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31/01/2019 | FRANCE | N°17/07092

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 2, 31 janvier 2019, 17/07092


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 2 SECTION 2



ARRÊT DU 31/01/2019





***





N° de MINUTE : 19/

N° RG : 17/07092 - N° Portalis DBVT-V-B7B-RG3P



Jugement (N° 2017000693) rendu le 31 Mars 2017 par le tribunal de commerce de douai

Arrêt (RG 17/2358) rendu le 26 octobre 2017 par la cour d'appel de Douai

Arrêt (RG 17/7092) rendu le 29 novembre 2018 par la cour d'appel de Douai



Opposition





DEMANDEURS A L'OPPOSITION



M. [K] [F]

né le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 1], de nationalité française

Et

Mme [O] [B] épouse [F]

née le [Date naissance 2] 1958 à [Localité 2], d...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 31/01/2019

***

N° de MINUTE : 19/

N° RG : 17/07092 - N° Portalis DBVT-V-B7B-RG3P

Jugement (N° 2017000693) rendu le 31 Mars 2017 par le tribunal de commerce de douai

Arrêt (RG 17/2358) rendu le 26 octobre 2017 par la cour d'appel de Douai

Arrêt (RG 17/7092) rendu le 29 novembre 2018 par la cour d'appel de Douai

Opposition

DEMANDEURS A L'OPPOSITION

M. [K] [F]

né le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 1], de nationalité française

Et

Mme [O] [B] épouse [F]

née le [Date naissance 2] 1958 à [Localité 2], de nationalité française

demeurant ensemble [Adresse 1]

[Adresse 2]

représentés et assistés par Me Marie-Hélène Laurent, avocat au barreau de Douai

DÉFENDEURS A L'OPPOSITION

M. Le Responsable du Services des Impots des Particuliers (SIP), comptable chargé du recouvrement qui élit domicile en ses bureaux

ayant son siège social [Adresse 3]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représentée par Me Rodolphe Piret, avocat au barreau de Douai, substitué à l'audience par Me Valérie Biernacki, avocat au barreau de Douai

SELARL [B] et [V] prise en la personne de Me [J] [B], ès qualités de liquidateur judiciaire de M. [K] [F] et de Mme [O] [B] épouse [F] désigné à cette fonction par jugement du tribunal de commerce de Douai en date du 6 décembre 2017

conclusions d'opposition signifiées le 14 décembre 2017 à personne habilitée

ayant son siège social [Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Catherine Trognon-Lernon, avocat au barreau de Lille

assisté de Me Christian Lequint, avocat au barreau de Lille

DÉBATS à l'audience publique du 18 Décembre 2018 tenue par Nadia Cordier magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Valérie Roelofs

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Marie-Laure Dallery, président de chambre

Nadia Cordier, conseiller

Anne Molina, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 31 janvier 2019 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Marie-Laure Dallery, président et Valérie Roelofs, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

OBSERVATIONS ÉCRITES DU MINISTÈRE PUBLIC :

Cf réquisitions du 8 octobre 2018, communiquées aux parties le 9 octobre 2018

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 18 décembre 2018

***

FAITS ET PROCÉDURE

M. [K] [F] et Mme [O] [B] épouse [F], sont associés de la société en nom collectif [W] exerçant l'activité de débit de boissons.

Par exploit du 16 février 2017, le responsable du service des impôts des particuliers (SIP) de Douai, les a tous deux assignés devant le tribunal de commerce de Douai afin que soit prononcée leur liquidation judiciaire, considérant qu'ils bénéficiaient du statut de commerçants de par leur qualité d'associés de la SNC [W].

Par décision en date du 7 mars 2017, le tribunal de commerce de Douai a ordonné l'ouverture d'une enquête afin de connaître la situation active et passive de M. [F] et Mme [B], nommant pour y procéder M. [Z], juge, assisté de la SELARL [B] [V].

Le rapport d'enquête a été déposé au greffe le 23 mars 2017.

Suivant un jugement rendu le 31 mars 2017, le tribunal de commerce de Douai a, sur le fondement des articles L.221-1 et suivants et L.631-1 et suivants du code de commerce :

- débouté le SIP de Douai de ses demandes dirigées à l'encontre de M. [K] [F] et de son épouse, Mme [O] [B], pris en leur qualité d'associé de la société en nom collectif [W],

- condamné le SIP de Douai aux dépens liquidés à la somme de 77,08 euros TTC.

M. le comptable public responsable du SIP de Douai a interjeté appel de ce jugement par une déclaration d'appel régularisée le 7 avril 2017.2

En l'absence de constitution de M. [F] et Mme [B], par acte d'huissier du 18 avril 2017, la déclaration d'appel et les conclusions d'appelant leur ont été signifiés en l'étude de l'huissier.

Par arrêt en date du 26 octobre 2017 rendu par défaut, la cour d'appel a :

- infirmé en toutes ses dispositions le jugement déféré,

- constaté l'état de cessation des paiements de M. [F] et de Mme [B],

- fixé provisoirement la date de cessation des paiements à la date de l'arrêt,

- ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de M. [F] et de Mme [B],

- désigné les organes de la procédure,

- fixé à deux ans le délai au terme duquel la clôture des opérations de liquidation devrait être examinée.

M. et Mme [F] ont fait opposition à l'arrêt de la cour d'appel de Douai du 26 octobre 2017.

Par deux jugements du 6 décembre 2017, le tribunal de commerce de Douai a désigné la SELARL [B] [V], prise en la personne de Me [B], en qualité de liquidateur.

Par acte d'huissier, du 14 décembre 2017, M. [F] et Mme [B] ont fait assigner en intervention forcée la SELARL [B] [V] prise en la personne de Me [B] ès-qualités de liquidateur judiciaire.

Par arrêt en date du 29 novembre 2018, la cour a :

- ordonné le rabat de l'ordonnance de clôture rendue le 27 septembre 2018 ;

- ordonné la réouverture des débats à l'audience de la 2ème chambre section 2 du 18 décembre 2018 à 9h30 pour permettre aux parties de conclure sur la fin de non-recevoir relevée d'office par la cour d'appel, tirée de l'irrecevabilité de l'opposition sur le fondement des dispositions de l'article R. 661-2 du code de commerce ;

- fixé la clôture des débats au 14 décembre 2018.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

Par conclusions signifiées par voie électronique en date du 13 décembre 2018, M. [K] [F] et Mme [O] [B] épouse [F] demandent à la cour, au visa des articles L 661-1 du code du commerce, R 661 -2 et suivants du même code et notamment l'article R 661- 6, de l'article 930-1 du code de procédure civile, de l'article R 721 -1 du code du commerce, des articles573 et suivants du code de procédure civile, de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, de:

- dire et juger les concluants recevables en leur opposition à l'encontre de l'arrêt rendu par la Cour d'Appel de Douai le 26 octobre 2017,

- dire et juger les concluants bien fondés en leur opposition à l'encontre de l'arrêt rendu par la Cour d'Appel de Douai le 26 octobre 2017,

- rétractant l'arrêt rendu par la cour,

- dire et juger nuls les actes de signification de déclaration d'appel et de conclusions signifiées, selon l'indication de l'arrêt, le 18 avril 2017,

- au visa des articles L 631- 1 et suivants du Code de Commerce,

- dire n'y avoir lieu au prononcé d'une mesure de liquidation judiciaire à l'encontre des concluants,

- au visa des propositions d'apurement du passif des concluants,

- prononcer l'ouverture d'une simple procédure de redressement judiciaire à l'encontre des concluants,

-renvoyer l'affaire devant le tribunal de Commerce de Douai aux fins d'élaboration du plan de redressement et consultation des créanciers :

- à défaut, arrêter un plan de redressement selon les modalités suivantes :

- Règlement de la somme de 92 000 € ( correspondant à la vente d'un terrain situé à [Localité 3] ) à un an (première annuité de plan de redressement ).

- Règlement de la somme de 120 000 € (correspondant à la vente d'une maison à [Adresse 4] à deux ans) ( seconde annuité du plan )

- Règlement du solde à 3 ans (Vente du commerce de tabac à Douai appartenant à la SNC [W] dont les concluants sont les 2 seuls associés et gérants ) troisième annuité du plan.

- condamner le SIP de Douai à payer au concluant la somme de 2000 € au titre de l'art. 700 du CPC au regard du contexte procédural.

-statuer ce que de droit sur les dépens.

Ils rappellent que :

- ils ont été tenus dans l'ignorance la plus complète de la procédure qui s'est déroulée devant la cour, raison pour laquelle ils n'ont pas comparu.

- Monsieur et Madame [F] n'exercent pas personnellement d'activité commerciale, mais ne relèvent des procédures collectives que parce qu'ils sont associés d'une SNC.

Ils estiment que l'article R 661-2 du code de commerce n'est pas applicable à la présente opposition aux motifs que :

- cet article est inséré dans la partie réglementaire du Code et plus précisément dans le cadre d'un chapitre relatif aux voies de recours, après l'article R 661-1 (relatif à l'exécution provisoire), alors que l'article R 661- 6 du Code du Commerce, soumet l'appel des jugements relatifs à l'ouverture d'une procédure collective à des modalités de l'appel,

- de la combinaison de ces dispositions et de leur place dans les textes il s'évince que l'article R 661- 2 a trait à l'évidence aux décisions susceptibles d'opposition devant le tribunal de commerce (comme peuvent l'être certaines ordonnances du juge commissaire).

- appliquer l'article R 661-2, reviendrait à soumettre l'opposition formée devant cette même cour d'appel à la procédure sans représentation obligatoire et à permettre que les moyens de cette opposition soient être simplement développés oralement à l'audience de plaidoirie.

- l'article R 721-1 du code de commerce, renvoie aux règles des principes directeurs de la procédure civile et donc aux règles posées par les articles 573 et 574 du code de procédure civile.

Si la cour estimait néanmoins que les règles posées par l'article R 661- 2 du code du commerce aient vocation à s'appliquer à la présente opposition, ils estiment que le recours formé n'en devrait pas moins être déclaré recevable en termes de forme et de délai puisque :

- n'est pas défini précisément ce qu'est une déclaration au greffe,

- le fait que l'opposition ait été présentée sous forme de 'conclusions " n'en constitue pas moins une déclaration certes motivée mais qui a bien été remise au greffe, soit directement soit encore par RPVA.

- l'opposition régularisée doit être déclarée, quand bien même le délai de 10 jours ne fut pas respecté, aux motifs que :

- les époux ont été tenus dans l'ignorance de la procédure,

- considérer dans un tel contexte que le délai puisse commencer à courir à compter de la publication au BODACC contreviendrait à l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales,

-ils se trouvaient empêchés d'agir ayant été tenus dans l'ignorance la plus totale de la procédure ayant conduit à l'arrêt rendu par la cour

- la publication au Bodacc a été faite sous le libellé suivant : nom : [F]-taillez/ [B] nom d'usage [F] -Tailliez en qualité d'associés de la SNC [W] adresse : [Adresse 5], laissant penser que c'est la SNC [W] qui a fait l'objet de la procédure de liquidation judiciaire

- les textes imposent au greffe de notifier les décisions de liquidation judiciaire au débiteur., la cour ayant toutefois dans sa notification du 6 novembre 2017 visé comme voie de recours le pourvoi en cassation,

- le créancier à l'initiative de la demande d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire, à savoir le service des impôts des particuliers, a fait signifier l'arrêt rendu visant comme voie de recours l'opposition dans le délai d'un mois à compter de la date indiquée en tête du présent acte , par avocat ».

Au fond, ils font principalement valoir que :

- le SIP de Douai avait parfaitement connaissance de l'adresse de M. [F] et Mme [B], tant de leur domicile que de leur lieu de travail, que l'huissier s'est contenté de déposer les actes en l'étude, qu'ils sont donc entachés de nullité,

- la dette de M. [F] et de Mme [B] envers le SIP est sans aucun lien avec leur qualité d'associés de la SNC [W], s'agissant d'une dette personnelle au titre de leur impôt sur les revenus et au titre de l'ISF pour les années 2013,2014, 2015, s'explicitant par des difficultés financières en lien avec la vente d'un terrain et d'un litige toujours pendant devant les juridictions administratives,

- ils démontrent être à même de présenter un plan d'apurement de leur passif fiscal à court terme,

- les difficultés rencontrées ne sont donc pas « structurelles » mais bien liées à un événement précis sachant que la seule issue favorable du contentieux permettra à elle seule de réglerl'intégralité des sommes réclamées par le SIP et la vente d'une partie de leur patrimoine est de nature à apurer à court terme la dette vis-à-vis de l'administration fiscale.

- il convient, conformément à l'article L.661-9 du code de commerce, de renvoyer la procédure, devant le tribunal de commerce, pour établissement du plan de redressement et consultation des créanciers.

Par conclusion signifiées par voie électronique en date du 13 décembre 2018, M. Le responsable du service des Impots des particuliers ( SIP) demande à la cour, au visa de l'article R 661-2 du code de commerce de :

- lui donner acte qu'il constitue désormais devant la Cour Maître Rodolphe Piret, membre de la Selarl Dragon Biernacki Piret.

- déclarer irrecevable, en toute hypothèse, mal fondés Monsieur et Madame [U] [F] en leur opposition à l'encontre de l'arrêt rendu par la Cour d'Appel de Douai en date du 26 octobre 2017,

- dire ne pas y avoir lieu à rétractation,

- condamner solidairement Monsieur et Madame [U] [F] au paiement de la somme de 3.000 € sur le fondement de l'Article 700 du Code de Procédure Civile,

- subsidiairement, sur le fond, dans le cas où la Cour procéderait à la rétractation de l'arrêt,

- confirmer sur le fond l'arrêt rendu par la Cour d'Appel de Douai,

- constater l'état de cessation des paiements de Monsieur et Madame [U] [F],

- dit que la date de cessation des paiements est fixée provisoirement à la date de l'arrêt rendu le 26 octobre 2017,

- ouvrir à l'encontre de Monsieur et Madame [F] une procédure de liquidation judiciaire et désigner pour ce faire un Juge commissaire et liquidateur qu'il plaira à la Cour de désigner,

- condamner solidairement Monsieur et Madame [U] [F] aux entiers dépens.

Sur l'irrecevabilité soulevée par la cour, il admet que :

- les dispositions du Code du commerce sur la procédure collective sont

applicables.

- Monsieur [U] [F] et Madame [B] ont formé opposition par conclusions en date du 13 décembre 2017.

- l'opposition devrait être formée par déclaration au Greffe et non par conclusions ou assignations.

Sur la nullité des actes de signification; il précise que :

- l'assignation a été délivrée à [Localité 3] et M. [F] s'est rendu chez l'huissier pour retirer l'acte, démontrant ainsi qu'il a eu connaissance de l'assignation remise.

- les diligences de l'huissier, tant lors de la signification des conclusions et de la déclaration d'appel ont confirmé le domicile de Monsieur et Madame [U] [F] à cette adresse.

- ce domicile est toujours leur propriété et qu'ils s'y domicilient dans le cadre d'une autre procédure.

Sur la rétractation de l'arrêt, il fait valoir que :

- M.et Mme [F] ne contestent plus relever du régime des procédures collectives, en leur qualité de commerçant de par leur qualité d'associés d'une SNC

- le SIP de Douai, bénéficiait d'une créance privilégiée au moment de l'assignation d'un montant de 397 288,72 euros, actualisée devant Me [B] pour un montant de 394 431,27 euros (selon bordereau de situation en date du 16 mars 2017) et que Monsieur et Madame [U] [F] dans le cadre de l'enquête diligentée n'ont nullement contesté le bien-fondé des avis d'imposition.

- la créance est dans sa totalité certaine, liquide et immédiatement exigible et Monsieur et Madame [U] [F] sont en état de cessation des paiements.

- les versements à la fois sporadiques et faibles au regard de la dette fiscale ainsi que la variété des poursuites démontrent que Monsieur et Madame [K] [F] se trouvent dans un état de cessation des paiements, l'absence d'actif disponible ne permettant pas d'apurer le passif exigible.

- si M. [F] et Mme [B] sont propriétaires de nombreux biens immobiliers, ces derniers sont lourdement hypothéqués,

- les perspectives d'apurement du passif sont contestées, le SIP de Douai ayant d'ores et déjà consenti des délais qui n'ont jamais été respectés,

Aux termes des dernières conclusions notifiées par le RPVA le 14 décembre 2018, la SELARL [B] [V] demande à la cour d'appel au visa des articles L.640-1 et suivants du code de commerce, de :

- débouter M. et Mme [F] de l'ensemble de leurs demandes,

- juger n'y avoir lieu à rétracter l'arrêt de la cour d'appel de Douai du 26 octobre 2017,

- au contraire, le confirmer en toutes ses dispositions, sauf à désigner « ' en qualité de mandataire liquidateur : la SELARL [B] [V] représentée par Maître [J] [B], ayant siège [Adresse 2] ».

Elle soutient ainsi que :

- M. [F] et Mme [B] ne contestent plus relever du régime des procédures collectives,

- ils ne contestent plus non plus leur état de cessation des paiements,

- la cour ne pourra que constater que leur redressement est manifestement

impossible et qu'il y a lieu d'ouvrir une procédure de liquidation judiciaire à leur encontre,

- les conditions posées par l'article L.626-2 du code de commerce pour l'élaboration d'un plan ne sont pas réunies,

- seule une cession de tout ou partie des actifs des débiteurs dans le cadre d'une procédure de liquidation judiciaire permettra à coup sûr le désintéressement des créanciers de la procédure avec le concours du mandataire liquidateur désigné à cet effet.

Par réquisitions notifiées par le RPVA le 09 octobre 2018, le procureur général près la cour d'appel de Douai demande à la cour d'appel de :

- déclarer l'opposition recevable,

- rétracter l'arrêt du 26 octobre 2017 et statuer à nouveau,

- dire que les consorts [F] ont la qualité de commerçant en tant qu'associés de la SCN [W] et relèvent des procédures collectives régies par les articles L.620-2, L.631-2, L.640-2 du code de commerce,

- en considérant des éléments patrimoniaux communiquées par les consorts [F] et débattus contradictoirement à l'audience, statuer ce que de droit sur l'état de cessation des paiements et le cas échéant l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ou de la liquidation.

MOTIVATION

- Sur la recevabilité de l'opposition :

En vertu des dispositions de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande sans examen au fond pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix et la chose jugée.

L'article 125 du code de procédure civile dispose que les fins de non-recevoir doivent être relevées d'office lorsqu'elles ont un caractère d'ordre public, notamment lorsqu'elles résultent de l'inobservation des délais dans lesquels doivent être exercées les voies de recours ou de l'absence d'ouverture d'une voie de recours.

Le juge peut relever d'office la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt, du défaut de qualité ou de la chose jugée.

L'opposition est une voie de recours ordinaire, visant à rétracter une décision rendue par défaut, ouverte qu'au défaillant.

Elle est régie de manière générale par les articles 571 à 578 du code de procédure civile, l'article 573 spécifiant que ' l'opposition est faite dans les formes prévues pour la demande en justice devant la juridiction qui a rendu la décision. Elle peut être faite en la forme des notifications entre avocats devant les juridictions où la représentation est obligatoire. Lorsque l'opposition tend à faire rétracter une décision d'une cour d'appel rendue par défaut dans une matière régie par la procédure sans représentation obligatoire, elle est formée par une déclaration que la partie ou tout mandataire faire ou adresse par pli recommandé, au greffe de la cour qui a statué. L'opposition est instruite et jugée selon les règles applicables devant la cour d'appel à la procédure sans représentation obligatoire'.

En vertu des dispositions de l'article R 661-2 du code de commerce, sauf disposition contraire, l'opposition ou la tierce opposition sont formées contre les décision rendues en matière de mandat ad hoc, de conciliation, de sauvegarde, de redressement judiciaire, de rétablissement professionnel et de liquidation judiciaire, de responsabilité pour insuffisance d'actif, de faillite personnelle ou d'interdiction prévue à l'article L 653-8, par déclaration au greffe dans le délai de 10 jours à compter du prononcé de la décision. Toutefois, pour les décisions soumises aux formalités d'insertion dans un journal d'annonces légales et au bulletin officiel des annonces civiles et commerciales, le délai ne court que du jour de la publication au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales. Pour les décisions soumises à la formalité d'insertion dans un journal d'annonces légales, le délai ne court que du jour de la publication de l'insertion.

* * *

'Les époux [F], qui relèvent des procédures collectives, en leur qualité d'associés d'une SNC, régies de fait par les dispositions du code de commerce, ont formé opposition à l'arrêt rendu par défaut par la cour d'appel de Douai le 26 octobre 2017, ouvrant leur liquidation judiciaire, par conclusions adressées en date du 13 décembre 2017 par RPVA.

Si l'article R 721-1 du code de commerce spécifie bien que les tribunaux de commerce appliquent les principes directeurs du procès civil, il n'en demeure pas moins que le principe selon lequel le spécial déroge au général a vocation à s'appliquer.

En matière de redressement judiciaire et de liquidation judiciaire, les voies de recours restent soumises aux conditions de forme et de délais qui leur son propres, les articles du code de procédure civile relatifs à l'opposition n'ayant alors vocation à s'appliquer que faute de texte spécial dérogatoire.

Or, l'article R 661-2 du code de commerce envisage spécifiquement le régime et les modalités applicables à l'opposition ou la tierce opposition 'formées contre les décision rendues en matière de mandat ad hoc, de conciliation, de sauvegarde, de redressement judiciaire, de rétablissement professionnel et de liquidation judiciaire, de responsabilité pour insuffisance d'actif, de faillite personnelle ou d'interdiction prévue à l'article L 653-8 '.

Il ne peut être déduit de la seule place du texte sus-visé dans l'ordonnancement du chapitre premier relatif aux 'voies de recours' du titre 6 sur les 'dispositions générales de procédure', entre l'article R 661-1 ( exécution de plein droit des décisions) et l'article R 661-3 (droit d'appel) que ce texte ne serait applicable qu'aux décisions de premier degré et non aux décisions rendues par les cours d'appel.

La lettre même du texte milite d'ailleurs pour une application générale de ce texte, qui ne formule aucune distinction et emploie le terme générique de 'décision'.

Au vu de son caractère spécial et dérogatoire, cette disposition claire se trouve applicable à l'opposition exercée par une partie défaillante contre un arrêt prononçant la liquidation judiciaire, sans qu'il soit nécessaire de se référer à l'éventuel esprit, non démontré, du législateur qui l'aurait cantonné aux seules décisions des tribunaux de commerce.

L'expression'sauf disposition contraire', placée en préambule du texte, ne vise aucunement à redonner force au régime de droit commun de l'opposition, régi par le code de procédure civile, mais à confirmer que ce texte dérogatoire est applicable à toute opposition ou tierce opposition contre les décisions sus-visées, si lui-même n'est pas écarté par un autre texte plus spécifique.

L'article R 661-2 du code de commerce a donc vocation à s'appliquer à l'opposition diligentée par les époux [F] contre l'arrêt du 26 octobre 2017.

'Or, ce texte envisage un mode de saisine spécifique, à savoir la déclaration au greffe, à l'exclusion de toute assignation voire de conclusions, étant observé que la haute juridiction a d'ailleurs au visa de ce texte, maintes fois rappelé l'irrecevabilité des tierces oppositions, régularisées par lettre recommandée ou par conclusions.

Un jeu de conclusions adressé au greffe par RPVA ne saurait être jugé équivalent à une déclaration au greffe et remplir les conditions imposées par le texte précité.

Il s'agit en effet non d'un acte à destination du greffe mais à destination des parties, lequel est seulement remis au greffe.

Si en procédure orale, la modalité de la déclaration au greffe a pu être envisagée par RPVA, ce n'est qu'à raison de textes spécifiques qui prévoient l'utilisation de ce moyen de communication, mais seulement d'ailleurs pour des actes précis, tels que la déclaration d'appel. Il ne saurait en être déduit une équipollence des formalités.

Enfin, le simple fait qu'il soit mentionné une formalité dans le texte, plus courante en procédure sans représentation voire atypique en procédure écrite avec représentation, n'est pas exclusive de cette dernière, laquelle une fois les modalités et délais de saisine dérogatoires respectés, retrouve à s'appliquer faute de texte spécifique régissant l'instance sur opposition, conformément aux dispositions de l'article 576 du code de procédure civile.

Ainsi, en la forme, le mode de saisine prévu par le texte étant la déclaration au greffe, la cour n'est pas saisie de l'opposition par des conclusions adressées par RPVA, laquelle est en outre tardive.

'En effet, l'article R 661-2 du code de commerce envisage un délai dérogatoire pour former opposition à une décision dans les matières précitées, soit 10 jours à compter du prononcé de la décision, voire pour les décisions faisant l'objet d'une publicité, dans les 10 jours de ladite publicité, soit la formalité de publication au BODACC, soit l'insertion dans un journal d'annonce légale.

L'opposition étant réservée à la partie défaillante, les époux [F] ne peuvent arguer de l'ignorance de la procédure pour estimer leur droit à recours non respecté, puisque est envisagée une voie de recours permettant la rétractation de la décision intervenue dans ces conditions.

Les développements relatifs aux erreurs commises dans la notification effectuée par le greffe comme dans la signification réalisée par le créancier sont indifférents, cette voie de recours étant ouverte, indépendamment d'une éventuelle notification, soit à compter du prononcé, soit à compter comme en l'espèce de la publication.

S'agissant d'associés d'une SNC, relevant du régime des procédures collectives, informés de l'existence d'une instance engagée par un créancier, qu'ils ne pouvaient ignorer ne pas avoir désintéressé et être susceptible de poursuivre son action, la consultation régulière du BODACC ou de journaux d'annonces légales n'est pas un formalisme excessif, qui contreviendrait à l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde et des droits de l'homme.

Il n'est fait état d'aucune circonstance particulière, autre que l'absence de consultation du BODACC qui aurait empêché les époux [F] d'agir, étant observé à titre surabondant que Mme [F] a signé l'accusé réception de notification de la décision le 8 novembre 2017 et ne pouvait donc ignorer que le litige se poursuivait.

La publication au BODACC intervenue le 15 novembre 2017, comporte l'ensemble des éléments permettant d'identifier la décision litigieuse ainsi que les débiteurs concernés par cette décision, puisqu'il est expressément repris l'identité de M. et Mme [F] avec la précision que c'est en leur qualité d'associé de la SNC [W] qu'est envisagée cette formalité.

Le fait que dans l'avis ait été repris l'adresse de la SNC ([Adresse 5]) et non l'adresse personnelle des époux [F] ne porte pas sur un élément déterminant et n'est pas de nature à nuire aux droits des intéressés, lesquels ne pouvaient ignorer à la lecture dudit avis que ce dernier s'appliquait à leur personne et non à la société.

En conséquence, au vu des formes et délais prévus par l'article R 661-2 du code de commerce, l'opposition diligentée par les époux [F] à l'encontre de l'arrêt de la cour d'appel de Douai en date du 26 octobre 2017 ne peut qu'être déclarée irrecevable.

- sur les dépens et accessoires :

En application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, M. [U] [F] et Mme [B] succombant en leurs prétentions, il convient de les condamner aux dépens.

Leur demande d'indemnité procédurale ne peut donc qu'être rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour,

DECLARE irrecevable l'opposition formée par M. [U] [F] et Mme [B] à l'arrêt de la cour d'Appel de Douai en date du 26 octobre 2017 ;

CONDAMNE M. [U] [F] et Mme [B] aux dépens.

Le greffierLe président

V. RoelofsM.L.Dallery


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 2 section 2
Numéro d'arrêt : 17/07092
Date de la décision : 31/01/2019
Sens de l'arrêt : Irrecevabilité

Références :

Cour d'appel de Douai 22, arrêt n°17/07092 : Déclare la demande ou le recours irrecevable


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-01-31;17.07092 ?
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