République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
TROISIEME CHAMBRE
ARRÊT DU 08/11/2018
N° de MINUTE : 18/428
N° RG : 17/05380 - N° Portalis DBVT-V-B7B-Q7DZ
Jugement (N° 14/02184) rendu le 21 Avril 2017 par le tribunal de grande instance de Lille
APPELANTS
Monsieur Michel X...
né le [...] à Roubaix (59100)
de nationalité française
[...]
Madame Liliane Y... épouse X...
née le [...] à Lille (59000)
de nationalité française
[...]
Représentés par Me Brigitte Z..., avocate au barreau de Douai constituée aux lieu et place de Me Roger A..., avocat au barreau de Douai
INTIMÉES
SARL Nouvelle Haris J... prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
port de Marina baie des Anges Le Ducal
[...]
Représentée par Me Bertrand B..., avocat au barreau de Douai
SARL Bleumer
port de Marina baie des Anges
[...]
Représentée par Me Pierre C..., avocat au barreau de Lille substitué de Me D..., avocat au barreau de Lille
Société E... S... prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés [...]
Société Ace European Group Limited, société de droit allemand, prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
Lothar T... 10
[...]
Représentées par Me François F..., avocat au barreau de Douai constitué aux lieu et place de Me Eric G..., avocat au barreau de Douai et de Me Christophe H..., avocat au barreau de Marseille
SA CM-CIC Bail
[...]
Représentée par Me Isabelle U..., avocat au barreau de Lille et de Me Alain I..., avocat au barreau de Nantes
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
Hélène Château, première présidente de chambre
Benoît Pety, conseiller
Claire Bertin, conseillère
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GREFFIÈRE LORS DES DÉBATS : Fabienne Dufossé
DÉBATS à l'audience publique du 13 Septembre 2018 après rapport oral de l'affaire par Benoît Pety
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 08 Novembre 2018 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Hélène Château, présidente, et Fabienne Dufossé, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 11 septembre 2018
M. et Mme X... ont passé commande courant 2009 auprès de la société Haris J... d'un voilier de type course-croisière, modèle ELAN 450.
Ils ont souscrit une police d'assurance auprès de la société ACE European Group Limited par l'intermédiaire d'un courtier, la société E... (agence de Monaco).
Le voilier construit en Slovénie devait être livré sur un chantier naval dénommé société Jahtni Center Izola, l'obligation de délivrance comprenant le transport, la préparation, la mise à l'eau et le réglage du bateau.
C'est alors que le voilier se trouvait dans le chantier d'Izola, sur un ber (socle métallique), que l'étayage a cédé le 5 septembre 2009.
Le bateau est lourdement tombé sur le sol, latéralement, ce qui a endommagé la coque, le ber ayant transpercé celle-ci.
Diverses expertises amiables ont eu lieu sur place.
Ne parvenant pas à obtenir de proposition indemnitaire sérieuse de la part du courtier d'assurance, les époux X... ont sollicité et obtenu en référé la désignation de M. K... en qualité d'expert judiciaire, lequel a déposé son rapport le 2 septembre 2013.
Il est précisé que le bateau avait été intégralement payé, pour moitié par la SA CM-CIC bail, pour l'autre par les époux X....
Au vu des conclusions de l'expert K..., les époux X... ont engagé une instance devant le tribunal de grande instance de Lille aux fins d'être indemnisés intégralement de leur préjudice, arguant du fait que la société Haris J... avait manifestement failli à son obligation de délivrance du bien commandé, bien qui doit être conforme à sa destination, ce qui ne s'avère plus possible depuis le sinistre compte tenu des dégâts occasionnés au voilier.
Par jugement du 21 avril 2017, le tribunal de grande instance de Lille a notamment condamné la société ACE European Group Limited (agence de Francfort) à verser aux époux X..., en exécution de la garantie souscrite, la somme de 328'510,59 euros au titre des dommages matériels subis, outre 75'000 euros de dommages et intérêts en réparation des dommages immatériels.
Le tribunal condamnait aussi la société Bleumer à rembourser aux époux demandeurs la somme de 18'500 euros au titre de la commande des voiles, M. et Mme X... étant déboutés de leur action dirigée contre la société E... ainsi que de celle à l'encontre de la société Haris Yahchting au titre de leurs dommages immatériels.
Cette société Haris J... et la SA CM-CIC Bail étaient déboutées de leurs demandes reconventionnelles contre ACE et la société E....
Les premiers juges fixaient une indemnité de procédure de 15'000 euros au profit des demandeurs.
Les époux X... ont interjeté appel de ce jugement. Ils entendent poursuivre devant la cour':
1/ la résolution de la vente et la condamnation de Haris J... à leur restituer le prix du voilier, soit 393'666,45 euros, outre 582'210,76 euros en réparation de leur préjudice de jouissance comme des droits annuels de navigation payés inutilement entre le 5 septembre 2009 et le 4 septembre 2014, outre 94'150 euros par an à compter du 5 septembre 2014, sans omettre 19'222,08 euros par an de gardiennage jusqu'au transfert de la priorité de l'épave à l'assureur.
2/ Envers ACE et le courtier E..., ils s'opposent à toute nullité de l'expertise judiciaire et, au vu de la police d'assurance qui mentionne en cas de perte totale comme en l'occurrence une indemnisation en valeur agréée sur la base du montant figurant dans la police, soit 400'000 euros, ils sollicitent donc la condamnation de l'assureur et du courtier, in solidum avec Haris J..., au paiement de la somme de 582'210,76 euros en réparation des préjudices immatériels, outre 96'150 euros à compter du 5 septembre 2014, et les frais de gardiennage.
3/ A l'égard de la société Bleumer, ils maintiennent leur demande en paiement de la somme de 18'500 euros.
Le fondement juridique de leur action en résolution est l'article 1604 du code civil ainsi que l'article L. 211-13 ancien du code de la consommation devenu l'article L. 217-13.
Invoquant les conclusions de l'expert judiciaire, ils exposent que le voilier, avant sa délivrance et alors qu'il était sous la responsabilité du sous-traitant de la société Haris J..., a été entièrement détruit par sa chute et qu'il n'est pas réparable. Et même s'il l'était, ce qui engagerait des dépenses d'un montant supérieur au prix d'achat du bien, il ne présenterait plus les mêmes caractéristiques, sa conformité à la commande n'étant plus acquise. Dès lors, la résolution de la vente initiale s'impose, faute de délivrance conforme.
Ils précisent qu'il ne s'agit pas là d'une prétention nouvelle dès lors que les demandes en première instance et celles en appel poursuivent les mêmes fins.
Relativement à l'exécution de la police d'assurance signée le 24 août 2009 avec ACE par l'intermédiaire du courtier E..., il ne fait aucun doute pour les époux X... que ce contrat qui a pris effet le 20 août 2009 était en cours au jour du sinistre. C'est d'ailleurs ce qu'ont retenu les premiers juges.
Si ACE entend pour la première fois en cause d'appel soulever la nullité de l'expertise judiciaire, les époux X... considèrent qu'il s'agit là d'un moyen irrecevable. Ni le juge de la mise en état ni le magistrat chargé de la mise en état n'ont été saisis de cette exception, laquelle doit être soulevée avant toute défense au fond (article 175 du code de procédure civile).
En toute hypothèse, cette demande de nullité de l'expertise n'est pas fondée. Il n'est pas allégué par l'assureur que l'expert se serait montré partial au cours de ses diligences ou qu'il aurait méconnu le principe du contradictoire.
Si ACE soutient que ni eux (les époux X...) ni CM-CIC Bail n'étaient propriétaires du bateau lors du sinistre, ce qui est contesté, les époux demandeurs énoncent que la propriété du bien en matière d'assurance dommages n'est pas une condition de validité de l'assurance. Pour preuve, ACE a formulé des offres d'indemnisation, toutefois insuffisantes (138'500 euros HT, ce qui ne correspond même pas à la moitié du prix d'achat). Le propriétaire du bateau sorti d'usine est CM-CIC Bail, bailleur, les époux X... étant locataires. C'est à tort et de mauvaise foi selon les demandeurs que l'assureur prétend que la société ELAN était encore propriétaire du navire au moment du sinistre. Le navire était payé à 50 % par les époux X..., le reste étant financé par l'organisme de crédit dans le cadre d'une location de longue durée avec option d'achat. La totalité du prix a été payée à l'usine avant même que le navire ne sorte du chantier. La coque était identifiée, l'accord sur la chose et le prix était acquis. Le transfert de propriété a bien eu lieu entre l'usine et l'organisme de crédit. La formalité de francisation est indifférente, cela n'a rien à voir avec le transfert de propriété. C'est une simple formalité douanière qui confère au navire le droit de porter pavillon de la République française. C'est donc un titre de navigation, pas de propriété.
Sur leurs préjudices, les époux X... rappellent qu'ACE offre 138'500 euros au titre du préjudice matériel pour un bateau facturé au prix de 360'460 euros.
Les demandeurs sollicitent pour le préjudice matériel la somme de 393'666,45 euros. Contrairement à ce qu'ont décidé les premiers juges, il n'y a pas lieu d'en déduire diverses sommes.
S'agissant d'une perte totale comme cela est reconnu par le constructeur, le contrat d'assurance préconise une indemnisation en valeur agréée, soit 400'000 euros, ce qui s'impose aux parties. ACE deviendra propriétaire de l'épave et aucune déduction n'est à ce titre justifiée.
Il faut au contraire ajouter les frais bancaires pour 7'941,87 euros, outre deux factures de transport de matériels pour 1'086,32 euros, ce qui a manifestement échappé à l'expert.
Il faut aussi ajouter le préjudice immatériel, ce que l'expert judiciaire a retenu dans son rapport. Les demandeurs, retraités, pouvaient espérer profiter de leur voilier au moins six mois par an. Il est demandé 96'150 euros par an au titre du préjudice de jouissance et 19'222,08 euros au titre des frais de gardiennage, soit un total de 582'210,76 euros jusqu'au 5 octobre 2014.
Les époux X... entendent encore engager la responsabilité du courtier d'assurance E..., débiteur d'un devoir de conseil et d'assistance à ses clients. Or, ce courtier a adopté tout au long du dossier la position de l'assureur ACE contre les assurés. Il est donc justifié que le courtier supporte in solidum avec l'assureur le règlement indemnitaire du préjudice immatériel.
Quant à la société Bleumer, laquelle fait partie du groupe Haris J... aux dires des époux X..., il est justifié comme l'ont décidé les premiers juges qu'elle règle 18'500 euros au titre des voiles payées mais non restituées, outre 20'000 euros de dommages et intérêts pour ses agissements fautifs et sa mauvaise foi. Cette société a facturé aux époux X... 30'419,23 euros TTC de voiles et d'accessoires. Elle avait initialement pour mission de préparer et de livrer le bateau. Elle en a ensuite été déchargée au profit d'une société slovène. Pour autant, les voiles n'ont jamais été livrées sur le chantier Izola en Slovénie. Bleumer les a conservées.
La S.A.R.L. nouvelle Haris J... demande à la cour de déclarer irrecevables comme nouvelles en cause d'appel mais aussi prescrites les demandes des époux X... en restitution du prix de vente et aux fins de résolution de la vente pour manquement à l'obligation de délivrance conforme, aucune de ces prétentions n'étant en toute hypothèse fondée.
Elle s'oppose aussi aux demandes d'ACE et de E... et sollicite la confirmation du jugement déféré. A titre subsidiaire, la société Haris J... invoque la garantie d'ACE et du courtier d'assurance. Elle demande aussi la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il limite à 75'000 euros la réparation du préjudice immatériel des époux X....
La société Haris J... expose qu'au moment du sinistre, elle n'était plus propriétaire du navire ni gardienne des risques. Le sinistre est de la seule responsabilité de la société Jahtni Center Izola, chantier naval slovène. Le jugement du tribunal de grande instance de Lille est sur ce point non équivoque puisqu'il n'entre en voie de condamnation qu'à l'encontre de l'assureur ACE.
Pour la première fois en cause d'appel, les époux X... entendent voir prononcer la résolution de la vente et obtenir la restitution du prix d'acquisition du bateau, ce qui est irrecevable au sens de l'article 564 du code de procédure civile.
En toute hypothèse, la société Haris J... réfute toute responsabilité. Cela est admis par les époux X... qui, en page 39 de leurs écritures, reconnaissent que le sinistre est survenu après livraison effective du bateau et transfert de la propriété. Le voilier a été livré le 21 août 2009 sur le site du chantier naval Jahtni Center Izola (voir la lettre de voiture internationale). La responsabilité de Haris J... s'arrête à la signature de ce document. Cette livraison a emporté transfert de la propriété mais aussi des risques à l'acheteur. La prise d'effets de la police d'assurance au 20 août 2009 le confirme. Le voilier a en outre fait l'objet d'un acte de francisation le 24 août 2009. Les époux X... ont ensuite confié à la société NAYS J... ou à la société Jahtni Center Izola des travaux de préparation du bateau mais aucune n'a agi comme sous-traitante de la société Haris J.... Postérieurement au 21 août 2009, M. X... n'a plus rien commandé à cette dernière et il a géré lui-même la préparation de son bateau, à commencer par la commande des voiles. L'acte de francisation établi le 24 août 2009 mentionne comme propriétaire la banque CM-CIC Bail et comme locataires les époux X.... Il est donc erroné de soutenir comme le font l'assureur ACE et le courtier E... que la société Haris J... aurait conservé la garde de la chose et donc des risques jusqu'à la mise à l'eau du voilier, ce qui devait intervenir le 5 septembre 2009 une fois la préparation terminée. L'acte de vente ne mentionne aucune stipulation particulière sur un éventuel report des risques sur l'acheteur. L'offre de reprise à 120'000 euros émise après sinistre par Haris J... n'avait qu'un caractère purement commercial. Cette offre n'a du reste pas été acceptée.
La demande de résolution de la vente par les époux X... est par ailleurs vouée à l'échec selon Haris J.... Cette action est prescrite (5 ans à compter de la livraison du 21 août 2009). La demande de restitution du prix comme celle aux fins de résolution de la vente sont évoquées par les époux X... pour la première fois dans leurs écritures des 28 novembre 2017 et 28 juin 2018. Ces demandes sont irrecevables également en ce que les époux X... sont locataires du voilier et ils n'ont aucune qualité pour poursuivre la résolution de la vente. Ces demandes sont infondées car Haris J... a bien livré le 21 août 2009 un bien conforme assorti de son accessoire, l'acte de francisation. Les époux X... ont pris livraison du bateau sans aucune réserve.
A titre subsidiaire, la société Haris J... sollicite la garantie tant de l'assureur ACE que du courtier d'assurance E.... ACE admet dans ses écritures de première instance que Haris J... n'est plus le propriétaire du voilier au jour du sinistre. L'assureur soutient pourtant que le transfert des risques à l'acheteur ne serait pas intervenu, ce qui est surprenant. La question des essais du navire est indifférente et c'est bien M. X... qui a pris possession du voilier pour le confier au chantier naval slovène.
La société ACE European Group Limited et la S... E... demandent à la cour de réformer le jugement déféré. Elles sollicitent':
- l'annulation du rapport d'expertise judiciaire,
- le constat de l'absence de toute cause et de tout objet de la police d'assurance, faute de risque transférable à l'assureur, ce contrat étant nul de sorte que l'assureur ne peut être tenu de garantir et d'indemniser, sauf à maintenir son offre spontanée de restitution de la prime,
- si la vente était par impossible confirmée, l'inopposabilité de cette vente à l'assureur comme au courtier et l'absence de transfert des risques à l'assureur, le contrat d'assurance étant sans cause licite ni objet, d'où sa nullité, les parties adverses devant être déboutées de leurs prétentions,
- le constat de l'absence de toute qualité d'assureur de E... pour défendre la garantie,
A titre subsidiaire,
- la limitation de la réparation des dommages des demandeurs aux seuls dommages matériels directs et déterminables, soit au principal 41'250 euros valeur d'épave de 70'000 euros de la coque déduite, sinon 258'510,59 euros valeur d'épave de 70'000 euros de la coque déduite,
- le rejet de toutes demandes indemnitaires du chef des pertes de jouissance, sinon en le cantonnant à la seule perte de chance de naviguer avec le voilier, ce qui devra être mis à la charge d'Haris J...,
- le constat que la société Haris J... n'est pas bénéficiaire de la police d'assurance et le rejet en conséquence de ses demandes contre l'assureur et le courtier,
- le bien fondé de leur recours subrogatoire contre Haris J..., dernier dépositaire et gardien du navire, société qui leur doit sa garantie,
A titre très subsidiaire,
- le constat de ce que les époux X... ont négligé d'appeler en la cause la société Jahtni Center Izola, ce qui prive l'assureur et le courtier de tout recours subrogatoire contre cette personne morale.
ACE et le courtier d'assurance E..., qui concluent à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société CM-CIC Bail de toutes ses demandes à leur encontre, exposent que':
1/ le rapport d'expertise judiciaire de M. K... doit être annulé. Il s'agit d'une défense au fond et non d'une exception de procédure. L'expert a confirmé le caractère techniquement réparable du voilier sans en quantifier les travaux. Il n'est donc pas acquis que la réparation du sinistre excéderait le coût à neuf. Il a délibérément écarté le référentiel français pourtant invoqué par les parties et retenu le seul référentiel européen en prenant une position juridique tranchée et par ailleurs erronée. Sans avoir été réparé, le bateau a été revendu après sinistre avec son nom ELAN 450. Il a pu être francisé à nouveau et remis en circulation dans l'UE sans réserve. Aucune nouvelle certification CE n'a été utile. Tout ceci démontre que la perte certaine et définitive de la conformité réglementaire CE du bateau n'a jamais eu lieu. M. K... a donc rendu un avis juridique au demeurant erroné et donc partial. Son rapport est doublement nul,
2/ la demande de résolution de la vente du bateau telle que formée par les époux X... ne peut qu'ajouter au bien-fondé de la demande de l'assureur d'infirmer le jugement. La résolution de la vente doit prendre effet au 7 mai 2009, date de l'accord des parties sur la chose et le prix. Le bateau doit retourner dans le patrimoine d'Haris J... et le prix de 393'666,45 euros être restitué aux acquéreurs. Les risques pèsent sur Haris J... depuis son acquisition de Yacht Diffusion le 21 août 2009 jusqu'au sinistre du 5 septembre suivant. L'intérêt pour les époux X... de souscrire une police d'assurance fait donc défaut, faute de risque à garantir,
3/ le courtier d'assurance E... a fait diligence dès le sinistre pour missionner sur le site du chantier naval slovène M. L... qui tiendra trois réunions d'expertise en présence de toutes les parties. L'agence de courtage recherchera en outre une solution amiable et elle ne fuira en rien ses responsabilités. Aucune faute ne peut lui être reprochée. Le retard pris dans ce dossier n'est que la conséquence de la persistance du conflit entre les acquéreurs dont CM-CIC Bail et Haris J...,
4/ la proposition indemnitaire de 111'250 euros émise par l'assureur repose sur des devis sérieux de spécialistes recueillis par M. L....
La SA CM-CIC Bail demande à la cour de':
- rejeter la demande de nullité du rapport d'expertise judiciaire,
- constater la vacuité de la proposition de réparation adressée par E... au bailleur,
- réformer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts de CM-CIC Bail et condamner in solidum ACE et E... à lui verser à ce titre 20'000 euros en réparation du dommage subi suite à l'inexécution du contrat d'assurance,
pour le surplus, confirmer la décision entreprise.
Pour le bailleur, la demande d'annulation du rapport d'expertise présentée pour la première fois en cause d'appel par l'assureur et le courtier n'est pas justifiée. Le texte que ces derniers visent et citent a été modifié depuis sa publication. Il n'est donc plus applicable en l'état compte tenu de la date de fabrication du voilier litigieux. En toute hypothèse, tout navire objet d'un marquage CE n'est pas soumis à la réglementation française sur la construction des navires de plaisance de série. Les développements d'ACE et de E... à ce sujet sont donc sans objet. Au demeurant, l'ampleur des travaux de réparation du voilier litigieux ne pouvait que remettre en cause sa certification. En outre, la facture émise le 24 juin 2009 pouvait parfaitement servir à une demande de francisation du bateau pour rendre la propriété du navire opposable aux tiers. Au jour du sinistre, la situation était régulière entre les parties': le navire objet du crédit-bail était la propriété de CM-CIC Bail jusqu'à la levée de l'option d'achat et il devait se trouver sous pavillon français. Enfin, ACE et E... entretiennent une confusion entre modification et réparation pour en tirer des conclusions erronées sur le rôle des autorités françaises (Douanes ou Affaires Maritimes) pour le titre de navigation et le constructeur ELAN Marine pour le processus de certification et la délivrance ou le maintien de la déclaration écrite de conformité.
Le courtier E... n'a manifestement pas été à la hauteur de ses devoirs puisqu'il a proposé une indemnité de 111'250 euros seulement et reproché aux acquéreurs d'avoir négligé de préserver l'intégralité du recours contre le chantier naval slovène, reproche qualifié de déloyal par le bailleur.
La S.A.R.L. Bleumer demande à la cour de réformer le jugement entrepris en ce qu'il la condamne à verser 18'500 euros aux époux X... au titre des voiles non livrées, les demandeurs devant non seulement être déboutés de leur prétention mais ils doivent être condamnés à lui verser la somme de 3'643,28 euros en remboursement des droits de douane, outre un provision de 4'000 euros à valoir sur le coût définitif du gardiennage des voiles, sans préjudice d'une indemnité de procédure de 3'000 euros.
La société Bleumer rappelle que les époux X... ont directement passé commande des voiles litigieuses auprès du fournisseur, la société North Sails à Cape Town, et ce par le biais de la société Carrel Automation que dirige M. X.... Comme ils ne voulaient pas régler de TVA sur cet achat, ils ont fait transiter le paiement par la société Bleumer qui devait recevoir les voiles à Antibes en vue d'une exportation en Slovénie. Sur instruction des époux X..., la société Bleumer a versé à North Sails la somme de 17'590 euros au titre des voiles.
Par la suite, Bleumer a été déchargée de la préparation du voilier au profit du chantier naval slovène. Les voiles ont été directement livrées en Slovénie sans passer par Bleumer. Elles devaient être récupérées par les époux X.... Suite au sinistre, ces derniers ont refusé de les réceptionner. De fait, les voiles ont été rapatriées en France et stockées dans les locaux de la société Bleumer où elles se trouvent depuis fin octobre 2009. Si la société Bleumer a été remboursée par les époux X... des frais de transport, elle n'a jamais été remboursée des droits de douane qu'elle a acquittés à raison de 3'643,28 euros. Si un acquéreur a été trouvé par les époux X... en la personne de M. M... pour acheter les voiles, ce dernier ne s'est jamais présenté.
La société Bleumer, qui n'est pas propriétaire des voiles et qui n'a rien à voir avec le sinistre du navire, n'a donc pas à rembourser une somme de 18'500 euros aux époux X....
L'instruction du dossier a été clôturée par ordonnance du 11 septembre 2018.
MOTIFS DE LA DÉCISION
- Sur la résolution demandée par les époux X... de la vente aux torts de la S.A.R.L. Nouvelle Haris J...':
Attendu que M. et Mme X..., estimant que la société Haris J... ne leur a pas vendu un navire conforme à la commande, sollicitent en cause d'appel la résolution de ce contrat aux torts de la personne morale avec toutes conséquences de droit, notamment quant à la restitution du prix et à l'indemnisation des préjudices matériel et immatériel';
Qu'il faut cependant au préalable circonscrire les relations contractuelles existant entre les parties au jour du sinistre, étant acquis le fait que le dommage a été provoqué par une rupture le 5 septembre 2009 d'un ber alors que le voilier était sur un quai dans l'enceinte du chantier naval Jahtni Center Izola en Slovénie, ce qui a notamment engendré une ouverture dans la coque et couché le bateau sur le flanc';
Qu'il est également établi que le voilier ELAN 450, commandé par les époux X... le 7 mai 2009 auprès de la S.A.R.L. Haris J..., a été l'objet le 19 août 2009 d'un procès-verbal de livraison et de prise en charge dûment signé par les parties, le matériel livré étant stipulé conforme à sa désignation et sans aucune réserve de propriété, l'acte de francisation ayant été dressé le 24 août suivant et le prix intégralement payé le 27 août 2009, M. et Mme X... en ayant versé la moitié, l'autre l'ayant été par la SA CM-CIC Bail à laquelle les époux X... étaient redevables en qualité de crédit-preneurs de 48 loyers mensuels, les locataires agissant à l'égard du constructeur en qualité de délégataires du bailleur';
Qu'il est encore acquis que, si initialement la S.A.R.L. Bleumer avait été chargée de la préparation du bateau et de sa mise en eau, la livraison du voilier en Slovénie avait imposé à cette fin le choix d'une entreprise slovène, la société Nays J..., la question toujours débattue devant la cour entre M. et Mme X... et la société Haris J... étant d'identifier les rapports de droit pouvant exister entre Haris J... et Nays J..., la première se disant totalement indépendante de la seconde qui n'est pas sa sous-traitante contrairement à ce qu'affirment les demandeurs';
Qu'à ce propos, s'il est exact que M. N... de la société Nays J... a adressé le 26 août 2009 à la société Haris J... une estimation du coût de la préparation du bateau au titre du matage, du quillage et de la pose d'une peinture anti-fouling pour le montant TTC de 4'212 euros, laquelle préparation était bien mentionnée dans le devis initial émis par la société Haris J... et facturée à la société CM-CIC Bail, ce qui expliquerait l'avoir finalement émis par l'importateur au profit des époux X..., cette circonstance n'est pas de nature à remettre en cause le procès-verbal de livraison précédemment évoqué ainsi que le paiement intégral du prix du voilier, M. X... ayant lui-même procédé au règlement entre les mains de la société Nays J... d'une somme de 6'055,20 euros correspondant à la facture des travaux de préparation du bateau'et de réalisation de travaux complémentaires, sans omettre plusieurs acomptes'pour un montant total de 8'000 euros ;
Qu'il s'ensuit que le bateau litigieux ayant été livré antérieurement au jour où est survenu le sinistre, cette avarie ne peut caractériser une inexécution par le vendeur de ses obligations, et notamment une non-conformité du bien aux caractéristiques de la commande, les époux demandeurs devant être déboutés de leurs prétentions dirigées contre la société Haris J... aux fins de résolution du contrat de vente comme d'indemnisation de leurs préjudices, la société Haris J... étant mise hors de cause';
Qu'il sera encore précisé sur cet aspect du litige, que si l'article L. 5113-6 du code des transports énonce que «'le transfert de la propriété n'intervient qu'à la date de la recette du navire, après essais'», ce qui suggère forcément une mise à flot et des essais satisfaisants après mise en eau, l'article précité précise cependant «'sauf convention contraire'», ce qui a été notifié aux époux X... sous forme d'avoir émis le 26 août 2009 par la société Haris J... pour la somme de 3'600 euros pour la préparation du bateau et sa mise à l'eau, cette prestation devant être réglée par les acquéreurs directement auprès du chantier naval slovène';
Qu'il s'ensuit que toutes les demandes de garantie dirigées par le fournisseur du voilier contre ACE European Group Limited et la S... E... sont sans objet comme l'ont décidé les premiers juges dont la décision sera à cet égard confirmée';
Que, par ailleurs, les prétentions formées par ACE et la société E... au titre de l'exercice de leur recours subrogatoire échouant contre la société Haris J... qui n'est pas responsable du sinistre du 5 septembre 2009, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté l'assureur et le courtier d'assurances de leurs demandes dirigées à ce titre contre le fournisseur du voilier';
- Sur la garantie d'ACE European Group Limited et la responsabilité du courtier d'assurances E...':
Attendu, en premier lieu, qu'il n'est contesté par aucune partie à l'instance que l'assureur ACE concerné par le présent litige est bien la compagnie dont le siège est [...] de sorte que la mise hors de cause de la société d'assurances ACE dont le siège est [...] doit être confirmée';
Attendu ensuite que, pour contester toute garantie due aux époux X..., la société ACE European Group limited énonce qu'aucun transfert des risques sur les assurés n'est intervenu puisque la société Haris J... ne pouvait vendre le 24 août 2009 un bateau dont elle n'était pas propriétaire, ce bien étant alors toujours la propriété du constructeur, la société ELAN';
Qu'il faut cependant rappeler, outre les conditions du transfert de la propriété telles que précédemment retenues en faveur de la société CM-CIC Bail puis des époux X... une fois levée l'option d'achat, que la société d'assurances défenderesse n'a pas été partie aux différentes cessions du voilier, ces rapports de droit lui étant extérieurs de sorte que c'est à bon droit que les premiers juges ont écarté purement et simplement ce moyen, étant ajouté que l'acte de francisation d'un bateau relève d'une formalité purement douanière et s'apparente à la délivrance d'un titre de navigation identifiant le propriétaire sans que cela constitue à lui seul un titre de propriété';
Que d'éventuelles irrégularités entachant selon l'assureur cet acte administratif ne peuvent utilement contrarier le transfert de la propriété du navire pas plus que celui des risques de l'assuré à l'assureur, la justification au demeurant de la nullité d'un tel acte n'étant pas rapportée';
Que, de surcroît, sur le débat introduit par l'assureur sur l'inachèvement des prestations de la société Haris J... faute de recette du bateau, ce qui s'entend d'une livraison du voilier une fois mis à flot et les essais réalisés de manière concluante, il sera rappelé comme précédemment développé que les parties sont convenues de confier les prestations de préparation du bateau et de mise en eau à une société slovène, ces travaux ne relevant donc plus de la société Haris J...';
Attendu, sur le rapport d'expertise judiciaire dont la société ACE European Group Limited demande l'annulation au visa de l'article 238 alinéa 3 du code de procédure civile en ce que M. K... aurait porté dans ses écrits des appréciations d'ordre juridique, qu'outre le fait que cette précédente disposition ne mentionne aucune sanction, il doit être relevé que la référence au droit communautaire que reproche ACE à l'expert judiciaire qui conclut à une perte de certification CE du voilier n'est pas davantage fondée';
Qu'en effet, la référence opérée par ACE à la «'Division 240'» pour rendre applicable en l'occurrence le seul référentiel français, loi du pavillon du bateau Augalau, est vaine en ce que la version de cette Division 240 applicable en l'occurrence précise que tout navire objet d'un marquage CE n'est pas soumis à la réglementation française sur la construction des navires de plaisance de série, les dispositions de l'article 240-1.06 mentionnées par l'assureur et traitant de la modification des navires n'ayant pas vocation à s'appliquer au présent voilier dont les dégâts commanderaient des travaux de réparation';
Que, sur la question des réparations d'ordre technique, outre l'avis repris par l'expert judiciaire selon lequel la société ELAN Marine, constructeur du bateau avarié, retirait sa garantie sur toutes les pièces endommagées dont la coque, la quille, les safrans, le mât et son accastillage, soit les ¿ du bateau, et que la certification O... Lloyd était également devenue inopérante suite à la gravité du sinistre, étant ajouté que les préconisations de réparation contenues dans les devis présentés pour la remise en état du voilier Augalau ont toutes été qualifiées de «'fausses'» par le constructeur ELAN, les entreprises auteurs de ces devis n'ayant pas son agrément alors que la société ELAN se disait du reste elle-même incapable de procéder aux réparations, force est de constater que le caractère irréparable du bateau tel que repris par M. K... en conclusion de son rapport n'est pas sérieusement discutable';
Que tel a toujours été au demeurant l'avis du constructeur, la remise en état du bateau à l'identique s'avérant impossible de sorte qu'il faut effectivement parler d'une perte totale';
Attendu, sur la garantie due par ACE European Group Limited aux époux X..., que la question d'une nullité du contrat d'assurance pour absence d'objet ou de cause ne peut utilement prospérer dès lors qu'il a été retenu que la propriété du voilier Augalau avait bien été transmise à la société CM-CIC Bail le 19 août 2009, ce transfert de la propriété s'accompagnant de celui des risques liés au bateau, la circonstance que les époux X..., alors locataires du bien, contractent une police d'assurance avec effet au 20 août 2009 se justifiant parfaitement au vu des circonstances précédemment explicitées';
Que le moyen tiré de la nullité de la police d'assurance faute de risque à garantir est en conséquence écarté';
Attendu, sur la garantie due par ACE, que la lecture des conditions générales de la police Multirisques Plaisance E... enseigne en':
3. Risques assurés': que «'l'assureur garantit les pertes et dommages subis par le navire assuré par suite de naufrage, échouement, abordage, heurt ou collision avec un corps fixe, mobile ou flottant, incendie, explosion, foudre, cyclone, fortune de mer, et plus généralement de tout accident en navigation, séjour à flot ou à terre, pendant les opérations d'entretien, de réparation, de mise à terre et de mise à l'eau, ainsi que lors du séjour en chantier naval. Sont également garantis les bris de mâts et d'espars, ainsi que la rupture des man'uvres courantes et dormantes. [---]'»';
8. Valeur assurée': que «'la valeur assurée est la valeur à neuf (prix d'achat d'objets neufs en remplacement équivalent). Le montant maximum assuré stipulé dans la police d'assurance est la valeur agréée entre les parties'»';
9.1. «'En cas de perte totale ou de perte réputée totale (coûts de remise en état supérieurs à la valeur agréée), la valeur agréée est remboursée conformément à l'article 8'»';
9.2. «'Est également réputée perte totale l'inaptitude à la réparation, c'est-à -dire lorsque la réparation du navire est impossible ou lorsqu'elle ne peut être effectuée là où le navire se trouve et qu'il n'est pas possible non plus d'amener celui-ci dans le port où la réparation devrait être effectuée. L'assuré est tenu d'informer l'assureur sans délai de toutes les circonstances dont découle l'inaptitude à réparation, ainsi que des possibilités de sauvetage du navire inapte à la réparation. L'assureur doit alors indiquer immédiatement à l'assuré de quelle manière le sauvetage doit avoir lieu'»';
9.3. En cas de dommage partiel, les frais de remise en état sont intégralement remboursés sur la base «'neuf pour vieux'» après déduction de sauvetages éventuels des pièces ou parties endommagées ou remplacées. L'assuré ne peut s'opposer à cette déduction en mettant à disposition de l'assureur les pièces ou parties endommagées ou remplacées'»';
Qu'en application de ces conditions générales, mais aussi des conditions particulières qui visent notamment une valeur assurée de 400'000 euros (valeur agréée), c'est à raison que les premiers juges ont retenu que la «'valeur agréée'par les parties » s'entendait du plafond contractuel maximum de la garantie, l'indemnité revenant aux demandeurs au titre de la perte du navire devant être arrêtée selon les conditions précédemment rappelées, c'est-à -dire une valeur à neuf du bateau totalement perdu, ce qui doit permettre à l'assuré de racheter un navire d'une valeur égale à celle du bateau sinistré';
Attendu, sur le préjudice matériel, que l'expert judiciaire retient les postes suivants':
bateau complet avec ses équipements': 351'430,67 euros,
frais de déplacement du bateau Elan au chantier Izola': 5'743,10 euros,
prestations complémentaires avancées à Nays J...': 8'000 euros,
petit matériel acquis par les époux X...': 478,81 euros,
soit une somme totale de 365'652,58 euros, étant précisé qu'il ne peut être tenu compte d'une facture Carrel pour du matériel électrique d'un montant de 28'013,87 euros, cette facture étant datée du 7 octobre 2009, c'est-à -dire postérieurement au sinistre alors qu'il n'est pas justifié de ce que les époux X... auraient été contraints d'acquérir ce matériel';
Qu'il ne sera pas davantage tenu compte des factures de transport de matériels correspondant aux pièces 80 et 81, ces documents étant émis à l'ordre des sociétés Bleumer et Haris J... sans qu'il soit établi que les époux X... aient réglé ces sommes à ces personnes morales';
Que les premiers juges ont à raison écarté du compte les frais bancaires en ce sens que la police d'assurance n'en prévoit pas la garantie'comme ils ont à juste titre soustrait du compte le coût des voiles acquises par Bleumer et réglées par les époux X... à cette entreprise, ces voiles n'étant pas sur le navire au jour du sinistre de sorte que leur préservation est acquise, la somme de 21'712,18 euros TTC devant être déduite de la somme totale précédemment mentionnée';
Que le tribunal de grande instance de Lille a toutefois considéré qu'il ne fallait pas déduire de ce compte la valeur vénale de l'épave alors que la police d'assurance ne mentionnant aucune disposition à cet effet, il faut considérer que les époux X... demeurent propriétaires du bateau avarié dont l'expert judiciaire a fixé la valeur vénale à la somme de 70'000 euros';
Que les époux X... feront leur affaire personnelle de cette épave, aucun renseignement n'étant transmis au dossier quant à une éventuelle cession de ce bien, la valeur en question devant ainsi être déduite du compte contrairement à ce que soutiennent les demandeurs';
Qu'en définitive, l'indemnité revenant à ces derniers du chef de la réparation de leur préjudice matériel est d'un montant de': [365'652,58 € ' (21'712,18 € + 70'000 € )] = 273'940,40 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 13 février 2014 (date de l'assignation en justice de l'assureur), le jugement déféré étant en cela infirmé';
Attendu qu'il importe aussi de faire droit à la demande indemnitaire des époux X... du chef du paiement en toute perte des droits annuels de navigation depuis septembre 2009, ce qui s'apparente bien à un préjudice matériel, soit selon justificatifs fiscaux produits aux débats la somme totale de 4'724 euros (année 2018 comprise), la décision dont appel étant en cela infirmée';
Attendu, sur la question des frais de gardiennage que, sans autre justificatif à ce propos qu'un devis émis le 26 février 2010 par la société Jahtni Center Izola et sans facture en due forme au dossier, les époux X... ne sont pas fondés à solliciter la réparation d'un préjudice de cette nature, ce que les premiers juges ont à bon droit écarté, leur décision étant à ce titre confirmée';
Attendu, sur le préjudice immatériel au titre duquel les époux X... entendent voire indemniser leur préjudice de jouissance suite aux dégâts subis par le voilier Augalau, qu'il est acquis que ce poste de préjudice caractérise bien un dommage direct du sinistre du 5 septembre 2009 même si l'appréciation du préjudice relève bien de la perte de chance dès lors que le sinistre est survenu le jour-même où le voilier Augalau devait être mis à l'eau, sa préparation étant achevée, ce bateau entièrement neuf étant alors simplement dans l'attente de la pose de son moteur'Volvo ;
Que, dans ces conditions, la probabilité que M. et Mme X... puissent bénéficier de leur voilier et quitter le port slovène d'Izola peut raisonnablement être fixée à 90 %';
Que, sur l'appréciation chiffrée du trouble allégué, c'est à raison que l'expert judiciaire a retenu que les époux X... étaient de jeunes retraités et que leur motivation était à ce point arrêtée qu'il était justifié de retenir qu'ils navigueraient au moins six mois par an, à ceci près que si aucun lien de parenté avec M. P..., propriétaire aussi d'un voilier, n'est établi contrairement à ce que soutient l'assureur, il n'est pas davantage démontré que les demandeurs auraient, depuis le sinistre du 5 septembre 2009, définitivement renoncé à leur projet de navigation, se privant ainsi des joies de parcourir les mers dans l'attente de l'issue du présent litige, ce qu'ils ont fait notamment sur le bateau de M. P... comme l'atteste ce dernier';
Que si les époux X... justifient de ce que le coût de location d'un voilier similaire au leur s'établit au moins à la somme de 2'000 euros par semaine, ce qui permet d'évaluer à 120'000 euros par an l'investissement dans la location d'un bateau pour remplacer celui avarié, il y a lieu cependant de retenir une somme annuelle de 80'000 euros puisque les demandeurs ne soutiennent pas devant la cour qu'ils ont été totalement privés depuis septembre 2009 de toute navigation de plaisance';
Que leur préjudice de jouissance sera donc liquidé en termes de perte de chance à la somme de 72'000 euros (80'000 euros x 0,90) par an, soit une créance des époux X... contre l'assureur de 360'000 euros jusqu'au 4 septembre 2014, outre 72'000 euros par an à compter du 5 septembre 2014 jusqu'au versement effectif par ACE des sommes mises à sa charge par le présent arrêt, les intérêts légaux courant sur ces sommes indemnitaires à compter du présent arrêt';
Que la décision entreprise sera en cela infirmée, le reproche alimenté par l'assureur contre les assurés sur la prétendue perte par leur fait de son recours subrogatoire n'étant pas démontré dans la mesure où il s'avère que la société Haris J... a bien fait assigner dans le cadre d'une instance distincte ouverte devant le tribunal de grande instance de Lille la société Jahtni Center Izola LTD, la lecture de l'arrêt de cette cour du 28 janvier 2016 enseignant que les époux X... ne se sont pas opposés à la jonction des procédures';
Que c'est donc à raison que les premiers juges ont débouté la compagnie ACE de ses demandes reconventionnelles contre les époux X..., ce qui justifie de ce chef la confirmation de la décision déférée';
- Sur la mise en jeu de la responsabilité du courtier d'assurance, la S... E...':
Attendu que M. et Mme X... reprochent à la société E..., courtier d'assurances, d'avoir manqué à ses devoirs de conseil et d'assistance en prenant fait et cause pour la compagnie ACE European Group limited contre leurs intérêts, cette société d'assurance n'ayant pas hésité, via la société E..., à leur proposer une indemnisation de 135'500 euros alors même que la facture d'achat du voilier était supérieure à 360'000 euros';
Qu'il apparaît ainsi que les manquements que les époux demandeurs reprochent au courtier d'assurances ont trait à son rôle après sinistre, au titre de l'absence de défense de leurs intérêts pécuniaires vis-à -vis de l'assureur et l'important retard pris dans la gestion du dossier';
Que, sur ce dernier aspect, il est acquis que, dès la déclaration de sinistre, le courtier d'assurances s'est enquis de l'organisation sur place d'une mesure d'expertise confiée à M. L..., la compagnie ACE s'étant opposée au principe d'une indemnisation en valeur à neuf considérant que le voilier Augalau était techniquement réparable avant d'opposer à l'assuré l'absence de risque faute de transfert à ce dernier de la propriété du bateau';
Que les développements du présent arrêt confirment la complexité de la situation juridique du navire objet de l'avarie sans qu'il soit envisageable de rendre le courtier d'assurances responsable d'une telle situation, étant encore rappelé que la notion de «'valeur agréée'» sur laquelle les époux X... ont bâti leur argumentation à l'égard de l'assureur pour obtenir l'indemnisation de leur préjudice matériel n'a pas été retenue ni par les premiers juges ni par la cour s'agissant d'un plafond maximum de garantie';
Que la cour fait sienne l'analyse du tribunal correctionnel de Lille relative aux manquements reprochés par les époux X... à la S... E..., cette société de courtage d'assurances n'étant responsable ni du retard d'indemnisation des assurés ni des positions juridiques tenues par l'assureur tout au long de ce dossier';
Que le jugement déféré sera en cela confirmé en ce qu'il a débouté M. et Mme X... de leur action en responsabilité dirigée contre la société de courtage d'assurances';
- Sur les demandes des époux X... envers la société Bleumer':
Attendu que les époux X..., qui sollicitent sur ce point la confirmation du jugement dont appel, exposent qu'ils ont chargé M. P... de récupérer les voiles en dépôt sur le site de la société Bleumer, cette personne morale exposant que personne ne s'est présenté le 18 décembre 2009 pour récupérer ces voiles';
Qu'il n'est pas discuté par les parties que ces voiles spécifiques commandées par M. et Mme X... sont bien leur propriété comme dûment réglées par ces derniers, sous réserve de la question de la TVA et des frais de transport de Slovénie en France';
Que, sur cet aspect du litige, les époux X... confirment par un e-mail envoyé le 15 décembre 2009 à Bleumer qu'ils ont adressé à M. M..., ami de M. P... et mandaté comme résidant à Antibes pour venir récupérer les voiles le 18 décembre 2009, un chèque de 4'480,50 euros au bénéfice de cette société correspondant à la TVA de 3'616,90 euros et aux frais de transport pour 863,60 euros';
Que M. P... confirme ce mandat donné à M. M... à l'effet de récupérer chez Bleumer les voiles de M. et Mme X..., M. M... ayant lui-même établi une attestation par laquelle il décrit son transport le 18 décembre 2009 au siège de la société Bleumer, sa rencontre avec M. Q..., l'état d'énervement de ce dernier et son refus de restituer les voiles compte tenu du litige en cours';
Qu'il s'ensuit, nonobstant les dénégations de la société Bleumer, que les époux X... ont bien entrepris courant décembre 2009 des démarches aux fins de récupérer leurs voiles dont personne ne discute la propriété, ce qui a manifestement été mis en échec par le gérant de la société Bleumer, cette dernière ne contestant pas le fait que ces voiles soient toujours en sa possession puisqu'elle prétend même obtenir des propriétaires le paiement de frais de gardiennage';
Que, dans ce contexte, la condamnation de la SARL Bleumer à rembourser aux époux X... la somme de 18'500 euros au titre des voiles non restituées est justifiée et la décision déférée sera en cela confirmée, aucuns frais de gardiennage pas plus que de douane n'étant dus par ces derniers qui n'ont pu, par le fait fautif de cette personne morale, récupérer leur bien';
Que si les époux X... sollicitent en outre la condamnation de la société Bleumer à leur verser la somme de 20'000 euros à titre de dommages et intérêts en raison du préjudice causé par sa réticence, les demandeurs n'explicitent toutefois pas la nature du préjudice qu'ils invoquent, la cour considérant que ce préjudice n'est pas démontré de sorte que les époux X... seront déboutés de leur demande indemnitaire connexe';
- Sur la demande de dommages et intérêts de la SA CM-CIC Bail':
Attendu que le jugement déféré sera à ce titre confirmé en ce qu'il a débouté la SA CM-CIC Bail de sa demande reconventionnelle aux fins de dommages et intérêts, cette personne morale qui n'est plus propriétaire du voilier litigieux depuis 2013 ne justifiant d'aucun préjudice en lien avec les moyens de défense adoptés par ACE European Group Limited ou la S... E..., seuls les époux X... pouvant au surplus invoquer la qualité d'assurés';
-Sur les demandes de dommages et intérêts d'ACE et de la S... E... contre la société CM-CIC bail':
Attendu que si la compagnie ACE European Group Limited et la S... E... articulent contre la SA CM-CIC Bail une demande d'indemnisation de leur préjudice moral, il faut, à l'instar des premiers juges, relever que l'issue de la cause en appel n'est pas de nature à autoriser l'assureur à faire grief au bailleur d'un quelconque comportement dommageable, la société de courtage ne démontrant pas en quoi son image aurait été atteinte par les arguments développés à son endroit par le financeur de l'opération';
Que le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la société ACE de sa prétention indemnitaire à cette fin, la cour déboutant la S... E... de sa demande analogue';
-Sur la capitalisation annuelle des intérêts':
Attendu que tant la nature du litige que sa durée particulièrement longue justifient que les intérêts échus depuis une année au moins produisent eux-mêmes des intérêts au taux légal de sorte que la décision entreprise sera sur cette question également confirmée';
-Sur les demandes accessoires :
Attendu que l'issue du litige commande de laisser à la charge d'ACE European Group limited l'intégralité des dépens de première instance qui comprendront les frais de référé ainsi que les frais d'expertise judiciaire, le jugement entrepris étant en cela confirmé'ainsi qu'en ses dispositions arrêtant au seul profit des époux R... une indemnité de procédure mise à la charge de la société d'assurances, les autres parties étant à bon droit déboutées de leurs prétentions au titre de l'article 700 du code de procédure civile';
Attendu en cause d'appel que le sens du procès conduit à mettre à la charge des époux X... un quart des dépens d'appel, les trois autres quarts devant être supportés par la compagnie ACE European Group Limited';
Que l'équité commande d'arrêter au profit des époux X... une indemnité de 45'000 euros dont la charge sera supportée par la compagnie Ace European Group Limited, M. et Mme X... étant condamnés à verser à la SARL nouvelle Haris J... une indemnité de procédure de 10'000 euros';
Que les autres parties seront déboutées de leurs prétentions articulées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Vu le rapport d'expertise judiciaire établi le 13 août 2013 par M. K...,
- Dit n'y avoir lieu à annulation des opérations d'expertise judiciaire menées par M K...';
- Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf celles condamnant la société ACE European Group Limited (siège de Francfort) à indemniser M. et Mme X... de leurs préjudices matériel et immatériel';
Infirmant et prononçant à nouveau de ces seuls chefs,
- Condamne la société ACE European Group limited (siège de Francfort) à payer à M. et Mme X..., suite au sinistre survenu sur leur voilier Augalau le 5 septembre 2009 à Izola (Slovénie), les sommes de':
préjudice matériel': 273'940,40 euros au titre de la perte totale du voilier avarié, avec intérêts au taux légal à compter du 13 février 2014, outre 4'724 euros au titre du droit annuel de navigation (période 2009 à 2018 compris) avec intérêts au taux légal sur cette somme à compter du présent arrêt,
préjudice immatériel': 360'000 euros jusqu'au 4 septembre 2014, outre 72'000 euros par an à compter du 5 septembre 2014, le tout avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt';
Y ajoutant,
-Déboute M. et Mme X... de leur demande aux fins de résolution de la vente de leur voilier Augalau conclue avec la SARL Haris J..., cette personne morale étant mise hors de cause';
-Déboute M. et Mme X... de leur demande de dommages et intérêts contre la société Bleumer';
-Déboute la SARL Bleumer de ses demandes dirigées contre les époux X... au titre du paiement de la TVA et des frais de gardiennage';
-Déboute la S... E... de sa demande d'indemnisation de son préjudice moral dirigée contre la SA CM-CIC Bail';
-Partage les dépens d'appel dans les proportions suivantes':
époux X...': ¿,
Société ACE European Group Limited (siège de Francfort)': ¿';
-Condamne la société ACE European Group Limited à verser en cause d'appel à M. et Mme X... une indemnité de procédure de 45'000 euros, ces derniers étant solidairement condamnés à verser à la SARL Haris J... une indemnité pour frais irrépétibles d'un montant de 10'000 euros';
-Déboute les autres parties de leurs prétentions indemnitaires articulées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La GreffièreLa Présidente
Fabienne DufosséHélène Château