissant de la demande au titre de la violation de l'obligation d'adaptation au poste de travail

– à défaut pour le salarié d'apporter la preuve du préjudice qu'il aurait subi, sa demande doit être rejetée.

L'Unedic délégation AGS CGEA de Lille, selon des conclusions déposées le 16 juillet 2018, conclut également à la confirmation du jugement en ce qu'il rejette le co-emploi et juge bien fondé le licenciement pour motif économique du salarié, de l'infirmer en ce qu'il accueille la demande au titre d'un prétendu manquement à l'obligation d'adaptation au poste de travail et de débouter le salarié de l'ensemble de ses demandes.

À titre subsidiaire, au cas où la cour jugerait que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, elle demande à la cour de minorer le quantum des dommages et intérêts sollicités et en toute hypothèse, de lui donner acte qu'elle procède aux avances au profit de M. P... d'un montant de 29 986,27 euros et dire que l'arrêt à intervenir ne lui sera opposable que dans la limite de sa garantie légale telle que fixée par les articles L.3253-6 et suivants du code du travail (ancien art. L 143.11.1 et suivants du Code du Travail) et des plafonds prévus à l'article D.3253-5 du code du travail (ancien art. D 143.2 du Code du Travail), et que l'obligation de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement.

Elle considère que l'obligation de reclassement a été correctement exécutée par le liquidateur puisque le groupe de reclassement était constitué que de la société GREEN SOFA Dunkerque et sa holding Govinco laquelle a bien été interrogée à cette fin ; que la société Govinco n'employait aucun salarié, avait des capitaux propres négatifs, aucun fonds de roulement et aucune disponibilité, en sorte qu'aucun reclassement n'était donc possible.
A titre subsidiaire, les dommages et intérêts alloués aux salariés doivent être réduits, compte tenu de l'absence de preuve du préjudice éventuellement subi.
L'AGS conteste les demandes des salariés relatives au non-respect de l'obligation de formation dans la mesure où ces demandes ne sont pas individualisées, il appartient pourtant aux salariés d'établir la réalité du préjudice allégué.

La société I... GREEN SOFA SRL, par conclusions déposées le 22 juin 2018, demande à la cour de confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Dunkerque, de rejeter l'action de M. P... tendant à la reconnaissance de la qualité de co-employeur de la société I... GREEN SOFA SRL, de le débouter de toutes ses prétentions et le condamner à lui verser à la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle soutient que :

– la déconfiture de la société GREEN SOFA Dunkerque ne résulte pas d'une prétendue opération de délocalisation mais de la rupture brutale par le client Ikéa de ses relations commerciales avec la dite société comme cela résulte de l'arrêt prononcé le 23 mai 2013 par la cour d'appel de Paris, laquelle a condamné la société Ikea à verser à la liquidation judiciaire de la société GSD la somme de 4.933.500 euros à titre de dommages et intérêts ;

– le salarié ne démontre pas que la société de droit roumain PGS SRL s'est immiscée de façon excessive dans la gestion opérationnelle de la société GSD à la fois au plan commercial, administratif, financier, juridique et de la gestion de son personnel ;

– il n'est pas davantage établi que le dirigeant commun des deux sociétés, M. I... se soit immiscée, au demeurant de façon excessive, dans la gestion de la société GSD ;

– La mise à disposition de 7 salariés commerciaux de la société GDS au profit de la société PGS SRL ne constitue qu'une mise en commun d'une force commerciale de deux entités appartenant à un même groupe, et ne caractérise pas une confusion de direction mais constitue l'essence même d'un groupe ;

– les sociétés GSD et PGS SRL avaient des intérêts distincts puisqu'elles avaient accès à deux segments de produits totalement différents, l'un portant sur des produits plutôt à forte valeur ajoutée (la société GSD, produits « MODD »), l'autre portant sur des produits « Mass Market» de type KLOBO ; la société GSD ne pouvait se positionner sur les mêmes produits que ceux de la société PGS SRL en raison de ses coûts de main d'œuvre et de structure élevés ;

– les relations entre les sociétés GSD et PGS SRL se sont limitées à une simple relation client-fournisseur, la société PGS SRL fournissant la société GSD en composants de sièges et notamment en housses ;
Maître R..., en qualité de liquidateur de la société Groupe I..., par conclusions déposées le 16 juillet 2018, demande à la cour de constater que l'appelant, comme en première instance, ne formule aucune demande à son encontre, de confirmer la mise hors de cause de la société Groupe I... et de son liquidateur et de condamner M. P... à lui verser la somme de 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS :

Sur l'existence d'un co-emploi :

Une société faisant partie d'un groupe ne peut être considérée comme un coemployeur à l'égard du personnel employé par une autre, hors l'existence d'un lien de subordination, que s'il existe entre elles, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d'intérêts, d'activités et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière.

Une situation de coemploi est ainsi caractérisée par
– une confusion d'intérêts entendue comme une dépendance capitalistique,
– une confusion d'activités supposant une interdépendance des activités et une dépendance économique ,
– une confusion de direction comprenant une confusion des dirigeants et une confusion des décisions de gestion ;

Le critère déterminant du coemploi au sein d'un groupe est l'immixtion de la société dominante dans la gestion économique et sociale de la société dominée, se traduisant par la prise en main par l'une des sociétés de la gestion économique, technique et administrative ainsi que de la gestion des ressources humaines de l'autre avec pour conséquence la perte totale d'autonomie de celle-ci, ne lui permettant plus de se comporter comme le véritable employeur de ses salariés.

****

A titre liminaire, il convient de relever que, contrairement à ce que soutient Maître E..., en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société GREEN SOFA Dunkerque, cette société appartient incontestablement à un groupe.

La définition du groupe tant en droit des sociétés qu'en droit du travail découle des articles L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce, auquel renvoie l'article l'article L.2331-1 du code du travail.

Selon l'article L233-1 du code de commerce : "Lorsqu'une société possède plus de la moitié du capital d'une autre société, la seconde est considérée, pour l'application des sections 2 et 4 du présent chapitre, comme filiale de la première."

Selon l'article L. 233-2 (version en vigueur du 21 septembre 2000 au 1er janvier 2016) : "Lorsqu'une société possède dans une autre société une fraction du capital comprise entre 10 et 50 %, la première est considérée, pour l'application du présent chapitre, comme ayant une participation dans la seconde."

L'article L233-3 du code de commerce dans sa version en vigueur du 27 juillet 2005 au 5 décembre 2015) dispose :
"I. - Une société est considérée, pour l'application des sections 2 et 4 du présent chapitre, comme en contrôlant une autre :
-1o Lorsqu'elle détient directement ou indirectement une fraction du capital lui conférant la majorité des droits de vote dans les assemblées générales de cette société
- 2o Lorsqu'elle dispose seule de la majorité des droits de vote dans cette société en vertu d'un accord conclu avec d'autres associés ou actionnaires et qui n'est pas contraire à l'intérêt de la société ;
- 3o Lorsqu'elle détermine en fait, par les droits de vote dont elle dispose, les décisions dans les assemblées générales de cette société ;
- 4oLorsqu'elle est associée ou actionnaire de cette société et dispose du pouvoir de nommer ou de révoquer la majorité des membres des organes d'administration, de direction ou de surveillance de cette société.

II. - Elle est présumée exercer ce contrôle lorsqu'elle dispose directement ou indirectement, d'une fraction des droits de vote supérieure à 40 % et qu'aucun autre associé ou actionnaire ne détient directement ou indirectement une fraction supérieure à la sienne."

III. - Pour l'application des mêmes sections du présent chapitre, deux ou plusieurs personnes agissant de concert sont considérées comme en contrôlant conjointement une autre lorsqu'elles déterminent en fait les décisions prises en assemblée générale".

Selon l'article L233-3 du code de commerce dans sa version modifiée par l'ordonnance no 2015-1576 du 3 décembre 2015 :
"I.- Toute personne, physique ou morale, est considérée, pour l'application des sections 2 et 4 du présent chapitre, comme en contrôlant une autre :
-1o Lorsqu'elle détient directement ou indirectement une fraction du capital lui conférant la majorité des droits de vote dans les assemblées générales de cette société ;
- 2o Lorsqu'elle dispose seule de la o majorité des droits de vote dans cette société en vertu d'un accord conclu avec d'autres associés ou actionnaires et qui n'est pas contraire à l'intérêt de la société ;
- 3o Lorsqu'elle détermine en fait, par les droits de vote dont elle dispose, les décisions dans les assemblées générales de cette société ;
- 4o Lorsqu'elle est associée ou actionnaire de cette société et dispose du pouvoir de nommer ou de révoquer la majorité des membres des organes d'administration, de direction ou de surveillance de cette société.
II.-Elle est présumée exercer ce contrôle lorsqu'elle dispose directement ou indirectement, d'une fraction des droits de vote supérieure à 40 % et qu'aucun autre associé ou actionnaire ne détient directement ou indirectement une fraction supérieure à la sienne.
III.-Pour l'application des mêmes sections du présent chapitre, deux ou plusieurs personnes agissant de concert sont considérées comme en contrôlant conjointement une autre lorsqu'elles déterminent en fait les décisions prises en assemblée générale.

Ainsi, ce dernier texte, dans sa version modifiée par l'ordonnance du 3 décembre 2015 se réfère, à "Toute personne, physique ou morale".

La modification ainsi apportée à l'article L. 233-3 a pour objet de transposer les dispositions de la directive 2013/50/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2013 en étendant la notion d'émetteur de valeurs mobilières aux entités n'ayant pas la personnalité morale, ainsi qu'aux personnes physiques.

L'article L. 233-3 du code de commerce prévoyant qu'une personne physique peut contrôler une personne morale lorsqu'elle dispose de la majorité des droits de vote, il y a lieu de prendre en compte la participation majoritaire d'une personne physique au capital d'une société pour en déduire l'attribution de droits de vote et donc l'existence d'une influence sur les décisions de cette société et l'existence d'un groupe, constitué des entreprises unies par le contrôle ou l'influence exercés par cette personne.

En l'espèce, le fait que la participation appartienne à M. A... I..., une personne physique ne permet pas d'exclure l'exercice d'une influence et d'un contrôle sur les sociétés GREEN SOFA Dunkerque et I... GREEN SOFA SRL.

Celles-ci appartiennent ainsi un groupe composé par toutes les sociétés contrôlées directement ou indirectement par XI... I... soit les sociétés suivantes : GREEN SOFA Dunkerque (100%), Govinco (100%), Zone Co (100%), P3G Industries (90%), I... GREEN SOFA SRL (79,99%), Anavil Co LTD (70%), New Hambourg LTD (100% par l'intermédiaire d'Anavil Co LTD), Chuen Shing Group LTD (100% par l'intermédiaire d'Anavil Co LTD), Anavil Vietnam Production Co LTD (100% par l'intermédiaire d'Anavil Co LTD), Shanghai Anavil Hardware etamp; Plastic Prod. Co LTD (100% par l'intermédiaire d'Anavil Co LTD).

En outre, la référence à la notion d'entreprise, définie en droit européen et en droit interne comme toute entité exerçant une activité économique, quel que soit son statut juridique inclut nécessairement celle de personne physique ou morale.

– une confusion d'intérêts entendue comme une dépendance capitalistique,

A la suite d'un protocole d'accord de cessions de parts, du 19 février 2010, le capital de la société Sarmas International Mobila-Sim devenue I... GREEN SOFA SRL, qui était contrôlé par la société Groupe I... jusqu'en septembre 2010, est aujourd'hui détenu à hauteur de 80% par la société de droit français P3G Industries elle-même détenue à hauteur de 90% par M. XI... I..., par ailleurs président de la société I... GREEN SOFA SRL.

A la suite du même protocole d'accord, le capital de la société I... Dunkerque devenue GREEN SOFA Dunkerque qui était également contrôlé par la société Groupe I... a été cédé à compter de septembre 2010, à hauteur de 100% à la société Gavinco elle-même détenue à hauteur de 100% par M. I.... M XI... I... est également le dirigeant de la société GREEN SOFA Dunkerque.

Il ressort des pièces produites et notamment du rapport d'étape de janvier 2013 de la société d'expertise comptable Alter désignée par le comité d'entreprise de GREEN SOFA Dunkerque et du rapport déposé par l'expert M. U... mandaté par le Tribunal de Commerce de Dunkerque, que cette cession de titres des deux sociétés au profit M. XI... I... au travers de deux sociétés holdings, a permis d'isoler la société I... Dunkerque devenue GREEN SOFA Dunkerque, dont la situation était très préoccupante à raison de la dégradation de ses relations commerciales avec son client Ikéa, dans une structure distincte afin d'éviter le risque financier que faisait courir cette société au groupe I..., en cas de liquidation judiciaire.

Comme le souligne, l'expert U..., « M. I... reprend le même jour la société de droit roumain I... GREEN SOFA SRL au travers de la holding P3G Industries dans laquelle il avait logé la société Anavil CoLtd, de sorte qu'avec cette acquisition, P3G Industries détenait deux filiales étrangères dans des pays où la protection sociale des salariés est quasiment inexistante en cas de licenciement »

La cession, par le groupe I... de la société I... Dunkerque devenue GREEN SOFA Dunkerque, pour un euro symbolique à M. XI... I... a constitué « une solution rapide » et à moindre coût pour I... Groupe dont la situation financière ne lui permettait pas mobiliser les ressources nécessaires au maintien de l'activité de I... Dunkerque » et au financement d'un plan de sauvegarde de l'emploi proportionnel aux moyens du groupe. (rapport procédure d'alerte d'octobre 2011 de l'expert comptable auprès du comité d'entreprise).

A la suite de cette cession, XI... I... détient la société GREEN SOFA Dunkerque à 100 % par l'intermédiaire de l'EURL Govinco et ainsi que la société I... GREEN SOFA SRL à 80 % par l'intermédiaire de P3G Industries.

L'identité des représentants légaux et l'imbrication capitalistique entre les deux sociétés GREEN SOFA Dunkerque et I... GREEN SOFA SRL entraînant l'entier contrôle de la première par la seconde, constituent les indices d'une confusion d'intérêts.

– une confusion d'activités supposant une interdépendance des activités et une dépendance économique :

Il ressort des pièces produites que les activités des sociétés GREEN SOFA Dunkerque et I... GREEN SOFA SRL se confondaient. .

L'expert-comptable judiciaire M. U... relève notamment que « des flux économiques significatifs sont enregistrés entre GREEN SOFA Dunkerque et I... GREEN SOFA SRL (Roumanie) ». Dans leur activité de confection de canapés, GREEN SOFA Dunkerque facture la matière première à I... GREEN SOFA SRL qui elle-même facture les housses fabriquées en Roumanie à GREEN SOFA Dunkerque. Ces flux économiques représentent à eux seuls respectivement des facturations à hauteur de 162 822 euros en 2010 concernant les matières premières ; 811 207 euros en 2010 et 713 466 euros en 2011 concernant les housses.

S'ajoutent à cela, la facturation du personnel détaché de GREEN SOFA Dunkerque auprès de I... GREEN SOFA SRL à hauteur de 603 190 euros en 2010, des fournitures facturées à la structure roumaine à hauteur de 35 954 euros en 2011 et de la sous-traitance de main d'œuvre de fabrication des housses s'élevant à 247 003 euros en 2010 et 207 722 euros en 2011.

La séparation juridique des deux structures française et roumaine par la création de deux holdings distinctes n'a donc pas mis fin à leur imbrication. M. U... a ainsi commenté, dans son rapport la cession de GREEN SOFA Dunkerque en citant le protocole d'accord du 19 février 2010 portant sur la cession du pôle « sièges » de Groupe I... à XI... I... : « Il est précisé que la promesse d'achat porte globalement sur les titres des deux entités juridiques, I... Dunkerque (devenue GREEN SOFA Dunkerque) et I... GREEN SOFA qui constituent une entité économique et qui sont indissociables. La cession de l'une des deux sociétés ne saurait intervenir sans la cession concomitante de l'autre »

La société d'expertise comptable Alter souligne quant à elle, dans son rapport de janvier 2013, que la séparation juridique des deux sociétés « visant à éviter l'effet domino, n'a pas été corroborée par les faits. Les imbrications économiques entre GDS et PGS sous forme de personnel détaché, d'utilisation de la même force commerciale, de cession de matériel, de recours au même cabinet comptable vont à l'encontre de cette séparation juridique ».

Il ressort également du rapport de la société Alter que l'interdépendance des deux sociétés a favorisé la société roumaine grâce aux compétences de salariés de GREEN SOFA Dunkerque mis à disposition de son homologue roumaine, aux prestations de la société Zone-Co, et aux cessions de matériels de la société GSD à bas prix.

Dès 2009, plusieurs salariés de GREEN SOFA Dunkerque ont été mis à disposition de la société roumaine pour la recherche de nouveaux clients
Après le rachat des deux sociétés, M. XI... I... a ensuite crée le 14 octobre 2010, la société Zone-Co, dédiée au développement commercial des deux sociétés française et roumaine. Trois cadres de la société GREEN SOFA Dunkerque ont ainsi été transférés en 2011 au sein de cette société Zone-Co. M... S..., le directeur général de l'usine de Dunkerque a également été mis à disposition à temps partiel de l'agence commerciale Zone-Co, ce qui a dépossédé la société dunkerquoise de ses « forces vives » commerciales, tandis que les démarches de Zone-Co et la recherche de clientèle ont manifestement été plus fructueuses pour la structure roumaine.

Pourtant dédiée au développement commercial des deux entités, la société Zone-Co a ainsi facturé des prestations en fonction du chiffre d'affaires développé : à 97% à I... GREEN SOFA et 3% à GREEN SOFA Dunkerque.
Comme le souligne la société Alter, la montée en puissance de PSG a été très rapide, son chiffre d'affaires est passé de 8,7 millions d'euros en 2009 à 20,8 millions d'euros en 2011alors que fin 2009 son client unique Ikéa avait cessé toute relation commerciale, tandis que sur la même période celui de GREEN SOFA Dunkerque s'écroule passant de 16,9 millions d'euros en 2009 à 10,6 millions d'euros en 2011. Et l'expert-comptable de conclure « il y a donc eu une hyper-efficacité commerciale au profit de PGS et un désastre commercial pour GDS ».

Dans la même logique de dépossession de la société dunkerquoise, la marque « GREEN SOFA » qui a été déposée en août 2010 est restée la propriété de l'entité en Roumanie.

De nombreux salariés cadres dirigeants de GREEN SOFA Dunkerque ont également mis à disposition de I... GREEN SOFA SRL : XI... I..., président directeur général de GSD, M... S..., directeur général et administrateur de GSD, et aussi O... N..., RU... L..., ES... WK... , NI... K..., WE... P..., ZT... V..., VE... W..., tous cadres chez GSD, mais qui ont également étaient mis à disposition de la société I... GREEN SOFA SRL.

Les pièces produites révèlent également que la société I... Dunkerque, devenue GREEN SOFA Dunkerque, a cédé des matériels informatiques et des logiciels le 27 juillet 2009 à la société roumaine Sarmas International Mobila-Sim (devenue I... GREEN SOFA SRL).
La société française a également cédé en 2010 à la société roumaine pour des montants symboliques diverses matériels : des machines à coudre (un euro chacune), une machine à mousse Baumer (1euro) des chariots de manutention (un euro chacun), un gerbeur, dix pullers/parc machines (10 euros)
Les salariés de la société dunkerquoise ont ainsi indiqué : « Nous avons envoyé vingt-quatre machines à coudre en Roumanie qui coûtent, neuves, entre 5 000 et 10 000 euros chacune [
] et aussi une machine à mousse qui s'achète neuve 200 000 euros » (Article de presse du magazine Causette)

Ainsi que le relève la société d'expertise comptable Alter dans son rapport, ces données montrent l'imbrication des sociétés : I... GREEN SOFA SRL ne pouvait pas travailler sans GREEN SOFA Dunkerque.

Il apparaît également que les fonctions d'organisation, dont les services de comptabilité de la société dunkerquoise étaient assurés par la société roumaine. Cette dernière gérait en effet la comptabilité de GREEN SOFA Dunkerque laquelle était même formellement établie en Roumanie par le cabinet de Mme Manuela H... lequel gérait également la comptabilité de l'entité roumaine
La société I... GREEN SOFA SRL, par l'entremise du même cabinet, a également assuré le paiement des fournisseurs de la société française sur un bon à payer de la direction de GREEN SOFA Dunkerque (Rapport de l'expert-comptable judiciaire M. U...). Les déclarations fiscales et sociales de cette dernière ainsi que la paye de ses salariés étaient également assurées par la société I... GREEN SOFA SRL depuis la Roumanie.

– une confusion de direction comprenant une confusion des dirigeants et une confusion des décisions de gestion ;

L'existence de dirigeants permutables et interchangeables au sein des deux structures révèlent enfin une confusion de direction et l'exercice du pouvoir directionnel au profit de la société roumaine I... GREEN SOFA au détriment de la société française.

M. XI... I... détient :
- 100 % du capital de l'EURL Govinco, laquelle détient 100 % du capital de la société GREEN SOFA
- 90 % du capital de la société P3G Industries (10 % étant détenus par M. FT... I...) laquelle détient :
– 70 % de la société Anavil CoLtd ,
– 79,99 % de la société I... GREEN SOFA SRL (20% sont détenus par M... S...)
– 99,90 % de la société Zone-Co.

Dans la société I... Dunkerque :
- M. XI... I... est nommé président le 1er juillet 2009, à l'issue d'une période de six mois pendant laquelle il a été chargé du développement de I... Dunkerque,
- FT... I... est nommé administrateur le 8 octobre 2010 par l'associé unique Govinco en remplacement de I... Groupe,
- M... S... est nommé directeur général et administrateur le 15 février 2011 par l'associé unique Govinco.
Le même jour, l'associé unique change la dénomination de I... Dunkerque en GREEN SOFA Dunkerque.

La direction opérationnelle et la gestion quotidienne des activités et des personnels des structures roumaine et française étaient ainsi assurées par les mêmes dirigeants, les salariés des deux entités recevant les directives des mêmes personnes, des mêmes cadres.

Les sociétés GREEN SOFA Dunkerque et I... GREEN SOFA SRL qui représentaient une entité économique et étaient « indissociables » ont en réalité été gérées et dirigées comme une entreprise unique. avec un dirigeant unique et un encadrement commun et non comme un ensemble de sociétés distinctes.

*****

Il résulte de ces différents éléments un ensemble concordant d'indices caractérisant l'existence d'une immixtion anormale de la société I... GREEN SOFA SRL dans la gestion de la société GREEN SOFA Dunkerque.
L'activité de confection de canapés et les moyens de production de la société GREEN SOFA Dunkerque ont été progressivement transférés vers la société roumaine.

Le cessionnaire des deux entités, XI... I..., au lieu de chercher à poursuivre l'activité de la société dunkerquoise, l'a au contraire progressivement vidée de sa substance en détachant des salariés cadres de la structure française pour les faire travailler dans les usines roumaines de la société I... GREEN SOFA SRL et en créant, par l'intermédiaire de la société P3G principal actionnaire de la société I... GREEN SOFA SRL, l'agence commerciale Zone-Co, laquelle pourtant dédiée aux deux sociétés, a finalement consacrer son activité de recherche de nouveaux clients au profit de la seule entité roumaine.

L'état d'imbrication entre les sociétés GREEN SOFA Dunkerque et I... GREEN SOFA SRL a donc permis à cette dernière de s'immiscer de façon anormale dans la gestion économique de la première.
Cette immixtion a ainsi permis à la société roumaine, en exploitant l'état de dépendance de sa jumelle, de prendre dans son intérêt exclusif, des décisions dommageables pour celle-ci qui ont aggravé sa situation économique et l'ont privée de toute capacité d'agir conformément à son intérêt social.

Il convient en conséquence de retenir que la société I... GREEN SOFA SRL doit être considérée comme coemployeur au même titre que la société GREEN SOFA Dunkerque.

Sur le bien fondé du licenciement :

Lorsqu'un salarié est lié à des coemployeurs par un contrat de travail unique, le licenciement prononcé par l'un d'eux, qui met fin au contrat de travail, est réputé prononcé par tous, de sorte qu'il doit être justifié par chacun des employeurs et vérifié à l'égard de chacun d'entre eux au regard du motif économique et de l'obligation de reclassement

Il convient également de rappeler qu'il résulte de l'article L. 1235-10 du code du travail dans sa rédaction applicable à la cause que la pertinence d'un plan de sauvegarde de l'emploi doit être appréciée en fonction des moyens dont disposent l'entreprise et le groupe dont elle fait partie pour maintenir les emplois ou faciliter le reclassement.
S'agissant des moyens financiers du groupe, la pertinence doit s'apprécier compte tenu des moyens de l'ensemble des entreprises unies par le contrôle ou l'influence d'une entreprise dominante dans les conditions définies à l'article L. 2331-1 du code du travail sans qu'il y ait lieu de réduire le groupe aux entreprises situées sur le territoire national.

En outre le licenciement économique prononcé par l'un des coemployeurs mettant fin au contrat de travail, chacun d'eux doit en supporter les conséquences.

En l'espèce, si l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire au bénéficie de la société GREEN SOFA Dunkerque démontre que cette entreprise connaissait des difficultés économiques sérieuses, la réalité de la situation irrémédiablement compromise de l'employeur n'a été contrôlée par le tribunal de commerce, qu'à l'égard de cette seule société qui a cessé toute activité et a supprimé tous ses postes, à l'exclusion de l'autre coemployeur, de sorte que le salarié est recevable à contester devant la juridiction prud'homale, la réalité du motif économique au regard de la situation du groupe et du comportement de la société I... GREEN SOFA SRL.

La cessation d'activité de la société GREEN SOFA Dunkerque ne peut donc constituer une cause économique de licenciement qu'à la condition d'être justifiée par des difficultés économiques, par une mutation technologique ou par la nécessité de sauvegarder la compétitivité du secteur d'activité du groupe dont relèvent les entités du groupe.

En outre, le plan de sauvegarde de l'emploi a été établi dans le seul cadre de la société GREEN SOFA Dunkerque alors qu'il devait être mis en place par chacun des co-employeurs.
La société I... GREEN SOFA SRL aurait dû ainsi être co-auteur du plan de sauvegarde de l'emploi et mobiliser les moyens du groupe dirigé par M. XI... I..., à l'occasion de l'élaboration du plan.
En effet, M. I... qui dirigeait la société GREEN SOFA Dunkerque, est directement ou indirectement actionnaire majoritaire de dix autres sociétés, en sorte que les conditions du contrôle effectif prévues par l'article L. 2331-1 du code du travail étaient remplies entre ces sociétés, peu important que ce contrôle soit assuré par une personne physique en qualité de dirigeant de sociétés.

En conséquence, au regard de l'insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi, le licenciement est nul.

Sur les conséquences financières :

Le salarié sollicite la condamnation in solidum des sociétés GREEN SOFA Dunkerque et I... GREEN SOFA SRL au paiement de dommages et intérêts.

En considération de l'ancienneté du salarié (5 ans et 2 mois), de sa rémunération brute mensuelle de son âge, de sa formation et de sa capacité à retrouver un nouvel emploi, de la durée de sa période de recherche d'emploi ou de reconversion professionnelle, des aides dont il a pu bénéficier, il convient de lui allouer la somme de 47 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul au paiement de laquelle sera condamnée la société I... GREEN SOFA SRL en qualité de coemployeur.

Chacun des coemployeurs devant supporter les conséquences du licenciement économique prononcé par l'un d'entre eux, il y a lieu également de fixer la créance du salarié à inscrire au passif de la liquidation judiciaire de la société GREEN SOFA Dunkerque à hauteur de cette somme de 47 000 euros.

Cette créance de dommages et intérêts bénéficie de la garantie de l'AGS laquelle est toutefois subsidiaire de sorte que dans les rapports entre l'AGS et la société I... GREEN SOFA SRL qui est in bonis, la contribution à la dette solidaire incombera entièrement à cette dernière.

Le salarié n'ayant formulé en appel aucune demande à l'encontre de Maître R... en sa qualité de liquidateur de la société Groupe I..., il y a lieu confirmer le jugement en ce qu'il met hors de cause cette société et son liquidateur.
Il n'apparaît pas manifestement inéquitable de laisser à la charge de Maître R... es qualités les frais non compris dans les dépens qu'il a pu exposer.

Sur les dépens et l'article l'article 700 du code de procédure civile :

La société I... GREEN SOFA SRL et Maître E..., es-qualités, qui succombent en appel seront condamnés aux dépens et à payer au salarié la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Infirme le jugement, sauf en ce qu'il met hors de cause la société Groupe I... représentée par Maître X... administrateur judiciaire et en appel, par Maître R... en sa qualité de liquidateur,

Et statuant à nouveau et y ajoutant :

Dit le licenciement nul,

Condamne la société I... GREEN SOFA SRL, en sa qualité de coemployeur, à payer à M. P... la somme de 47 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul,

Fixe la créance de M. P... à inscrire au passif de la liquidation judiciaire de la société GREEN SOFA Dunkerque à la somme de 47 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

Déclare le présent arrêt opposable à l'Unedic délégation AGS CGEA de Lille qui sera tenue de garantir le paiement des sommes allouées à M. P... dans les limites légales et réglementaires de sa garantie résultant des dispositions des articles L. 3253-17 et D.3253-5 du code du travail, à l'exclusion des sommes allouées sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens et sous réserve de l'absence de fonds disponibles entre les mains du liquidateur,

Rappelle que la garantie de l'Unedic délégation AGS CGEA de Lille est subsidiaire de sorte que dans les rapports entre l'Unedic délégation AGS CGEA de Lille et la société I... GREEN SOFA SRL, la contribution à la dette incombera entièrement à cette dernière,

Condamne in solidum la société I... GREEN SOFA SRL et Maître E... en sa qualité de liquidateur de la société GREEN SOFA Dunkerque à payer à M. P... la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute Maître R... en sa qualité de liquidateur de la société I... Groupe de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum la société I... GREEN SOFA SRL et Maître E... en sa qualité de liquidateur de la société GREEN SOFA Dunkerque aux dépens.

Le Greffier, Le Président,

A. LESIEUR S. MARIETTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : A1
Numéro d'arrêt : 17/006638
Date de la décision : 28/02/2019
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.douai;arret;2019-02-28;17.006638 ?
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