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11/10/2018 | FRANCE | N°17/05323

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 2, 11 octobre 2018, 17/05323


République Française


Au nom du Peuple Français








COUR D'APPEL DE DOUAI





CHAMBRE 1 SECTION 2





ARRÊT DU 11/10/2018





***





- SUR RENVOI APRES CASSATION -





N° de MINUTE :


N° RG 17/05323 - N° Portalis DBVT-V-B7B-Q65A





Jugement (N° 14/07457)


rendu le 02 mars 2015 par le tribunal de grande instance de Lille


Arrêt (N° 15/01967)


rendu le 21 avril 2016 par la cour d'appel de Do

uai


Arrêt (N° 695)


rendu le 15 juin 2017 par la Cour de cassation








DEMANDERESSE A LA DÉCLARATION DE SAISINE


SA Axa France Iard, prise en la personne de ses représentants légaux


ayant son siège social


[...]


[...]





...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 2

ARRÊT DU 11/10/2018

***

- SUR RENVOI APRES CASSATION -

N° de MINUTE :

N° RG 17/05323 - N° Portalis DBVT-V-B7B-Q65A

Jugement (N° 14/07457)

rendu le 02 mars 2015 par le tribunal de grande instance de Lille

Arrêt (N° 15/01967)

rendu le 21 avril 2016 par la cour d'appel de Douai

Arrêt (N° 695)

rendu le 15 juin 2017 par la Cour de cassation

DEMANDERESSE A LA DÉCLARATION DE SAISINE

SA Axa France Iard, prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social

[...]

[...]

représentée par Me Loïc E... , membre de la SELARL Lexavoué Amiens Douai, avocat au barreau de Douai, constitué aux lieu et place de Me Jean-Philippe X..., avocat au barreau de Lille

assistée de Me Cyrille Y... membre de la SELAS Aedes Juris, avocat au barreau de Paris

DÉFENDEURS A LA DÉCLARATION DE SAISINE

M. Marc Z...

né le [...] à [...]

demeurant

[...]

représenté et assisté par Me Stéphane A..., avocat au barreau de Lille

SARL Inno 59, prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social

[...]

- société en liquidation judiciaire -

Me Marie-José C... agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Inno 59

demeurant[...]

[...]

déclaration de saisine signifiée le 10 octobre 2017 à domicile, n'ayant pas constitué avocat

SA Domofinance agissant en la personne de son représentant légal

ayant son siège social

[...]

représentée par Me Francis B..., membre de la SCP Thémès, avocat au barreau de Lille

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Christian F..., président de chambre

Sophie Tuffreau, conseiller

Jean-François Le Pouliquen, conseiller

---------------------

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Claudine Popek

DÉBATS à l'audience publique du 26 juin 2018

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT RENDU PAR DÉFAUT prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 11 octobre 2018 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Mme Sophie Tuffreau, conseiller en remplacement de M. Christian F..., président empêché, et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 21 juin 2018

***

Vu le jugement rendu le 2 mars 2015 par le tribunal de grande instance de Lille ;

Vu l'arrêt rendu le 21 avril 2016 par la cour d'appel de Douai ;

Vu l'arrêt rendu le 15 juin 2017 par la Cour de cassation ;

Vu la déclaration de saisine de la cour d'appel de ce siège par la société Axa France Iard en date du 25 août 2017 ;

Vu la signification de la déclaration d'appel le 10 octobre 2017 à Me C..., liquidateur judiciaire de la société Inno 59 ;

Vu les conclusions de la société Domofinance déposées au greffe le 23 mars 2018 ;

Vu les conclusions de la société Axa France déposées au greffe le 13 juin 2018 ;

Vu les conclusions de M. Marc Z... déposées au greffe le 15 juin 2018 ;

Vu l'ordonnance de clôture prise le 21 juin 2018 ;

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 30 septembre 2008, M. Z... a passé commande auprès de la société Inno 59 d'une pompe à chaleur air'eau de marque Buderus pour un montant de 20567,50 euros TTC.

Cette acquisition a été financée au moyen d'un emprunt de 20500 euros souscrit auprès de la société Domofinance et remboursable en 114 mensualités de 206,04 euros.

Le matériel a été installé par la société Inno 59 entre le 15 et 17 décembre 2008 et la facture a été acquittée.

La liquidation judiciaire de la société Inno 59 a été prononcée le 12 janvier 2011 et MeMarie-Josée D... a été désignée en qualité de liquidateur.

Par jugement du 2 mars 2015, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de grande instance de Lille, estimant la société Inno 59 redevable envers M. Z... de la garantie décennale sur le fondement de l'article 1792 du code civil, a :

- fixé la créance de M. Z... dans la liquidation judiciaire de la société Inno 59 à la somme de 28315,95 euros outre les conséquences du remboursement par anticipation du contrat de financement souscrit auprès de la société Domofinance,

- condamné la société Axa à payer à M. Z... la somme de 26815 euros outre les conséquences du remboursement par anticipation du contrat de financement souscrit auprès de la société Domofinance,

- ordonné la reprise des mensualités du crédit à compter du premier jour suivant la signification du jugement,

- condamné la société Axa à payer à M. Z... la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la société Domofinance de sa demande d'indemnité pour frais irrépétibles,

- condamné la société Axa aux dépens, en ce compris les frais d'expertise.

Par arrêt du 21 avril 2016, la cour d'appel de Douai, statuant sur appel de la société Axa, a infirmé le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Lille et a débouté M.Z... de ses demandes, les sociétés Axa et Domofinance de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile et a condamné M. Z... aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais de référé et d'expertise.

M. Z... a formé un pourvoi à l'encontre de cette décision.

Par arrêt du 15 juin 2017, la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt rendu par la cour d'appel de Douai en toutes ses dispositions.

Par déclaration du 25 août 2017, la société Axa France Iard a saisi la cour d'appel de ce siège afin qu'elle statue sur renvoi après cassation.

*

* *

Dans ses conclusions déposées au greffe le 15 juin 2018, M. Z... demande à la cour de :

- déclarer irrecevables les conclusions de la société Axa en ce qu'elles tendent à obtenir la requalification du contrat en contrat de vente ;

- confirmer le jugement entrepris sur le principe de responsabilité et, par voie de conséquence, dire que la société Inno 59 a engagé sa responsabilité sur le fondement de la garantie décennale;

- infirmer le jugement entrepris sur l'indemnisation des préjudices ;

- fixer son préjudice à la somme de 37586,93 euros correspondant à :

* 20167,50 euros au titre du lot d'acquisition de la pompe à chaleur,

* 3498,96 euros au titre des investissements provisoires et du surcoût des consommations électriques,

* 10650 euros au titre du trouble de jouissance,

* 693 euros au titre du démontage de la chaudière et de la pompe à chaleur et remise en état des tuyauteries et des trous de passage des tuyauteries intérieures et extérieures,

* 2177,47 euros au titre des intérêts des mensualités du contrat de financement qu'il a payées jusqu'au 20 juillet 2010,

- admettre sa créance à la liquidation judiciaire de la société Inno 59 pour une somme de 37586,93 euros outre les conséquences du remboursement par anticipation du contrat de financement souscrit auprès de la société Domofinance,

- dire que la société Inno 59 et la société Axa seront tenues aux frais, intérêts et pénalités de toute nature dus au titre du remboursement du contrat de financement par anticipation, sur production du décompte par la société Domofinance,

- condamner la société Axa à lui payer la somme de 37586,93 euros outre les conséquences financières du remboursement par anticipation du contrat de financement souscrit auprès de la société Domofinance,

- dire que cette condamnation sera assortie des intérêts au taux légal à compter du jugement de première instance,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Axa aux dépens de première instance, en ce compris les frais d'expertise, ainsi qu'à la somme de 3000euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Axa aux dépens d'appel,

- condamner la société Axa à la somme de 6000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

Dans ses conclusions déposées au greffe le 13 juin 2018, la société Axa France Iard demande à la cour, à titre liminaire, de rejeter la demande de M. Z... en irrecevabilité partielle de ses conclusions, et d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Elle demande à la cour, statuant à nouveau, de :

À titre principal,

- juger que le contrat conclu entre M. Z... et la société Inno 59 est un contrat de vente et non un contrat d'entreprise et que les dispositions de l'article 1792 du code civil n'ont pas vocation à s'appliquer,

- débouter M. Z... de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la compagnie Axa,

À titre subsidiaire,

- juger que la responsabilité décennale n'a pas vocation à s'appliquer aux travaux d'installation d'un équipement dissociable réalisés sur existant, faute de constituer un ouvrage immobilier au sens de l'article 1792 du code civil, et, subsidiairement, juger que la responsabilité décennale n'a pas vocation à s'appliquer à des désordres apparents à la réception,

- débouter M. Z... de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la société Axa,

À titre infiniment subsidiaire,

- limiter la condamnation de la société Axa au titre de la réparation du dommage matériel à la somme de 7275,87 euros,

- débouter M. Z... de l'ensemble de ses demandes formées au titre de la réparation des dommages 'investissements provisoires et surcoût de consommation énergétique',

- limiter la condamnation de la société Axa au titre de la réparation du trouble de jouissance à la somme de 3150 euros,

- débouter M. Z... de l'ensemble des demandes formées au titre de la réparation des dommages liés au remboursement anticipé du prêt,

En tout état de cause, sur les limites de sa garantie,

- déduire de toute condamnation de la société Axa, au titre de tout autre demande que celle formée au titre de la garantie décennale, la somme de 1729,95 euros.

Dans ses conclusions déposées au greffe le 23 mars 2018, la société Domofinance demande à la cour de confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Lille en toutes ses dispositions et de débouter M. Z... de l'ensemble de ses demandes formées à son encontre.

À titre subsidiaire, elle demande à la cour de la déclarer recevable en son appel incident et de condamner M. Z... à lui rembourser le montant du capital prêté, déduction faite des échéances d'ores et déjà acquittées par l'emprunteur.

En tout état de cause, elle sollicite la condamnation de M. Z... à lui payer la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre sa condamnation aux entiers dépens.

Régulièrement citée en qualité de liquidateur judiciaire de la société Inno 59, MeC... n'a pas constitué avocat.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie expressément à leurs conclusions ci-dessus visées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La Cour de cassation ayant cassé et annulé l'arrêt rendu par la cour d'appel de Douai le 21 avril 2016 en toutes ses dispositions, il appartient à la présente juridiction de statuer sur l'ensemble du litige.

I - Sur la recevabilité des moyens soulevés par la société Axa

Se fondant sur les dispositions de l'article 910'4 du code de procédure civile, résultant du décret du 6 mai 2017, aux termes desquelles, à peine d'irrecevabilité, les parties doivent présenter, dès leurs premières conclusions, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond, M. Z... soulève l'irrecevabilité partielle des conclusions de la société Axa en ce que cette dernière a soulevé dans ses conclusions notifiées le 11 mai 2018 un nouveau moyen aux termes duquel elle fait valoir que le contrat portant sur la pompe à chaleur est un contrat de vente et non un contrat d'entreprise.

Toutefois, il résulte des dispositions transitoires du décret du 6 mai 2017, tel que modifié par le décret du 2 août 2017, que le nouvel article 910'4 du code de procédure civile ne s'applique aux instances consécutives à un renvoi après cassation que lorsque la juridiction de renvoi est saisie à compter du 1er septembre 2017, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Les dispositions du nouvel article 910'4 du code de procédure civile ne s'appliquent donc pas à la présente instance.

Par ailleurs, les parties peuvent, jusqu'à la clôture de l'instruction, invoquer de nouveaux moyens à l'appui de leurs prétentions.

La fin de non-recevoir soulevée par M. Z... sera dès lors rejetée.

II - Sur la responsabilité de la société Inno 59

Se fondant sur les conclusions du rapport d'expertise, M. Z... soutient que la responsabilité de la société Inno 59 doit être engagée sur le fondement de la garantie décennale dès lors que les désordres affectant la pompe à chaleur, qui constitue un élément d'équipement, ont rendu l'immeuble impropre à sa destination.

De son côté, la société Axa fait valoir à titre principal que les dispositions de l'article 1792 du code civil n'ont pas vocation à s'appliquer dans la mesure où le contrat unissant M. Z... et la société Inno 59 est un contrat de vente et non un contrat d'entreprise.

À titre subsidiaire, elle fait valoir que les dispositions de l'article 1792 du code civil ne sont pas applicables à des travaux non constitutifs d'ouvrage et, subsidiairement, qu'elles ne sont pas applicables à la réparation de dommages apparents à la réception.

- Sur la qualification du contrat unissant M. Z... et la société Inno 59

La société Axa fait valoir que le contrat unissant M. Z... et la société Inno 59 doit être qualifié de contrat de vente, d'une part, car la prestation essentielle et principale du contrat consiste dans le transfert de la propriété d'une chose, la prestation de faire étant purement accessoire et, d'autre part, car les travaux réalisés étaient parfaitement standards et exclusifs de toute spécificité. En tout état de cause, elle fait valoir que c'est sur ce fondement que M. Z... a introduit son action à l'encontre de la société Inno 59.

À titre liminaire, il importe peu que M. Z... ait pu, dans son acte introductif devant le tribunal de grande instance de Lille, assigner la société Inno 59 en résolution du contrat de vente, dans la mesure où il n'a pas maintenu cette demande.

En l'espèce, le bon de commande ainsi que la facture font état de la livraison d'une pompe à chaleur pour la somme de 12009,48 euros HT, d'un module intérieur pour la somme de 6293,84 euros HT, des frais de fourniture et de liaison pour un montant de 985,78 euros HT ainsi que des travaux d'installation et de mise en service pour un montant de 1706,16 euros HT. Il est stipulé une TVA d'un montant de 5,5 %.

La prestation confiée à la société Inno 59 consistait dès lors à la fois dans la fourniture de la pompe à chaleur et dans la réalisation des travaux nécessaires à la pose de celle-ci.

Par ailleurs, d'une part, le choix du modèle de pompe à chaleur, en remplacement d'une chaudière existante dans une maison ancienne, a été fait en fonction de la taille de la maison et de l'installation existante et, d'autre part, quand bien même l'installation d'une pompe à chaleur ne serait pas complexe et serait standardisée, l'entreprise a dû modifier l'ouvrage et l'adapter pour installer la pompe à chaleur sur les éléments constitutifs existants, le système de chauffage ayant été conservé. Enfin, l'installation de la pompe à chaleur a nécessité des réglages et une mise en service de celle-ci.

Dès lors, ces éléments sont de nature à caractériser un travail spécifique destiné à répondre aux contraintes de l'habitation existante.

Le contrat unissant M. Z... et la société Inno 59 doit donc être qualifié de contrat d'entreprise.

- Sur l'application de la garantie décennale

* Sur l'impropriété à destination de l'ouvrage

Il résulte des dispositions de l'article 1792 du code civil que tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.

Les désordres affectant les éléments d'équipement, dissociables ou non, d'origine ou installés sur existant, relèvent de la responsabilité décennale lorsqu'ils rendent l'ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination.

Contestant l'application de cette règle, la société Axa fait valoir qu'elle constitue un revirement de jurisprudence qui ne doit s'appliquer que pour l'avenir en raison des inconvénients qu'engendrerait une application immédiate de cette nouvelle règle.

Toutefois, la sécurité juridique, invoquée sur le fondement du droit à un procès équitable, pour contester l'application immédiate d'une solution nouvelle résultant d'une évolution de la jurisprudence, ne saurait consacrer un droit acquis à une jurisprudence figée, dès lors que la partie qui s'en prévaut n'est pas privée du droit à l'accès au juge.

En l'espèce, ces règles nouvelles ne limitent pas l'accès au juge. Il n'y a donc pas de lieu de dire qu'elles ne s'appliqueront que pour l'avenir.

À cet égard, M. Z... a confié à la société Inno 59 la fourniture et la pose d'une chaudière à condensation. Aux termes du rapport d'expertise, la pompe à la chaleur n'a plus fonctionné à compter du mois de janvier 2011 suite à une disjonction électrique. L'expert impute ces dysfonctionnements à un problème de conception consistant en une inadéquation de la pompe à chaleur avec l'installation de chauffage existante. Il conclut à l'inhabitabilité des lieux du fait de l'absence de chauffage et d'eau chaude.

L'ouvrage dans son ensemble se trouvant dès lors impropre à sa destination, les dispositions de l'article 1792 du code civil sont donc susceptibles d'être mises en 'uvre.

* Sur le caractère apparent des désordres

La société Axa soulève l'inapplicabilité des dispositions de l'article 1792 du code civil en faisant valoir que les désordres affectant la chaudière étaient apparents lors de la réception.

Toutefois, s'il résulte du rapport d'expertise que, dès l'installation, des problèmes de mise en sécurité intempestive en basse pression sont apparus et ont perduré jusqu'au mois de février 2010, la pompe à chaleur n'est tombée définitivement en panne que le 29 janvier 2011. L'expert relève ainsi que « l'installation a été fonctionnelle depuis le 22 février 2010 ['] jusqu'au 29 janvier 2011. »

Dès lors, si la pompe à chaleur a présenté dès l'origine des dysfonctionnements, les causes et les conséquences de ces dysfonctionnements, qui n'ont été révélées que lors de l'expertise, n'étaient pas apparents lors de la réception.

Il y a dès lors lieu de considérer que le désordre n'était pas apparent dans toute son ampleur lors de la réception.

C'est donc à juste titre que les premiers juges ont considéré que la société Inno 59 engageait sa responsabilité sur le fondement de la garantie décennale.

III - Sur le préjudice subi par M. Z...

M. Z... sollicite en réparation de son préjudice la somme de 37586,93 euros correspondant aux sommes suivantes :

* 20567,50 euros au titre de l'acquisition de la pompe à chaleur,

* 3498,96 euros au titre des investissements provisoires et du surcoût des consommations électriques,

* 10650 euros au titre du trouble de jouissance,

* 693 euros au titre du démontage de la chaudière et de la pompe à chaleur et remise en état des tuyauteries et des trous de passage des tuyauteries intérieures et extérieures,

* 2177,47 euros au titre des intérêts des mensualités du contrat de financement qu'il a payées jusqu'au 20 juillet 2010.

- Sur le coût de la pompe à chaleur et les travaux nécessaires au démontage et à la remise en état

La société Axa fait valoir que le préjudice doit être limité à ce titre à la somme de 7275,87 euros correspondant au coût de la nouvelle chaudière et au coût des travaux de dépose et de rebouchage en faisant valoir que le maître d'ouvrage ne saurait obtenir la réalisation de prestations plus onéreuses à celles qui s'avèrent strictement nécessaires à la réparation du dommage.

En l'espèce, M. Z... a acquis une pompe à chaleur pour un montant total de 20567,50euros TTC.

Cette dernière a été remplacée par une chaudière à gaz d'un coût moins élevé, en l'espèce de 6582,87 euros TTC, outre des frais de remise en état d'un montant TTC de 693 euros.

Toutefois, si la pompe à chaleur a été remplacée par une chaudière à gaz, c'est en raison de l'impossibilité d'installer une pompe à chaleur sur le système de chauffage existant.

Or, le principe de réparation intégrale du dommage doit permettre de réparer le préjudice subi par la victime, sans qu'il en résulte pour elle ni perte, ni profit.

L'indemnisation du seul coût de la nouvelle chaudière entraînerait une perte pour M.Z... dans la mesure où son préjudice financier s'élève non seulement au coût de nouvelle chaudière à gaz, mais également à la perte financière liée à la différence du prix entre cette dernière et la pompe à chaleur ainsi qu'aux frais de remise en état, soit la somme totale de 21260,50 euros.

Il y a dès lors lieu d'évaluer le préjudice subi par M. Z... au titre de remplacement de la pompe à chaleur et des frais de remise en état à la somme de 21260,50 euros.

- Sur les investissements provisoires et le surcoût des consommations électriques

À l'appui de sa demande, M. Z... fait valoir que, pour la période où il est demeuré dans son domicile, il a dû utiliser des radiateurs électriques, entraînant une surconsommation d'électricité, ainsi qu'un appareil de chauffage au bois.

À cet égard, il résulte du rapport d'expertise que M. Z... a fait l'acquisition aux mois de décembre 2009 et janvier 2010 de trois radiateurs soufflants pour un montant total de 127,81 TTC, d'un récupérateur de chaleur pour un montant de 299 TTC. Il y est par ailleurs mentionné des factures de bois du mois de décembre 2009 au mois de décembre 2010 pour un montant TTC de 323,70 euros. Le préjudice subi au titre des investissements provisoires pour se chauffer s'élève donc à la somme de 750,51 euros.

Par ailleurs, l'expert indique que l'on peut constater que les consommations de gaz chutent complètement à partir de l'été 2007 et que parallèlement les consommations électriques augmentent à partir de cette même période.

En effet, en ce qui concerne les factures d'électricité, si l'on prend comme référence la facture de l'année 2006/2007, (382,21 euros TTC), il en résulte un surcoût de la facture d'électricité d'un montant total de 3702,36 euros pour les années 2008/2009, 2009/2010 et 2010/2011 (3 × 382,21 - 1181,01-2043,73-1624,25).

En ce qui concerne les factures de gaz, si l'on prend comme référence la moyenne des factures des années 2006/2007 et 2007/2008 ((942,12 +1090,20)/2 = 1016,16), il en résulte une baisse du coût des factures des gaz d'un montant total de 2418,42 pour les années 2008/2009,2009/2010 et 2010/2011 (3 x1016,16-438,92-58,93-132,21).

Le préjudice de M. Z... au titre de la consommation électrique s'élève donc à la somme de 1283,94 euros (3702,36 -2418,40).

Le préjudice total subi par M. Z... au titre des investissements provisoires et du surcoût des consommations électriques s'élève donc à la somme totale de 2034,45euros.

- Sur le trouble de jouissance

M. Z... estime avoir subi un préjudice de jouissance d'une part en raison de l'insuffisance de chauffage lorsqu'il habitait dans le logement et, d'autre part, dans la mesure où il a été contraint de quitter son domicile suite à l'absence de chauffage. Il estime son préjudice de jouissance sur la base d'une valeur locative moyenne de 900euros par mois.

À ce titre, l'expert indique que l'installation a fonctionné du 22 février 2010 au 29janvier 2011. M. Z... a donc subi un préjudice lié à l'insuffisance de chauffage du mois de décembre 2008 au mois de février 2010 (15 mois), puis à compter du 29 janvier 2011, date à laquelle la pompe à chaleur est tombée définitivement en panne, l'amenant à quitter son domicile jusqu'au 21 mai 2011 (4 mois) pour se rendre chez sa s'ur tel qu'il résulte de l'attestation rédigée par cette dernière. M. Z... n'a donc pas pu jouir pleinement de son domicile pendant une durée totale de 19 mois.

M. Z... produit une attestation de l'agence immobilière Century 21 estimant la valeur locative de sa maison à la somme mensuelle de 855 à 945 euros par mois.

Toutefois, il sera relevé que M. Z... a été hébergé à titre gratuit par sa soeur.

Dans ces conditions, le préjudice de M. Z... sera évalué à la somme de 5700 euros (19mois à 300 euros).

' Sur les intérêts des mensualités du contrat de financement

M. Z... sollicite, outre le paiement des sommes qui seront dues au titre du remboursement anticipé du prêt, le paiement de la somme de 2177,47 euros correspondant aux intérêts des mensualités qui ont été payées jusqu'au 20 juillet 2010 inclus, date de la suspension du contrat de financement, suivant décompte produit.

Dans la mesure où M. Z... a souscrit un crédit afin de financer la pompe à chaleur défectueuse, les intérêts payés au titre de son contrat, qui s'élevaient à la somme de 2177,47 euros au 20 juillet 2010, date de suspension du contrat de financement, sont la conséquence directe de l'achat de cette pompe à chaleur.

Le fait d'avoir payé des intérêts à ce titre alors qu'il n'a pu bénéficier de l'objet pour lequel le prêt à été consenti, constitue un préjudice financier pour M. Z..., en lien direct avec les dysfonctionnements de la pompe à chaleur.

Le préjudice de M. Z... sera dès lors évalué à la somme de 2177,47 euros.

En revanche, M. Z... ne justifie pas de ce que le remboursement anticipé de l'emprunt le contraindrait à payer certaines sommes, le contrat de crédit prévoyant en son article I'5.a) :

' Remboursement par anticipation : vous pouvez toujours, à votre initiative, rembourser par anticipation sans indemnité, en partie ou en totalité, le crédit qui vous a été consenti'.

La demande formée au titre du remboursement anticipé du prêt sera dès lors rejetée.

*

* *

Par voie de conséquence, le préjudice de M. Z... s'établit de la manière suivante :

- 21260,50 euros au titre de remplacement de la pompe à chaleur et des frais de remise en état,

- 2034,45 euros au titre des investissements provisoires et le surcoût des consommations électriques,

- 5700 euros au titre du préjudice de jouissance,

- 2177,47 euros au toutefois des intérêts payés au titre du prêt

soit la somme totale de 31172,42 euros.

Le jugement entrepris sera dès lors infirmé sur ce point et la créance de M. Z... dans la liquidation judiciaire de la société Inno 59 sera fixée à la somme de 31172,42 euros.

M. Z... sera débouté de sa demande en indemnisation des conséquences du remboursement par anticipation du contrat de financement souscrit auprès de la société de Domofinance.

En revanche, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a ordonné la reprise des mensualités de crédit souscrit par M. Z... le 30 septembre 2008 avec la société Domofinance, disposition non contestée par ce dernier.

IV - Sur la demande en paiement à l'encontre de la société Axa

- Sur les garanties couvertes par le contrat d'assurance

Le contrat souscrit par la société Inno 59 auprès de la société Axa France Iard le 7janvier 2008 mentionne, au titre de ses conditions particulières, qu'est garantie la responsabilité décennale pour travaux de construction soumis à l'assurance obligatoire (article 2. 8).

Le coût du remplacement de la pompe à chaleur par une chaudière au gaz ainsi que les frais de remise en état sont donc garantis à ce titre.

Par ailleurs, en ce qui concerne les dommages immatériels consécutifs (article 2. 15), s'il est indiqué en dessous de la liste sur laquelle figure ces derniers 'garantie non accordée', il est toutefois mentionné une limite de garantie d'un montant de 600000euros ainsi qu'une franchise d'un montant de 1500 euros.

Or, pour l'ensemble des autres garanties qui ne sont pas accordées, il est mentionné, tant au titre de la limite de garantie que de la franchise, « non accordée». Il y a donc lieu de considérer que la garantie couvre également les dommages immatériels consécutifs.

Ainsi, il est prévu à l'article 2. 15 des conditions générales d'assurance 'Responsabilités pour dommages immatériels consécutifs', que : 'l'assureur s'engage à prendre en charge les conséquences pécuniaires de la responsabilité incombant à l'assuré en raison de dommages immatériels, subis ['] par le maître de l'ouvrage, ['] et résultant directement d'un dommage garanti'.

Il sera à ce titre relevé que les exclusions mentionnées par la société Axa à l'article 2. 18 des conditions générales d'assurance renvoient aux exclusions applicables en cas de responsabilité civile du chef d'entreprise, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Dans ces conditions, la société Axa sera également tenue d'indemniser M. Z... au titre des dommages immatériels qu'il a subis au titre de la perte financière née de la différence de prix entre la pompe à chaleur et la chaudière à gaz, du coût des investissements provisoires et surcoût des consommations électriques, du préjudice de jouissance ainsi que des intérêts payés au titre du prêt souscrit auprès de la société Domofinance.

- Sur la franchise

Il est prévu aux conditions particulières l'application d'une franchise de 1500 euros au titre des dommages immatériels consécutifs.

Si cette franchise est inapplicable au tiers en ce qui concerne la responsabilité décennale pour travaux de construction, ce n'est pas le cas en ce qui concerne les dommages immatériels consécutifs, dont la garantie n'est que facultative.

Par ailleurs, il est indiqué à l'article 3. 4. 2. des conditions générales que 'chaque montant de franchise est revalorisé en fonction de l'évolution de la valeur de l'indice tel que défini aux présentes conditions générales. Il est convenu que cette revalorisation interviendra une seule fois par an, à la date mentionnée aux conditions particulières. Les montants de franchise applicables sont ceux en vigueur à la date de la première réclamation ou déclaration à laquelle le sinistre donne lieu quelque soit, en cas de pluralité, les garanties qu'il met en jeu'.

Or, l'indice de référence est défini par 'cent fois la dernière valeur de l'indice national BT 01 publié au Journal Officiel à la date considérée'. La valeur de l'indice la date de la souscription du contrat était de 760,6.

En l'espèce, il n'est pas contesté que la société Axa a été saisie de la première réclamation judiciaire le 11 avril 2012. L'indice était de 877,20 au 1er avril 2012.

Le montant de la franchise revalorisée est donc de : 1500 × 87720 / 76060 = 1729,95euros.

Le montant de cette franchise sera dès lors déduit des sommes dues par la société Axa.

Par voie de conséquence, le jugement entrepris sera infirmé et la société Axa sera condamnée à payer à M. Z... la somme de 29442,47 euros.

En application des dispositions de l'article 1153'1 du code civil, désormais 1231'7, les intérêts seront dus à compter de la présente décision. Les circonstances de l'espèce ne justifient pas qu'il soit dérogé à cette règle.

V - Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qui concerne les dépens et les frais irrépétibles.

La société Axa, qui succombe, sera condamnée aux dépens de l'instance d'appel, en ce compris ceux de l'arrêt cassé.

Elle sera de ce fait condamnée à payer à M. Z... la somme de 6000 euros au titre des frais irrépétibles en appel.

La société Domofinance sera déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Rejette la fin de non-recevoir soulevée par M. Z... ;

Confirme le jugement rendu le 2 mars 2015 par le tribunal de grande instance de Lille, sauf en ce qu'il a fixé la créance de M. Z... dans la liquidation judiciaire de la société Inno 59 à somme de 28315,95 euros, outre les conséquences du remboursement par anticipation du contrat de financement souscrit auprès de la société Domofinance et en ce qu'il a condamné la société Axa France Iard à payer à M. Z... la somme de 26815,95 euros, outre les conséquences du remboursement par anticipation du contrat de financement souscrit auprès de la société Domofinance ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :

Fixe la créance de M. Z... dans la liquidation judiciaire de la société Inno 59 à somme de 31172,42 euros ;

Condamne la société Axa France Iard à payer à M. Z... la somme de 29442,47euros, avec les intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

Déboute M. Z... de sa demande en indemnisation des conséquences du remboursement par anticipation du contrat de financement souscrit auprès de la société de Domofinance ;

Condamne la société Axa France Iard à payer à M. Z... la somme de 6000 euros au titre des frais irrépétibles en appel ;

Déboute la société Domofinance de sa demande au titre des frais irrépétibles ;

Condamne la société Axa France Iard aux dépens de l'instance d'appel, en ce compris ceux de l'arrêt cassé, qui seront recouvrés par Me Francis B... selon les modalités prévues à l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier, Pour le président,

Delphine Verhaeghe Sophie Tuffreau


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 2
Numéro d'arrêt : 17/05323
Date de la décision : 11/10/2018

Références :

Cour d'appel de Douai 1B, arrêt n°17/05323 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-10-11;17.05323 ?
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