La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/02/2019 | FRANCE | N°17/002888

France | France, Cour d'appel de Douai, A1, 28 février 2019, 17/002888


ARRÊT DU
28 Février 2019

N 271/19

No RG 17/00288 - No Portalis DBVT-V-B7B-QOO6

SM/VM

RO

Jugement du
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VALENCIENNES
en date du
16 Janvier 2017
(RG F15/00249 -section 4 )

GROSSE :

aux avocats

le 28/02/19

République Française
Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
- Prud'Hommes-

APPELANT :

M. M... E...
[...]
[...]
Représenté par Me Stephan FARINA, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉE :

Associ

ation ILCG
[...]
[...]
Représentée par Me Frédéric COVIN, avocat au barreau de VALENCIENNES, substitué par Me PAMAR

DÉBATS : à l'audience publique du 08 Janvier 2019

Tenu...

ARRÊT DU
28 Février 2019

N 271/19

No RG 17/00288 - No Portalis DBVT-V-B7B-QOO6

SM/VM

RO

Jugement du
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VALENCIENNES
en date du
16 Janvier 2017
(RG F15/00249 -section 4 )

GROSSE :

aux avocats

le 28/02/19

République Française
Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
- Prud'Hommes-

APPELANT :

M. M... E...
[...]
[...]
Représenté par Me Stephan FARINA, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉE :

Association ILCG
[...]
[...]
Représentée par Me Frédéric COVIN, avocat au barreau de VALENCIENNES, substitué par Me PAMAR

DÉBATS : à l'audience publique du 08 Janvier 2019

Tenue par Sabine MARIETTE
magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Audrey CERISIER

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Sabine MARIETTE : PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Béatrice REGNIER : CONSEILLER
Patrick REMY : CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 28 Février 2019,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Sabine MARIETTE, Président et par Annie LESIEUR, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 03 Mai 2017, avec effet différé jusqu'au 10 Décembre 2018
EXPOSE DU LITIGE :

M. E... a été engagé le 13 novembre 2006, par l'association de service d'aide à domicile Instance Locale Coordination Gérontologique ( ILCG) dans le cadre d'un contrat à durée déterminée puis d'un contrat à durée indéterminée du 14 février 2007 en qualité de responsable de planification, en temps plein.

Le 1er février 2009, il a été nommé directeur de la structure, catégorie H coefficient 660. Il percevait, dans le dernier état des relations contractuelles, une rémunération mensuelle moyenne brute de 3 467.64 euros et était soumis à la Convention Collective Nationale de la branche de l'aide, de l'accompagnement, des soins et services à domicile.

M. E... a été placé en arrêt de travail entre le 8 et le 19 septembre 2014 et a ensuite pris des congés payés entre le 22 et le 28 septembre 2014.

Par lettre du 26 septembre 2014, il s'est vu notifier une mise à pied à titre conservatoire.

Après avoir été convoqué, par lettre du 22 octobre 2014, à un entretien préalable au licenciement fixé au 29 octobre 2014, il a été licencié pour faute grave par lettre du 12 novembre 2014.

Saisi par M. E... de demandes en paiement des indemnités de rupture et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le conseil de prud'hommes de Valenciennes par jugement du 16 janvier 2017 l'a débouté de l'ensemble de ses demandes et condamné à payer à l'association ILCG la somme de 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration adressé au greffe via le RVPA, le 9 février 2017, M. E... a relevé appel de cette décision.

Selon ordonnance du 3 mai 2017 l'affaire a été instruite dans les formes et délais prévus à l'article 905 du code de procédure civile et a fait l'objet d'une fixation à l'audience de plaidoiries du 8 janvier 2018, la clôture des débats étant intervenue le 10 décembre 2018.

M. E... par conclusions déposées les 25 juillet et 10 décembre 2018, demande à la cour d'infirmer le jugement et de condamner l'association ILCG à lui payer les sommes de :

• 56 460 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
• 15 056 euros à titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 1505,60 euros correspondant aux congés payés y afférents ;
• 6 022.40 euros à titre d'indemnité de licenciement ;
• 2 779.84 euros à titre de rappel de salaire pour mis à pied conservatoire, outre la somme de 277.98 euros correspondant aux congés payés y afférents ;
• 3 500 euros à titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

de dire que les sommes dues porteront intérêts à compter du jour de la demande, d'ordonner la capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du Code civil, du moment qu'ils sont dus pour une année entière

Il fait valoir à titre liminaire que la mise à pied dont il a fait l'objet à compter du 26 septembre 2014, est en réalité une sanction disciplinaire prononcée pour les faits repris dans la lettre de licenciement, interdisant à l'employeur de le licencier par la suite pour les mêmes faits, dans la mesure où la procédure de licenciement n'a été engagée que 22 octobre 2014.

Il ajoute qu'aucun des griefs invoqués par l'association ILCG dans la lettre de licenciement n'est démontré alors qu'il appartient à l'employeur d'apporter la preuve relative aux faits reprochés.

Il précise que postérieurement à son licenciement et durant la période qui a précédé le prononcé de cette mesure, il a dû bénéficier d'un suivi médical et de traitements médicamenteux ; qu'il a souffert de cette éviction brutale survenue peu de temps après la fin d'un arrêt de travail pour burn out et a été victime de dépression ; que depuis le 31 janvier 2017, il ne perçoit plus d'aide de la part de Pôle emploi et n'a pas retrouver un emploi salarié, de sorte qu'il a lancé sa société en 2016 ;

L'association ILCG, par conclusions déposées le 8 octobre 2018, demande à la cour de confirmer le jugement et de condamner M. E... à lui payer la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient que :

– la lettre ayant notifié la mise à pied précise expressément la nature conservatoire de cette mesure, de sorte qu'il ne s'agit pas d'une sanction disciplinaire ;
– le délai qui s'est écoulé entre la notification de cette mise à pied et la mise en œuvre du licenciement est justifié par les investigations auxquelles a du procéder l'association
– les griefs invoqués dans la lettre de licenciement n'ont jamais été sanctionné et peuvent donc être invoqués à l'appui du licenciement,
– les fautes reprochées à M. E... sont établies et suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail.

Par conclusions procédurales déposées le 18 décembre 2018, l'association ILCG demande à la cour de révoquer l'ordonnance de clôture afin qu'elle puisse répondre aux conclusions déposées tardivement par M. E... le 10 décembre 2018 ou à défaut de rejeter des débats les pièces et conclusions adverses notifiées le jour de la clôture.

Avant le déroulement des débats, les avocats ont indiqué qu'ils étaient d'accord pour retenir l'affaire à l'audience en l'état des écritures déposées, l'association ILCG ayant précisé qu'elle renonçait à ses dernières écritures et ne soutenait plus la demande de révocation de l'ordonnance de clôture et subsidiairement la demande d'irrecevabilité des conclusions de l'appelant déposées le 10 décembre 2018.

MOTIFS :

Donne acte à l'association ILCG qu'elle renonce à ses demandes tendant à la révocation de l'ordonnance de clôture et subsidiairement à l'irrecevabilité des dernières conclusions déposées par M. E....

Sur le bien fondé du licenciement :

Il sera rappelé que la mise à pied pour être conservatoire doit être liée à une procédure disciplinaire qui doit la suivre immédiatement ou en être concomitante.

La mise à pied prononcée par l'employeur à titre conservatoire dans l'attente de la décision à intervenir, lorsqu'elle est notifiée dans une lettre distincte de la lettre de convocation à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement, doit être suivie, à bref délai, de l'engagement de la procédure de licenciement.

En l'espèce, la présidente de l'association ILCG a notifié à M. E... sa mise à pied par lettre du 26 septembre 2014 et n'a engagé la procédure de licenciement que près d'un mois plus tard, le 22 octobre 2014 alors qu'il n'est justifié d'aucune d'aucune démarche, aucune investigation qui aurait été entreprise entre le 26 septembre et le 22 octobre 2014.

Il résulte au contraire des pièces produites que dès le 25 septembre 2014, date de la réunion exceptionnelle du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail au cours de laquelle les représentants du personnel ont transmis les courriers des salariés témoignant des dysfonctionnements au sein de l'association, l'employeur avait connaissance des faits qu'il impute à M. E....

Il n'est ainsi pas justifié d'un quelconque motif permettant d'expliquer ce délai de près d'un mois séparant la notification de la mise à pied et la convocation de l'intéressé à un entretien préalable.

En conséquence, à défaut d'engagement de la procédure disciplinaire à bref délai, la mise à pied présente un caractère disciplinaire nonobstant sa qualification de mise à pied conservatoire, de sorte que M. E... ayant fait l'objet d'une sanction dont la notification avait épuisé le pouvoir disciplinaire de l'association relativement aux faits reprochés, celle-ci ne pouvait le sanctionner une nouvelle fois en prononçant ultérieurement son licenciement.

Il en résulte que le licenciement de M. E... sera déclaré sans cause réelle et sérieuse, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués par l'intéressé.

Le jugement sera en conséquence infirmé.

Sur les conséquences financières de la rupture :

En considération de l'ancienneté de M. E... ( 8années) de sa rémunération brute mensuelle (3764 euros) de son âge, de sa formation et de sa capacité à retrouver un nouvel emploi, de la durée de sa période de recherche d'emploi ou de reconversion professionnelle, des aides dont il a pu bénéficier , il convient de lui allouer la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au paiement de laquelle sera condamnée l'association.

Le licenciement étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, M. E... est fondé à réclamer le paiement de l'indemnité compensatrice de préavis.

L'article 26-1 de la Convention Collective Nationale de la branche de l'aide, de l'accompagnement, des soins et services à domicile prévoit un délai de préavis de 4 mois pour les salariés classés comme M. E... au coefficient H.

L'association ILCG sera en conséquence condamnée à lui payer la somme de 15 056 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés soit 1505.60 euros.

L'article 26-1 de la convention collective applicable prévoit que « le salarié licencié perçoit, sauf en cas de faute grave ou lourde et sous réserve de compter 1 an d'ancienneté ininterrompu au service du même employeur, une indemnité de licenciement calculée de la manière suivante :
– moins de 10 ans d'ancienneté : 1/5 de mois par année d'ancienneté dans l'entreprise;
– à partir de 10 ans d'ancienneté : 1/5 de mois par année d'ancienneté auquel s'ajoute 2/15 de mois par année d'ancienneté au-delà de 10 ans.
Le salaire à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité est le 12e de la rémunération brute des 12 derniers mois précédant le licenciement ou, selon la formule la plus avantageuse pour l'intéressé, le tiers des 3 derniers mois, étant entendu que, dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel qui aurait été versée au salarié pendant cette période ne serait prise en compte que pro rata temporis. »

M. E... pour une ancienneté du 13 novembre 2006 au 13 novembre 2014 soit 8 ans, peut donc prétendre à la somme de [3764 /5 ] x 8 = 6022,40 euros.

M. E... qui affirme que la mise à pied dont il a fait l'objet à compter du 2 juin 2016 est une sanction disciplinaire prononcée pour les faits repris dans la lettre de licenciement, interdisant à l'employeur de le licencier par la suite pour les mêmes faits et ne soutient que cette mise à pied serait injustifiée, ne peut en conséquence, obtenir paiement d'un rappel de salaire au titre de cette mise à pied.

Sur le remboursement des indemnités de chômage :

Il résulte de l'article L.1234-5 du code du travail qu'en cas de licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé.

Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

L'association sera en conséquence condamnée à rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à M. E... dans la limite de six mois d'indemnités

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

L'association ILCG succombant en appel sera condamnée aux dépens et à payer à M.E... la somme de 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il condamne M. E... à payer à l'association la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS :

Infirme le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Dit le licenciement non fondé,

Condamne l'association ILCG à payer à M. E... les sommes de :

• 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
• 15 056 euros à titre d' indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés soit 1505,60 euros,
• 6 022,40 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
• 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Rappelle que les condamnations prononcées emportent intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de jugement pour les indemnités de rupture et les créances de nature salariale et à compter de la présente décision pour les sommes de nature indemnitaire et pour l'indemnité allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Dit n'y avoir lieu à capitalisation,

Ordonne le remboursement par l'association ILCG aux organismes concernés, des indemnités de chômage versées à M. E... depuis son licenciement dans la limite de six mois ;

Déboute M. E... du surplus de ses demandes,

Condamne l'association ILCG aux dépens.

LE GREFFIER

A. LESIEUR

LE PRÉSIDENT

S. MARIETTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : A1
Numéro d'arrêt : 17/002888
Date de la décision : 28/02/2019
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.douai;arret;2019-02-28;17.002888 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award