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28/02/2019 | FRANCE | N°16/011778

France | France, Cour d'appel de Douai, A2, 28 février 2019, 16/011778


ARRÊT DU
28 Février 2019

N 363/19

No RG 16/01177 - No Portalis DBVT-V-B7A-PVBP

BR/CH

Jugement du
Conseil de Prud'hommes de BETHUNE
en date du
21 Mars 2016
(RG F 14/00667 -section )

GROSSE

le 28/02/19

République Française
Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
- Prud'Hommes-

APPELANTE :

SARL N...
[...]
[...]
Représentée par Me Christophe HARENG, avocat au barreau de BETHUNE
en présence de M. N..., gérant de la Société

INTIMÉ :

M. I... K...<

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[...]
Représenté par Me Stéphane CAMPAGNE, avocat au barreau de BETHUNE, substitué par Me Alexis MERLIN

DÉBATS : à l'audience publique du 22 Janvier 2019

Tenue...

ARRÊT DU
28 Février 2019

N 363/19

No RG 16/01177 - No Portalis DBVT-V-B7A-PVBP

BR/CH

Jugement du
Conseil de Prud'hommes de BETHUNE
en date du
21 Mars 2016
(RG F 14/00667 -section )

GROSSE

le 28/02/19

République Française
Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
- Prud'Hommes-

APPELANTE :

SARL N...
[...]
[...]
Représentée par Me Christophe HARENG, avocat au barreau de BETHUNE
en présence de M. N..., gérant de la Société

INTIMÉ :

M. I... K...
[...]
[...]
Représenté par Me Stéphane CAMPAGNE, avocat au barreau de BETHUNE, substitué par Me Alexis MERLIN

DÉBATS : à l'audience publique du 22 Janvier 2019

Tenue par Béatrice REGNIER
magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Nadine BERLY

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Sabine MARIETTE : PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Béatrice REGNIER : CONSEILLER
Patrick REMY : CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 28 Février 2019,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Sabine MARIETTE, Président et par Annie LESIEUR, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Après avoir bénéficié, à compter du 15 juillet 1986, d'un contrat initiative emploi puis d'un contrat de qualification, M. I... K... a été engagé dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée le 15 janvier 1989 par la SARL N... en qualité de responsable d'atelier.

Dans le dernier état de relation la contractuelle, il occupait les fonctions de chef d'équipe menuiserie aluminium.

Après avoir été convoqué le 30 juillet 2014 à un entretien préalable et mis à pied à titre conservatoire, il a été licencié pour faute grave le 4 septembre suivant.

Contestant le bien-fondé de cette mesure, il a saisi le conseil de prud'hommes de Béthune qui, par jugement du 21 mars 2016, a :

- dit que le licenciement est fondé, non sur une faute grave, mais sur une cause réelle et sérieuse ;

- condamné la SARL N... à payer au salarié les sommes de :

- 3 293,50 euros, outre 329,35 euros de congés payés, à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire,

- 21 078,32 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- 7 904,40 euros, outre 790,44 euros de congés payés, à titre d'indemnité de préavis,

- 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

- 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

- condamné la SARL N... à remettre à M. K... un bulletin de paie, une attestation Pôle emploi et un certificat de travail conformes à la décision ;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Par déclaration du 23 mars 2016, la SARL N... a interjeté appel du jugement.

Par conclusions développées oralement à l'audience, la SARL N... demande à la cour d'infirmer le jugement déféré, de dire que le licenciement repose sur une faute grave, de débouter M. K... de l'ensemble de ses prétentions et de le condamner à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient que les griefs formulés dans le courrier de rupture - limités au vol et à la complicité de vol ainsi qu'au défaut d'information sur les difficultés de M. R... - sont matériellement établis, que la décision de classement sans suite de la plainte qu'elle a déposée n'est pas assortie de l'autorité de la chose jugée et que les faits reprochés constituent une faute grave.

Par conclusions développées oralement à l'audience, M. K..., qui a formé appel incident, demande à la cour de :

- dire que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse ;

- condamner la SARL N... à lui payer les sommes de :

- 94 852,44 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 3 293,50 euros, outre 329,35 euros de congés payés, à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire,

- 21 078,32 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- 7 904,40 euros, outre 790,44 euros de congés payés, à titre d'indemnité de préavis,

- 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral eu égard à la légèreté blâmable de la société ;

- ordonner à la SARL N... la rectification des bulletins de paie, du reçu pour solde de tout compte et de l'attestation Pôle emploi ;

- condamner la SARL N... à payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il fait valoir que les faits concernant le vol reprochés ne sont pas établis, alors même qu'une décision de classement sans suite a été prise et qu'il n'a fait qu'autoriser son collègue M. R... à prendre des chutes et rebus, que les faits concernant la prise de congés ont déjà été sanctionnés, et que les faits concernant l'absence d'information relative au suivi de M. R... par une assistante sociale sont prescrits.

SUR CE :

Attendu qu'il convient de rappeler que la lettre de licenciement fixe les limites du litige;

Que par ailleurs la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et justifie la rupture immédiate de son contrat de travail, sans préavis, la charge de la preuve pesant sur l'employeur ;

Attendu qu'en l'espèce M. K... a été licencié pour faute grave par lettre recommandée avec accusé de réception du 4 septembre 2014 pour deux séries de motifs - la prise de congés payés en dehors de la période de fermeture de l'entreprise n'étant évoquée qu'à titre de rappel, en appui au choix de la sanction : vol et complicité de vol de matériaux en autorisant un salarié, M. Olivier R..., à s'approprier de la menuiserie, de la quincaillerie et des accessoires, défaut d'information des difficultés de M. R... auprès de la direction en août 2012 ;

Attendu, sur le premier point, que M. R... a reconnu tant devant les services de police que dans un écrit remis à son employeur le 16 juillet 2014 avoir pris à plusieurs reprises, à l'insu de l'employeur et à avec l'autorisation de M. K..., du matériel appartenant à l'entreprise pour son usage personnel, et notamment une tôle en aluminium d'1,25m x 3m, des châssis en aluminium, un poteau en aluminium, des profilés en aluminium et une porte en aluminium ; qu'il a toutefois précisé qu'il ne s'agissait jamais de matériaux neufs, mais de chutes issues de précédents chantiers ; que lors de son audition M. K... a quant à lui admis avoir autorisé M. R... à prendre du matériel et avoir lui-même pu emporter des cornières, des morceaux de plat, de la tôle pliée et des chutes de bois, et ce sans l'aval de la direction ; qu'il a toutefois indiqué qu'une telle autorisation ne lui paraissait pas nécessaire dans la mesure où tout le matériel concerné était du rebus destiné à la benne ; que la matérialité du premier grief - à savoir l'appropriation de matériel de l'entreprise, soit directement soit du fait d'un autre salarié - est donc démontrée ;

Attendu que le comportement de M. K... a été fautif en ce qu'en sa qualité de chef d'atelier il était responsable du stock de l'entreprise, en ce que le règlement intérieur interdit aux membres du personnel "d'emporter sans autorisation quoi que ce soit ne leur appartenant pas" ou encore d'utiliser des matériels, les matériaux et des outils de l'entreprise à des fins personnelles" et en ce qu'en tout état de cause la société n'abandonne pas ses chutes dès lors qu'elle les vend au poids ;

Attendu toutefois qu'il ne ressort d'aucun élément du dossier que le matériel qu'aurait emporté M. K... aurait excédé les simples cornières, morceaux de plat, tôle pliée et chutes de bois - de faible valeur et destinés au rebus - qu'il a reconnu avoir pris ; que, si le matériel emporté par M. R... est quant à lui nettement plus important tant en terme quantitatif que qualitatif, il n'en demeure pas moins que M. K... n'a tiré aucun profit de cette opération et que l'ensemble des biens emportés constituaient des chutes de précédents chantiers ;

Attendu que, par suite, si ce grief justifiait une mesure de licenciement - la décision de classement sans suite, au demeurant motivée par l'existence d'une autre mesure de sanction, étant quant à elle dépourvue de l'autorité de la chose jugée, il n'autorisait pas la SARL N... à mettre fin au contrat de travail de M. K... sans préavis ;

Attendu, sur le second point, que le grief portant sur l'absence de remontée d'information relative au suivi de M. R... par une assistante sociale est antérieur de plus de deux mois à l'engagement de la procédure disciplinaire et que la SARL N..., qui ne formule aucune observation sur ce motif de licenciement, ne justifie ni même n'allègue en avoir été informée tardivement ; qu'il est donc, en application des dispositions de l'article L. 1332-4 du code du travail, prescrit et ne peut être retenu ;

Attendu qu'il résulte de ce qui précède que le licenciement est, par confirmation, déclaré comme étant fondé, non sur une faute grave, mais sur une cause réelle et sérieuse ;

Attendu que M. K... a droit à un rappel de salaire de 3 293,50 euros, outre 329,35 euros de congés payés, correspondant à la période de préavis ainsi qu'à une indemnité de licenciement de 21 078,32 euros - montant non contesté par la SARL N... ;

Que, s'agissant de l'indemnité compensatrice de préavis, l'article 8.1 de la convention collective nationale des employés, techniciens et agents de maîtrise du bâtiment du 12 juillet 2006 dispose que : "En cas de licenciement autre que pour faute grave, la durée du préavis est fixée à 1 mois si l'ETAM a moins de 2 ans d'ancienneté dans l'entreprise et à 2 mois à partir de 2 ans d'ancienneté dans l'entreprise. (...) / La durée du préavis est portée à 3 mois pour les ETAM licenciés justifiant de 15 années d'ancienneté dans l'entreprise et âgés de plus de 55 ans à la date d'expiration du préavis, effectué ou non." ; que, M. K... étant agent de maîtrise et n'ayant pas atteint l'âge de 55 ans à la date d'expiration du préavis, la durée du préavis est de deux mois ; qu'une somme de 5 269,58 euros, outre 526,95 euros de congés payés, lui est donc allouée de ce chef ;

Attendu que M. K... est en revanche débouté de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'aucune faute ne peut davantage être imputée à la SARL N... pour l'avoir mis à pied à titre conservatoire et été à l'initiative d'une enquête de police compte tenu de la disparition de matériel - fût-ce-il destiné au recyclage - lui appartenant ; que la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral est donc, par infirmation, rejetée ;

Attendu que, compte tenu de la solution donnée au litige, les dispositions du jugement relatives à la remise d'un bulletin de paie, d'une attestation Pôle emploi et d'un certificat de travail rectifiés sont confirmées sauf à dire que la rectification sera faite sur la base des dispositions du présent arrêt ;

Attendu qu'il convient pour des raisons tenant à l'équité d'allouer à M. K..., qui bénéficie de l'aide juridictionnelle partielle à 50 %, la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en cause d'appel ;

PAR CES MOTIFS,
LA COUR,

Confirme le jugement déféré excepté en ses dispositions relatives à l'indemnité de préavis, aux dommages et intérêts pour préjudice moral et à l'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de l'article 37 de la loi sur l'aide juridique et sauf à dire que la rectification du bulletin de paie, de l'attestation Pôle emploi et du certificat de travail à remettre à M. K... sera faite sur la base des dispositions du présent arrêt,

Statuant à nouveau sur les chefs réformés et ajoutant,

Condamne la SARL N... à payer à M. I... K... les sommes de :

- 5 269,58 euros, outre 526,95 euros de congés payés, à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en cause d'appel,

Déboute M. I... K... de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral,

Condamne la SARL N... aux dépens d'appel,

LE GREFFIER LE PRESIDENT

A. LESIEUR S. MARIETTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : A2
Numéro d'arrêt : 16/011778
Date de la décision : 28/02/2019
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.douai;arret;2019-02-28;16.011778 ?
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