République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
TROISIEME CHAMBRE
ARRÊT DU 13/12/2018
N° de MINUTE : 18/495
N° RG : 17/03386 - N° Portalis DBVT-V-B7B-QXGZ
Jugement (N° 13/03483) rendu le 25 Avril 2017 par le tribunal de grande instance de Dunkerque
APPELANTE
SAS X... agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés [...]
Représentée par Me Bruno Y..., avocat au barreau de Dunkerque substitué par Me Z..., avocat au barreau de Dunkerque
INTIMÉES
SCI Dupuy Delebecque agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés [...]
Représentée par Me François A..., avocat au barreau de Dunkerque et Me Stéphane B..., avocat au barreau de Paris
SA Swisslife Assurances de biens prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés [...]
Représentée par Me Isabelle C..., avocate au barreau de Douai et Me Eric D..., avocat au barreau de Paris
SA Allianz Iard prise en la personne de ses représentants légaux domicilié [...]
Représentée par Me Bruno E..., avocat au barreau de Douai et Me Emmanuèle F..., avocat au barreau de Paris substituée à l'audience par Me G..., avocat au barreau de Paris
DÉBATS à l'audience publique du 24 Octobre 2018 tenue par Sara H... magistrate chargée d'instruire le dossier qui, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIÈRE LORS DES DÉBATS :Harmony Poyteau
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Hélène Château, première présidente de chambre
Benoît Pety, conseiller
Sara H..., conseillère
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 13 Décembre 2018 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Hélène Château, présidente et Harmony Poyteau, greffière, auquel la minute a été remise par la magistrate signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 25 septembre 2018
Exposé du litige, de la procédure et des prétentions des parties
La société Dupuy-Delebecque est propriétaire d'un ensemble immobilier situé à Coppenaxfort Craywick, lequel était assuré auprès de la société Lloyd Continental aux droits de laquelle vient la société Swisslife assurance de biens (ci-après la société Swisslife).
Le 6 juin 1997, la société Dupuy-Delebecque a loué des locaux dépendants de cet ensemble immobilier à la société Jean-Michel Cardinael. Par avenant du 8 juillet 2003, la société bailleresse a autorisé la locataire a donner en sous-location les bâtiments répertoriés I, 0, P, J, N, V à la société X....
Le 28 janvier 2013 l'un des bâtiments sous-loués de l'ensemble immobilier s'est effondré, la société Dupuy-Delebecque faisant une déclaration de sinistre auprès de la société Swisslife en avançant que la cause de l'effondrement était le poids de la neige.
Par ordonnance du 28 février 2013, le juge des référés du tribunal de grande instance de Dunkerque a, sur demande de la société Swisslife, ordonné une mesure d'expertise confiée à M. I... afin notamment de déterminer l'origine de l'effondrement du bâtiment, l'assureur ayant opposé qu'il existait un doute sur l'origine de l'effondrement du bâtiment, à savoir l'éventualité d'un vice structurel du bâtiment ou un défaut d'entretien qui n'entrent pas dans le champs de la garantie contractuelle.
Autorisée par ordonnance du 26 juillet 2013 la société Dupuy-Delebecque a fait assigner la société Swisslife devant le tribunal de grande instance de Nanterre par acte d'huissier du 26 juillet 2013, pour obtenir sa condamnation à la garantir des conséquences du sinistre du 28 janvier 2013, à lui payer la somme provisionnelle de 500 000 euros, la somme de 5 000 euros pour résistance abusive, outre 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Elle demandait en outre au tribunal de surseoir à statuer sur l'indemnisation définitive de son préjudice dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise.
Par jugement du 20 août 2013 le tribunal de grande instance de Nanterre s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de Dunkerque.
L'expert a déposé son rapport le 19 juin 2014.
La société X... et son assureur, la société Allianz Iard, sont intervenues volontairement à l'instance.
Par jugement en date du 25 avril 2017, le tribunal de grande instance de Dunkerque a :
- débouté la société Dupuy-Delebecque de sa demande de prise en charge du sinistre de janvier 2013 à rencontre de la société Swisslife ;
- condamné la société X... à payer à la société Dupuy-Delebecque la somme de 303 033 58 euros TTC ;
- débouté la société Dupuy-Delebecque de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive à rencontre de la société Swisslife ;
- débouté la société Swisslife de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive à l'encontre de la société Dupuy-Delebecque ;
- débouté la société X... et la compagnie Allianz lard de leurs demandes présentées à l'encontre de la société Dupuy-Delebecque et de la SA Swisslife assurances de biens ;
- rejeté la demande tendant au prononcé de l'exécution provisoire ;
- condamné la société X... aux dépens, en ce compris les frais d'expertise ;
- autorisé, si elles en ont fait l'avance sans en avoir reçu provision la SCP A... et la SCP Joly-Pelletier avocats, à recouvrer directement les dépens conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
- débouté la société Dupuy-Delebecque de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté la société Swisslife de ses demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La société X... a interjeté appel de ce jugement le 30 mai 2017 dans des conditions de forme et de délais qui ne sont pas critiquées.
Par dernières conclusions signifiées le 10 septembre 2018, la société X... sollicite de la cour de:
- réformer le jugement;
A titre principal,
- juger que la société X... n'est pas responsable du sinistre survenu le 28 janvier 2013 ;
- déclarer la société Dupuy-Delebecque tenue d'indemniser son locataire la société X... ;
- déclarer la société Swisslife tenue de couvrir le sinistre né de l'effondrement du hangar loué ;
- condamner en conséquence solidairement la société Dupuy-Delebecque et la société Swisslife à payer sous déduction de la provision reçue de l'assureur (300 000 euros) à la société X... :
.La perte de marchandises (hors taxe) : 518 463,43 euros
.Le coût des mesures conservatoires : 74 211,68 euros
.Le coût des travaux de désamiantage à titre provisionnel : 52 528,10 euros
.Un préjudice commercial et une indemnisation des dommages subis à raison de la gestion du sinistre et de l'indisponibilité des locaux : 100 000 euros
- dire que ces condamnations seront assorties des intérêts judiciaires à compter de la date de l'événement et se capitaliseront année par année ;
- débouter la société Swisslife et la société Dupuy-Delebecque de leurs demandes en garantie ;
- condamner la société Swisslife et la société Dupuy-Delebecque à payer la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- les condamner aux entiers dépens lesquels comprendront la part des frais d'expertise supportés par la société X... et son assureur et prononcer la distraction des dépens au profit de la SELARL Dhorne C... Y... conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
A titre subsidiaire,
- infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Dunkerque en date du 25 avril 2017 concernant le montant des condamnations prononcées à l'encontre de la société X... ;
- juger que le montant de reconstruction du hangar n'est pas justifié et le préjudice de la société Dupuy-Delebecque à cet égard injustifié ;
- juger que le montant pour le transport et la destruction des engrais amiantés sur site fixé par l'expert judiciaire à la somme de 52 528,10 euros ne se justifie pas dans la mesure où lesdits engrais ont été retirés du site ;
- condamner la SCI DD et la société Swisslife à payer la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- les condamner aux entiers dépens lesquels comprendront la part des frais d'expertise supportés par X... et son assureur et prononcer la distraction des dépens au profit de la SELARL Dhorne C... Y... conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que l'élément déclenchant du sinistre a été le poids de la neige et non la corrosion de certains poteaux du bâtiment, étant rappelé que les bâtiments détruits étaient anciens. Elle précise qu'il s'agissait d'anciens bâtiments industriels qui ont appartenu à la distillerie Duriez, édifiés dans les années 1950. Sur ce point, elle estime que l'expert judiciaire n'a pas tiré toutes les conclusions du rapport détaillé de la société Corrodys, société d'expertise en corrosion, qui expose en outre que les facteurs de corrosion sont divers (notamment l'atmosphère marin) et non pas seulement la présence d'engrais.
Elle affirme que la responsabilité de l'effondrement est dès lors celle du propriétaire, la société Dupuy-Delebecque, lequel était obligé, en vertu de l'article 1719 du code civil de délivrer au preneur la chose louée, d'entretenir cette chose en état de servir à l'usage auquel elle a été louée et d'en assurer au preneur une jouissance paisible.
Elle ajoute que la clause de la police d'assurance de la compagnie Swisslife selon laquelle le poids de la neige est garanti lorsque le phénomène à une intensité telle qu'il détruit, brise ou endommage un certain nombre de bâtiments de bonne construction dans la commune du risque sinistré ou dans les communes avoisinantes est une clause d'exclusion, laquelle doit être précise et limitée, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
A titre subsidiaire, s'agissant de l'évaluation du préjudice de la société Dupuy-Delebecque, la société X... oppose que le prix de reconstruction du hangar n'est nullement justifié dans son principe, au regard de la vétusté de celui-ci avant l'effondrement, et sur le montant fixé par l'expert de manière non étayée. Sur le prix de destruction des engrais contaminés par l'amiante, elle oppose que ceux-ci ont d'ores et déjà été évacués comme le relève d'ailleurs l'expert, outre un constat d'huissier de justice en date du 5 avril 2018. Dès lors, elle demande à la cour de réduire l'éventuelle condamnation au coût de reconstruction de l'immeuble et de rejeter la demande concernant l'évacuation des engrais.
Par conclusions signifiées le 24 septembre 2018, la société Dupuy-Delebecque sollicite de la cour de:
A titre principal,
- confirmer le jugement,
Subsidiairement,
- condamner la société Swisslife à lui payer la somme de 303 033,72 euros TTC ;
- condamner la société Swisslife à relever et garantir la société Dupuy-Delbecque de toutes les condamnations qui seraient éventuellement mises à sa charge ;
En tout état de cause,
- débouter la société X... de l'ensemble de ses demandes ;
- débouter la société Allianz Iard de l'ensemble de ses demandes ;
- condamner à titre principal la société X... et à titre subsidiaire la société Swisslife à payer à la société Dupuy-Delebecque la somme de 15 000 euros pour résistance abusive et injustifiée en application des dispositions des articles 32-1 et suivants du code de procédure civile ;
- condamner à titre principal la société X... et à titre subsidiaire la société Swisslife aux dépens, dont distraction au profit de la SCP A..., et à payer à la société Dupuy-Delebecque la somme de 15 000 euros pour résistance abusive et injustifiée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que le tribunal a à juste titre énoncé que, en application de l'article 1735 du code civil, le preneur répond des dégradations ou des pertes qui arrivent pendant sa jouissance, à moins qu'il ne prouve qu'elles ont eu lieu sans sa faute, le contrat de bail reprenant en outre l'obligation pour le preneur d'user des lieux loués en bon père de famille et de prévenir le bailleur des détériorations qui viendraient à se produire dans les locaux loués qui rendraient nécessaires des travaux incombant au bailleur. Or, elle affirme qu'il résulte du rapport d'expertise judiciaire que la société X... a commis des fautes qui sont à l'origine du sinistre, à savoir le stockage d'engrais corrosifs à côté des aciers de structure du bâtiment et le défaut d'entretien de celui-ci.
Elle s'oppose sur ce point à toute valeur probante des deux notes de Messieurs J... et K... produites par la société X..., celles-ci ayant été faites uniquement sur la base du rapport d'expertise judiciaire et de façon non contradictoire.
Sur le préjudice subi, elle reprend les conclusions du rapport d'expertise pour solliciter de la part de la société X... le paiement du coût de la destruction des engrais et de la reconstruction du garage.
Subsidiairement, si la cour estimait que l'origine provient, non pas de la faute du locataire mais du poids de la neige, elle demande la condamnation de son assureur, la société Swisslife, à la garantir des conséquences du sinistre.
Elle s'oppose également aux demandes formulées à son encontre par la société X... et son assureur, la société Allianz Iard, en ce que le sinistre ne résulte que d'une faute de la société X.... Subsidiairement, elle oppose (contrairement à ce qui précède) que la société Allianz Iard ne formule aucune demande à son égard, que celle-ci a manifestement déjà indemnisé son assurée, de sorte que M. X... doit être débouté de ses demandes à son encontre.
Par conclusions notifiées le 5 décembre 2017, la société Swisslife sollicite de la cour de :
- déclarer irrecevable et en tout cas mal fondé l'appel interjeté par la société X... à l'encontre du jugement, et tout appel incident, notamment de la société Dupuy-Delebecque,
- dire que le litige est soumis aux dispositions du code civil dans leur rédaction antérieures à l'ordonnance du 10 février 2016,
Vu les articles 1134 du code civil et L112-6 du code des assurances,
- dire et juger que les dispositions particulières du contrat ne font à aucun moment référence à une garantie neige,
- dire que la garantie neige correspond au risque B qui est intégré exclusivement dans les conditions générales du contrat Suisse multirisque entreprise,
- dire qu'en revendiquant l'application des conditions générale du contrat l'assuré reconnaît par aveu judiciaire qu'il en a eu connaissance avant la survenance du sinistre et les a acceptées,
- dire que si seules les dispositions particulières étaient retenues, il en serait tiré toutes conséquences à savoir que l'assuré ne rapporte pas la preuve de ce que le risque neige est effectivement couvert par elle,
- dire que la société Dupuy-Delebecque est de particulière mauvaise foi lorsqu'elle affirme qu'elle n'aurait jamais eu connaissance du contenu de la police d'assurance avant la survenance du sinistre le 28 janvier 2013 si bien qu'elle ne pourrait lui opposer les limitations de garantie incluses dans le contrat d'assurance,
- dire qu'elle établit la preuve que la société Dupuy-Delebecque disposait de l'ensemble de la police d'assurance et notamment des dispositions générales du contrat d'assurance puisqu'elle a versé aux débats le contrat d'assurance dans 1e cadre de l'instance RG 10100870 ayant abouti à l'arrêt du 16 juin 2011 de la cour d'appel de Douai,
- dire qu'il est justifié de ce que la police d'assurance a été portée à la connaissance de la société Dupuy-Delebecque du courtier, si bien que le contrat est de toute façon opposable à l'assuré peu important que la polie d'assurance, contrat consensuel, ait été signé par l'assuré,
- rejeter par suite 1'argument suivant lequel l'assuré ne pourrait se voir opposer la police d'assurance,
Vu les dispositions des articles 1315 alinéa 1 et 9 du code de procédure civile,
dire et juger qu'il appartient à l'assuré de rapporter la preuve de ce que le sinistre entre dans les prévisions du contrat et qu'il respecte donc les conditions de garantie,
- dire que le risque d'effondrement n'est pas garanti par le contrat d'assurance rassuré n'ayant pas choisi cette option seul pourrait être couvert le risque au titre du risque B poids de la neige ou de la glace accumulée sur les toitures, ce qui implique que nous soyons en présence de dommages matériels résultant de l'action directe du poids de la neige ou de la glace accumulée sur les toitures, lorsque ces phénomènes ont une intensité telle qu'ils détruisent brisent ou endommagent un certain nombre de bâtiments de bonne construction dans la commune du risque sinistré ou dans les communes avoisinantes,
- dire par la suite que la garantie poids de la neige ne peut être mobilisée que dans l'hypothèse où l'assuré rapporte la preuve de ce que l'effondrement résulte de l'action directe du poids de la neige,
- dire que le rapport de M. I... écarte expressément le poids de la neige comme étant l'action directe de l'effondrement,
- dire au contraire que les investigations menées par M. I... ont démontré l'absence de protection des aciers mis en présence de matériaux corrosifs et manifestement à l'origine de la corrosion, ayant pour conséquence la diminution des caractéristiques mécaniques de l'acier constituant la structure, d'où l'effondrement d'une partie de celle-ci ;
- rejeter en conséquence les demandes de la société Dupuy-Delebecque à son encontre,
Le cas échéant,
- dire qu'au surplus sont exclus les dommages résultant d'un défaut de réparation ou d'entretien indispensable incombant à l'assuré tant avant qu'après sinistre, sauf en cas de force majeure ;
- dire qu'en l'état des investigations menées par Corrodys et Ica, il est établi que la stabilité du bâtiment a été profondément altérée par une attaque en profondeur des structures métalliques des pieds de poteau due à un manque de protection de ces derniers pour éviter tout contact avec les nitrates et/ou engrais ;
- dire que cette corrosion est un phénomène lent qui exclut la notion d'accident comme condition de garantie, et de surcroît exclut l'existence d'un dommage lié à l'action directe du poids de la neige ;
- dire que par suite les garanties de Swisslife assurances de biens ne peuvent pas être mobilisés ;
- rejeter en conséquence l'appel incident formalisé par la SCI Dupuy Delbecque ;
Vu l'article 1964 ancien du code civil,
- dire que si le sinistre était imputé à un défaut d'entretien de la société Dupuy-Delebecque, le sinistre ne présenterait aucun caractère aléatoire, et ne serait donc pas garanti ; il relèverait en outre de l'exclusion de l'article 2.2.2 des dispositions générales de la police d'assurance faisant sortir du champ de la garantie les dommages résultant d'un défaut de réparations ou d'entretien indispensables incombant à l'assuré tant avant qu'après sinistre sauf cas de force majeure ;
- confirmer par suite le jugement en ce qu'il a débouté la société Dupuy-Delebecque de sa demande de prise en charge du sinistre par la société Swisslife,
- faire application de l'article 32-1 du code de procédure civile, la Dupuy-Delebecque ayant agi de manière abusive,
- la condamner à lui payer la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- déclarer irrecevable et en toute cas mal fondé l'appel interjeté par la société X... et rejeter le cas échéant l'appel incident de la société Allianz Iard,
Vu l'article L121-12 du code des assurance,
- dire que la société Allianz lard ne peut se prévaloir de la subrogation légale puisqu'il apparaît à la suite de la production de la police d'assurance que les dommages causés par la pollution sont exclus ce qui est le cas en l'espèce,
- dire que la société X... apparaît en l'état des pièces versées aux débats intervenir en qualité de sous-locataire,
- dire que le sous-locataire ne peut prétendre au bénéfice de la responsabilité contractuelle du bailleur,
- débouter la société X... et la société Allianz lard de leur demande présentée sur un fondement contractuel à l'encontre de la société Dupuy-Delebecque,
- dire que l'expertise judiciaire a caractérisé la faute de la société X... en stockant des matériaux qui ont été à l'origine de la corrosion qui a altéré profondément la structure du bâtiment qu'elle occupe, et ce, sans avoir tenu compte des prescriptions du fabricant des engrais stockés,
- écarter les notes produites en cause d'appel du professeur J... et de M. K..., et ce alors même que la société X... était partie à la procédure de référé et qu'elle n'a pu à loisir formaliser toute demande d'investigation complémentaire et s'exprimer par voie de dire,
- dire que ces faits caractérisent une faute au sens de l'article 1382 et 1383 du code civil,
- dire que si la société X... avait la qualité de locataire, elle engagerait tout autant sa responsabilité cette fois au visa des articles 1147 et 1728 du code civil,
- dire que la Société X... n'a pas usé de la chose louée en bon père de famille,
- débouter par suite et de tout sens l'action à faire consacrer la responsabilité du bailleur, la société Dupuy-Delebecque,
- dire que dans l'hypothèse où la responsabilité de la société Dupuy-Delebecque aurait été engagée vis-à-vis de la société X... et de la société Allianz Iard, cette dette de responsabilité n'aurait pas été garantie par la société Swisslife, qui couvre exclusivement, au titre du risque B Tempête, neige ou grêle, les dommages matériels résultant de l'action directe par les biens assurés et non la responsabilité civile du bailleur, alors qu'au surplus le sinistre n'aurait pas été garanti par la société Swisslife en application des articles 2.20.25 et 2.20.27 des dispositions générales de la police d'assurance,
- confirmer par suite le jugement en ce qu'il a débouté la société X... et la société Allianz Iard de leurs demandes présentées à l'encontre de la société Swisslife,
- condamner in solidum la société X... avec la société Dupuy Delebecque à verser à la société Swisslife une indemnité de 15 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,
Vu de façon alternative les articles 1382 et 1383 anciens du code civil ou 1147 ancien du code civil et 1728 du code civil,
Le cas échéant,
- recevoir la société Swisslife en son appel en garantie à l'encontre de la société X... et de la société Allianz Iard, son assureur de responsabilité, appel en garantie distinct de l'action directe et qui n'implique pas qu'au préalable l'assureur justifie d'un paiement dans les droits et action de la victime,
- dire que les désordres procèdent de la faute quasi-délictuelle ou contractuelle de la société X...,
- condamner par suite in solidum la société X... et la société Allianz Iard à relever et garantir la société Swisslife de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre au profit de la société Dupuy-Delebecque,
- rappeler qu'en vertu de l'article L. 112-6 du code des assurances peut être tenue que dans les limites et conditions du plafond de garantie et franchise opposables à l'assuré et aux tiers que le chiffrage de l'indemnité d'assurance procède d'une expertise amiable laquelle n'a pas eu lieu ce qui conduirait le tribunal à renvoyer les parties à la mettre en 'uvre et rejeter en l'état la demande de condamnation de l'assureur,
En tout état de cause,
- condamner in solidum la société Dupuy et Delebecque et la Société X... aux entiers dépens, y inclus ceux de la procédure de référé et les frais d'expertise judiciaire, et dire qu'ils pourront être directement recouvrés par Maître Isabelle C....
Par dernières conclusions signifiées le 14 novembre 2017, la société Allianz Iard sollicite de la cour de :
- lui donner acte de ce que les sociétés X... et Dupuy-Delebecque ne formulent aucune demande à son encontre,
- dire que la société Allianz Iard est bien fondée à opposer l'exclusion figurant au chapitre 8 B page 13 de l'intercalaire du fait des événements de corrosion et pollution,
- débouter en conséquence la société Swisslife de son appel en garantie à titre subsidiaire à l'encontre de la société Allianz Iard, les conséquences de la responsabilité de l'assuré consécutives à un événement exclu étant elles-mêmes exclues,
- condamner tout succombant aux dépens, qui seront recouvrés par Maître Bruno E..., et à verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle expose avoir indemnisé son assurée, la société X... à hauteur de 300 000 euros, plafond de la garantie pour la perte de marchandises, puis avoir, suite au rapport d'expertise de M. I... constatant la corrosion des structures du bâtiment, notifié à celle-ci une exclusion de garantie pour le reste de ce fait.
Dès lors, elle soutient que les conséquences pécuniaires de la responsabilité que la société X... pourrait encourir à l'égard du propriétaire sont elles-mêmes exclues.
SUR CE,
A titre liminaire, la cour rappelle, comme l'ont justement énoncé les premiers juges, qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes tendant à «dire que», «rappeler que» ou «constater que», qui sont des moyens ou mêmes des éléments de pur fait ne relevant pas de questions à trancher par la cour dans le dispositif de son arrêt.
En outre, la cour observe que la société Allianz Iard sollicite de la cour de :
- dire que la société Allianz Iard est bien fondée à opposer l'exclusion figurant au chapitre 8 B page 13 de l'intercalaire du fait des évènements de corrosion et pollution,
- débouter en conséquence la société Swisslife de son appel en garantie à titre subsidiaire à l'encontre de la société Allianz Iard, les conséquences de la responsabilité de l'assuré consécutives à un événement exclu étant elles-mêmes exclues.
Dès lors, pour une plus grande clarté des débats, force est de rappeler les éléments suivants :
- la société X... ne formule aucune demande à l'encontre de son assureur, la société Allianz Iard, de même que la réciproque ;
- la société Allianz Iard ne sollicite de la cour de dire qu'elle est bien fondée à opposer une exclusion de garantie pour pollution et corrosion qu'à l'encontre de la société Swisslife (et non de son assurée, la société X...) dans le cadre du recours en garantie de celle-ci à son encontre à titre subsidiaire.
Sur les causes du sinistre
Aux termes de l'article 1719 du code civil « Le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune, stipulation particulière :
1° De délivrer au preneur la chose louée [. .. ] ;
2° D'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée ;
3° D'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail ;
4° D'assurer également la permanence et la qualité des plantations ».
L'article 1720 du même code énonce que « Le bailleur est tenu de délivrer la chose en bon état de réparations de toute espèce.
Il doit y faire, pendant la durée du bail, toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires, autres que les locatives ».
Aux termes de l'article 1720 du même code, le bailleur est tenu de délivrer la chose en bon état de réparations de toute espèce.
Il doit y faire, pendant toute la durée du bail, toutes les réparations qui peuvent être nécessaires, autre que les locatives.
Enfin, l'article 1755 du même code énonce qu'aucune des réparations réputées locatives n'est à la charge des locataires, quand elles ne sont occasionnées que par vétusté ou force majeure.
En l'espèce, il est acquis que, par contrat de bail du 6 juin 1997 la société Dupuy-Delebecque a loué à la société Cardinael des locaux destinés à des opérations de stockage d'oléagineux, de protéagineux, d'engrais, de semences et produits phytosanitaires. Le contrat de bail précise que le preneur prendra les lieux loués dans l'état où ils se trouvent le jour de rentrée en jouissance, sans pouvoir exiger du bailleur aucune réparation ni remise en état et qu'il jouira des 1ieux en bon père de famille, suivant leur destination ; qu'il ne pourra en aucun cas rien faire ou laisser faire qui puisse les détériorer et devra prévenir immédiatement le bailleur de toute atteinte qui sera portée à la propriété et de toutes dégradations ou détériorations qui viendraient à se produire dans les locaux loués et qui rendraient nécessaires des travaux incombant au bailleur.
Selon avenant en date du 8 juillet 2003, la société Cardinael a été autorisée à donner divers bâtiments en sous location à la société X..., dont le bâtiment litigieux, les parties reconnaissant que le contrat de bail précité est opposable à cette dernière.
Cependant, il est constant que le bailleur ne peut, par le biais d'une clause relative à l'exécution des travaux dans les lieux loués, s'affranchir de son obligation de délivrance prévue à l'article 1719 du code civil précité.
De même, l'obligation continue d'entretien de l'article 1719 du code civil est distincte de l'obligation de réparer de l'article 1720 du même code, lequel ne vise que la réparation des accidents survenus en dehors de l'usure normale et que le bailleur ne peut connaître s'il n'en a pas été prévenu.
Il appartient en conséquence au propriétaire, en exécution de son obligation de délivrance, de veiller de façon constante, et sans avoir même à être informé par son locataire de la nécessité de travaux à effectuer, à l'entretien de son immeuble, c'est à dire à la réparations des outrage naturels du temps et de l'usure normale due à l'action des éléments.
Or, il ressort du rapport d'expertise de M. I... que six travées de la toiture du hangar se sont effondrées sur les tas d'engrais et de céréales. Le reste de la toiture est plus ou moins déformé selon son éloignement de ce qui semble être le point de rupture initiale. Sur la façade nord ouest, on peut observer un poteau plié dont certaines membrures sont rompues. La rupture de ce portique a entrainé l'effondrement des travées adjacentes. Des morceaux de plaques ondulées sont tombées sur les engrais et sur les céréales. Le bardage de la façade nord-est est largement corrodé au niveau des poteaux parmi lesquels le poteau qui semble être à l'origine de l'effondrement. Cette corrosion correspond aux fuites observées de produits entreposés derrière les stomos (cloisons amovibles) non jointifs. Les plaques ondulées de toiture sont totalement recouvertes de mousses et autres végétaux.
Sur l'origine du sinistre, l'expert conclut ainsi :
«En conclusion, la conception originelle de la structure, le fait d'avoir stocké des matériaux de façon dissymétrique sur les semelles, ne sont pas à l'origine de l'effondrement. Celui-ci a certainement été provoqué par une charge de neige (élément déclencheur) sur la couverture supportée par une structure, dont les caractéristiques mécaniques ont été largement diminuées par la forte corrosion.»
Sur les éléments techniques de manière à déterminer les responsabilités encourues, l'expert conclut de même ainsi :
«Comme vu ci-dessus, la corrosion des aciers de structure est à l'origine du sinistre, hors élément déclencheur (charge de la neige).»
L'expert a en outre calculé que la neige présente sur la toiture devait être d'environ 24 cm (hors phénomène de fonte), ce qui n'est nullement imprévisible dans la région au mois de janvier.
Il résulte de ces éléments que c'est à juste titre que les premiers juges ont énoncé que le poids de la neige sur la toiture n'a été que le fait déclenchant de la ruine du bâtiment causée elle-même par la corrosion des aciers de la structure.
- Dès lors, s'agissant des demandes formulées à l'encontre de la société Swisslife, c'est également de manière fondée que les premiers juges ont énoncé que, alors que l'effondrement n'est pas lié au poids de la neige, laquelle n'a été que l'élément déclencheur du sinistre qui a son origine dans la corrosion des poteaux, la preuve que le risque effondrement est garanti par le contrat d'assurance souscrit par la société Dupuy-Delebecque hors poids de la neige n'est pas rapportée par l'assurée ; il s'ensuit que la société Swisslife n'est pas tenue de garantir le sinistre survenu en janvier 2013 peu important par ailleurs que les conditions générales de la police soient ou non applicables en l'espèce.
Dès lors, l'appel en garantie de la société Swisslife à titre subsidiaire à l'encontre de la société Allianz Iard est sans objet.
- Sur les causes de la corrosion des aciers de structure, l'expert conclut ainsi :
Origine de la corrosion :
«Les facteurs de corrosion ont diverses origines, entre autres :
Origine physique :
Au premier abord, la corrosion des aciers de structure paraît beaucoup plus importante en façade Nord qu'en façade Sud.
En effet, outre l'atmosphère marine (le site est à moins de 10 km de la côte, la façade Nord-Ouest du hangar était confinée, selon les aires des parties, sous une végétation dense de taillis et futaie.
Cette partie de terrain n'a été défrichée que pour faciliter l'accès à la partie arrière après l'effondrement.
Le moindre ensoleillement consécutif a favorisé une humidité relative plus importante pouvant se condenser sur la structure.
D'autant que la protection des aciers était quasi inexistante sur la façade Nord-Ouest, comme on a pu l'observer, confirmé par les analyses métallographiques menées par CORRODYS (...)
Origine chimique :
CORRODYS évoque (§4 p18 du rapport) une fissuration intergranulaire constatée sur les poteaux de la façade arrière (et non sur le poteau de la façade avant), pouvant expliquer une diminution des caractéristiques mécaniques de l'acier, "généralement observées lorsque l'acier est immergé dans une solution contenant des nitrates".
La présence d'ammonitrate contenant 27% d'azote (annexe 10) est propice à la formation de ces nitrates, en atmosphère humide.
D'autre part, on notera les préconisations du fabriquant de Patentkali (...): "Lors du stockage du produit en vrac, les potences et appuis en acier devraient être protégées contre la corrosion".
Origine biologique :
Cette hypothèse n'est pas à retenir, selon les conclusions de CORRODYS (§5 p. 19 du rapport, en annexe 6).
L'absence de protection des aciers (peintures spéciales, zinc, anodes en zinc, ... ) mis en présence de matériaux corrosifs (Patenkali, ... ) est manifestement à l'origine de la corrosion observée, ayant pour conséquence la diminution des caractéristiques mécaniques de l'acier constituant la structure. D'où l'effondrement d'une partie de celle-ci.»
L'expert énonce dès lors de façon claire et sans ambiguïté que la cause de la corrosion de certains poteaux est double, à savoir, d'une part, physique et, d'autre part, chimique.
Sur la cause physique de cette corrosion, outre les conclusions précitées de l'expert judiciaire que la cour ne peut exclure sans dénaturer le rapport, la société X... produit deux notes d'experts judiciaires soumises au contradictoire dans le cadre de l'appel et dès lors parfaitement recevables dans le cadre du présent litige.
Ainsi, M. Daniel J..., expert chimiste auprès de la cour d'appel de Douai, avance dans une note établie sur pièces datée du 17 juillet 2017 que «il apparaît que la corrosion par les chlorures (sel marin principalement) qui s'est développée sur plus d'un demi-siècle est responsable de la plus grande attaque des structures métalliques».
En outre, M. Yves K..., expert près de la cour d'appel de Douai également, avance dans une note datée du 20 juillet 2017 établie sur pièces, que «la corrosion est due à la présence d'embruns salés dans les pluies et précipitations qui tombent sur le bâtiment depuis plus d'un siècle.».«L'examen du rapport d'expertise de Monsieur Jérôme I... et du Professeur Daniel J... conduit à constater que le bâtiment n'a pas été entretenu durant une très longue période, et que celui-ci a été affaibli par la corrosion qui s'est développée jusqu'à sa ruine qui est bien documentée dans le rapport d'expertise.
Cette ruine n'aurait pas eu lieu si une maintenance par peinture adaptée et un nettoyage convenable avaient été réalisés par le Maitre d'ouvrage durant la vie de la charpente métallique ou du bâtiment.» M. K... relève enfin dans son rapport que «les conclusions rapportées par l'expert Jérôme I... paraissent tout à fait convenables par rapport à l'ensemble de l'étude d'expertise réalisée.»
En l'état de ces énonciations, il est établi que la société bailleresse est en partie à l'origine du sinistre du fait de son manquement à l'obligation de délivrance de la chose louée en bon état et de son absence d'entretien de la structure du bâtiment ayant conduit à l'accélération de l'état de ruine de celui-ci, la corrosion «physique» énoncée ci-dessus étant beaucoup plus ancienne que la sous-location des lieux à la société X... en 2013. Cependant, il ressort également des éléments précités que la société X... est également à l'origine du sinistre en ce qu'elle a stocké des engrais chimiques sans précaution suffisante (l'existence de bâches n'étant pas contestée, mais celles-ci ayant été en tout état de cause insuffisantes au regard de la corrosion «chimique» causée par les engrais), et n'a en outre pas vérifié l'état des poteaux, l'expert ayant relevé que la pose des stomos excluait que la corrosion des poteaux puisse être constatée.
La responsabilité des sociétés Dupuy-Delebecque et X... dans les causes de l'effondrement du hangar agricole litigieux le 28 janvier 2013 doit être ainsi retenue pour moitié pour chacune d'elles.
Sur les préjudices
Sur les préjudices de la société Dupuy-Delebecque
L'expert estime ainsi :
- que le coût des travaux restant à réaliser est de 52 528,10 euros HT correspondant à la destruction des engrais contenant de l'amiante,
- que l'estimation du coût de reconstruction d'un hangar similaire est de 200 000 euros HT.
La société Dupuy-Delebecque sollicite la condamnation de la société X... à lui payer la somme de 252 528,10 HT, soit 303 033,72 euros TTC.
- S'agissant du coût de l'enlèvement et de la destruction des engrais contenant de l'amiante, l'expert relève qu' « Une note succincte n°3 est communiquée le 23 mai 2013 aux parties et à leur avocat désigné, dans laquelle il est précisé que, puisque les prélèvements nécessaires avaient été réalisés, les opérations de démolition et d'évacuation du bâtiment pouvaient démarrer selon un protocole à établir (...) Ces travaux de démolition et d'évacuation des déblais (y compris déchets amiantés) sont assurés par la société X... ».
Or, la société X... produit à la cour des factures relatives aux frais d'enlèvement de cet engrais. En outre, un constat d'huissier du 5 avril 2018 fait état de ce que, à l'endroit du hangar litigieux, la dalle de celui-ci ainsi disparu est vierge de toute matière et que les engrais contaminés d'amiante ont totalement disparus.
Cependant, si la société X... démontre ainsi avoir procédé à l'enlèvement des engrais amiantés, elle n'énonce nullement avoir procédé à la destruction de ceux-ci, et ce alors même que ces frais de destruction ( 41 858,10 euros HT) sont nettement plus importants que ceux pour leur transport (6 440 euros HT).
Or, la cour observe que la société X... sollicite également la condamnation de la société Dupuy-Delebecque la condamnation de celle-ci à lui payer la somme de 52528,10 euros HT correspondant au coût de transport et de destruction des engrais amiantés. Par ailleurs, aucun élément du dossier ne permet de déterminer sur les engrais amiantés ont bien été détruits par la société X....
Dès lors, les engrais litigieux étant amiantés par la faute de chacune des deux sociétés comme exposé ci-dessus, il y a lieu de dire que les frais de destruction des engrais amiantés à hauteur de 41 858,10 euros HT (le coût TTC n'étant pas précisé par les parties pour cette somme) seront pris en charge par moitié par chacune des deux sociétés.
Au regard de ce qui précède, la société Dupuy-Delebecque est mal fondée à solliciter une condamnation de la société X... relativement aux frais de transport de l'engrais amianté.
- S'agissant du coût de reconstruction d'un hangar similaire, la société X... sollicite de la cour de réduire la somme proposée par l'expert, la vétusté de l'immeuble devant être prise en considération.
L'expert judiciaire chiffre le coût de reconstruction du hangar à 200 000 euros HT.
En application du principe de réparation intégrale impliquant qu'une victime soit remise, dans la mesure du possible, dans la situation elle se serait trouvée si le dommage n'était pas survenu, aucun coefficient de vétusté ne peut être appliqué en l'espèce.
La société X... ne produit en outre aucune élément de nature à remettre en cause l'évaluation opérée par M. I... relativement à ce coût de reconstruction d'un hangar.
Dès lors, il y a lieu de retenir cette évaluation à hauteur de 200 000 euros HT, la société X... étant tenue d'indemniser la société Dupuy-Delebecque à hauteur de la moitié, soit 100 000 euros HT (le coût TTC n'étant pas précisé par les parties pour cette somme), et ce avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
Sur les préjudices de la société X...
La cour observe à titre liminaire que la société X... sollicite la condamnation de la société Dupuy-Delebecque (la société Swisslife ayant été mise hors de cause) à lui payer, sous déduction de la provision reçue de l'assureur (300 000 euros) :
.La perte de marchandises (hors taxe): 518 463,43 euros
.Le coût des mesures conservatoires : 74 211,68 euros
.Le coût des travaux de désamiantage à titre provisionnel : 52 528,10 euros
.Un préjudice commercial et une indemnisation des dommages subis à raison de la gestion du sinistre et de l'indisponibilité des locaux : 100 000 euros
- L'expert avance que la société X... a subi les préjudices suivants :
. La perte de marchandises : 518 463,43 euros HT
. Le coût des mesures conservatoires : 74 211,68 euros HT
Ces deux sommes seront dès lors retenues par la cour.
- Comme énoncé ci-dessus, les frais de destruction des engrais amiantés à hauteur de 41 858,10 euros HT seront pris en charge par moitié par chacune des deux sociétés.
Enfin, la société X... ayant à elle-seule pris en charge les frais de transport de l'engrais amianté, il y a lieu de condamner la société Dupuy-Delebecque à lui payer la moitié de ces frais de 6 440 euros HT, et ce avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
- S'agissant du préjudice commercial et de l'indemnisation des dommages subis à raison de la gestion du sinistre et de l'indisponibilité des locaux, la cour constate que la société X... ne produit aucune pièce comptable afin de démontrer ce préjudice par ailleurs non étayé dans ses conclusions, de sorte qu'il ne peut être retenu.
Il y a dès lors lieu de condamner la société Dupuy-Delebecque, responsable pour moitié des préjudices subis par la société X..., à payer à cette dernière la somme de 299 657,55 euros HT ((518 463,43 +74 211,68 euros + 6 640 euros)/2), et ce avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
Il y a en outre lieu de donner acte à la société X... de ce qu'elle a reçu la somme de 300 000 euros versée par son assureur, la société Allianz Iard (pièce 2 de la société X...).
Sur les demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive
En application des dispositions de l'article 32-1 du code de procédure civile, l'exercice d'une action en justice ne dégénère en abus que s'il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi, ou s'il s'agit d'une erreur grave équipollente au dol ; l'appréciation inexacte qu'une partie se fait de ses droits n'est pas constitutive en soi d'une faute ;
Le sens du présent arrêt conduit à débouter la société Dupuy-Delebecque de sa demande de dommages et intérêts de ce chef à l'encontre de la société X....
En outre, la société Swisslife ne rapporte pas la preuve de ce que l'action de la société Dupuy-Delebecque aurait dégénéré en abus ; elle doit également être déboutée de sa demande de dommages-intérêts.
Sur la capitalisation des intérêts
Il y a lieu d'ordonner la capitalisation des intérêts dus pour une année entière en application des dispositions de l'article 1154 ancien du code civil.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
L'équité commande de dire que chacune des parties conservera la charge des ses propres dépens de première instance et d'appel et de débouter chacune d'elles de sa demande d'indemnités de procédure en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
En outre, les frais de l'expertise judiciaire seront supportés par moitié par la société Dupuy-Delebecque et la société X....
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
Infirme le jugement en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Déboute les parties de leurs demandes tant principales que subsidiaires à l'encontre de la société Swisslife ;
Dit que l'appel en garantie de la société Swisslife à titre subsidiaire à l'encontre de la société Allianz Iard est sans objet ;
Dit que les sociétés Dupuy-Delebecque et X... sont responsables chacune pour moitié des causes de l'effondrement du hangar agricole litigieux le 28 janvier 2013 à Coppenaxfort Craywick ;
Condamne la société X... à payer à la société Dupuy-Delebecque la somme de 100 000 euros HT, et ce avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
Condamne la société Dupuy-Delebecque à payer à la société X..., la somme de 299 657,55 euros HT, et ce avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
Donne acte à la société X... de ce qu'elle a reçu la somme de 300 000 euros versée par son assureur, la société Allianz Iard ;
Déboute la société X... de sa demande au titre du «préjudice commercial et de l'indemnisation des dommages subis à raison de la gestion du sinistre et de l'indisponibilité des locaux» formulée à l'encontre de la société Dupuy-Delebecque ;
Dit que les frais de destruction des engrais amiantés à hauteur de 41 858,10 euros HT seront pris en charge par moitié par chacune des deux sociétés X... et Dupuy-Delebecque :
Déboute la société Dupuy-Delebecque de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive à l'encontre de la société X... ;
Déboute la société Swisslife de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive à l'encontre de la société Dupuy-Delebecque ;
Ordonne la capitalisation des intérêts dus pour une année entière en application des dispositions de l'article 1154 ancien du code civil ;
Déboute chacune des parties de sa demande d'indemnités de procédure en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Dit que chacune des parties conservera la charge des ses propres dépens de première instance et d'appel (en dehors des frais d'expertise) ;
Dit que les frais de l'expertise judiciaire seront supportés par moitié par la société Dupuy-Delebecque et la société X....
La Greffière La Présidente
Harmony Poyteau Hélène Château