République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
TROISIEME CHAMBRE
ARRÊT DU 27/09/2018
***
N° de MINUTE : 18/350
N° RG : 17/04787 - N° Portalis DBVT-V-B7B-Q5GV
Offre FIVA du 01 Juin 2017
DEMANDEURS
Madame D... X... épouse Y...
née le [...]
[...]
Madame Mélissa Y...
née le [...]
[...]
Monsieur F... Y...
né le [...]
[...]
62141 Evin-Malmaison
Madame Caroline Y...
née le [...]
[...]
Monsieur Laurent Y...
né le [...]
[...]
Léane Y... (mineure) représentée par ses représentants légaux Monsieur Laurent Y... et Madame Nathalie Z... épouse Y...
née le [...]
[...]
Assistés de Me A..., avocat au barreau de Paris substituant Me Michel B..., avocat au barreau de Paris
DÉFENDEUR
Fonds d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante
[...]
[...]
Assisté de Me Mario C..., avocat au barreau de Lille
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
Benoît Pety, conseiller faisant fonction de président
Sara Lamotte, conseiller
Claire Bertin, conseiller
---------------------
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Fabienne Dufossé
DÉBATS à l'audience publique du 28 Juin 2018
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 27 Septembre 2018 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Benoît Pety, conseiller faisant fonction de président, et Fabienne Dufossé, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Exposé du litige, de la procédure et des prétentions des parties:
Le diagnostic de mésothéliome a été posé pour M. Daniel Y... le 25 février 2002 alors qu'il était âgé de 57 ans. Son organisme social, la sécurité sociale dans les mines (URSSM du Nord) a pris en charge cette pathologie au titre du tableau 30 B des maladies professionnelles. Une rente a ainsi été versée à M. Y... à compter du 25 février 2002 sur la base d'un taux d'incapacité de 100 %.
M. Y... est décédé des suites de sa pathologie le [...]. Son décès a été reconnu imputable à sa maladie professionnelle, une rente d'ayant droit ayant été servie à son épouse à compter du 1er mai 2002.
Les consorts Y... ont invoqué la faute inexcusable de l'employeur de leur auteur auprès de l'URSSM. La tentative de conciliation ayant échoué, ils ont saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Arras. Par jugement du 22 novembre 2004, ce tribunal a reconnu la faute inexcusable de l'employeur, fixé au maximum la majoration de la rente servie à Madame Y... et condamné les Charbonnages de France au versement d'une somme de 25000 euros au tire des préjudices subis de son vivant par M. Y... (préjudices physique et moral), d'une somme de 25000 euros au titre des préjudices personnels de Mme veuve Y..., d'une somme de 20000 euros pour chacun des enfants mineurs et d'une somme de 12000 euros pour chacun des enfants majeurs du défunt.
Sur l'appel des consorts Y..., la cour de Douai, par arrêt du 29 juin 2007 devenu définitif, a réévalué les précédentes indemnités fixées par le TASS et arrêté les sommes suivantes:
-au titre de l'action successorale:
'préjudice moral: 20000 euros,
' préjudice physique: 60000 euros,
' préjudice d'agrément: 20000 euros,
-à titre personnel:
' pour Mme D... veuve Y...: 35000 euros,
' pour Mme Mélissa Y... (fille): 12000 euros,
' pour M. F... Y... (fils): 12000 euros,
' pour Mme Caroline Y... (fille): 12000 euros,
' pour M. Laurent Y... (fils): 12000 euros.
Par lettre adressée le 25 avril 2017 au FIVA, les consorts Y... ont saisi le Fonds d'une demande d'indemnisation portant sur le préjudice moral de Léane Y..., petite-fille du défunt, ainsi que sur le recours à une tierce personne et le remboursement des frais d'obsèques.
Par lettre recommandée avec avis de réception des 30 mai et 1er juin 2017, le FIVA a notifié aux consorts Y... une décision de rejet d'indemnisation considérant que leurs prétentions étaient prescrites. Les consorts Y... ont contesté cette décision du FIVA devant la cour de Douai par lettre recommandée avec accusé de réception du 31 juillet 2017 parvenue à la juridiction le 1er août 2017.
En l'état de leurs dernières écritures soutenues oralement à l'audience du 28 juin 2018, les consorts Y... demandent à la cour d'appel de:
-Dire que le rejet d'indemnisation du FIVA au titre du préjudice lié à l'assistance d'une tierce personne subi par M. Y... de son vivant, au titre du remboursement des frais funéraires et du préjudice moral subi par Léane Y... n'est pas fondé,
-Donner acte au FIVA de sa proposition formulée dans ses dernières écritures à titre subsidiaire du chef du préjudice moral subi par Léane Y...,
-Constater cependant que le quantum de ce préjudice demeure contesté,
En conséquence, sur l'interruption et la suspension du délai de prescription applicable aux consorts Y...,
A titre principal,
-Dire que le délai de prescription de dix ans opposable à la demande tendant à l'indemnisation des préjudices subis de son vivant par M. Y... et des préjudices de ses ayants droit a été interrompu par la saisine du TASS d'Arras le 14 mars 2003,
-Constater qu'un nouveau délai de prescription de dix ans a commencé à courir au plus tôt le 29 août 2007, date à laquelle l'arrêt en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur est devenu définitif,
-Dire que le délai de prescription de dix ans opposable à la demande tendant à l'indemnisation du préjudice moral subi par Léane Y..., mineure, du fait du décès de son grand-père est suspendu jusqu'à sa majorité,
En conséquence,
-Dire que les demandes d'indemnisation des consorts Y... déposées le 25 avril 2017 ne sont pas prescrites,
-Constater que la demande d'indemnisation de Léane Y... déposée le 25 avril 2017 par ses représentants légaux au titre l'indemnisation de son préjudice moral et d'accompagnement n'est pas prescrite,
A titre subsidiaire,
-Dire que le délai de prescription de dix ans opposable à la demande tendant à l'indemnisation de l'intégralité des préjudices subis par M. Y... de son vivant et des préjudices de ses ayants droit a été interrompu par la saisine du TASS d'Arras le 14 mars 2003,
-Constater qu'un nouveau délai de prescription de dix ans a commencé à courir au plus tôt le 29 août 2007, date à laquelle l'arrêt en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur est devenu définitif,
En conséquence,
-Dire que les demandes d'indemnisation des consorts Y... déposées le 25 avril 2017 ne sont pas prescrites,
En tout état de cause,
-Fixer à la somme de 1725,68 euros le remboursement des frais funéraires,
-Dire qu'il convient de retenir un besoin en tierce personne de 8 heures par jour pour la période du 25 février au 27 avril 2002,
-Dire qu'il convient à ce titre de retenir un taux horaire de 20 euros, charges sociales comprises, avec une majoration de 10 % pour les jours fériés et de congés,
-Fixer l'indemnisation du préjudice lié à l'assistance d'une tierce personne à la somme de 7392 euros,
-Fixer à la somme de 10000 euros l'indemnisation du préjudice moral subi par Léane Y...,
-Dire que les sommes allouées porteront intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt,
-Condamner le FIVA au paiement d'une indemnité de procédure de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Les consorts Y... n'entendent pas contester le point de départ du délai de la prescription décennale fixé par le FIVA au 1er janvier 2004. Pour autant, ils maintiennent que les causes interruptives et suspensives relevant du droit commun et non des articles 2 et 3 de la loi du 31 décembre 1968 sont applicables en l'espèce. Ainsi, le délai de prescription qui leur est opposable pour saisir le FIVA a été interrompu. Ils ont invoqué la faute inexcusable de l'employeur de leur auteur devant le TASS d'Arras par courrier du 14 mars 2003. Le FIVA en a été informé et a été invité à intervenir devant cette juridiction. Le recours devant le TASS a manifestement trait au même fait dommageable que la saisine du FIVA, à savoir l'exposition aux poussières d'amiante. Les procédures devant le TASS et le FIVA poursuivent un même but, celui d'indemniser les préjudices causés par la maladie liée à cette exposition. La procédure engagée devant le TASS est donc de nature à interrompre le délai de prescription décennale de l'action engagée devant le FIVA. Il est de plus acquis que l'intervention du FIVA est complémentaire à l'action devant le TASS, laquelle est de nature forfaitaire et limitée à certains postes de préjudice. La chambre sociale de la cour de DOUAI, statuant sur la faute inexcusable de l'employeur de M. Y..., a rendu sa décision le 29 juin 2007, le délai de prescription de dix ans pour saisir le FIVA a commencé à courir une fois cet arrêt devenu définitif, soit à l'expiration des deux mois pour former un pourvoi, soit le 29 août 2007 au plus tôt. De fait, les ayants droit de M. Y... avaient jusqu'au 29 août 2017 pour saisir le FIVA, ce qu'ils ont fait par courrier du 25 avril 2017. Aucune prescription ne leur est en cela opposable.
Les consorts Y... font en toute hypothèse valoir que le délai de prescription au titre de l'indemnisation du préjudice moral de Léane Y... est suspendu pendant sa minorité, soit jusqu'au 29 mars 2020. Ce n'est qu'à compter de cette date que le délai de prescription de dix ans commencera à courir.
A titre subsidiaire, à supposer que la cour fasse application des articles 2 et 3 de la loi du 31 décembre 1968, il lui faudrait considérer que l'arrêt de la chambre sociale du 29 juin 2007 a interrompu le délai de prescription. En effet, il suffit que le fait générateur d'une action contre l'administration ait déjà fait l'objet d'un recours pour qu'un nouveau délai commence à courir. Les consorts Y... ont invoqué la faute inexcusable des Charbonnages de France devant le TASS d'Arras. Les décisions rendues par cette juridiction sont de nature à interrompre le délai de prescription. Le fait générateur est similaire à celui objet de la saisine du FIVA. Le but des deux procédures est identique. Le TASS s'est prononcé sur la faute inexcusable de l'employeur de M. Y... et sur le quantum des préjudices subis par ce dernier comme par ses ayants droit par décision du 22 novembre 2004. La cour de Douai a rendu son arrêt le 29 juin 2007. L'information faite au FIVA par les secrétariats des TASS selon les articles 37 et 38 du décret du 23 octobre 2001 est bien de nature à informer le Fonds de sa dette potentielle à l'égard du salarié malade. La procédure en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur a interrompu le délai de prescription à l'égard de la procédure FIVA qui a trait au même dommage. De surcroît, l'intervention du FIVA dans ce cadre est complémentaire à la reconnaissance de cette faute de l'employeur. Il est indispensable d'attendre une décision définitive dans ce cadre pour déterminer les postes de préjudice sur lesquels le FIVA doit intervenir. La chambre sociale de la cour de Douai a rendu son arrêt le 29 juin 2007 de sorte que le délai de prescription de dix ans pour saisir le FIVA a commencé à courir une fois que cette décision est devenue définitive, soit au plus tôt le 29 août 2007. En saisissant le FIVA par courrier du 25 avril 2017, les consorts Y... ont agi utilement.
Sur le remboursement des frais funéraires, les consorts Y... font état d'une facture de 2901,68 euros pour le règlement de laquelle ils ont perçu une somme de 1176 euros, aucune somme n'ayant été perçue d'une mutuelle, le défunt n'en ayant pas lors de son décès. Il est donc resté à leur charge la somme de 1725,68 euros dont ils demandent le paiement au FIVA.
Sur l'assistance par tierce personne, les requérants rappellent que la justification des frais engagés n'est pas exigée, le principe indemnitaire ne souffrant aucune restriction du seul fait que cette aide a été le fait d'un membre de la famille. Ils retiennent un besoin en assistance de 8 heures par jour pour les actes essentiels de la vie quotidienne, et ce pour la période du 25 février au 27 avril 2002, période au cours de laquelle M. Y... a été hospitalisé pendant 19 jours, ce qui doit être déduit de la période indemnisable. Le taux horaire de 20 euros est justifié au regard des tarifs pratiqués par les organismes d'aide à la personne. Il faut aussi tenir compte des charges sociales et ajouter 10 % au titre des périodes de congés et des jours fériés. On obtient ainsi une somme de 7392 euros.
Pour ce qui est du préjudice moral de Léane Y..., la somme de 3300 euros proposée à titre subsidiaire par le Fonds est insuffisante. Cette petite-fille encore mineure n'a pas eu la chance de grandir auprès de son grand-père, lequel est décédé peu après sa naissance. Une somme de 10000 euros est donc justifiée.
* * * *
Le FIVA pour sa part demande à la cour de:
-Déclarer irrecevables les pièces adverses n°19 à 28 transmises au-delà du délai légal imparti,
A titre principal, sur le bien-fondé des décisions de rejet du Fonds,
-Prendre acte de l'accord des parties sur les points de départ des délais de prescription, soit le 23 février 2002 s'agissant de l'action successorale et le 30 avril 2002 s'agissant des préjudices personnels de la petite-fille de M. Y...,
-Dire que la procédure en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur de M. Y... et ayant donné lieu au jugement du TASS du 22 novembre 2004 puis à un arrêt de la cour de Douai du 29 juin 2007 ne constitue pas une cause interruptive du délai de prescription,
-Dire que les causes interruptives et suspensives de prescription applicables aux demandes d'indemnisation formulées auprès du FIVA relèvent des articles 2 à 3 de la loi du 31 décembre 1968,
-Dire que la minorité de Léane Y... n'a pas pour effet de suspendre le délai de prescription décennal opposable à la demande d'indemnisation de son préjudice personnel,
-En conséquence, confirmer les décisions de rejet du Fonds établies les 30 mai et 1er juin 2017 s'agissant de l'assistance d'une tierce personne, du remboursement des frais funéraires ainsi que du préjudice moral subi par la petite-fille de M. Y... du fait du décès de ce dernier,
A titre subsidiaire,
-Constater que le recours à l'assistance d'une tierce personne en lien avec la pathologie asbestosique n'est pas établi,
-En conséquence, rejeter la demande d'indemnisation formée par les consorts Y... à ce titre,
-En tout état de cause, rejeter la demande adverse tendant à ce que le tarif horaire à retenir soit fixé à 20 euros,
-Rejeter la demande des consorts Y... relative à la majoration de l'indemnité éventuellement due par le FIVA à concurrence de 10 % afin de tenir compte des congés et jours fériés,
-Constater, sur les frais funéraires, que les consorts Y... ne justifient pas de l'absence de participation par la mutuelle au titre des frais funéraires du défunt,
-En conséquence, rejeter la demande indemnitaire des consorts Y... à ce titre,
-Confirmer l'offre du FIVA énoncée dans ses écritures au titre du préjudice moral subi par Léane Y... à raison de 3300 euros,
-En tout état de cause, débouter les requérants de leur demande articulée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le Fonds relève en premier lieu que les consorts Y..., qui ont introduit leur recours par courrier du 31 juillet 2017, ont joint à leur recours un bordereau de 18 pièces numérotées 1 à 18. Ils ont transmis dix nouvelles pièces jointes à leurs écritures récapitulatives du 15 mars 2018, soit plus d'un mois après leurs recours. Ces dix dernières pièces sont donc irrecevables.
Le FIVA énonce ensuite que si les consorts Y... retiennent comme point de départ du délai de prescription le 25 février 2002, date du premier certificat médical établissant la maladie de leur auteur, et le 30 avril 2002 pour ce qui a trait au délai de prescription relatif au préjudice de la petite-fille du défunt, il retient la date du 1er janvier 2004, ce qui est favorable aux ayants droit de M. Y.... Ainsi, ces derniers devaient saisir le FIVA avant le 1er janvier 2014.
Le Fonds réfute à ce sujet l'argumentation des consorts Y... au sujet de l'interruption de la prescription en ce sens que les causes interruptives comme suspensives du délai de prescription ne relèvent pas du droit commun lorsqu'il s'agit de saisir le FIVA, le régime de la prescription relevant de la loi du 31 décembre 1968. Sans autre précision à l'article 53 de la loi du 23 décembre 2000, les causes interruptives et suspensives de la prescription relèvent des articles 2 et 3 de loi de 1968. Seule a été modifiée en décembre 2010 la durée du délai désormais de dix ans. Par ailleurs, l'action engagée par les consorts Y... devant le TASS puis la chambre sociale de la cour ne peut en rien interrompre le délai de prescription pour saisir le FIVA, ces deux actions n'ayant pas la même cause juridique ni le même objet, que l'on se situe en droit commun ou sur le terrain de la loi du 31 décembre 1968. Le FIVA maintient en outre qu'aucune suspension du délai de prescription ne peut être invoquée pour ce qui a trait à l'action indemnitaire en faveur de Léane Y..., mineure. En effet, ses représentants légaux avaient tout loisir de saisir le FIVA avant avril 2017, ce qu'ils n'ont pas fait.
A titre subsidiaire, le Fonds s'oppose à la demande des consorts Y... au titre de l'assistance par tierce personne du vivant de leur auteur. En effet, la nécessité de recourir à une telle aide ne peut reposer sur des considérations générales ni s'induire de la seule pathologie du malade ni même des traitements appliqués. Le certificat médical du docteur E... daté du 28 août 2017, c'est-à-dire 17 années après le décès de M. Y..., est peu probant, ce document ne détaillant pas le volume journalier du besoin selon l'évolution de la maladie du patient. Les tâches à accomplir ne sont pas davantage décrites. Par ailleurs, le taux horaire de 20 euros n'est pas justifié, pas plus que les 10 % de surplus pour les congés et jours fériés, l'assistance par tierce personne étant en l'espèce passée.
Pour ce qui est des frais funéraires, le Fonds objecte que les demandeurs n'ont produit aucun élément relatif à une éventuelle participation de la mutuelle auxdits frais, ce qui suffit à écarter la prétention des consorts Y....
Enfin, sur le préjudice moral de Léane Y..., petite-fille du défunt, l'indemnité due à ce titre par le Fonds ne saurait excéder ce que suggère son barème, soit 3300 euros. Il est en cela rappelé que Léane est née un mois avant le décès de son grand-père.
* * * *
Motifs de la décision:
-Sur le sort des pièces n°19 à 28 communiquées après le délai légal:
Attendu que les consorts Y..., outre les 18 pièces transmises avec leur recours exercé le 31 juillet 2017, ont postérieurement transmis aux débats huit autres pièces selon bordereau joint à leurs écritures récapitulatives datées du 15 mars 2018;
Que s'agissant de documents versés aux débats au-delà du délai légal d'un mois à compter du recours, ces pièces numérotées de 19 à 28 seront écartées des débats comme irrecevables;
-Sur la prescription alléguée de l'action des consorts Y...:
Attendu que le FIVA soutient que l'action des ayants droit de M. Y... est prescrite depuis le 1er janvier 2014, ces derniers qui disposaient d'un délai de dix ans pour agir ayant engagé la procédure seulement le 25 avril 2017;
Attendu qu'il importe en premier lieu de relever que les parties à l'instance ne discutent nullement du délai de prescription décennal applicable ni même du point de départ de ce délai, c'est-à-dire le 1er janvier 2014;
Attendu, en deuxième lieu, que, contrairement à ce que développe le Fonds, les causes d'interruption de ce délai de prescription relèvent bien du droit commun, c'est-à-dire des articles 2235 et suivants du code civil, et non de la loi du 31 décembre 1968 même s'il est indiscutable que le FIVA est un établissement public doté d'un comptable public;
Qu'en effet, la loi du 20 décembre 2010, introduisant le nouvel alinéa III bis de l'article 53 de la loi n°2000-1257 du 23 décembre 2000, disposition portant à dix ans le délai de prescription applicable aux demandes d'indemnisation devant le FIVA, marque la volonté du législateur de faciliter l'accès des victimes directes ou indirectes de l'amiante au dispositif indemnitaire par le Fonds, ce délai étant dès lors aligné sur le régime de droit commun de la prescription, en ce comprises les causes d'interruption et de suspension;
Attendu, en outre, que si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre, il en est autrement lorsque deux actions, quoiqu'ayant des causes distinctes, tendent à un seul et même but;
Qu'en l'occurrence, il n'est pas discutable ni discuté que les consorts Y... ont engagé le 14 mars 2003 une action devant le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Arras aux fins notamment de voir caractériser la faute inexcusable des Charbonnages de France, ancien employeur de leur auteur;
Que cette faute inexcusable de l'employeur a été retenue par le TASS d'Arras dans son jugement du 22 novembre 2004, ce qui a été confirmé par la chambre sociale de la cour de Douai par arrêt du 29 juin 2007, décision devenue définitive le 29 août 2007 à l'expiration du délai de pourvoi;
Qu'il est acquis que le fait dommageable à l'origine de cette action devant le TASS comme de celle présente à l'encontre du FIVA est strictement le même, à savoir l'exposition de M. Y... aux poussières d'amiante et le développement subséquent d'une pathologie asbestosique retenue comme maladie professionnelle;
Que, du reste, la visée de ces deux procédures est également identique puisqu'il s'agit d'indemniser M. Y... et ses ayants droit des suites dommageables de cette pathologie professionnelle, les consorts Y... n'ayant obtenu devant le TASS d'Arras puis la cour de Douai que partie de cette indemnisation comme le suggère la procédure spécifique au contentieux de la faute inexcusable de l'employeur, procédure indemnitaire de nature forfaitaire;
Qu'il sera en outre rappelé que, conformément aux articles 37 et suivants du décret du 23 octobre 2001, une information est instituée au profit du FIVA au cours de l'instance devant le TASS aux fins de permettre l'intervention volontaire du Fonds;
Qu'en définitive, bien que les actions des ayants droit de M. Y... soient portées devant deux juridictions distinctes, la nature complémentaire de ces instances à visée indemnitaire et à raison d'un même fait dommageable permet de retenir l'issue de la première engagée devant le TASS d'Arras puis la chambre sociale de la cour comme interruptive de prescription au titre de la seconde, la date interruptive correspondant au caractère définitif de l'arrêt du 29 juin 2007, soit le 29 août 2007;
Qu'à compter de cette date, un nouveau délai de dix ans a donc commencé à courir de sorte que l'action indemnitaire engagée par les consorts Y... devant le FIVA par lettre du 25 avril 2017 l'a été de manière utile sans qu'aucune tardiveté puisse nuire aux requérants, la fin de non-recevoir soulevée par le Fonds étant dès lors écartée;
-Sur l'indemnisation des consorts Y... au titre des frais funéraires:
Attendu que les consorts Y... communiquent aux débats deux factures de la SARL Sion Fils, entreprise de pompes funèbres à Libercourt, documents mentionnant les sommes de 663,10 euros au titre de la crémation et de 2238,58 euros du chef des autres services funéraires réalisés par cette entreprise;
Qu'il est également justifié par les requérants du versement par l'URSSM du Nord d'une somme de 1176 euros qui doit être déduite des précédents montants, étant précisé que les consorts Y... énoncent qu'ils n'ont obtenu aucun autre versement d'une éventuelle mutuelle, le défunt n'étant pas affilié à un tel organisme au moment de son décès;
Que tout autre justificatif d'un prétendu versement ne saurait être exigé des requérants sauf à exiger d'eux une preuve négative, ce qui n'est pas juridiquement recevable ;
Qu'ainsi, l'indemnisation des frais funéraires supportés par les consorts Y... sera arrêtée comme suit: (663,10 + 2238,58) ' 1176 = 1725,68 euros;
-Sur l'indemnisation des frais d'assistance par tierce personne:
Attendu, sur cette question, que les demandeurs produisent au dossier de la cour le certificat dressé le 28 août 2017 par le docteur E..., médecin généraliste;
Qu'outre la circonstance que cette pièce rédigée par ce praticien l'a été plus de quinze années après le décès de M. Y..., force est de constater que ce document n'explicite pas les besoins d'aide du malade ni le degré exact de perte d'autonomie de ce dernier en fonction du développement de la pathologie, la date de commencement de l'alitement était exprimée de surcroît en référence aux renseignements fournis par Mme Y... elle-même, ce qui ne permet pas de conclure que le praticien ait pu constater de lui-même l'état ainsi décrit du malade;
Qu'il faut donc retenir un principe indemnitaire au titre de l'assistance par une tierce personne du 25 au 27 février 2002 sur la base de 2 heures par jour, puis de 4 heures par jour le deuxième mois précédant le décès, enfin de 8 heures par jour le mois avant le décès, le taux horaire étant arrêté à 18 euros, outre 10% pour tenir compte des congés et week-ends, la période d'hospitalisation étant déduite de la période à indemniser;
Qu'ainsi, l'indemnité revenant aux consorts Y... sera ainsi arrêtée:
'du 28 mars au 27 avril 2002: [31 jours x 8 heures x 18 euros] + 10 % = 4910,40 euros,
'du 28 février au 27 mars 2002: [(28 ' 16 jours) x 4 heures x 18 euros] + 10 % = 950,40 euros,
'du 25 au 27 février 2002: [(3 ' 3 jours) x 2 heures X 18 euros] + 10 % = 0 euro,
soit une indemnité totale de 5860,80 euros;
-Sur l'indemnisation du préjudice moral de Léane Y...:
Attendu que si cette petite-fille de M. Y... est assurément née moins d'un mois avant le décès de ce dernier pour être née le [...], cette circonstance ne saurait relativiser le préjudice moral éprouvé par la descendante du défunt, l'écoulement du temps ne pouvant que faire réaliser à cet ayant droit la perte d'un être cher et le peu de coexistence vécu avec ce dernier;
Qu'ainsi, si la proposition indemnitaire du FIVA est notoirement insuffisante, la prétention des représentants légaux de Léane Y... est pour autant excessive, l'indemnité revenant à cette petite-fille du défunt devant être arrêtée à la somme de 7000 euros;
-Sur les frais irrépétibles:
Attendu que l'équité commande de fixer à la somme de 1200 euros l'indemnité due aux consorts Y... conformément à l'article 700 du code de procédure civile;
* * * *
Par ces motifs,
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
-Ecarte des débats comme tardives les pièces n°19 à 28 communiquées par les requérants;
-Ecarte la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action soulevée par le FIVA;
-Fixe à la somme de 1725,68 euros l'indemnité revenant aux consorts Y... au titre des frais funéraires;
-Fixe à la somme de 5860,80 euros l'indemnité revenant aux consorts Y... au titre de l'assistance par une tierce personne de leur auteur défunt;
-Fixe à la somme de 7000 euros l'indemnité revenant à Léane Y... du chef de son préjudice moral subi depuis le décès de son grand-père;
-Dit que ces sommes indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt;
-Rappelle que toute somme versée le cas échéant par le FIVA à titre de provision sera déduite des précédentes indemnités;
-Arrête à la somme de 1200 euros l'indemnité de procédure revenant aux consorts Y... conformément à l'article 700 du code de procédure civile;
-Laisse au FIVA l'entière charge des dépens de la cause.
Le GreffierLe Conseiller faisant fonction de Président
F. DufosséB. Pety