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28/02/2019 | FRANCE | N°17/001618

France | France, Cour d'appel de Douai, A1, 28 février 2019, 17/001618


ARRÊT DU

28 FEVRIER 2019

N 241/19

No RG 17/00161 - No Portalis DBVT-V-B7B-QM36

SM/AD

RO

Jugement du
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AVESNES-SUR-HELPE
en date du
05 Décembre 2016
(RG F16/00025 -section 5)

GROSSE :

aux avocats

le 28/02/19

République Française
Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
- Prud'Hommes-

APPELANT :

M. L... O...
[...]
[...]
Représenté par Me Roseline CHAUDON, avocat au barreau de DOUAI substitué par Me CAM

US DEMAILLY, assistée de Me Gérald CHALON, avocat au barreau de REIMS

INTIMÉE :

SAS DE BARBA
[...]
[...]
Représentée par Me Alain REISENTHEL, avocat au barreau d...

ARRÊT DU

28 FEVRIER 2019

N 241/19

No RG 17/00161 - No Portalis DBVT-V-B7B-QM36

SM/AD

RO

Jugement du
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AVESNES-SUR-HELPE
en date du
05 Décembre 2016
(RG F16/00025 -section 5)

GROSSE :

aux avocats

le 28/02/19

République Française
Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
- Prud'Hommes-

APPELANT :

M. L... O...
[...]
[...]
Représenté par Me Roseline CHAUDON, avocat au barreau de DOUAI substitué par Me CAMUS DEMAILLY, assistée de Me Gérald CHALON, avocat au barreau de REIMS

INTIMÉE :

SAS DE BARBA
[...]
[...]
Représentée par Me Alain REISENTHEL, avocat au barreau de DOUAI, assisté de Me Delphine LEGRAS, avocat au barreau de REIMS

DÉBATS : à l'audience publique du 04 Décembre 2018

Tenue par Patrick REMY
magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Véronique GAMEZ

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Sabine MARIETTE : PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Béatrice REGNIER : CONSEILLER
Patrick REMY : CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 28 Février 2019 ,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Sabine MARIETTE, Président et par Annie LESIEUR, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 03 Avril 2017, avec effet différé jusqu'au 05 Novembre 2018.
EXPOSE DU LITIGE :

M. O... a été engagé par la société DE BARBA , à compter du 1er février 2000 en qualité d'ouvrier professionnel au sens de la Convention Collective Nationale des Travaux Publics.

Dans le dernier état de la relation contractuelle, il percevait une rémunération à hauteur de1840 euros bruts mensuels.

Après avoir été convoqué à un entretien préalable avec mise à pied conservatoire, M. O... s'est vu notifier son licenciement pour faute grave par lettre du 8 octobre 2012 pour un vol de carburant au préjudice de l'entreprise.

Au cours de l'enquête pénale diligentée sur la plainte de l'employeur, M. O... a reconnu les faits et par ordonnance du 21 mars 2013, le juge du tribunal de grande instance d'Avesnes-sur-Helpe a homologué la proposition de peine formée par le procureur de la République de 2 mois d'emprisonnement avec sursis.

M. O... , a saisi, le 17 mai 2013, la juridiction prud'homale pour contester son licenciement et obtenir paiement de diverses sommes au titre des indemnités de rupture, à titre de rappels de salaires pour les temps de trajet et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement du 5 décembre 2016, le conseil de prud'hommes d'Avesnes-sur-Helpe l'a débouté de l'ensemble de ses demandes.

Par déclaration adressée au greffe, le 19 janvier 2016, via le RPVA, M. O... a relevé appel de cette décision.

M. O..., par conclusions déposées et notifiées le 3 juillet 2017 demande à la cour d'infirmer le jugement et statuant à nouveau, de condamner la société DE BARBA à lui payer les sommes suivantes :

• 28 637,41 euros à titre de rappels de salaire pour les temps de trajet correspondant à du temps de travail effectif, outre les congés payés soit 2 863,75 euros,
• 1 149,75 euros à titre de rappel de salaire durant la mise à pied conservatoire outre les congés payés,
• 3 680 euros à titre d' indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés,
• 4 784 euros à titre d'indemnité de licenciement,
• 22 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement illicite,
• 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il fait valoir à l'appui de ses demandes que :

Sur les temps de trajet :

- dès lors qu'il était obligé de se rendre au siège de l'entreprise, avant de se rendre sur les chantiers pour effectuer le chargement du camion et se rendre sur les chantiers avec le véhicule de l'entreprise, le temps de trajet entre l'entreprise et le chantier constituait du temps de travail effectif et devait être rémunéré comme tel,
- l'employeur n'ayant jamais rémunéré ces temps de trajet, il reste créancier depuis 2007, d'une somme de 28 637,41 euros.

Sur le licenciement :

- si l'employeur a le droit de contrôler et de surveiller l'activité de son personnel durant le temps de travail, il ne peut mettre en œuvre un dispositif de contrôle qui n'a pas fait l'objet, préalablement à son introduction, d'une information et d'une consultation du comité d'entreprise ;
- en l'espèce, le système de vidéo-surveillance mis en place par l'employeur a été utilisé pour contrôler ses salariés sans information et consultation préalables du comité d'entreprise, en sorte que les enregistrements constituent un moyen de preuve illicite et le licenciement est lui-même illicite,

La société DE BARBA, par conclusions déposées le 29 septembre 2017 demande à la cour de confirmer le jugement et de condamner M. O... à lui payer la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient que :

Sur les temps de trajet :

- Le salarié n'avait pas l'obligation de se rendre au préalable au siège de l'entreprise avant de se rendre sur les chantiers, de sorte le temps de trajet entre l'entreprise et le chantier ne peut être considéré comme du temps de travail effectif,

Sur le licenciement :

- eu égard à l'autorité de la chose jugée attachée à l'ordonnance du 21 mars 2013 ayant homologuée la proposition de condamnation du Ministère public pour les faits de vols qui étaient reprochés à M. O..., les faits invoqués à l'appui du licenciement sont établis et justifie la rupture immédiate du contrat de travail,

- les salariés étaient informés de la présence de la caméra de vidéosurveillance dans l'entreprise qui était matériellement visible.

MOTIFS :

Sur les temps de trajet :

Selon l'article L.3121-4 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi no2005-32 du 18 janvier 2005 le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif.

Mais ce trajet peut devenir temps de travail effectif si le salarié est à la disposition de l'employeur et ne peut vaquer à des obligations personnelles. Il en est ainsi lorsque le salarié a l'obligation de passer d'abord au siège de la société afin de bénéficier des moyens de transports assurés par l'employeur pour se rendre sur les chantiers , ou s'il s'y rend avec le véhicule de l'employeur.

En l'espèce, la société DE BARBA ne démontre pas qu'elle laissait à ses salariés la possibilité de rejoindre directement, par tout moyen à leur convenance, les chantiers, sans passer par l'entreprise et que ceux-ci avaient ainsi une réelle liberté dans le choix des modalités de transport et la faculté de se rendre directement au chantier.

Au contraire, les pièces produites et notamment les auditions des salariés et de l'employeur au cours de l'enquête pénale mais également le constat d'huissier, démontrent que les salariés des différentes équipes passaient au siège de l'entreprise à Fourmies, pour préparer le matériel, faire le plein de leur véhicule de transport et remplir des bidons de gasoil rouge pour alimenter les engins de chantier et pour se rendre ensuite sur les chantiers d'affectation à bord du camion de l'entreprise.

M. F... témoigne ainsi « qu'il est déjà arrivé que les gars prennent leur voiture personnelle pour se rendre sur les chantiers avec des bidons dans leur propre véhicule, mais avec l'accord de M. T..., le contremaître », ce qui confirme, a contrario, que les salariés étaient obligés de passer au siège de l'entreprise afin de bénéficier des moyens de transports assurés par l'employeur pour se rendre sur les chantiers.

M. O... est donc fondé à obtenir paiement d'un rappel de salaire pour les temps de trajet qui correspondent effectivement à du temps de travail effectif.

Si M. O..., produit un tableau récapitulatif mois par mois, du nombre d'indemnités de trajets qu'il a perçues avec les zones concernées lui ayant permis de reconstituer le nombre de kilomètres parcourus et par voie de conséquence, le temps de trajet, ces éléments étant suffisants pour étayer sa demande, la cour ne retiendra pas toutefois l'intégralité de ses calculs, dès lors qu'il apparaît que certains des trajets qu'il a pris en compte ne sont pas du temps de travail effectif.

Au vu des pièces produites, la cour est en mesure d'évaluer à la somme de 12 300 euros le montant du rappel de salaire du au titre des temps de trajets constituant du temps de travail effectif.

Le jugement sera en conséquence infirmé sur ce point.

Sur le licenciement :

L'article L.1232-1 du code du travail subordonne la légitimité du licenciement à l'existence d'une cause réelle et sérieuse.

La cause doit ainsi être objective, exacte et les griefs reprochés doivent être suffisamment pertinents pour justifier la rupture du contrat de travail.

La faute grave privative du préavis prévu à l'article L 1234-1 du même Code est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. La charge de la preuve de la faute grave repose exclusivement sur l'employeur.

S'agissant de cette preuve, si l'employeur a le droit de contrôler et de surveiller l'activité de son personnel durant le temps de travail il doit obligatoirement informer le comité social et économique (ou le comité d'entreprise tant qu'il existe) et chaque salarié concerné individuellement de la mise en place et de l'utilisation des moyens et des techniques de contrôle. Cette information des salariés doit avoir lieu même si les moyens de surveillance sont matériellement visibles

En l'espèce, il apparaît que le système de vidéo-surveillance installé dans l'entreprise par l'employeur a été utilisé par celui-ci pour contrôler ses salariés sans information et consultation préalables du comité d'entreprise, et sans que les salariés fussent informés qu'il permettait le contrôle de leur activité, en sorte que les enregistrements constituent un moyen de preuve illicite.

Pour autant contrairement à ce que soutient M. O... l'illicéité de ce mode de preuve ne rend pas le licenciement nécessairement illicite mais prive seulement l'employeur de la possibilité, pour établir la matérialité des faits reprochés au salarié, d'utiliser les constatations effectuées à l'aide du mode surveillance clandestin, comme moyen de preuve qui doit être rejeté par le juge prudhommal

Dès lors que la société DE BARBA pour justifier le licenciement se fonde également sur la condamnation pénale de l'intéressé par ordonnance du 21 mars 2013, en sorte que le vol est reconnu par le juge répressif, l'autorité de la chose jugée au pénal oblige la cour à retenir comme établis les faits objets de la prévention.

Le comportement reproché à M. O... qui a dérobé durant plusieurs mois du carburant au préjudice de son employeur, est en outre suffisamment grave pour rendre impossible son maintien dans l'entreprise.

Le jugement sera en conséquence confirmer en ce qu'il déboute M. O... de ses demandes au titre du licenciement.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Compte tenu de l'issue du litige, il convient de laisser à chacune des parties la charge de ses propres dépens.
Il n'apparaît en outre manifestement inéquitable de laisser à chacune des parties les frais irrépétibles non compris dans les dépens qu'elle a pu exposer.

PAR CES MOTIFS :

Confirme le jugement sauf en ce qu'il déboute M. O... de sa demande de rappel de salaire au titre des temps de trajet constituant du temps de travail effectif,

Statuant à nouveau :

Condamne la société DE BARBA à payer à M. O... la somme de 12 300 euros à titre de rappel de salaire pour les temps de trajet ainsi que celle de 1230 euros au titre des congés payés afférents.

Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens d'appel.

Le Greffier,

A. LESIEUR Le Président,

S. MARIETTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : A1
Numéro d'arrêt : 17/001618
Date de la décision : 28/02/2019
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.douai;arret;2019-02-28;17.001618 ?
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