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28/02/2019 | FRANCE | N°17/003228

France | France, Cour d'appel de Douai, B3, 28 février 2019, 17/003228


ARRÊT DU
28 Février 2019

N 253/19

No RG 17/00322 - No Portalis DBVT-V-B7B-QOYX

PS/VCO

RO

Jugement du
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LANNOY
en date du
25 Janvier 2017
(RG 16/00203 -section 4)

GROSSE :

aux avocats

le 28/02/19

République Française
Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
- Prud'Hommes-

APPELANT :

M. R... E...
[...]
[...]
Représenté par Me Isabelle SAFFRE, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉE :

SAS ATEXWEB<

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[...]
Représentée par Me Benoit GUERVILLE, avocat au barreau de LILLE, substitué par Me FLEURET

DÉBATS : à l'audience publique du 08 Janvier 2019

Tenu...

ARRÊT DU
28 Février 2019

N 253/19

No RG 17/00322 - No Portalis DBVT-V-B7B-QOYX

PS/VCO

RO

Jugement du
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LANNOY
en date du
25 Janvier 2017
(RG 16/00203 -section 4)

GROSSE :

aux avocats

le 28/02/19

République Française
Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
- Prud'Hommes-

APPELANT :

M. R... E...
[...]
[...]
Représenté par Me Isabelle SAFFRE, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉE :

SAS ATEXWEB
S.A.S ATEXWEB [...]
[...]
Représentée par Me Benoit GUERVILLE, avocat au barreau de LILLE, substitué par Me FLEURET

DÉBATS : à l'audience publique du 08 Janvier 2019

Tenue par Patrick SENDRAL
magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Véronique GAMEZ

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Monique DOUXAMI : PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Alain MOUYSSET : CONSEILLER
Patrick SENDRAL : CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 28 Février 2019,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Monique DOUXAMI, Président et par Annie LESIEUR, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 03/05/17, avec effet différé jusqu'au 10/12/18
LE LITIGE

En 2010 M.E... a été engagé en qualité d'ingénieur réseaux systèmes par la société ATEXWEB employant quelques dizaines de salariés dans le secteur informatique. Dans le dernier état de la relation contractuelle sa rémunération brute mensuelle était de 3150 euros.

Son licenciement lui ayant été notifié par lettre du 30 octobre 2014 M.E... en a contesté le bien fondé et formulé une demande de dommages-intérêts que le Conseil de Prud'hommes a rejetée par décision ci-dessus référencée.

Vu l'appel général régulièrement interjeté par M.E... le 14 février 2017
Vu l'article 455 du code de procédure civile
Vu l'ordonnance de fixation de l'affaire et de clôture différée au 10 décembre 2018

Vu les conclusions récapitulatives déposées par voie électronique au Greffe le 30/11/2018 par lesquelles M.E... prie la Cour de condamner la société ATEXWEB au paiement des sommes suivantes :
• dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 26 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt
• frais non compris dans les dépens: 2000 euros

Vu les conclusions récapitulatives déposées par voie électronique au Greffe le 22/8/2017 par lesquelles la société ATEXWEB conclut au rejet des demandes et réclame 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

Il résulte des éléments produits aux débats qu'avant de charger M.E... d'une mission déterminée au service d'un client la société ATEXWEB établissait un ordre de mission comportant les coordonnées du client, le lieu d'exécution, les dates de la mission ainsi que les modalités de prise en charge des frais professionnels. En dehors des missions l'employeur établissait un ordre d'inter-contrat en vertu duquel M.E... demeurait au siège de l'entreprise. Il découle de ce qui précède que selon les décisions de son employeur, relevant de son pouvoir de direction, M.E... pouvait ne pas avoir de missions extérieures et qu'il conservait sa rémunération sans activité auprès de clients.

Il appert qu'entre juin 2010 et août 2013 M.E... a été en mission pour la banque Crédit du Nord et que par la suite sa situation a été la suivante :
septembre à novembre 2013 : intercontrat
décembre 2013 : formation et mission auprès de Vallourec
janvier et février 2014 : intercontrat
mars à mai 2014 : mission auprès d'HOLCIM
juin 2014 : intercontrat
juillet et août 2014 : congés payés
septembre et octobre 2014 : intercontrat

Dans la lettre de licenciement pour insuffisance professionnelle dont le contenu est exactement reproduit dans le jugement déféré et dans ses conclusions, l'employeur reproche en substance au salarié son manque de conviction et de motivation devant des clients potentiels l'ayant reçu en entretien ce qui selon lui a généré une durée d'inter-contrats anormalement longue rapportée à ses collègues. Il ajoute que M.E... n'a pas été sélectionné par les sociétés AUCHAN, DAMART, VALLOUREC et TERRALIBRIS et qu'il n'a pas vu sa mission renouvelée auprès du client HOLCIM. Il pointe de manière générale le manque de motivation de son salarié présenté comme léthargique et peu motivé.

M.E..., qui conteste les griefs, fait valoir que la situation d'inter-contrats était d'autant plus pesante qu'il perdait le paiement de ses frais. Il indique en outre que :
- l'entretien avec TERRALIBRIS s'est bien déroulé, qu'un avis positif du client a été remonté à la société ATEXWEB et que son non recrutement relevait d'une décision du client ne pouvant lui être imputée
- l'employeur ne peut non plus lui reprocher que sa mission chez HOLCIM n'ait pas été reconduite alors que la première mission s'était bien passée
- il n'a pas manqué de motivation lors de l'entretien auprès de DAMART, la mission correspondant à ses attentes malgré l'inadéquation de son profil
- il a fait savoir à la société AUCHAN que son profil ne correspondait pas à la mission axée sur l'aspect financier et l'architecture
- son entretien avec VALLOUREC a échoué sans qu'il en soit la cause.

Sur ce,

si l'inaptitude d'un salarié à remplir ses fonctions constitue un motif de licenciement il revient à l'employeur prononçant un licenciement pour insuffisance professionnelle d'invoquer des faits objectifs, précis et vérifiables et au juge de se prononcer au vu des éléments fournis par les parties.

Il résulte des éléments versés aux débats qu'entre son embauche et son licenciement M.E... été en mission auprès du Crédit du Nord, de Vallourec et d'Holcim, que sur les instructions de son employeur il a été reçu en entretien par les sociétés TERRALIBRIS et AUCHAN en vue d'une première mission et que les clients VALLOUREC et DAMART l'ont reçu en entretien pour un éventuel renouvellement de mission. Il est allégué qu'aucun de ces clients n'a souhaité recruter l'intéressé mais il n'en est pas justifié pour la totalité d'entre eux, seuls TERRALIBRIS et HOLCIM ayant manifesté leur volonté de ne pas collaborer avec l'intéressé. Le fait que M.E... ait été en inter-contrat ou que des clients n'aient pas souhaité recourir à ses services ne laisse pas présumer son insuffisance professionnelle alors même qu'en fonction des qualifications de ses ingénieurs son employeur devait adresser aux prospects des profils correspondant précisément à leurs besoins. L'insuffisance de M.E... ne saurait dans ces conditions se déduire de la circonstance qu'à la différence d'un certain nombre de ses collègues il connaissait un nombre de jours d'intercontrats élevés, ce qui concerne uniquement la période mi 2013/2014 puisqu'il a travaillé de manière continue et visiblement satisfaisante pour un seul client, le Crédit du Nord, entre 2010 et 2013.

L'entretien TERRALIBRIS
Dans son courriel à la société ATEXWEB la société TERRALIBRIS indique qu'elle n'a pas souhaité rencontrer M.E... « après analyse du CV et renseignements externes » ce qui ne permet pas de caractériser son insuffisance professionnelle alors même qu'il n'est ni établi ni même allégué que cette société ait déjà travaillé avec lui et que des renseignements anonymes ne peuvent être retenus à sa charge. Par ailleurs, le fait qu'après l'entretien de recrutement la société TERRALIBRIS n'ait pas souhaité le recruter n'est pas de nature à caractériser son insuffisance professionnelle, le client ayant en effet pu lui préférer un ingénieur ayant un autre profil ou renoncer à tout recrutement pour diverses raisons

L'entretien HOLCIM
M.E... a déjà travaillé pour HOLCIM. Après l'entretien ce client n'a pas souhaité renouveler la mission, ce qui pour les raisons précitées ne constitue pas la preuve d'une insuffisance professionnelle. Pour expliquer le refus de renouvellement de la mission l'employeur verse aux débats un courriel d'HOLCIM indiquant que M.E... était particulièrement bavard et qu'il n'avait pas cherché à s'adapter à son organisation. Ces éléments sont inopérants dès lors d'une part que M.E... avait précédemment travaillé chez HOLCIM trois mois durant et que s'il n'avait pas cherché à s'adapter à son organisation l'employeur ou le client en auraient tiré les conséquences en écourtant la mission ou en lui substituant un collègue. Le grief de bavardage n'étant pas sérieux il n'apparaît pas que dans ses rapports avec HOLCIM M.E... ait fait montre d'une insuffisance professionnelle.

L'entretien AUCHAN
Il appert que le 13/10/2014 M.E... a eu un entretien avec un représentant d'Auchan en compagnie d'un membre de la société Espace Freelance servant d'intermédiaire au recrutement des ingénieurs de la société ATEXWEB. Pour établir l'insuffisance de l'appelant celle-ci produit un échange de courriels avec celui-ci et le représentant de la société ESPACE FREELANCE. Il en résulte qu'avant l'entretien, le 16/9/2014, M.E... a fait part à son employeur de ses réserves sur son aptitude à effectuer la mission compte tenu de ses qualifications techniques et de l'incertitude sur son lieu, l'intitulé du poste et diverses données techniques. Il n'apparaît pas que l'employeur ait répondu à ces interrogations. Toujours est-il que par courriel du 14 octobre 2014 M.O..., dirigeant d'ESPACE FREELANCE, a fait savoir à M.A... que : « la candidature de M.E... convenait sur le papier mais que durant l'échange le client a ressenti sa capacité à s'intégrer à ce type de mission mais le candidat a fait part d'un manque de conviction. » Les propos rapportés par le témoin ne sont pas exempts d'équivoque puisqu'il est à la fois indiqué que le client a « ressenti » la capacité de M.E... à s'intégrer tout en pointant son manque de conviction. Reste qu'il n'est fourni aucun élément d'appréciation de la part du client AUCHAN et que le licenciement ne peut intervenir sur la base d'une impression prêtée par le témoin à autrui.

L'entretien DAMART
Il est allégué qu'au terme d'un entretien M.E... n'a pas été sélectionné mais il n'est fourni aucun élément permettant de caractériser une quelconque incapacité à remplir ses fonctions. Le fait qu'après l'entretien de recrutement ce client n'ait pas souhaité le recruter n'est pas de nature à caractériser son insuffisance professionnelle, le client ayant en effet pu lui préférer un ingénieur ayant un autre profil ou renoncer à tout recrutement pour diverses raisons.

Il sera ajouté que de manière générale ne sont démontrés ni la nonchalance ni l'absence de motivation ni de quelconques manquements du salarié à ses obligations. Par ailleurs, il n'est pas allégué que M.E... ait refusé de se rendre sur un lieu de mission assigné par son employeur. Il convient également de considérer que les entretiens de mission se sont déroulés sans la présence de l'employeur, lequel fait état non pas de faits constatés personnellement mais de propos rapportés indirectement par des tiers alors même que le processus de recrutement de l'ingénieur par le client reposait sur l'adéquation de ses qualifications au projet et sur une dose importante d'intuitu personae.

Eu égard à ces considérations il sera jugé que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse.

Compte tenu de son ancienneté, de son âge, de ses rémunérations de référence non contestées, de ses difficultés à retrouver un emploi et des justificatifs fournis sur sa situation il sera alloué à M.E..., qui n'apparaît pas avoir manqué à son obligation de loyauté à l'occasion des démarches de reprise d'emploi, 19 000 euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral et financier, dûment justifié, consécutif à sa perte d'emploi injustifiée.

PAR CES MOTIFS, LA COUR

INFIRME le jugement en toutes ses dispositions

statuant à nouveau et y ajoutant

JUGE le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse

CONDAMNE la société ATEXWEB à payer à M.E... la somme de 19 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse outre 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile avec intérêts légaux à compter de ce jour

ORDONNE le remboursement par la société ATEXWEB à Pôle emploi des allocations de chômage versées au salarié dans la limite de trois mois

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes

CONDAMNE la société ATEXWEB aux dépens d'appel et de première instance.

Le Greffier, Le Président,

A. LESIEUR M. DOUXAMI


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : B3
Numéro d'arrêt : 17/003228
Date de la décision : 28/02/2019
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.douai;arret;2019-02-28;17.003228 ?
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