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28/02/2019 | FRANCE | N°17/003258

France | France, Cour d'appel de Douai, B3, 28 février 2019, 17/003258


ARRÊT DU
28 Février 2019

N 240/19

No RG 17/00325 - No Portalis DBVT-V-B7B-QO2I

PS/VG

RO

Jugement du
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de ROUBAIX
en date du
24 Janvier 2017
(RG 16/00053)

GROSSE :

aux avocats

le 28/02/19

République Française
Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
- Prud'Hommes-

APPELANTE :

M. Q... F...
[...]
[...]
[...]
Représenté par Me Isabelle SAFFRE, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉE :

SARL CROIX TO

ITURE nouvellement dénommée LESAICHERRE CROIX TOITURE,
[...]
[...]
Représentée par Me Alice VANDAELE, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS : à l'audience publique du 08 Janvier ...

ARRÊT DU
28 Février 2019

N 240/19

No RG 17/00325 - No Portalis DBVT-V-B7B-QO2I

PS/VG

RO

Jugement du
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de ROUBAIX
en date du
24 Janvier 2017
(RG 16/00053)

GROSSE :

aux avocats

le 28/02/19

République Française
Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
- Prud'Hommes-

APPELANTE :

M. Q... F...
[...]
[...]
[...]
Représenté par Me Isabelle SAFFRE, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉE :

SARL CROIX TOITURE nouvellement dénommée LESAICHERRE CROIX TOITURE,
[...]
[...]
Représentée par Me Alice VANDAELE, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS : à l'audience publique du 08 Janvier 2019

Tenue par Patrick SENDRAL
magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Véronique GAMEZ

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Monique DOUXAMI : PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Alain MOUYSSET : CONSEILLER
Patrick SENDRAL : CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 28 Février 2019,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Monique DOUXAMI, Président et par Annie LESIEUR, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 03 mai 2017, avec effet différé jusqu'au 10 décembre 2018
LE LITIGE

Par contrat conclu en 2009 régi par la Convention collective nationale du bâtiment M.F... est entré en qualité de plombier chauffagiste, niveau 4 coefficient 270, au service de la société LESAICHERRE CROIX TOITURE avant d'être licencié pour motif économique le 9 décembre 2015. L'année suivante M.F... a saisi le Conseil de Prud'hommes d'une demande de reclassification et d'une contestation de son licenciement.

Par jugement du 24 janvier 2017 le Conseil de Prud'hommes l'a débouté de ses demandes et l'a condamné à verser 150 euros à son ancien employeur sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu l'appel général régulièrement interjeté par M.F... contre ce jugement

Vu l'article 455 du code de procédure civile

Vu l'ordonnance de fixation de l'affaire et de clôture différée

Vu les conclusions récapitulatives déposées par voie électronique au Greffe avant la clôture par lesquelles M.F... prie la Cour d'infirmer le jugement, dire que sa classification est celle d'agent de maîtrise de niveau G ou subsidiairement H, invalider le licenciement et condamner la société LESAICHERRE CROIX TOITURE au paiement des sommes suivantes:
• salaires requalification au niveau G : 14 683,43 euros (subsidiairement requalification au niveau H : 24 365,32 euros)
• dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 30 500 euros
• frais non compris dans les dépens: 2000 euros

Vu les conclusions récapitulatives déposées par voie électronique au Greffe avant la clôture par lesquelles la société LESAICHERRE CROIX TOITURE conclut :
-à titre principal à la confirmation du jugement, au rejet des demandes, à l'irrecevabilité de la demande d'indemnité de congés payé et au paiement de la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
-à titre subsidiaire à la condamnation de M.F... à lui restituer un indu de primes de panier à hauteur de 9440,70 euros si la Cour retenait une reclassification en qualité d'agent de maîtrise

MOTIFS

La reclassification

La qualification d'un salarié s'apprécie au regard des fonctions qu'il exerce effectivement et selon les critères fixés par la convention applicable. Il appartient au salarié qui revendique une classification supérieure à celle qui lui est attribuée de rapporter la preuve qu'il remplit les conditions prévues par la convention collective.

M.F... soutient que la société LESAICHERRE CROIX TOITURE ne l'employait pas uniquement à des fonctions de plombier chauffagiste mais qu'elle lui a confié, en sus, une activité commerciale d'établissement de devis, représentation et négociation auprès des fournisseurs, études de chantiers avec chiffrage, facturation, gestion des stocks, approvisionnements, audits, préparation de matériels et gestion de personnel. Il ajoute que ces missions relevaient des fonctions habituellement confiées à un agent de maîtrise de niveau G ou H.

La société LESAICHERRE CROIX TOITURE indique que le Conseil de Prud'hommes a à juste titre considéré que ses fonctions d'exécution simples et répétitives exercées par l'appelant, impliquant un degré d'autonomie limitée, correspondaient à sa véritable classification d'ouvrier au sens de la Convention collective. Elle conteste toute activité de M.F... dans le domaine commercial, la représentation de l'entreprise, l'établissement des devis et le démarchage de la clientèle et plus généralement dans des missions relevant des niveaux G et a fortiori H de la Convention collective.

Sur ce

il résulte de la Convention collective du bâtiment en date du 12 juillet 2006 et de l'avenant no1 du 26/9/2007 applicables en la cause que les agents de maîtrise des niveaux G et H :
-réalisent des travaux d'exécution, de contrôle, d'organisation, d'études, de gestion, d'action commerciale portant sur des projets plus techniques que les projets courants, sur des projets importants ou complexes ou sur plusieurs projets
-ou exercent un commandement sur plusieurs équipes de salariés affectés à de tels projets
-résolvent les problèmes avec le choix de la solution la plus adaptée tenant compte des données et contraintes d'ordre économique, administratif, technique et commercial
- savent transmettre leurs connaissances, ont un rôle d'animation et représentent l'entreprise grâce à l'expérience acquise ou suite à une formation générale technologique ou professionnelle.

A l'inverse, selon la convention collective, les employés de niveau 4 reçoivent des instructions constantes et ils ont une technicité les qualifiant seulement à l'exécution de travaux courants.

Il ressort des nombreux justificatifs produits aux débats que M.F..., unique plombier chauffagiste de l'entreprise, n'avait aucun autre supérieur hiérarchique que le chef d'entreprise. L'entreprise n'avait aucun commercial et il n'est pas établi que le chef d'entreprise ou d'autres salariés établissaient des devis ou des missions de conseil/prospection dans le domaine du chauffage plomberie. L'intimée soutient qu'il existait dans l'entreprise une directrice technique et administrative mais cette allégation n'est pas démontrée, les débats révélant que l'actuelle gérante était précédemment secrétaire. Il appert que d'après des études de plans réalisées sous sa seule responsabilité, nécessitant une certaine technicité, l'appelant réalisait des devis auprès des particuliers et des entreprises et qu'il représentait son employeur auprès des clients dans les phases de prospection, de travaux et de SAV. Il est observé que suite à une formation qualifiante M.F... a été habilité à intervenir sur des installations de gaz et qu'il maîtrisait les règles en la matière. Il résulte également des pièces versées aux débats que M.F... s'occupait de son propre approvisionnement en transmettant directement ses besoins à son employeur et qu'il lui arrivait de négocier les prix auprès des fournisseurs. Sur un devis (pièce 47) émis par ses soins pour le remplacement d'une chaudière nécessitant un tubage de conduit de cheminée son employeur ou représentant a apposé la mention « as-tu compté les heures pour les couvreurs ? » ce qui révèle l'exercice de missions plus étendues que celles confiées à un simple plombier. Ayant été amené à accueillir des apprentis la condition de transmission des connaissances exigée est par ailleurs réunie, ainsi que les autres critères de la grille de classification, notamment la résolution des problèmes en tenant compte des données techniques, économiques, administratives et commerciales, l'intéressé ayant accompli ses fonctions dans le cadre d'instructions permanentes de son employeur et bénéficié, grâce à l'expérience acquise et à son savoir-faire constamment mis à jour, d'une grande autonomie dans l'organisation et l'exécution de son travail.

Eu égard à ce qui précède la Cour dispose d'éléments suffisants pour accueillir sa demande de reclassification au niveau G et à rejeter sa demande de classification au niveau H faute de rôle d'encadrement.

L'employeur fait plaider que les calculs de rémunération produits par le salarié sont inexacts en ce qu'il n'a pas déduit les périodes de congés payés réglés par la Caisse du bâtiment et des congés payés. M.F... ne conteste pas ce moyen pertinent. Vu les bulletins de paie et autres éléments produits aux débats il lui sera alloué, à titre de rappel de salaires pour la période entre juillet 2011 et fin novembre 2015, la somme mentionnée dans le dispositif du présent arrêt.

L'employeur soutient également à bon droit que le service de l'indemnité de congés payés relève de la Caisse de congés payés du bâtiment et des travaux publics, de sorte que la demande formée à ce titre directement contre lui est irrecevable.

La demande reconventionnelle en remboursement de primes de panier

La société intimée fait valoir qu'entre juillet 2011 et décembre 2015 M.F... a perçu des primes de panier, réservées aux ouvriers, auxquelles il n'avait pas droit en l'état de la reclassification de ses fonctions comme agent de maîtrise de niveau G. Il appert cependant que les indemnités de repas (panier) doivent en application de la Convention collective être versées aux employés, techniciens et agents de maîtrise effectuant des déplacements professionnels et amenés à ce titre à déjeuner à l'extérieur de leur domicile. Le niveau G correspondant aux fonctions exercées par M.F... est un niveau d'agent de maîtrise de sorte qu'en application de la Convention collective l'intéressé est fondé de conserver les indemnités de panier versées par l'employeur. Celui-ci sera donc débouté de sa demande reconventionnelle.

Le licenciement

M.F... se borne à contester la cause économique du licenciement.

La lettre de licenciement vise de manière détaillée la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise, de la réorganiser et de supprimer l'unique poste de plombier chauffagiste suite à une perte comptable et à la diminution constante, depuis 2011, du chiffre d'affaires de sa branche chauffage-plomberie.

Il résulte des justificatifs versés aux débats par l'employeur, notamment les bilan, liasse fiscale et attestation d'évolution pluriannuelle du résultat plomberie chauffage émanant de l'expert comptable, qu'entre 2011 et 2015, année du licenciement, les pertes de la branche plomberie-chauffage ont été multipliées par 3 et que le chiffre d'affaires est passé de 167 000 à 102 000 euros, avec une marge effectivement insuffisante pour couvrir les charges de fonctionnement de la structure. Il appert par ailleurs qu'entre 2015 et 2016 le résultat d'exploitation de l'entreprise dans son ensemble est passé de 26 000 euros de bénéfice à 52 000 euros de perte. Il résulte de ce qui précède que concomitamment au licenciement de M.F... l'entreprise a été confrontée à des difficultés économiques et qu'elle a supprimé son emploi et son activité de plomberie-chauffage dans le cadre d'une réorganisation destinée à sauvegarder sa compétitivité. Les premiers juges étaient donc fondés de valider le licenciement économique et de débouter M.F... de ses demandes.

PAR CES MOTIFS, LA COUR

INFIRME le jugement en ce qu'il a débouté M.F... de sa demande de reclassification au niveau G

LE CONFIRME pour le surplus

statuant à nouveau et y ajoutant

DIT que M.F... a exercé depuis son embauche des fonctions de niveau G

CONDAMNE en conséquence la société LESAICHERRE CROIX TOITURE à payer à M.F... la somme de 13 215,08 euros à titre de rappels de salaires

DECLARE irrecevable la demande d'indemnité de congés payés

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes

CONDAMNE la société LESAICHERRE CROIX TOITURE à payer à M.F... la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE la société LESAICHERRE CROIX TOITURE aux dépens d'appel.

Le Greffier, Le Président,

A. LESIEUR M. DOUXAMI


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : B3
Numéro d'arrêt : 17/003258
Date de la décision : 28/02/2019
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.douai;arret;2019-02-28;17.003258 ?
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