La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/11/2018 | FRANCE | N°17/06338

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 8 section 4, 15 novembre 2018, 17/06338


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 4

ARRÊT DU 15/11/2018



BAUX RURAUX





N° de MINUTE : 18/1256

N° RG : N° RG 17/06338 - N° Portalis DBVT-V-B7B-REAL

Jugement (N° 51-16-11) rendu le 28 Septembre 2017

par le tribunal paritaire des baux ruraux de Béthune

APPELANT



Monsieur [Z] [G]

né le [Date naissance 1] 1949 à [Localité 1] - de nationalité française

demeurant : [Adresse 1]



Représenté par

Me Jean-Philippe Verague, avocat au barreau d'Arras



INTIMÉ



Monsieur [H] [S]

né le [Date naissance 2] 1933 à [Localité 2] - de nationalité française

[Adresse 2]



Représenté p...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 4

ARRÊT DU 15/11/2018

BAUX RURAUX

N° de MINUTE : 18/1256

N° RG : N° RG 17/06338 - N° Portalis DBVT-V-B7B-REAL

Jugement (N° 51-16-11) rendu le 28 Septembre 2017

par le tribunal paritaire des baux ruraux de Béthune

APPELANT

Monsieur [Z] [G]

né le [Date naissance 1] 1949 à [Localité 1] - de nationalité française

demeurant : [Adresse 1]

Représenté par Me Jean-Philippe Verague, avocat au barreau d'Arras

INTIMÉ

Monsieur [H] [S]

né le [Date naissance 2] 1933 à [Localité 2] - de nationalité française

[Adresse 2]

Représenté par Me Philippe Meillier, avocat au barreau d'Arras

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Pascale Pelissero, président de chambre

Emilie Pecqueur, conseiller

Louise Theetten, conseiller

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Elodie Recloux

DÉBATS à l'audience publique du 13 Septembre 2018 après rapport oral de l'affaire par Pascale Pelissero

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 15 Novembre 2018 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Pascale Pelissero, président, et Julie Caron, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Par acte notarié du 20 février 1982, reçu par Maître [M], notaire à Lens, membre de la SCP « [M] », Monsieur [F] [E], agissant tant en son nom personnel qu'au nom et comme mandataire de Madame [M] [Y] et de Madame [U] [E], a consenti à Monsieur [Z] [G] et à Madame [N] [D], son épouse, un bail à ferme portant sur diverses parcelles sises Commune de [Localité 3] pour la première d'une superficie de 2 ha 94 a 50 centiares, cadastrée section [Cadastre 1] lieu-dit « [Localité 4] », pour la deuxième d'une superficie de 2 ha 94 a, cadastrée section [Cadastre 2] même lieu-dit, pour la troisième d'une superficie de 6 a 80 centiares, cadastrée section [Cadastre 3], même lieu-dit, pour la quatrième d'une superficie de 4 ha 30 arrêt 22 centiares apprendre dans une parcelle cadastrée section [Cadastre 4] pour 13 ha 21 a 60 centiares, même lieu-dit.

Ce bail était consenti pour une durée de 18 années entières et consécutives ayant commencé à courir le 1er octobre 1981 puis s'est tacitement renouvelé par périodes de neuf années, le 1er octobre 1999, puis le 1er octobre 2008 à échéance du 30 septembre 2017.

Monsieur [H] [S] est devenu propriétaire des parcelles cadastrées [Cadastre 1] et [Cadastre 3], suivant acte notarié du 21 octobre 1997.

Monsieur [Z] [G], né le [Date naissance 1] 1949, envisageant de faire valoir ses droits à retraite, a sollicité de ses bailleurs l'autorisation de céder à ses deux filles, à titre de copreneurs et avec effet au 31 décembre 2016 l, le droit au bail détenu sur les parcelles louées. Monsieur [H] [S] n'a pas consenti à cette cession.

Par requête du 8 août 2016, adressée au greffe du tribunal paritaire des baux ruraux de Béthune par lettre recommandée avec accusé de réception signé le 10 août 2016, Monsieur [Z] [G] a sollicité que soit appelé en conciliation devant cette juridiction Monsieur [H] [S] aux fins, sous le visa des dispositions de l'article L 411-35 du code rural, de se voir autoriser à céder le droit au bail sur les parcelles cadastrées [Cadastre 1] et [Cadastre 3] au profit de ses deux filles, Madame [E] [G] et de Madame [A] [G], à titre de co preneurs à effet du 31 décembre 2016. Il demandait en outre la condamnation de Monsieur [H] [S] à lui payer une somme de 1500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens.

La tentative de conciliation étant demeurée infructueuse, un procès-verbal de non-conciliation a été établi le 5 juillet 2016, renvoyant l'affaire à l'audience du tribunal paritaire des baux ruraux de Béthune du 29 septembre 2016.

Après plusieurs renvois à la demande des parties, l'affaire a été utilement appelée à l'audience du 12 septembre 2017.

Devant les premiers juges, Monsieur [Z] [G], représenté par son avocat, a maintenu ses demandes. Il a fait valoir qu'à l'époque de la vente des parcelles à Monsieur [H] [S], il n'avait pu exercer son droit de préemption et nié tout engagement verbal envers celui devenu son bailleur de renoncer à son droit au bail et notamment de le céder au moment de faire valoir ses droits à la retraite. Il a affirmé entendre transmettre son exploitation à ses deux filles, disposant chacune de la compétence agricole.

Il n'a pas contesté avoir mis à disposition les terres louées au profit de l'EARL [G] mais a prétendu avoir notifié cette mise à disposition à Monsieur [H] [S] même s'il ne pouvait produire la preuve de cette notification. Il a indiqué qu'en tout état de cause, le défaut de notification ne pouvait constituer un motif valable de refus de cession du droit au bail de la part du bailleur et qu'aucun autre manquement n'était invoqué de sorte qu'il devait être considéré preneur de bonne foi.

Monsieur [Z] [G] a argué de ce que ses filles remplissaient les conditions pour être cessionnaires du droit au bail rural ; que s'agissant pour elles, dotées d'une capacité agricole et d'une première installation à titre principal, l'opération ne se trouvait pas soumise au contrôle des structures ainsi que l'indiquaient les services de la préfecture ; qu'elles vivaient toutes les deux à moins de 20 km des terres agricoles concernées et percevaient des revenus bruts extra agricoles inférieurs à 29 900 euros par an ; que l'EARL [G] justifiait des immobilisations qu'elle détenait et qu'en devenant associées, ses filles, exerçant toutes deux une activités salariée extra agricole à temps partiel qui ne constituait pas un obstacle à l'exploitation des terres, disposeraient du matériel suffisant pour mettre celles-ci en valeur.

Monsieur [H] [S], comparant assisté de son avocat, a demandé le débouté de Monsieur [Z] [G] outre sa condamnation à lui payer la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Il a exposé qu'il était propriétaire de parcelles contiguës aux parcelles litigieuses qui recevaient un bois de haute futaie, qu'à l'époque de l'acquisition desdites parcelles dans l'intention de les boiser, Monsieur [Z] [G] s'était engagé verbalement à libérer les terres louées lorsqu'il ferait valoir ses droits à la retraite, qu'un autre exploitant agricole, Monsieur [P] [U] avait souscrit un engagement identique, qu'il n'aurait pas acheté les parcelles enclavées s'il n'avait pas obtenu l'accord du preneur de reprise des terres au moment du départ de celui-ci à la retraite.

Il a maintenu que la mise à disposition des terres louées à l'EARL [G] constituée le 1er mars 2015 ne lui avait pas été notifiée et que cette faute constitutive de mauvaise foi lui permettait de s'opposer à la cession du bail.

Il a également fait valoir que les cessionnaires ne présentaient pas les qualités requises par l'article L 411-59 du code rural et de la pêche maritime, qu'elles étaient pluriactives, que les avis d'imposition produit concernaient les revenus 2013 s'agissant de Madame [E] [G] et les revenus 2014 s'agissant de Madame [A] [G] alors que l'article R 331-2-II du code susvisé exigeait la production de l'avis d'imposition de l'année précédant celle au cours de laquelle devait intervenir l'installation, donc l'avis d'imposition sur le revenu relatif aux revenus de l'année 2016.

Il a ajouté que les filles du demandeur ne disposaient pas du temps nécessaire pour mettre en culture les parcelles louées, d'une surface de plus de 135 ha, dès lors qu'elles exerçaient une activité salariée extra agricole et percevaient un revenu annuel supérieur à 3120 fois le SMIC horaire annuel.

C'est dans ces conditions qu'a été rendu le 28 septembre 2017 le jugement entrepris aux termes duquel le tribunal paritaire des baux ruraux de Béthune a rejeté la demande formulée par Monsieur [Z] [G] afin d'être autorisé à céder le droit au bail détenu sur les parcelles situées à [Localité 3], cadastrées [Cadastre 1] et [Cadastre 3], en vertu d'un contrat de bail initialement conclu le 20 février 1982, au profit de Madame [E] [G] et de Madame [A] [G] épouse [W] en qualité de co preneurs, condamné Monsieur [Z] [G] à verser à Monsieur [H] [S] une somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens et dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Par déclaration du 26 octobre 2017 par courrier électronique de son avocat, Monsieur [Z] [G] a interjeté un appel total du jugement visant à l'annulation et/où à l'infirmation de celui-ci en ce qu'il avait rejeté sa demande de cession de droit au bail au profit de ses filles en qualité de co preneurs, l'avait condamné au paiement à Monsieur [H] [S] d'une somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

L'affaire a été appelée à l'audience du 31 mai 2018 puis a fait l'objet d'un renvoi contradictoire à l'audience du 13 septembre 2018 pour permettre aux avocats des parties et à leurs demandes d'échanger leurs écritures.

À l'audience du 13 septembre 2018, Monsieur [Z] [G] n'a pas comparu mais a été représenté par son avocat, Maître Jean-Philippe Verague, qui a plaidé en son nom au soutien de l'appel interjeté, développant et s'en rapportant expressément aux conclusions déposées et visées par le greffe à l'audience, aux termes desquelles, au visa des dispositions de l'article L 411-35 du code rural, il demande à la cour d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris, de l'autoriser à céder le droit au bail qu'il détient sur les parcelles objet de la requête à effet du 31 décembre 2016 au profit de Madame [E] [G] et de Madame [A] [G], à titre de co preneurs, de condamner Monsieur [H] [S] au paiement d'une somme de 3000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens.

Monsieur [H] [S] n'a pas comparu mais a été représenté par son avocat, Maître Philippe Meillier, qui a plaidé en son nom, développant et s'en rapportant expressément aux conclusions déposées et visées par le greffe à l'audience, aux termes desquelles il demande à la cour, au visa des dispositions des articles L 411-35 et L 411-37 du code rural et de la pêche maritime et de la jurisprudence, de dire et juger l'appelant recevable mais non fondé en son appel, en conséquence, de l'en débouter et de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, statuant à nouveau, de condamner Monsieur [Z] [G] à lui payer la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de la présente instance.

Pour l'exposé des moyens des parties, qui seront examinés dans les motifs de l'arrêt, il est en tant que de besoin expressément renvoyé aux conclusions susvisées.

Puis l'affaire a été mise en délibéré pour arrêt être rendu le 15 novembre 2018.

SUR CE

L'article L 411-35 du code rural et de la pêche maritime prohibe toute cession de bail, sous réserve des dispositions particulières aux baux cessibles hors du cadre familial et nonobstant les dispositions de l'article 1717 du Code civil, sauf si la cession est consentie, avec l'agrément du bailleur, au profit du conjoint ou du partenaire d'un pacte civil de solidarité du preneur participant à l'exploitation ou aux descendants du preneur ayant atteint l'âge de la majorité ou ayant été émancipés. À défaut d'agrément du bailleur, la cession peut être autorisée par le tribunal paritaire.

Ainsi que l'ont pertinemment rappelé les premiers juges, la cession de bail rural, pour être autorisée par la juridiction ne doit pas risquer de nuire aux intérêts légitimes du bailleur, ces intérêts étant appréciés au regard du comportement du preneur cédant, d'une part, et des conditions de mise en valeur de l'exploitation par les candidats cessionnaires.

S'agissant du comportement du preneur cédant

Reprenant les moyens développés devant les premiers juges, l'appelant conteste la mauvaise foi que lui prête l'intimé, qui serait selon celui-ci caractérisée par la violation des engagements pris lors de la régularisation de la vente ayant permis à Monsieur [H] [S] de devenir propriétaire des parcelles [Cadastre 1] et [Cadastre 3], d'une part, ainsi que par la carence de Monsieur [Z] [G] à lui notifier la mise à disposition des terres louées au profit de l'EARL [G] par application des dispositions de l'article L 411-37 du code rural et de la pêche maritime,d'autre part.

A) sur la violation alléguée des engagements pris lors de la régularisation de la vente

Monsieur [H] [S] fait valoir que le 21 octobre 1997, il a acquis la parcelle [Cadastre 1] louée à Monsieur [Z] [G] mais également la parcelle contiguë [Cadastre 5] louée à Monsieur [P] [U], ces deux parcelles constituant selon lui une sorte de « dent creuse » dans le bois dont il était déjà propriétaire. Monsieur [Z] [G] et Monsieur [P] [U] n'ayant pas entendu user de leur droit de préemption, Monsieur [H] [S] affirme que les deux preneurs s'étaient engagés à restituer les parcelles qu'ils exploitaient lorsqu'ils auraient atteint l'âge de la retraite.

Il verse aux débats une lettre dactylographiée ainsi rédigée : « je soussigné [U] [P], retraité exploitant agricole, demeurant [Adresse 3] déclare sur l'honneur que lors de la vente des parcelles appartenant à la famille [E], j'ai laissé mon droit de préemption au profit de Monsieur [S] pour la parcelle cadastrée [Cadastre 5] d'une superficie de 2 ha 27 a 50 ca que j'exploitais. À l'issue de cette vente, Monsieur [S] a alors déclaré verbalement qu'il me laissait exploiter cette parcelle jusqu'à ma retraite et qu' à l'issue, il envisageait un reboisement de ses parcelles qui sont enclavées dans son bois. Fait à [Localité 5], le 1er juin 2016 » suivi d'une signature manuscrite parfaitement lisible « [U] [P] ».

Il produit également une lettre non signée adressée par son notaire à Maître [P] , selon bordereau de communication de pièces, à l'appelant le 5 janvier 2016 qui écrit « lors de l'acquisition par Monsieur [H] [S] des parcelles que vous occupez, sises à [Localité 3], cadastrées section [Cadastre 1] et [Cadastre 3], la possibilité d'acquérir ces parcelles vous avait été offerte. Néanmoins, il semblerait qu'un accord entre Monsieur [S] et vous-même ait été trouvé de manière à ce que Monsieur [S] puisse réaliser ladite acquisition. Cet accord consistait à ce que vous puissiez exercer pendant quelques années, jusqu'à votre départ en retraite, date à laquelle vous deviez rendre libres lesdites parcelles, et non pas les céder, moyennant le paiement de votre fumure et arrière fumure. En conséquence, je ne peux que confirmer les propos de Monsieur [H] [S] contenu dans son courrier du 14 octobre. Pourriez-vous me faire part d'une proposition d'indemnisation concernant votre fumure et arrière fumure' » ainsi que la lettre datée du 14 octobre 2015 qu'il a adressé à Monsieur [Z] [G], qui en a accusé réception le 15 octobre 2015, dans laquelle il écrivait : « en 1982, lors de la vente des parcelles, que vous aviez en location à ce moment, notre accord était que vous me laissiez acheter celle-ci et en échange je vous les laisser dix ans en location, engagement que j'ai respecté. Aujourd'hui par votre courrier, vous me demandez une autorisation de cession du bail des parcelles au profit de votre fille Madame [A] [W]. Je ne peux répondre favorablement à votre demande et à ce jour notre accord devient donc caduc. La location des parcelles est terminée mais en contrepartie je m'engage à vous payer l'arrière fumure' ».

Monsieur [H] [S] indique que l'on ne voit pas qu'un accord ait été trouvé avec Monsieur [U] et qu'il ne l'ait pas été avec Monsieur [G] alors que manifestement et compte tenu de la situation des parcelles, selon plan de cadastre, l'accord passé avec Monsieur [U] n'avaient d'intérêt qu'à la condition que Monsieur [G] procède de même.

Il ajoute que si l'appelant l'avait voulu, il pouvait manifestement compte tenu de la taille de la parcelle et de celle de son exploitation en faire l'acquisition en qualité de preneur en place et s'insurge de ce que l'on qualifie ses propos de mensonger.

En réponse, Monsieur [Z] [G] déclare qu'il est mensonger de soutenir qu'il aurait pris des engagements lors de l'acquisition par l'intimé des parcelles [Cadastre 1] et [Cadastre 5] visant à restituer la parcelle [Cadastre 1] lorsqu'il aurait atteint l'âge légal de la retraite. Il affirme que le témoignage de Monsieur [P] [U], s'agissant d'un ami de Monsieur [H] [S], est de pure complaisance.

Il indique qu'il n'y a eu aucun engagement écrit de sa part, lequel ne pouvait d'ailleurs être pris à l'époque comme contrevenant à l'ordre public du statut du fermage, que les droits issus du bail se trouvent acquis à chaque renouvellement et qu'il n'aurait pu en 1997 renoncer à un droit qu'il n'avait pas encore acquis puisque le bail s'est depuis lors renouvelé.

*****

La cour observe en premier lieu que le «témoignage » de Monsieur [P] [U], qui ne remplit pas les conditions de forme de l'article 202 du code de procédure civile, ne relate que les conditions d'un accord qui serait intervenu entre Monsieur [S] et lui-même, et que sauf à admettre la constitution de preuves pour soi-même, ni la lettre non signée du notaire de Monsieur [H] [S], qui n'était pas le notaire ayant reçu l'acte de vente et la renonciation des preneurs de l'époque à faire valoir leurs droits de préemption, et qui, s'exprimant au conditionnel, rapporte les propos de l'appelant quant à l'existence d'un prétendu accord, ni la lettre rédigée par l'appelant lui-même, n'ont quelconque force probante. Il en résulte que la preuve d'un engagement de de Monsieur [Z] [G] n'est pas rapportée.

B) Sur le défaut d'information du bailleur de la mise à disposition des terres louées au profit de l'EARL [G]

Monsieur [H] [S] soutient que Monsieur [Z] [G] auraient commis une faute constitutive de mauvaise foi en s'abstenant de respecter l'obligation qui était la sienne de l'informer de la mise à disposition des terres au profit d'une société. Il explique que c'est à la lecture de la requête saisissant le tribunal paritaire des baux ruraux qu'il a appris que les terres louées avaient été mises à disposition de l'EARL [G]. Se rapprochant du tribunal de commerce, il a pu prendre connaissance des statuts de cette société constituée le 1er mars 2015.

Il fait observer que l'appelant a d'abord déclaré l'avoir informé et que malgré lettre officielle, du 1er décembre 2016 de son avocat à celui de Monsieur [Z] [G] demandant communication des justificatifs de cette information, il n'a jamais pu obtenir que soient produits aux débats le courrier adressé et l'accusé de réception correspondant. Il affirme que la mise à disposition des terres louées sans respect des dispositions de l'article L 411-37 du code rural et de la pêche maritime constitue une faute, elle-même constitutive de mauvaise foi.

Il fait valoir qu'il se prévaut d'une jurisprudence certes ancienne mais constante, que quand bien même la faute commise ne serait pas de nature à entraîner la résiliation du bail, ce qu'il ne sollicite pas, elle établit en revanche que Monsieur [Z] [G] ne s'est pas exécuté de ses obligations et doit donc être considéré comme de mauvaise foi, de sorte qu'il ne peut être autorisé à céder les droits qu'il détient du bail à ses filles.

Monsieur [Z] [G] considère cet argument infondé. Il affirme qu'une notification est intervenue, que même s'il n'est pas en mesure d'en justifier à défaut d'avoir retrouvé l'accusé de réception de la lettre recommandée adressée au bailleur, il ne s'agit pas là d'un motif de refus de cession. Il renvoie à cet égard la cour à la lecture d'un arrêt de cette cour (CA Douai 29 janvier 2009), plus récent que ceux évoqués par l'intimé, ayant jugé que le défaut de notification d'une mise à disposition des terres louées ne permet pas d'opposer un refus de cession de bail.

*****

Aux termes des dispositions de l'article L 411-37 du code rural et de la pêche maritime, sous réserve des dispositions de l'article L 411-39-1, à la condition d'en aviser le bailleur au plus tard dans les deux mois qui suivent la mise à disposition, par lettre recommandée, le preneur associé d'une société à objet principalement agricole peut mettre à la disposition de celle-ci, pour une durée qui ne peut excéder celle pendant laquelle il reste titulaire du bail, tout ou partie des biens dont il est locataire, sans que cette opération puisse donner lieu à l'attribution de parts. Cette société doit être dotée de la personnalité morale, ou s'il s'agit d'une société en participation, être régie par des statuts établis par un acte ayant acquis date certaine . Son capital doit être majoritairement détenu par des personnes physiques.

L'avis adressé au bailleur mentionne le nom de la société, le tribunal de commerce auprès duquel la société est immatriculée et les parcelles que le preneur met à sa disposition. Le preneur avise le bailleur dans les mêmes formes du fait qu'il cesse de mettre le bien loué à la disposition de la société ainsi que de tout changement intervenus dans les éléments énumérés ci-dessus. Cet avis doit être adressé dans les deux mois consécutifs au changement de situation.

Le bail ne peut être résilié que si le preneur n'a pas communiqué les informations prévues à l'alinéa précédent dans un délai d'un an après mise à demeure par le bailleur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception . La résiliation n'est toutefois pas encourue si les omissions ou irrégularités constatées n'ont pas été de nature à induire le bailleur en erreur.

Il ressort de la lecture des pièces produites par les parties, qu'à la date du 1er mars 2015 ont été signés les statuts de l'EARL [G], (pièce 10 de l'appelant ),ayant à l'époque pour associé unique Monsieur [Z] [G] assumant la fonction de gérant.

Selon extrait K bis (pièce 2 de l'intimé), cette société civile est inscrite au registre du commerce et des sociétés du tribunal de commerce d'Arras depuis le 27 avril 2015 avec une date de commencement d'activité au 1er mars 2015.

Il n'est pas contesté par Monsieur [Z] [G] qu'il a mis à disposition de cette EARL les parcelles, objet du litige,dès après la constitution de celle-ci.

Il lui appartenait, en qualité de preneur, d'en aviser le bailleur, dans les deux mois suivant la mise à disposition et dans le respect des formes édictées par l'article L 411-37 du code rural et de la pêche maritime ci-dessus rappelées. Si Monsieur [Z] [G] soutient avoir procédé à cet avis, il est dans l'incapacité d'en justifier, malgré courrier officiel entre avocats, alors que Monsieur [H] [S] soutient n'avoir été informé de cette mise à disposition qu'à l'occasion de la requête saisissant le 8 août 2016 le tribunal paritaire des baux ruraux.

La charge de la preuve de ce qu'il a satisfait à son obligation incombe à Monsieur [Z] [G]. Il ne peut qu'être constaté que cette preuve n'est pas rapportée et il doit être considéré en conséquence que le preneur n'a pas satisfait à son obligation. Il est indifférent de s'attacher à rechercher, comme l'ont fait les premiers juges, si cette carence du preneur est de nature ou non à lui faire encourir la résiliation du bail dès lors que le litige est circonscrit à la demande de cession de bail formée par le preneur.

La cour estime, infirmant le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté ce moyen, que le manquement par le preneur à son obligation d'information du bailleur de la mise à disposition des biens loués à une société à objet agricole dans les délais et formes édictées par le code rural et de la pêche maritime constitue un manquement grave aux obligations nées du bail, qu'il ne peut en conséquence revendiquer la qualité de preneur de bonne foi et qu'il serait contraire aux intérêts légitimes du bailleur, sans qu'il y ait lieu à examen des qualités des potentielles cessionnaires, d'autoriser Monsieur [Z] [G] à céder le bail dont s'agit.

En conséquence, procédant par substitution de motifs, la Cour confirmera le jugement rendu le 28 septembre 2017 par le tribunal paritaire des baux ruraux de Béthune en ce qu'il a rejeté la demande formée par Monsieur [Z] [G], afin d'être autorisé à céder le droit au bail qu'il détient sur les parcelles cadastrées [Cadastre 1] et [Cadastre 3], terroir de [Localité 3], en vertu du contrat de bail initialement conclu le 20 février 1982, au profit de Madame [E] [G] et de Madame [A] [G] épouse [W] en qualité de co preneurs.

Statuant en équité, la cour confirmera le jugement entrepris en ce qu'il a condamné [Z] [G] à verser à Monsieur [H] [S] une somme de 1000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Sur le même fondement, et pour le même motif, ajoutant à la décision critiquée, la cour déboutera l'appelant de sa demande de ce chef et le condamnera à payer à l'intimé une somme complémentaire de 2000 euros au titre des frais irrépétibles par lui exposés à hauteur d'appel.

Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné [Z] [G], partie perdante, aux dépens de première instance. Y ajoutant, la cour condamnera l'appelant, qui succombe en l'exercice de sa voix de recours, aux dépens d'appel.

Par ces motifs

La cour, statuant contradictoirement, par arrêt mis à disposition,

Confirme le jugement rendu le 28 septembre 2017 par le tribunal paritaire des baux ruraux de Béthune en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne [Z] [G] à payer à Monsieur [H] [S] une somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles exposés par lui à hauteur d'appel,

Déboute les parties de leurs autres ou plus amples demandes,

Condamne [Z] [G] aux dépens d'appel.

Le greffier,Le président,

J. CaronP. Pelissero


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 8 section 4
Numéro d'arrêt : 17/06338
Date de la décision : 15/11/2018

Références :

Cour d'appel de Douai 84, arrêt n°17/06338 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-11-15;17.06338 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award