ARRÊT DU
21 Décembre 2018
N° 2363/18
N° RG 16/01554 - N° Portalis DBVT-V-B7A-PXIQ
CPW/AL
Jugement du
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BETHUNE
en date du
22 Mars 2016
(RG F13/00384 -section 3)
GROSSE
le 21/12/18
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
- Prud'Hommes-
APPELANTE :
SARL L...
[...]
Représentée par Me Robert X..., avocat au barreau de LILLE substitué par Me Y...
INTIMÉE :
Mme Monique Z... épouse A...
[...]
Présente et assistée de Me Franz HISBERGUES, avocat au barreau de VALENCIENNES
DÉBATS :à l'audience publique du 18 Octobre 2018
Tenue par Caroline M...
magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER : Valérie COCKENPOT
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Sylvie B...
: PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Leila C...
: CONSEILLER
Caroline M...
: CONSEILLER
ARRÊT :Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 21 Décembre 2018,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Sylvie B..., Président et par Aurélie DI DIO , greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Mme Monique Z... épouse A... a été engagée à compter du 7 novembre 1989 par la SARL Cabinet L... selon contrat à durée indéterminée, en qualité d'assistante.
La convention collective applicable est celle des cabinets d'experts-comptables et commissaires aux comptes.
Le 9 janvier 2012, le Cabinet L... a déposé une plainte pour abus de confiance à l'encontre de M. D..., qui avait été comptable salarié du cabinet puis chef de groupe et chef de mission jusque fin 2007, date à laquelle il avait fait valoir ses droits à la retraite, avant de revenir travailler au cabinet comme indépendant après avoir créé en 2008 sa société CRF dont l'objet était le conseil.
La plainte précisait que Mme A..., secrétaire administrative, était attachée au groupe 2 placé sous la responsabilité de M. D....
A la même date du 9 janvier 2012, la salariée s'est vu remettre en main propre une convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement, avec mise à pied conservatoire. Lors de l'entretien préalable qui s'est tenu le 11 janvier 2012, l'employeur a cependant fait le choix de réintégrer la salariée dans son poste, sans perte de salaire.
Le 12 octobre 2012, Mme A... a été convoquée à un nouvel entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 22 octobre 2012, avec mise à pied conservatoire.
Le 16 octobre 2012, le Cabinet L... a procédé à un complément de dépôt de plainte visant Mme A..., pour complicité d'abus de confiance par fourniture de moyens.
Mme A... a été licenciée pour faute grave le 12 novembre 2012.
Par jugement en date du 12 novembre 2013, définitif en ses dispositions pénales, le tribunal correctionnel de Béthune a déclaré M. D... coupable de l'intégralité des faits d'abus de confiance qui lui étaient reprochés et a condamné l'intéressé à un emprisonnement délictuel de deux ans assorti du sursis simple. Par arrêt du 5 mars 2015, la cour d'appel de Douai a, infirmant le jugement en ses dispositions civiles, condamné M. D... à payer au Cabinet L... la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral.
Le 18 juin 2013, contestant en particulier le bien fondé de son licenciement, Mme A... a saisi le conseil de prud'hommes de Béthune, qui, par jugement en date du 22 mars 2016 a:
- dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- condamné la société Cabinet L... à payer à Mme A... les sommes suivantes :
* 11 800,95 euros à titre d'indemnité de licenciement,
* 3 726,62 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 372,66 euros au titre des congés payés afférents,
* 1 863,31 euros à titre de rappel de salaire du 12 octobre au 14 novembre 2012,
avec intérêts judiciaires à compter du jour de la demande,
* 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse dans des conditions vexatoires,
* 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
avec intérêts judiciaires à compter du présent jugement,
- condamné la société Cabinet L... à rectifier le certificat de travail et l'attestation Pôle emploi quant à la cause du licenciement et sa date, ainsi que le bulletin de paie du mois de novembre 2012 quant à la date de sortie, et ce sous astreinte 100 euros par jour de retard et par document, à compter du trentième jour suivant la notification du jugement, le conseil se réservant le droit de liquider l'astreinte,
- débouté Mme A... de sa demande au titre d'un préjudice moral du fait de la mise à pied à caractère vexatoire,
- ordonné le remboursement par la SARL Cabinet L... aux organismes concernés, des indemnités de chômage perçues par Mme A... dans la limite de 6 mois d'indemnités, en application de l'article L.1235-4 du code du Travail,
- condamné la société Cabinet L... aux dépens.
Par déclaration au greffe en date du 20 avril 2016, le Cabinet L... a interjeté appel de cette décision.
Par voie de conclusions soutenues à l'audience, il demande à la cour de :
- écarter des débats les pièces de Mme A... numérotées 1 à 26 ;
- infirmer le jugement déféré et débouter Mme A... de ses demandes, ou subsidiairement la débouter de ses demandes de dommages et intérêts et à titre infiniment subsidiaire les réduire en de fortes proportions ;
- condamner Mme A... à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
L'employeur fait valoir en substance à l'audience que :
- sur les pièces numérotées 1 à 26 de son adversaire : elles n'ont fait l'objet d'une communication en cause d'appel que la veille de l'audience et donc tardivement, en violation du principe du contradictoire, alors que l'avocat n'était pas le même en première instance ;
- sur le licenciement :
* il a été constaté le 8 octobre 2012 depuis l'ordinateur de Mme A... qu'elle avait accédé puis modifié et effacé des fichiers informatiques relatifs à l'activité de M. D... postérieurement à sa réintégration faisant suite à sa mise à pied conservatoire en janvier 2012 ;
* la faute grave est justifiée puisque Mme A... a utilisé le matériel informatique de son employeur à des fins personnelles et a accompli des actes contraires aux intérêts de l'entreprise en modifiant et supprimant des fichiers informatiques nécessaires à l'enquête pénale en cours à l'encontre de M. D... ; ce faisant, elle a manqué à son obligation d'exécuter de bonne foi et loyalement son contrat de travail ; pourtant la salariée, qui avait été informée de l'existence d'une enquête pénale à l'encontre de son supérieur hiérarchique lors de l'entretien de janvier 2012 et avait été auditionnée par les services de police, devait agir selon les consignes et directives de son employeur et s'abstenir de tout acte contraire aux intérêts de l'entreprise ;
* la manipulation postérieure à sa première mise à pied est établie par le constat d'huissier de justice sollicité par Mme A... elle-même puisqu'elle y reconnaît avoir transféré les fichiers sur une clé usb avant de décider de les confier à l'huissier;
* il était impossible de se connecter simultanément avec deux postes différents sur une même session d'utilisateur et c'est donc bien Mme A... qui est à l'origine des modifications et suppressions de fichiers destinées à faire obstacle à la consultation des fichiers informatiques d'origine présents dans l'entreprise concernant les agissements de M. D...;
* la décision du président du tribunal de grande instance de Béthune qui l'a déboutée de sa demande de provision en référé à l'encontre de Mme A... en renvoyant les parties à se pourvoir au fond et celle du tribunal correctionnel ayant estimé ne pas disposer des éléments lui permettant de caractériser l'infraction pénale de complicité d'abus de confiance pour entrer en voie de condamnation, sont sans rapport avec les faits reprochés dans la lettre de licenciement et ce d'autant plus que ces faits sont postérieurs à la date de la prévention pénale du 9 janvier 2012.
Dans ses dernières conclusions soutenues oralement à l'audience, Mme A... demande à la cour de confirmer la décision déférée sauf en ce qu'elle a condamné l'employeur à lui verser la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et vexatoire, et de condamner le Cabinet L... au paiement des sommes de :
- 44 719,44 euros à titre de dommages et intérêts pour 'licenciement sans cause réelle et sérieuse et abusif ' ;
- 10 000 euros au titre de dommage et intérêts en réparation du préjudice moral ;
- 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
ainsi qu'aux dépens.
A l'audience, elle s'oppose au rejet de ses pièces numérotées 1 à 26.
La salariée répond notamment que :
- sur ses pièces numérotées 1 à 26 : elles sont en possession de l'employeur puisqu'une grande majorité émane de la SARL et sont dans la procédure depuis 2012 ; en août 2018 elle avait communiqué ses pièces 27 à 29 en indiquant que les premières pièces étaient identiques à celles de première instance sans réaction de son adversaire dont les conclusions d'avril 2018 et du 4 octobre 2018 débattent d'ailleurs du fond et des pièces qu'elle produit ; ce n'est que le 16 octobre que l'employeur a soudainement soulevé le problème de communication de pièces; le principe du contradictoire a été respecté ;
- sur le licenciement :
* lorsqu'elle a été réintégrée le 11 janvier 2012, M. E... l'a qualifiée de victime au même titre que lui ; elle a reconnu avoir jusqu'en janvier 2012 modifié des fichiers informatiques sur ordre de M. D..., mais n'a jamais reconnu avoir modifié et effacé des fichiers informatiques relatifs à l'activité de celui-ci depuis lors et n'a donc aucunement accompli des actes contraires aux intérêts de l'entreprise ; elle a au contraire, comme à l'habitude, fait une sauvegarde des fichiers soi-disant supprimés sur une clé usb qu'elle a confiée à un huissier de justice et n'a donc pas tenté d'entraver l'enquête ;
* il n'existait pas de mot de passe et n'importe quel salarié pouvait accéder à son ordinateur sans difficulté et c'est d'ailleurs ce qu'a fait Mme F... pour l'employeur ; l'attestation de cette salariée produite par le Cabinet L... doit être écartée car non signée ;
* l'utilisation du matériel informatique de son employeur à des fins personnelles et donc le vol qui lui est reproché, ne figure pas dans les griefs contenus dans la lettre de licenciement ;
* elle n'avait aucun intérêt à modifier ou supprimer des fichiers informatique alors que tous les fichiers sont conservés sur le serveur et peuvent être récupérés par tout informaticien et par l'employeur lui-même ;
* par décision du 29 janvier 2015 confirmée par la cour d'appel de Douai dans un arrêt du 21 novembre 2017, le tribunal correctionnel de Béthune saisi sur citation directe de la société Cabinet L... l'a relaxée, considérant qu'aucune infraction ne pouvait lui être reprochée; de plus le président du tribunal de grande instance de Béthune a débouté l'employeur de sa demande de provision en référé à son encontre ;
* le doute doit en tout état de cause lui profiter.
MOTIFS :
Sur la demande de rejet de pièces :
La Cabinet L... demande le rejet des pièces n°1 à 26 produites par Mme A... en cause d'appel la veille de l'audience.
Toutefois, ces pièces qui avaient fait l'objet d'une communication en première instance, figuraient dans le bordereau de communication de Mme A... dès ses premières conclusions notifiées en cause d'appel, auxquelles le Cabinet L... a répondu les 18 avril 2018 et 4 octobre 2018 sans soulever la moindre difficulté concernant la communication.
Ce n'est que dans ses dernières conclusions du 16 octobre 2018, deux jours avant l'audience, que pour la première fois l'employeur s'est étonné de l'absence de communication des 26 pièces dont il demande le rejet, et c'est dans ces conditions que de manière diligente, dès le lendemain, Mme A... a transmis ces pièces qui étaient selon elle en tout état de cause déjà en la possession de son adversaire. A ce titre, il convient d'ailleurs d'observer que, alors que dans ses dernières écritures du 16 octobre 2018, le cabinet affirmait que les pièces n'avaient été communiquées, il produisait pourtant, en pièce n°9, une copie de la pièce n°19 de la salariée, qui est un procès verbal de constat dressé par Maître K..., huissier de justice, à sa demande.
Aucune demande de renvoi n'a été formulée par le Cabinet L... à la suite de la communication de pièces la veille de l'audience.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que les pièces n°1 à 26 ont bien été communiquées par Mme A... en temps utile au sens des articles 15 et 135 du code de procédure civile. Elles ne seront donc pas écartées.
Sur la demande de dommages et intérêts pour mise à pied à caractère vexatoire :
La cour n'est saisie d'aucune contestation sur les dispositions du jugement déféré portant sur cette demande, qui seront donc confirmées comme n'étant pas discutées.
Sur le bien fondé du licenciement :
En vertu de l'article L1222-1 du code du travail, 'le contrat de travail est exécuté de bonne foi.'
L'article L1232-1 du même code subordonne la légitimité du licenciement à l'existence d'une cause réelle et sérieuse.
La cause doit ainsi être objective, exacte et les griefs reprochés doivent être suffisamment pertinents pour justifier la rupture immédiate du contrat de travail.
La faute grave privative du préavis prévue à l'article L 1234-1 est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. La charge de la preuve de la faute grave repose exclusivement sur l'employeur. Le doute profite au salarié.
En l'espèce, la lettre de licenciement du 12 novembre 2012 qui fixe les limites du litige est ainsi rédigée :
'Nous vous avons convoquée à un entretien préalable à éventuelle sanction pouvant aller jusqu'au licenciement. Cet entretien a effectivement eu lieu le lundi 22 octobre 2012. Les explications que vous nous avez fournies au cours de ce entretien ne nous donnent pas d'autre possibilité que de procéder à votre licenciement pour faute grave.
En raison d 'importants détournements commis au préjudice de notre société et de nos clients, nous avons du déposé plainte auprès des services de police, le 9 janvier 2012, à l'encontre de M. Francis D..., votre chef de bureau.
Le 9 janvier 2012, vous avez été, dans ce cadre, convoquée à un premier entretien préalable et mise à pied à titre conservatoire. Dans l'attente des résultats de l'enquête menée par la brigade financière du Pas de Calais et surtout au bénéfice du doute, vous avez été, après ce premier entretien en date du 11 janvier 2012, réintégrée dans votre poste sans perte de salaire.
En dépit de ce contexte, de nouveaux faits nous sont apparus : vous avez supprimé et modifié des fichiers informatiques concernant cette affaire. Dès l'apparition de ces faits nouveaux, le 12 octobre 2012, nous vous avons donc à nouveau convoquée à un entretien préalable à sanction pouvant aller jusqu'à votre licenciement et mise à pied à titre conservatoire.
Ces faits, mais aussi les autres éléments permettant d 'établir votre participation aux agissements de M. Francis D..., nous ont amené a déposer plainte à votre encontre le 16 octobre 2012.
S'agissant de la procédure disciplinaire, nous avons recueilli vos explications lors de l'entretien préalable du 22 octobre 2012 au cours duquel vous avez confirmé la suppression et la modification de fichiers informatiques.
Ces derniers faits ne nous permettent pas de maintenir la relation de travail qui nous lie et justifient que celle-ci soit rompue immédiatement. Nous vous notifions donc par la présente votre licenciement pour faute grave avec effet immédiat sans indemnité ni préavis. Nous vous précisons à cet égard qu 'en raison de la gravité des faits qui vous sont reprochés, le salaire correspondant à la période pendant laquelle nous vous avons mise à pied à titre conservatoire ne vous sera pas versé (...)'
Dans ses dernières conclusions soutenues oralement à l'audience, le Cabinet L... fait grief à la salariée d'avoir utilisé le matériel informatique de son employeur à des fins personnelles, ce qui ne lui est cependant pas reproché dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, et ne peut donc pas être retenu.
Au demeurant, la lettre précise sans équivoque que ce sont les faits de suppression et de modification des fichiers informatiques qui empêchent le maintien de la relation de travail.
Il est établi que Mme A..., qui a fait l'objet d'une première convocation à un entretien préalable le 9 janvier 2012 avant d'être réintégrée dans la société le 11 janvier suivant sans perte de salaire, a, à cette occasion été informée de l'existence de la plainte déposée par le cabinet à l'encontre de son chef de bureau. Le compte-rendu de l'entretien préalable du 11 janvier rédigé par le conseiller du salarié M. G..., prouve que la salariée était également informée qu'une enquête de police était en cours dans le cadre de l'affaire opposant son employeur à M. D....
Si la salariée ne conteste pas avoir modifié des fichiers informatique avant cette date sur ordre de M. D..., elle conteste postérieurement à cette date toute manipulation contraire aux intérêts de l'entreprise dans le cadre de l'enquête pénale dirigée contre celui-ci.
S'agissant des nouveaux faits reprochés dans le cadre de la procédure disciplinaire, il est fait grief à Mme A... d'avoir effectué des modifications de fichiers informatiques mais également d'avoir supprimé des fichiers. Le Cabinet L... produit pour les prouver :
- un constat d'huissier de justice des 16 septembre et 18 novembre 2013 dressé à la demande de l'employeur en présence notamment de M. H... expert informatique, qui permet de rattacher, sur le réseau de l'entreprise, à la session utilisateur de Mme A... qui y figure comme étant 'MRE' ou 'Monique' :
* le 20 janvier 2012, une modification de 15 documents contenus dans le dossier informatique 'CRF Conseil',
* le 8 février 2012, une modification de 15 autres documents contenus dans le dossier 'Francis D... factures 2008',
* le 24 avril 2012, la modification d'un document contenu dans le répertoire 'CRF Conseil',
* le 17 juillet 2012, la modification d'un document contenu dans le fichier 'Francis D...',
* le 2 août 2012, l'intervention sur le fichier 'Francis D... factures 2012' ;
- un rapport technique du 23 septembre 2016 de M. H... dont ressort la liste des fichiers manipulés par l'utilisateur 'MRE' notamment les 20 janvier et 24 avril 2012 ;
- une attestation de Mme F..., secrétaire, qui présente des garanties
suffisantes pour permettre à la cour de se forger une conviction sur la valeur et la portée des éléments qu'elle contient et ne saurait être écartée au motif qu'elle n'est pas signée alors d'une part qu'elle est accompagnée de la copie de la carte d'identité de l'intéressée et que d'autre part il ressort du jugement que le conseil de prud'hommes a procédé le 19 novembre 2015 à une audition de témoins au cours de laquelle cette salariée a confirmé les propos contenus dans l'attestation; il ressort de ce témoignage que le 8 octobre 2012, à la demande du gérant M. E..., elle a effectué des recherches dans les fichiers de l'ordinateur de Mme A... et qu'elle a alors constaté que le fichier comportant toutesles factures et courriers faits pour le compte de la société 'CRF Conseil' avait été effacé ;
- l'attestation de Mme I..., assistante principale dans le cabinet, dont il ressort que lors de l'entretien du 22 octobre 2012, M. E... a demandé à Mme A... la raison pour laquelle elle avait supprimé le fichier CRF et que l'intéressé a 'simplement dit l'avoir enlevé de l'ordinateur ne voyant plus l'intérêt de le voir tous les jours, mais qu'il était sur une clef et qu'elle la déposerait chez l'huissier' ;
- le procès verbal de complément de dépôt de plainte du 16 octobre 2012, dans lequel le Cabinet L... souligne notamment que Mme A... a'effacé le fichier CRF du serveur du cabinet' et que, questionnée à ce titre, 'elle a reconnu, ajoutant avoir transféré ledit fichier sur une clé usb sans apporter d'explication valable, mentionnant qu'elle ne voulait plus voir ce fichier sur le serveur.', le gérant du cabinet ajoutant 'j'ignore ce qu'est devenue cette clé usb, par précaution le fichier avait été recopié par mes soins pour les analyses. Sans cette précaution, à ce jour, elle serait la seule détentrice des informations. J'ajoute que Mme A... a modifié deux assemblées générales ordinaires sur ce même fichier, courant 2012, sans que nous soyons en mesure de savoir les modifications puisque nous ne disposions que de ce fichier modifié. La manipulation a été constatée avec ses initiales. Il n'y a pas de code, mais je ne vois aucun intérêt à un autre salarié d'effectuer des modifications sur un fichier propre à D... (...)' ;
- le procès verbal de constat dressé à la requête de Mme A... elle-même le 26 novembre 2012 et donc postérieurement à l'entretien préalable mais aussi au licenciement, dans lequel l'huissier de justice précise qu'elle lui remet une clé usb contenant un ensemble de fichiers dont un fichier 'fr2' daté du 3 septembre 2012 à 12h40 qui contient 10 dossiers dont un dossier 'Francis D...' (courriers, factures, tableau CRF etc) modifié pour la dernière fois le 5 janvier 2012 à 10h56, et que la clé contient différents dossiers, documents comptables, courriers professionnels, tableaux et bilans, qui datent de 1997 à août 2012.
En ce qui concerne les modifications reprochées à la salariée, il ressort de ces éléments que des manipulations de dossiers ou fichiers concernant M. D... ou sa société ont bien été effectuées à partir de la session utilisateur de Mme A... postérieurement à sa réintégration dans le cabinet le 11 janvier 2012.
Toutefois, l'employeur ne démontre pas que les interventions ainsi révélées dans le constat d'huissier des 16 septembre et 18 novembre 2013 et le rapport technique du 23 septembre 2016 sont bien le fait de Mme A... alors qu'il est établi que :
- les ordinateurs du cabinet étaient accessibles à tous les salariés, ce qu'il reconnaît d'ailleurs dans son dépôt de plainte en évoquant l'inexistence de code,
- Mme F... a eu sans difficulté accès à l'ordinateur de Mme A... le 8 octobre 2012.
L'argumentation du Cabinet L... sur la déconnexion de la session du salarié employant un ordinateur lorsqu'un autre salarié intervient de manière simultanée sur cette session et l'absence d'intérêt pour les autres salariés d'intervenir sur ces fichiers ou dossiers, est sur ce point inopérante. Ainsi, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties sur leur argumentation sur la présence ou non de Mme A... dans les locaux de la société à telle date ou tel horaire, le doute devant bénéficier à la salariée, ces manipulations ne sauraient être retenues à son encontre.
S'agissant en revanche de la suppression de fichiers, la combinaison des autres documents établit que Mme A... a effacé du serveur du Cabinet L... un fichier 'Francis D...' concernant l'activité de M. D... et sa société postérieurement à janvier 2012.
Les déclarations de l'employeur dans son dépôt de plainte du 16 octobre 2012 sont à ce titre corroborées par celles de Mme I... et Mme F..., et par le constat d'huissier de justice dressé à la demande de la salariée elle-même. Ce constat démontre en outre que la dernière modification intervenue sur ce fichier est certes datée du 5 janvier 2012, mais que le dossier le contenant a été enregistré sur la clé usb le 3 septembre 2012. Cette clé a ensuite été conservée par Mme A... qui ne l'a à aucun moment remise à l'employeur, n'a pas non plus manifesté l'intention de la lui remettre et ne l'a confiée à un huissier de justice que postérieurement à son licenciement.
Pour justifier son comportement, Mme A... affirme qu'elle avait pour habitude de procéder à de telles sauvegardes, et produit une attestation de M. J... qui l'a assistée lors de l'entretien préalable du 22 octobre 2012, qui témoigne que 'concernant les fichiers incriminés, Mme A... a répondu je cite 'j'ai sauvegardé les dossiers sur une clé usb comme je fais habituellement avec tous les dossiers, et ces fichiers n'ont jamais été ouverts depuis' (...)'.
Néanmoins, malgré les contestations de l'employeur sur une sauvegarde habituelle des données par Mme A... de manière désintéressée, et alors qu'il résulte de la copie écran annexée au procès verbal de constat de Maître K... que la clé usb n'était pas une clé professionnelle destinée à la sauvegarde puisqu'elle comporte des dossiers personnels de la salariée intitulés 'anniversaire', 'anthologie poé...', 'archive msn', 'calendrier', 'carnaval 2011' etc., celle-ci ne produit pas le moindre élément de nature à justifier :
- la réalité de cette prétendue habitude de sauvegarde, le constat d'huissier étant sur ce point trop imprécis pour être probant ;
- que la sauvegarde avait été effectuée à la demande de l'employeur ou en application d'une procédure de sécurité en vigueur dans le cabinet, qui n'est d'ailleurs pas même alléguée;
- l'absence de communication de la clé usb à son employeur alors qu'elle avait effacé le fichier sur le serveur, et le fait qu'elle n'a informé le Cabinet L... de l'existence même de cette sauvegarde que lors de son entretien préalable,
- le délai de transmission de la clé à un huissier, plusieurs jours après son licenciement.
Dans ces conditions, il est établi que Mme A... ne s'est pas contentée de procéder à une sauvegarde mais a volontairement et sans en informer l'employeur supprimé du serveur du Cabinet L... un fichier concernant M. D..., pendant l'enquête pénale le concernant pour abus de confiance, et ce alors qu'elle avait connaissance de cette procédure et qu'elle avait déjà une première fois été mise à pied de façon conservatoire en étant suspectée par son employeur d'avoir participé à la manoeuvre de son ancien chef de bureau.
La salariée, informée de la plainte déposée à l'encontre de M. D... pour abus de confiance et de l'enquête pénale en cours, devait s'abstenir de toute intervention sur les fichiers concernant ce dernier ou sa société dans le cadre d'une exécution loyale et de bonne foi de son contrat de travail. Par cette manipulation, la salariée a ainsi indiscutablement entendu faire obstacle à la consultation du fichier à tout le moins par son employeur.
Compte tenu de ces éléments, Mme A... a commis une faute rendant impossible son maintien dans l'entreprise, la relation de confiance étant rompue entre les parties. La faute grave est ainsi caractérisée. Le classement sans suite de la plainte pour complicité d'abus de confiance déposée par le Cabinet L... à l'encontre de Mme A... est sur ce point indifférent, tout comme la décision de rejet d'une demande de provision formulée à son encontre en référé.
Le jugement, qui a dit le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse et a condamné l'employeur dans le cadre des demandes de Mme A... relatives à la rupture, sera donc infirmé et Mme A... sera déboutée de ses demandes.
Sur la demande nouvelle de dommages et intérêts pour préjudice moral :
Mme A... sollicite la condamnation de l'employeur à lui payer la somme de 10 000 euros en réparation d'un préjudice moral résultant de l'attitude du Cabinet L... et de la multiplication des procédures abusives engagées à son encontre ce qui constitue à son sens un véritable acharnement judiciaire de la part de l'employeur.
Il n'est cependant aucunement établi que l'une des actions quelconque engagée par l'employeur aurait dégénéré en un abus, et la salariée ne rapporte pas la preuve d'un comportement anormal de l'employeur à son égard. Faute de preuve d'une faute quelconque de la société, Mme A... sera donc déboutée de sa demande indemnitaire nouvelle en cause d'appel.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
Mme A... qui succombe doit être condamné aux dépens de première instance et d'appel et sera nécessairement déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile tant au titre de la première instance que de l'appel.
L'équité commande de laisser à la charge de la société Cabinet L... le montant des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés à l'occasion de la présente instance.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme A... de sa demande de dommages et intérêts pour mise à pied à caractère vexatoire ;
L'infirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit le licenciement pour faute grave bien fondé ;
Déboute Mme A... de toutes ses demandes ;
Déboute les parties de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile tant au titre de la première instance que de l'appel ;
Condamne Mme A... aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
A. DI DIO S. B...