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11/10/2018 | FRANCE | N°16/03511

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 8 section 1, 11 octobre 2018, 16/03511


République Française


Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI


CHAMBRE 8 SECTION 1


ARRÊT DU 11/10/2018


N° de MINUTE : 18/1101


N° RG 16/03511 - N° Portalis DBVT-V-B7A-P3Q4


Jugement (N° 11-15-1039) rendu le 27 Avril 2016


par le tribunal d'instance de Dunkerque


APPELANTE





Caisse de Credit Mutuel de Dunkerque Malo prise en la personne de ses représentants légaux


[...]





Représentée par Me Charles X..., avocat au bar

reau de Lille





INTIMÉ





Monsieur Pascal Y...


né le [...] à [...] - de nationalité française


[...]





Représenté par Me Guillaume Z..., avocat au barreau de Dunkerque





DÉBATS à ...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 1

ARRÊT DU 11/10/2018

N° de MINUTE : 18/1101

N° RG 16/03511 - N° Portalis DBVT-V-B7A-P3Q4

Jugement (N° 11-15-1039) rendu le 27 Avril 2016

par le tribunal d'instance de Dunkerque

APPELANTE

Caisse de Credit Mutuel de Dunkerque Malo prise en la personne de ses représentants légaux

[...]

Représentée par Me Charles X..., avocat au barreau de Lille

INTIMÉ

Monsieur Pascal Y...

né le [...] à [...] - de nationalité française

[...]

Représenté par Me Guillaume Z..., avocat au barreau de Dunkerque

DÉBATS à l'audience publique du 30 Août 2017 tenue par Hélène A... magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Elisabeth Paramassivane-Delsaut

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Martine Battais, président de chambre

Catherine Convain, conseiller

Hélène A..., conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 11 Octobre 2018 après prorogation du délibéré du 16 novembre 2017 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Martine Battais, président et Julie Caron, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 5 juillet 2017

LA COUR,

Attendu que la caisse de Crédit Mutuel de Dunkerque Malo a interjeté appel d'un jugement du tribunal d'instance de Dunkerque du 27 avril 2016 qui l'a condamnée à payer à Monsieur Pascal Y... la somme de 2323,58 euros en remboursement de sommes indûment prélevées sur le compte bancaire ouvert au nom de celui-ci dans les livres de l'établissement bancaire; qui a rejeté la demande formée à son encontre par Monsieur Pascal Y... en annulation du contrat de prêt que ce dernier a souscrit auprès d'elle selon une offre préalable acceptée le 22 octobre 2014; qui a débouté Monsieur Y... de sa demande formée contre la caisse de Crédit Mutuel de Dunkerque Malo afin d'obtenir réparation du dommage que celle-ci lui aurait causé pour avoir manqué à son devoir de mise en garde envers lui en le laissant contracter des engagements excessifs eu égard à ses ressources; et qui a condamné la caisse de Crédit Mutuel de Dunkerque Malo à payer à Monsieur Y... une somme de 1000 euros du chef de l'article 700 du code de procédure civile;

Attendu qu'il ressort des éléments du dossier que Monsieur Pascal Y... est titulaire, auprès de la caisse de Crédit Mutuel de Dunkerque Malo, d'un compte courant Eurocompte Confort n° [...] avec attribution d'une carte de crédit Mastercard à débit immédiat;

Qu'indiquant avoir reçu à cinq reprises, le 28 août 2014, sur son téléphone mobile des codes de confirmation par SMS émanant de la Caisse de Crédit Mutuel, Monsieur Y..., qui précisait n'avoir procédé à aucun achat via internet, a interrogé le siège de la banque, laquelle lui conseillait de faire opposition sur sa carte bancaire, ce qu'il faisait le même jour à 18 heures 49, puis déposait plainte le 30 août 2014 auprès des services de la brigade de gendarmerie de [...] ;

Qu'un montant total de 2 323,58 euros correspondant à des opérations effectuées le 28 août 2014, au bénéfice de l'opérateur Free et de la compagnie Air Maroc, à partir des données liées à sa carte bancaire ayant été prélevé sur son compte bancaire entre les 29 août et 1er septembre suivants, Monsieur Y... en a demandé le remboursement à la banque par courrier daté du 29 octobre 2014; qu'il recréditait néanmoins son compte et souscrivait un crédit à la consommation de 1800 euros au taux effectif global de 8,30 %;

Que se heurtant au refus de la banque qui lui reprochait d'avoir commis une faute en communiquant à des tiers des informations confidentielles permettant d'effectuer les opérations contestées, Monsieur Y... a, par acte d'huissier de justice du 20 octobre 2015, assigné la caisse de Crédit Mutuel de Dunkerque Malo en remboursement du montant des opérations de paiement effectuées, selon lui, frauduleusement sur son compte au moyen de sa carte bancaire et annulation du crédit à la consommation souscrit pour couvrir le découvert bancaire en résultant, devant le tribunal d'instance de Dunkerque qui a rendu le jugement déféré;

Attendu que dans ses conclusions déposées au greffe de la cour le 4 juillet 2017, la caisse de Crédit Mutuel de Dunkerque Malo expose, au soutien de son recours, que Monsieur Y... a reconnu avoir été victime d'un «phishing» en ce qu'il avait reçu un email de SFR faisant état d'un prélèvement rejeté alors qu'il règle ses factures avec sa carte bancaire et qu'il venait de procéder à ce paiement quelques jours auparavant; qu'elle rappelle que les paiements contestés en l'occurrence par Monsieur Y... ont été validés au terme du processus dit «3D SECURE», système de sécurisation des paiements en ligne obéissant à une procédure d'authentification du porteur de la carte; que le sociétaire doit ainsi saisir le cryptogramme visuel, le numéro de sa carte et la date de validité de celle-ci; qu'une fois cette étape réalisée, la banque lui envoie un code de confirmation à six chiffres, ce qui en l'espèce a été fait par serveur vocal interactif sur le numéro de téléphone fixe du client; qu'en présence d'un système de sécurité renforcé, le premier juge a à bon droit entendu faire application des dispositions de l'article L. 133-19 du code monétaire et financier, la responsabilité du payeur n'étant engagée que si l'opération de paiement non autorisée a été effectuée en détournant à l'insu du payeur l'instrument de paiement ou les données qui lui sont liées; qu'elle considère que c'est à Monsieur Y... qu'il appartient d'établir en premier lieu qu'il n'a pu bénéficier des opérations conclues avec Mobile Free ou Royal Air Maroc;

Qu'elle estime en revanche que contrairement à ce qu'a jugé le tribunal d'instance de Dunkerque, rien n'établit qu'il y ait eu détournement frauduleux à l'insu du sociétaire de ses données confidentielles; qu'il importe en cela de vérifier que ce dernier n'aurait pas transmis ces données par négligence ou fraude et ce d'autant plus que Monsieur Y... a lui-même indiqué qu'il avait répondu à un email suspect de SFR et qu'il avait transmis ses coordonnées bancaires; qu'elle en déduit qu'il a en cela fait preuve d'une particulière négligence;

Qu'elle fait encore valoir que les dispositions de l'article L. 133-23 du code monétaire et financier imposent uniquement au prestataire de services de paiement de prouver que l'opération en question a été authentifiée, dûment enregistrée et comptabilisée et qu'elle n'a pas été affectée par une déficience technique ou autre; que ce texte ne traite donc pas de la fraude ni de la négligence grave; que du reste, le prestataire de services ne disposerait d'aucun moyen autre que l'aveu de son client pour établir sa fraude ou sa négligence; que la banque doit donc simplement justifier que les opérations ont été authentifiées, dûment enregistrées et comptabilisées et qu'elles n'ont pas été affectées par une déficience technique ou autre, ce qui est le cas en l'occurrence;

Que la caisse de Crédit Mutuel de Dunkerque Malo entend tout de même démontrer que Monsieur Y... a fait preuve de négligence; qu'il a ainsi lui-même reconnu, lors de son dépôt de plainte, avoir été victime d'un «phishing» suite à un email reçu de SFR prétextant un problème de prélèvement automatique; qu'il a déclaré qu'il avait alors transmis à un tiers son numéro de carte bancaire, le cryptogramme visuel et ses nom et prénom; qu'il a lui-même adressé à la banque un email daté du 29 août 2014, lendemain du jour des opérations contestées; que pour autant, si Monsieur Y... a fait état d'un email, c'est parce qu'il était antérieur aux opérations contestées; qu'il lui appartient de produire le mail auquel il a déclaré avoir répondu lors de son dépôt de plainte; qu'elle ajoute que Monsieur Y... ne pouvait ignorer en lisant cet email qu'il réglait ses factures par carte bancaire et jamais par prélèvement; qu'il lui appartenait de vérifier si son compte avait été débité du montant de la facture réglée par ses soins le 27 août 2014; que les opérations contestées n'ont pu se réaliser qu'après que le client avait renseigné le nom du titulaire de la carte, le numéro de celle-ci, la date de validité et le cryptogramme visuel sans négliger le code de confirmation à six chiffres adressé par la banque sur le téléphone fixe de l'intéressé; qu'il résulte de ce qui précède que Monsieur Y... a nécessairement transmis les éléments indispensables à l'exécution des opérations contestées, volontairement ou involontairement, ce qui caractérise une faute grave et démontre sa négligence alors qu'il a pour obligation de prendre toutes les mesures raisonnables afin de préserver la sécurité des dispositifs de sécurité personnalisés;

Que sur la demande de Monsieur Y... d'annuler le crédit à la consommation souscrit le 22 octobre 2014, la caisse de Crédit Mutuel de Dunkerque Malo fait valoir que rien ne saurait lui être reproché; qu'en effet, ce crédit a été souscrit pour couvrir un découvert, lequel doit être régularisé dans les trois mois sauf pour la banque à perdre les intérêts contractuels; qu'elle n'a donc fait qu'appliquer les dispositions de l'article L. 311-11 du code de la consommation; qu'aucun vice du consentement n'est en cela démontré ni même un manquement du Crédit Mutuel à son obligation de mise en garde;

Que la caisse de Crédit Mutuel de Dunkerque Malo conclut en conséquence au rejet de l'ensemble des demandes adverses et réclame l'allocation, à la charge de Monsieur Y..., d'une somme de 1 500 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile;

Attendu que dans ses écritures en réponse déposées au greffe de la cour le même jour, Monsieur Y... estime, pour sa part, au visa de l'article L. 133-18 du code monétaire et financier que le Crédit Mutuel est tenu de lui rembourser les sommes prélevées sur son compte suite à l'utilisation frauduleuse de sa carte bancaire; qu'étant toujours en possession de celle-ci, il entend voir appliquer en l'occurrence les dispositions des articles L. 133-19.II et L. 133-19.IV du code monétaire et financier;

Qu'il précise que la seule chronologie des faits suffit à établir qu'il n'est pas à l'origine des paiements litigieux; qu'ainsi, à réception des SMS le 28 août 2014, il a immédiatement contacté le siège de la banque et a le même jour fait opposition sur sa carte bancaire sur les conseils du Crédit Mutuel; qu'il a déposé plainte le 30 août 2014 auprès de la gendarmerie de [...]; qu'il certifie sur l'honneur qu'il n'a jamais voyagé avec la compagnie Air Maroc et ne peut en apporter une preuve négative;

Qu'il considère que la banque ne peut s'exonérer de sa responsabilité qu'en apportant la preuve d'une négligence grave de son client, ce qui ne peut se déduire du seul fait que l'instrument de paiement ou les données personnelles qui lui sont liées ont été effectivement utilisés; que la banque est défaillante dans l'administration de cette preuve qui lui incombe; qu'il maintient qu'il a agi avec la plus grande prudence dès qu'il a reçu les codes de confirmation sur son téléphone mobile; qu'il ne les a jamais entrés et que le tableau «3D SECURE» transmis par le Crédit Mutuel montre que les prélèvements contestés ont été opérés à un rythme anormalement accéléré;

Que si la banque invoque un email reçu le 29 août 2014 de SFR, Monsieur Y... assure que la pièce qu'il verse aux débats le 29 juin 2015 est bien le message électronique reçu de SFR; que pour autant, ce message lui a été adressé le lendemain du jour des prélèvements frauduleux; que même s'il a transmis ses coordonnées bancaires à réception de ce mail, cela n'est pas la cause des opérations contestées puisque le message est postérieur aux détournements discutés; que si négligence il y a eu de sa part à ce titre, aucun lien de causalité entre les opérations litigieuses et sa négligence ne peut être établi;

Que Monsieur Y... expose ensuite que le contrat de crédit conclu le 22 octobre 2014 est nul en ce que le Crédit Mutuel a exigé de lui qu'il souscrive ce contrat pour créditer son compte, ses économies n'étant pas suffisantes pour couvrir le découvert; que la banque a ainsi exploité abusivement les circonstances économiques pour lui imposer de souscrire ce prêt, ce qui relève de la violence au sens de l'article 1112 du code civil, son consentement ayant ainsi été vicié;

Qu'il entend, à titre subsidiaire, voir engager la responsabilité du Crédit Mutuel pour avoir manqué à son devoir de mise en garde; qu'il expose en effet être au chômage et ne percevoir que 972,16 euros par mois; qu'il était déjà engagé auprès de cette banque par deux précédents prêts de 10000 et 24445 euros de sorte qu'il n'avait pas la capacité financière pour contracter un troisième prêt; qu'il réclame en conséquence la condamnation de la banque à lui verser des dommages et intérêts à concurrence de 2 169,46 euros, ce qui correspond au montant total dû en exécution du contrat de crédit du 22 octobre 2014; que la banque ne peut se prévaloir de la violation délibérée des dispositions du code monétaire et financier pour le contraindre à souscrire un contrat de crédit de surcroît au taux de 8,30 % l'an; que la caisse de Crédit Mutuel de Dunkerque Malo a refusé de lui rembourser les sommes indûment prélevées sur son compte et elle en a profité pour lui faire souscrire un crédit à la consommation avec un taux abusivement élevé;

Qu'il demande en conséquence à la cour deconfirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné le Crédit Mutuel à lui payer la somme de 2323,58 euros au titre des sommes frauduleusement prélevées sur son compte, mais de l'infirmer en ce qu'il le déboute de sa demande de nullité du contrat de crédit à la consommation et de condamnation de la banque pour manquement à son obligation de mise en garde;

Qu'il conclut à cet égard à la nullité du contrat de crédit à la consommation et à la condamnation en conséquence de la caisse de Crédit Mutuel de Dunkerque Malo à lui restituer l'intégralité des sommes perçues en exécution de ce contrat;

Qu'il demande encore à la cour de dire qu'il sera libéré de toutes ses obligations envers le Crédit Mutuel en exécution de ce contrat litigieux;

Que subsidiairement, Monsieur Y... demande à la cour de constater que la Caisse de Crédit Mutuel a manqué à son obligation de mise en garde, de la condamner à lui verser la somme de 2169,46 euros à titre de dommages et intérêts, somme qui se compensera avec celles restant dues en exécution du prêt;

Qu'il sollicite enfin, en tout état de cause, la condamnation de la Caisse de Crédit Mutuel à lui verser la somme de 3000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel;

Attendu, sur la demande de remboursement du montant des opérations litigieuses, que l'article L. 133-19 du code monétaire et financier énonce que :

En cas d'opération de paiement non autorisée consécutive à la perte ou au vol de l'instrument de paiement, le payeur supporte avant l'information prévue à l'article L. 133-17, les pertes liées à l'utilisation de cet instrument, dans la limite d'un plafond de 150 euros.

Toutefois, la responsabilité du payeur n'est pas engagée en cas d'opération de paiement non autorisée effectuée sans utilisation du dispositif de sécurité personnalisé.

. La responsabilité du payeur n'est pas engagée si l'opération de paiement non autorisée a été effectuée en détournant, à l'insu du payeur, l'instrument de paiement ou les données qui lui sont liées. Elle n'est pas engagée non plus en cas de contrefaçon de l'instrument de paiement si, au moment du paiement non autorisé, le payeur était en possession de son instrument.

Sauf agissement frauduleux de sa part, le payeur ne supporte aucune conséquence financière si le prestataire de paiement ne fournit pas le moyen approprié permettant l'information aux fins de blocage de l'instrument de paiement prévu à l'article L. 133-37.

Le payeur supporte toutes les pertes occasionnées par les opérations de paiement non autorisées, si ces pertes résultent d'un agissement frauduleux de sa part ou s'il n'a pas satisfait intentionnellement ou par négligence grave aux obligations mentionnées aux articles L. 133-16 et L. 133-17 du code monétaire et

financier ;

Qu'il résulte de ces dispositions qu'en cas d'opération de paiement non autorisée signalée par l'utilisateur, une obligation de remboursement immédiat au payeur est imposée à la charge du prestataire de services de paiement ;

Que si l'établissement bancaire refuse de procéder à ce remboursement, il lui incombe alors de prouver que l'opération en question a été authentifiée, dûment enregistrée et comptabilisée et qu'elle n'a pas été affectée par une déficience technique ou autre ;

Que, toutefois, l'utilisation de l'instrument de paiement telle qu'enregistrée par le prestataire de services de paiement ne suffit pas nécessairement en tant que telle à prouver que l'opération a été autorisée par le payeur, ce qui signifie que la seule preuve de l'utilisation des identifiants du client et l'absence de déficience technique ou autre, notamment par le biais de la production d'un relevé de ses connexions, ne sauraient suffire pour que le professionnel soit déchargé de toute responsabilité ;

Qu'en outre, la responsabilité du payeur n'est pas engagée si l'opération de paiement non autorisée a été effectuée en détournant, à son insu, l'instrument de paiement ou les données qui lui sont liées ;

Que, cependant, le payeur supporte toutes les pertes occasionnées par des opérations de paiement non autorisées si ces pertes résultent d'agissements frauduleux de sa part ou s'il n'a pas satisfait intentionnellement ou par négligence grave aux obligations mentionnées aux articles L. 133-16 et L. 133-17 du code monétaire et financier ;

Qu'il s'ensuit que, pour échapper au remboursement des opérations contestées, le prestataire de services de paiement doit démontrer, soit que l'ordre émanait bel et bien du client dûment identifié dans son espace personnel, soit que le vol des identifiants de connexion (ou d'autres données) n'est que la conséquence d'une faute grave de sa part ;

Attendu, en l'occurrence, qu'il est constant que le compte bancaire Eurocompte de Monsieur Y... ouvert dans les livres de la caisse de Crédit Mutuel de Dunkerque Malo a été débité d'une somme totale de 2 323,58 euros au titre de trois des cinq opérations de paiement effectuées le 28 août 2014 au profit de la compagnie Royal Air Maroc et de l'opérateur de téléphonie mobile Free aux heures suivantes : 14 heures 31, 14 heures 33, 14 heures 34, 14 heures 37 et 14 heures 40 ;

Que Monsieur Y... en a été informé par la réception le 28 août 2014 sur son téléphone mobile de cinq codes de confirmation par SMS émanant de sa banque, ce qui l'a conduit à prendre immédiatement attache avec le Crédit Mutuel et à régulariser le jour-même à 18 heures 49 opposition à sa carte bancaire, ce qui n'empêchera en rien le paiement des opérations litigieuses entre les 29 août et 1er septembre 2014 ;

Que s'il est acquis, au vu du tableau établi par le service monétique que le Crédit Mutuel verse aux débats sous sa pièce n°1, que chacune des opérations contestées a bien été authentifiée, enregistrée et comptabilisée, ce qui permet d'écarter toute déficience technique ou autre du système de paiement sécurisé dit «3D SECURE», cette seule circonstance ne saurait suffire pour écarter toute obligation de remboursement de la banque ;

Que Monsieur Y... réfute les assertions du Crédit Mutuel selon lesquelles il ne démontre pas qu'il ne serait pas à l'origine des opérations qu'il décrit comme frauduleuses, ce qui s'analyserait assurément en une preuve négative qu'il lui est impossible d'administrer ;

Qu'il faut sur cette question relever que les cinq opérations de paiement litigieuses ont été passées au profit de deux bénéficiaires différents et dans un temps particulièrement réduit (moins de dix minutes), ce qui suppose de la part d'un même utilisateur une célérité extrême pour recevoir de la banque le code confidentiel pour chaque opération et renseigner les diverses rubriques qui s'affichent à l'écran, une telle célérité étant manifestement incompatible avec le maniement d'un service d'achat sur internet ;

Qu'il doit en cela être retenu, comme l'a fait du reste le premier juge, qu'aucun élément du dossier ne permet d'établir que Monsieur Y... aurait lui-même effectué les opérations qu'il conteste ;

Qu'il faut ajouter que si Monsieur Y... a bien déclaré au cours de son dépôt de plainte le 30 août 2014 à la gendarmerie de [...] qu'il avait reçu un mail de SFR avec pour objet un problème de prélèvement automatique, qu'il avait suivi le lien et renseigné les informations demandées (son numéro de carte bancaire, le cryptogramme, son nom et son prénom), l'examen de l'email produit par la banque sous sa pièce n°2 ne permet aucunement d'en tirer la conclusion que l'utilisateur aurait commis une négligence grave en répondant à un message relevant manifestement de la technique frauduleuse du «hameçonnage» ou «phishing» (encore que le message comporte une adresse mail correcte et qu'il soit libellé sans aucune faute), la pièce en question étant datée du 29 août 2014 à 4 heures 40, soit du lendemain des opérations contestées;

Que si le Crédit Mutuel croit utile de développer en page 11 de ses écritures que Monsieur Y... aurait sur ce point agi de mauvaise foi en reconnaissant qu'il avait tenté de tromper la banque, laquelle exige à ce jour la transmission de l'email auquel il a effectivement répondu, ce qui laisserait supposer qu'un autre message frauduleux aurait été adressé à Monsieur Y... avant les opérations litigieuses, aucun élément du dossier ne permet de conforter cette thèse, aucun autre email n'ayant été transmis au Crédit Mutuel par son client, ce dernier n'ayant en outre aucunement fait l'aveu d'une quelconque modification de sa version des faits à ce sujet;

Qu'en l'état du dossier, et à l'instar du premier juge, la cour constate que rien n'établit que Monsieur Y... aurait agi, en lien avec les opérations querellées, de manière frauduleuse et qu'il aurait omis intentionnellement ou par négligence grave de satisfaire à ses obligations pour préserver la sécurité du dispositif personnalisé, notamment en transmettant ses données bancaires confidentielles les opérations contestées ayant été réalisées à son insu et par détournement des données liées à sa carte bancaire ;

Qu'il s'ensuit que l'obligation légale de la banque de rembourser à son client le montant des paiements litigieux est effective, ce qu'a à juste titre retenu le premier juge dont la décision sera sur cette question confirmée;

Attendu, sur la demande en nullité du contrat de crédit, que Monsieur Y... soutient que le Crédit Mutuel l'a contraint à souscrire, le 22 octobre 2014, un crédit à la consommation d'un montant de 1800 euros au taux de 8,30 % pour couvrir le découvert provoqué sur son compte bancaire par le débit des opérations litigieuses, ce qu'il qualifie de violence au sens de l'article 1112 ancien du code civil puisqu'il était alors au chômage, ne bénéficiait que d'une allocation de 972,16 euros par mois et devait en outre déjà rembourser d'autres concours financiers;

Que s'il est acquis que l'exploitation qu'une banque fait de manière abusive d'une situation de dépendance économique dans laquelle se trouverait son client peut caractériser la violence en tant que vice du consentement, il appartient toutefois au cocontractant de l'établissement financier de démontrer que le prêteur a agi de mauvaise foi et par contrainte pour tirer profit d'un mal menaçant directement les intérêts de son client;

Qu'il importe d'abord de relever que le montant du crédit contracté par Monsieur Y... n'excède pas le montant du découvert en compte engendré par les opérations litigieuses que le titulaire n'a pu totalement compenser avec ses seules économies, étant ajouté que le taux auquel le demandeur fait référence à raison de 8,30 % correspond de fait au taux effectif global, le taux d'intérêt nominal étant de 6,55 % l'an, ce qui n'apparaît pas particulièrement prohibitif pour un crédit à la consommation;

Qu'au surplus, Monsieur Y..., qui décrit un comportement agressif de la part du conseiller de la banque, n'en apporte cependant pas la preuve, l'établissement détenteur du compte étant dans l'obligation légale de faire régulariser tout découvert non autorisé d'une durée de plus de trois moissauf à perdre tout droit aux intérêts conventionnels;

Que la décision entreprise sera en conséquence également confirmée en ce qu'elle a débouté Monsieur Y... de sa demande aux fins de nullité du crédit à la consommation;

Attendu, sur la demande de dommages et intérêts formée par Monsieur Y... contre la caisse de Crédit Mutuel de Dunkerque Malo pour manquement à son devoir de mise en garde, qu'il est constant que tout établissement bancaire qui entend accorder à un client un concours financier doit au préalable vérifier la situation pécuniaire personnelle de ce dernier afin de ne pas l'exposer à un risque d'endettement excessif et d'impayé;

Qu'en l'espèce, si Monsieur Y... énonce que ce nouveau crédit souscrit le 22 octobre 2014 est venu s'ajouter à deux autres prêts en cours alors que ses revenus étaient particulièrement modestes en sa qualité de chômeur indemnisé, il n'allègue pour autant aucun incident de paiement au titre de ce concours, lequel devait selon l'offre être remboursé en soixante mensualités successivesde 35,26 euros chacune ;

Que c'est en conséquence également à bon droit que le tribunal d'instance de Dunkerque a débouté Monsieur Y... de sa demande aux fins de dommages et intérêts dirigée contre le Crédit Mutuel de Dunkerque-Malo, la décision dont appel étant confirmée de ce chef;

Attendu enfin que l'équité justifie l'indemnité de procédure arrêtée en première instance au profit de Monsieur Y... de sorte que le jugement déféré sera aussi confirmé à ce titre;

Que cette même considération commande en cause d'appel de fixer au profit de Monsieur Y... une indemnité de procédure de 1000 euros, la banque débitrice de cette somme étant elle-même déboutée de sa propre prétention indemnitaire articulée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions;

Y ajoutant,

Condamne la caisse de Crédit Mutuel de Dunkerque Malo à payer à Monsieur Pascal Y... une somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile;

La condamne aux dépens d'appel.

Le greffier, Le président,

J. Caron M. Battais


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 8 section 1
Numéro d'arrêt : 16/03511
Date de la décision : 11/10/2018

Références :

Cour d'appel de Douai 81, arrêt n°16/03511 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-10-11;16.03511 ?
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