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20/09/2018 | FRANCE | N°17/02066

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 20 septembre 2018, 17/02066


République Française


Au nom du Peuple Français








COUR D'APPEL DE DOUAI





TROISIEME CHAMBRE





ARRÊT DU 20/09/2018








***








N° de MINUTE : 18/343


N° RG : 17/02066 - N° Portalis DBVT-V-B7B-QSJ3





Jugement (N° 14/01574) rendu le 17 Juillet 2015 par le tribunal de grande instance de Lille





APPELANT





Maître Alexandre X... es qualités de liquidateur de la société

les Cris du Coeur


de nationalité française


[...]





Représenté et assisté de Me François Deleforge, avocat au barreau de Douai





INTIMÉS





Madame Nathalie Y... divorcée Z...


de nationalité française


[...]





Représentée et assis...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 20/09/2018

***

N° de MINUTE : 18/343

N° RG : 17/02066 - N° Portalis DBVT-V-B7B-QSJ3

Jugement (N° 14/01574) rendu le 17 Juillet 2015 par le tribunal de grande instance de Lille

APPELANT

Maître Alexandre X... es qualités de liquidateur de la société les Cris du Coeur

de nationalité française

[...]

Représenté et assisté de Me François Deleforge, avocat au barreau de Douai

INTIMÉS

Madame Nathalie Y... divorcée Z...

de nationalité française

[...]

Représentée et assistée de Me Caroline Follet, avocat au barreau de Lille

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 59178002/17/06916 du 27/06/2017 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Douai)

SARL L... d'entreprises par abréviation B.G.I.E. agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés [...]

Maître Christian A... agissant en qualité mandataire judiciaire de la SARL L... d'entreprises (BGIE)

[...]

Intervenants volontaires

SA MMA IARD venant aux droits de la SA Covea Risks (suite fusion et absorption), agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés [...]

SA MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES aux droits de la SA Covea Risks (suite fusion-absorption) agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés [...]

Représentés par Me Virginie C..., avocat au barreau de Douai

Assistés de Me Eric D..., avocat au barreau de Lille

DÉBATS à l'audience publique du 14 Juin 2018 tenue par Benoît E... et Claire F..., magistrats chargés d'instruire le dossier qui, ont entendu les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en ont rendu compte à la cour dans leur délibéré (article 786 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Fabienne Dufossé

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Benoît E..., conseiller faisant fonction de président

Claire F..., conseiller

Sara Lamotte, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 20 Septembre 2018 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Benoît E..., conseiller faisant fonction de président et Fabienne Dufossé, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

OBSERVATIONS ÉCRITES DU MINISTÈRE PUBLIC : 14 mars 2018

Communiquées aux parties le 16 mars 2018

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 29 mai 2018

***

Exposé du litige, de la procédure et des prétentions des parties:

La société «Les cris du c'ur» exploitait une salle de spectacles à Dunkerque. Son gérant a cherché à mettre en vente le fonds de commerce. Il aurait en cela donné mandat à l'agence L... d'Entreprises pour une période de trois mois renouvelable par tacite reconduction. A l'ouverture de la liquidation judiciaire de la société le 13 juillet 2010, ce mandat était encore en cours et le mandataire a proposé au liquidateur judiciaire, Maître X..., de poursuivre sa mission pour le compte de ce dernier.

La SARL L... Transmettait au mandataire judiciaire deux propositions, l'une de Mme Z... pour 75000 euros frais d'agence inclus et l'autre de M. M... pour 70000 euros, frais d'agence inclus. Maître X... retenait l'offre de Mme Z.... Il demandait à l'agent immobilier de lui faire parvenir l'offre signée de l'intéressée, sans condition suspensive, et avec un acompte de 10 % sur le prix. Le juge-commissaire autorisait la vente du fonds à Mme Z..., laquelle ne se présentait pas chez le notaire pour la signature. Les lieux loués étaient ainsi restitués au propriétaire, ce qui consacrait la perte définitive du fonds de commerce.

Considérant que tant l'auteur de l'offre, Mme Z..., que l'agent immobilier avaient fait preuve de peu de sérieux dans cette affaire, Maître X... ès qualités de mandataire judiciaire engageait une action en responsabilité devant le tribunal de grande instance de Lille. Entre temps, la SARL L... était déclarée en liquidation judiciaire et Maître X... a donc déclaré la créance de la liquidation dont il avait la charge entre les mains de son confrère chargé de la liquidation de l'agence immobilière. L'assureur de cette dernière a également été appelé à l'instance.

Par jugement du 17 juillet 2015, le tribunal de grande instance de Lille a notamment:

-déclaré recevable l'intervention accessoire de MM. G... et H...,

-déclaré irrecevables les demandes dirigées contre M. Benoît I...,

-débouté Maître X... ès qualités de mandataire liquidateur de la société «Les cris du c'ur» de ses demandes en paiement dirigées contre Mme Z...,

-débouté Maître X... ès qualités de ses demandes en paiement dirigées contre Maître A..., mandataire liquidateur de la SARL L... d'Entreprises,

-débouté Maître X... ès qualités de ses demandes en paiement dirigées contre la SA MMA,

-débouté Maître X... ès qualités de ses demandes en paiement dirigées contre la compagnie la MACIF,

-débouté Maître X... ès qualités de ses demandes en paiement dirigées contre la SA Covea Risks,

-condamné Maître A... ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL L... d'Entreprises, et la société Covea Risks à verser à Maître X... ès qualités la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

-débouté les parties de leurs autres demandes.

Maître X... ès qualités a interjeté appel de ce jugement. Il demande par voie de réformation à la cour de :

-Dire que Mme Z... est l'auteur à l'égard du demandeur d'une faute délictuelle ou quasi délictuelle ayant consisté à présenter une offre à la légère,

-Dire que l'agent immobilier a engagé envers lui sa responsabilité contractuelle pour avoir transmis comme fermes des offres dépourvues de sérieux et sans avoir procédé à aucune vérification de la solvabilité des candidats à l'acquisition,

-Condamner Mme Z... à lui payer la somme de 62000 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de l'acte introductif d'instance,

-Admettre le mandataire demandeur au passif de la liquidation judiciaire de la société L... pour un montant de 62000 euros à titre chirographaire,

-Condamner la société MMA IARD, venant aux droits de la société Covea Risks, à payer à Maître X... ès qualités la somme de 62000 euros au titre de la garantie qu'elle doit à l'assuré dont elle couvre la responsabilité civile professionnelle, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

-Condamner in solidum Mme Z... et la société MMA IARD venant aux droits de la société Covea Risks à payer à Maître X... ès qualités la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel.

Maître X... reproche à Mme Z... une faute ayant consisté à émettre une offre dépourvue de tout intérêt. L'offre tient en un email du 30 août 2010. Il est signé notamment de l'intéressée. Il mentionne un prix défini pour une chose précise. Il n'énonce aucune condition d'aucune sorte. Le mandataire apprendra par la suite que Mme Z... ne voulait plus s'associer et qu'elle souhaitait faire l'affaire seule en ce qu'elle avait l'accord de principe de sa banque et de sa boutique de gestion. Finalement, elle ne donnera pas suite. L'offre émanant de Mme Z... a donc été faite à la légère. Or, la première obligation d'un candidat à l'achat est de formuler une offre avec un minimum de sérieux et de crédibilité. Tel n'a pas été le cas en l'occurrence et Mme Z... devra être jugée responsable sur le terrain délictuel ou quasi délictuel.

Envers l'agence immobilière, Maître X... maintient que sa demande indemnitaire est parfaitement recevable s'agissant d'une fixation de créance au passif de la société débitrice, celle-ci étant d'abord en redressement judiciaire pour avoir depuis été placée en liquidation judiciaire.

Sur le fond, le mandataire judiciaire poursuivant rappelle que la société L... d'Entreprises était chargée de l'exécution d'un mandat confié initialement par le gérant de la société «les cris du c'ur», le mandataire ayant proposé de poursuivre sa mission pour le compte du liquidateur. Or, ce mandataire s'est manifestement contenté de reprendre à son compte l'offre de Mme Z... et celle de M. M... pour les synthétiser dans un même document mais sans exercer les devoirs de sa profession, à commencer par la vérification de la solvabilité des candidats à l'acquisition.

Relativement au préjudice en lien causal avec la faute de Mme Z... et de l'agent immobilier mandataire, il faut certes raisonner en termes de perte de chance mais aussi comme si la faute ne s'était pas produite, c'est-à-dire comme si la candidate à l'acquisition et l'agence immobilière avaient agi de manière responsable et professionnelle.Si le fonds de commerce avait perdu de sa valeur, il valait encore entre 70000 et 75000 euros puisque des offres ont été exprimées à ces montants. Le mandataire judiciaire maintient donc qu'il pouvait espérer une vente au prix net de 62000 euros, quantum de son préjudice.

* * * *

Mme Z... conclut à la confirmation pure et simple du jugement entrepris. A titre subsidiaire, elle demande à la cour de constater que la SARL L... d'Entreprises a commis une faute et doit être condamnée solidairement avec MMA IARD Assurances Mutuelles et MMA IARD à la garantir de toute condamnation prononcée à son égard. Mme Z... sollicite aussi la condamnation de Maître X... ès qualités à lui verser une indemnité de procédure de 2500 euros.

Mme Z... fait d'abord valoir que M. I... n'a jamais été son mandataire. Ce dernier a présenté au mandataire judiciaire les deux offres dont la sienne et ce sous son entière responsabilité. Il a sciemment omis de préciser que ces offres étaient pourvues d'une condition suspensive, à savoir l'octroi d'un financement. S'il y a faute en l'occurrence, c'est bien de l'agent immobilier. L'email versé aux débats n'est pas explicite sur l'identité précise de son rédacteur.

Mme Z... rappelle qu'elle est danseuse profane. Elle n'a aucune compétence en matière d'exploitation d'un fonds de commerce. Elle n'avait aucuns fonds propres et devait obligatoirement recourir à un concours bancaire pour financer le rachat du fonds de commerce mis en vente. Or, aucune banque n'a accepté de la soutenir dans ce projet. Elle n'a pas répondu au message de Maître X... début octobre 2010. Elle ne comprend toujours pas comment ce mandataire judiciaire a pu saisir le juge-commissaire d'une demande d'autorisation de cession du fonds. S'il y a légèreté dans ce dossier, ce serait davantage du côté du mandataire judiciaire.

Mme Z... soutient aussi que M. I... a agi dans cette affaire à son seul profit, espérant obtenir une commission. Elle réfute catégoriquement être à l'origine d'une offre d'achat portant sur une somme de 139250 euros. Dès septembre 2010, le mandataire judiciaire pouvait rechercher d'autres candidats à l'acquisition mais certainement pas présenter au juge-commissaire une offre qu'il savait caduque.

La responsabilité de l'agent immobilier est engagée en ce qu'il n'a jamais attiré l'attention de Mme Z... sur les risques et les conséquences de l'opération projetée. Il aurait de surcroît dû être clair et préciser au mandataire judiciaire que l'offre était soumise à des conditions suspensives dont la principale concernait l'octroi de concours bancaires. Il y a bien un manquement de la société L... d'Entreprises à son devoir de conseil.

* * * *

Maître A..., ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL L... d'Entreprises, et les MMA IARD et MMA Assurances Mutuelles, lesquelles succèdent à la SA Covea Risks, demandent à la cour de:

-Dire irrecevables les demandes de Maître X... ès qualités dirigées contre les sociétés d'assurances,

-le débouter de ses demandes,

-Donner acte aux MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles de leur intervention volontaire aux lieu et place de la SA Covea Risks,

-Confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il condamne in solidum Maître A... ès qualités et Covea Risks à verser à Maître X... ès qualités une indemnité de procédure de 1000 euros,

-Infirmer le jugement uniquement de ce chef,

-Condamner Maître X..., mandataire judiciaire liquidateur de la société «Les cris du c'ur» à verser conformément à l'article 700 du code de procédure civile la somme de 3000 euros à Maître A... ès qualités et celle de 3000 euros aux deux sociétés d'assurances intervenantes, sans préjudice des entiers dépens de première instance et d'appel.

Maître A... ès qualités expose en premier lieu que la demande de Maître X... est irrecevable en ce qu'elle se heurte aux dispositions de l'article L. 622-21 du code de commerce qui suspend et interdit toute action en justice de la part des créanciers à l'encontre du débiteur en redressement ou en liquidation judiciaire. Par ailleurs, il s'avère que Maître X... agissait en première instance sur le fondement de l'article 1382 du code civil. Il semble qu'en cause d'appel, il se prévale contre l'agent immobilier du mandat, ce qui ressort de la responsabilité contractuelle.

Sur le fond, Maître A... précise que le cabinet BGIE n'avait reçu aucun mandat de Maître X... pas plus qu'il n'en avait reçu de la part de la société «Les cris du c'ur». Il s'est contenté de présenter à Mme Z... et à M. M... une affaire qui pouvait les intéresser. Les deux propositions ensuite transmises à Maître X... n'en étaient qu'au stade de projets ou de pourparlers. Il n'y a là aucune faute de la part de la société BGIE qui s'est limitée à présenter des candidats à Maître X... au stade des prémices et sans engagement formel des candidats. C'est donc avec une hâte inexplicable et donc une certaine imprudence que Maître X... s'est cru autorisé à saisir le juge-commissaire d'une demande d'autorisation de la cession du fonds de commerce en faveur de Mme Z.... Il n'avait même pas transmis les bilans et autres documents comptables utiles à cette dernière. Il savait en outre que l'offre de Mme Z... était caduque. C'est donc bien Maître X... qui a agi avec légèreté dans ce dossier.

Maître A... maintient que l'agent immobilier conteste toute faute dans la simple transmission de deux propositions au mandataire judiciaire. Il n'a pris aucune rémunération et conteste de surcroît être tenu au montant du prix de vente. Le préjudice en l'espèce est directement la conséquence de l'attitude du mandataire liquidateur. Il n'a personnellement rien entrepris pour trouver un acquéreur, ce qui relève pourtant de sa mission. Il a perdu beaucoup de temps plutôt que de faire résilier le bail commercial pour stopper les arriérés de loyers. Il n'y a aucun lien de causalité entre les prétendues fautes de la société BGIE et l'arriéré de loyers commerciaux. Dans ce contexte, les deux sociétés d'assurance intervenantes n'entendent pas garantir le préjudice allégué par Maître X... ès qualités.

* * * *

La procédure a été transmise au ministère public qui l'a visée le 16 mars 2018 pour solliciter la confirmation de la décision querellée.

* * * *

L'instruction du dossier a été clôturée par ordonnance du 29 mai 2018.

* * * *

Motifs de la décision:

-Sur la faute délictuelle reprochée à Mme Z...:

Attendu que Maître X..., ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL «Les cris du c'ur», entend reprocher à Mme Z... l'émission le 30 août 2010 d'une offre de rachat du fonds de commerce sans que l'intéressée ait cru justifié de conclure l'opération alors qu'elle avait confirmé une offre à concurrence de 75000 euros et exempte de toute condition suspensive;

Qu'à ce sujet, l'examen d'un email adressé le 30 août 2010 par Mme Z... et M. J... révèle que ces deux signataires du message s'adressaient en ces termes à M. I..., mandataire: «Monsieur I..., suite à notre conversation de ce jour, je vous confirme notre offre de 75000 euros pour le petit music hall. Cordialement. Z... Nathalie, J... Frederic.»;

Que, de fait, la SARL L... d'Entreprises a transmis le 31 août 2010 à Maître X... cette proposition ainsi que celle émanant de M. M... ;

Qu'il est toutefois hasardeux de retenir ce simple email du 30 août 2010 par définition très peu détaillé comme constitutif d'une proposition de rachat ferme et définitive, ce qu'admettait manifestement en son temps le mandataire judiciaire puisque celui-ci s'exprimait le 10 septembre 2010 en ces termes dans un courrier adressé à la société BGIE: «Messieurs, j'ai pris bonne note de votre proposition de rachat du fonds de commerce suivant votre lettre du 31 août dernier. Je vous remercie de m'adresser l'offre signée par Madame Nathalie Z... à hauteur de 67000 euros, en me précisant qu'il n'y a pas de condition suspensive. Vous voudrez bien également me transmettre un chèque d'acompte de 10 %. A réception de ces documents, je solliciterai l'accord du juge-commissaire. Je vous remercie de faire le nécessaire dans les meilleurs délais.»;

Qu'il s'évince de ce courrier que l'email du 30 août 2010 sus-visé ne constitue pas l'offre en bonne et due forme à laquelle le mandataire judiciaire fait lui-même référence, ce message électronique ayant été émis par Mme Z... au cours de pourparlers, lesquels n'ont pas abouti comme l'exposait M. I... dans un email adressé le 24 septembre 2010 à Maître X..., le mandataire exposant que Mme Z..., qui était associée à un autre professionnel, avait décidé de reprendre l'affaire seule, qu'elle avait obtenu des accords de principe de sa boutique de gestion et de sa banque, accords qui devaient toutefois être validés lors d'entretiens le 29 septembre 2010, M. I... ajoutant que la confirmation de l'offre pourrait intervenir le 1er octobre 2010;

Que M. I... informait le 1er octobre 2010 Maître X... de ce qu'il n'avait plus aucune nouvelle de Mme Z..., le gérant de la société mandataire ne disant convaincu dans un message daté du 4 octobre 2010 de ce que Mme Z... n'avait pas été suivie par sa banque;

Qu'il résulte de ce qui précède qu'aucun accord n'est intervenu entre Maître X... et Mme Z... sur les conditions du rachat du fonds de commerce de la société «Les cris du c'ur», les protagonistes des pourparlers n'étant nullement sur la même base de discussion dès lors que le mandataire judiciaire fait état d'un rachat sans condition suspensive alors que, dès le 24 septembre 2010, la société BGIE indiquait que Mme Z... faisait bien appel à un concours bancaire et qu'elle devait obtenir confirmation de la part d'un prêteur de deniers au plus tôt le 29 septembre 2010, ce qu'elle n'a finalement pas obtenu;

Que, dans ce contexte, c'est à raison que les premiers juges ont considéré que le fait pour Mme Z... de n'avoir pas donné suite au projet de reprise du fonds de commerce de la société «Les cris du c'ur» n'engendrait aucune faute de nature à engager sa responsabilité de sorte que Maître X... devait être débouté de son action dirigée contre cette partie, le jugement déféré étant en cela confirmé;

-Sur la faute contractuelle reprochée à la SARL BGIE:

Attendu dans un premier temps que s'agissant d'une action dirigée par Maître X... ès qualités contre la société mandataire aux fins simplement de voir fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la personne morale, ce qui ne s'analyse pas en une demande de condamnation, le moyen d'irrecevabilité tiré de l'article L. 622-21 I du code de commerce et opposée par Maître A... ès qualités n'est pas pertinent;

Qu'il ne l'est pas davantage quant à la question du fondement juridique de l'action de Maître X... qui aurait changé de nature devant la cour (responsabilité contractuelle au lieu de la responsabilité délictuelle en première instance) dans la mesure où l'article 565 du code de procédure civile pose le principe que «les demandes ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celle soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent»;

Attendu, au fond, qu'il est vain pour le mandataire liquidateur de la SARL BGIE de soutenir qu'aucun mandat ne lui a été accordé par Maître X... dès lors que s'il est acquis que la SARL «Les cris du c'ur»a bien conclu le 19 février 2010 pour une période de trois mois renouvelable par tacite reconduction avec cette personne morale un mandat non exclusif de recherche d'acquéreur d'un fonds de commerce, il est aussi démontré en l'état des éléments de la cause que Maître X... et la SARL BGIE ont continué à correspondre au sujet de la reprise du fonds de commerce, la société BGIE ayant transmis au mandataire judiciaire les propositions de rachat du fonds et ensuite répondu aux diverses demandes de renseignements de Maître X...;

Qu'il faut relever que, sans la continuation au profit de Maître X... du mandat initialement accordé par la société «Les cris du coeur», cette correspondance entretenue pendant plusieurs mois entre la société BGIE et le mandataire judiciaire serait difficilement compréhensible, ce qui justifie le fondement contractuel de l'action engagée par Maître X...;

Qu'il apparaît avec une certaine évidence que ce qui a manifestement été source d'une mauvaise compréhension entre Maître X... et la société BGIE tient à l'absence de condition suspensive initialement formalisée par cette dernière et que le mandataire judiciaire a entendue reprendre dans la négociation;

Que si le message électronique du 30 août 2010 ne fait pas état d'un quelconque concours bancaire, ce que le courrier adressé le 31 août 2010 par la société BGIE à Maître X... ne reprend pas non plus, force est d'observer que l'email en question mentionnait une double signature de Mme Z... et de M. J..., ce qui confirme l'information selon laquelle le projet de rachat du fonds de commerce avait dans un premier temps été le fait de ces deux associés n'ayant pas forcément besoin de recourir à une aide financière pour concrétiser l'opération en pourparlers;

Qu'il apparaît aussi que, dans un second temps, Mme Z... s'est retrouvée seule pour envisager la reprise du fonds en question, les données subséquentes faisant alors mention d'un concours bancaire accordé en son principe mais nécessitant confirmation, ce qui a manifestement échoué;

Que, bien que destinataire le 30 août 2010 d'un email portant la signature de deux auteurs, Mme Z... et M. J..., la proposition de rachat envoyée le 31 août 2010 par la société BGIE à Maître X... ne précise pas le nom de M. J... aux côtés de Mme Z..., ce qui laissait entendre au mandataire judiciaire que cette dernière agissait seule et sans recourir à des conditions suspensives, ce qui n'était pas exact;

Que la proposition de rachat ainsi transmise par la société BGIE comporte bien une approximation qui engendrera ensuite une incompréhension légitime de la part du mandataire judiciaire, au moins jusqu'au message du 24 septembre 2010 l'informant de ce que Mme Z... a bien eu recours à un concours bancaire, celui-ci devant encore être confirmé par l'établissement financier;

Que c'est donc à raison que le tribunal de grande instance de Lille a retenu un manquement de la SARL BGIE à ses obligations professionnelles et considéré que la responsabilité contractuelle de la SARL BGIE était à ce titre engagée envers Maître X... ès qualités, ce que la cour ne retient pas du chef d'un prétendu retard d'information entre les 21 septembre et 4 août 2010 dès lors que la certitude d'un refus de concours bancaire ne pouvait être acquise avant le 29 septembre 2010;

Que la décision entreprise sera en conséquence confirmée en ce qu'elle retient la responsabilité de la SARL BGIE;

-Sur le préjudice subi par la société «Les cris du c'ur»:

Attendu que Maître X... qui, ès qualités de mandataire liquidateur de la société «Les cris du coeur», entend voir arrêter à la somme de 62000 euros le montant de sa créance au passif de la procédure collective de la société BGIE, et condamner l'assureur de cette personne morale à lui verser cette somme outre intérêts légaux, expose en termes juridiquement adéquats de perte de chance que son préjudice correspond au prix de rachat offert, au moins pour la plus faible des propositions;

Que, pour autant, il a été précédemment développé que Maître X..., suite au message de la SARL BGIE du 31 août 2010, attendait encore une confirmation d'offre de la part de Mme Z... sur la base des conditions reprises dans sa réponse à l'agence immobilière de sorte que, s'agissant toujours à cette date de pourparlers contrairement à ce qu'indique le mandataire judiciaire, la circonstance qu'il ait alors cessé toute autre recherche de repreneur du fonds de commerce ne peut s'expliquer, le préjudice évalué à 62000 euros allégué par Maître X... n'étant pas en rapport causal avec la faute de la société BGIE, pas plus du reste que les loyers impayés;

Que c'est donc à bon droit que les premiers juges ont débouté Maître X... ès qualités de ses demandes dirigées contre Maître A... ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL BGIE, le mandataire judiciaire poursuivant n'étant pas davantage fondé à exercer l'action directe contre les assureurs défendeurs, la décision querellée étant à ces égards confirmée;

-Sur les frais irrépétibles:

Attendu qu'aucune considération d'équité ne justifie l'indemnité de procédure arrêtée par les premiers juges au profit de Maître X... ès qualités, ce mandataire judiciaire qui prendra à sa charge les dépens de première instance étant débouté de sa demande indemnitaire, le jugement entrepris étant infirmé de ces chefsmais confirmé en ce qu'il a débouté les parties de leurs autres demandes;

Attendu qu'en cause d'appel, l'équité commande d'arrêter au profit de Mme Z... une indemnité de procédure de 2000 euros, au profit de Maître A... ès qualités une indemnité pour frais irrépétibles de 1000 euros et au bénéfice des sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles une indemnité globale de procédure d'un montant de 1 000 euros, Maître X... étant débouté ès qualités de sa propre prétention indemnitaire articulée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

* * * *

Par ces motifs,

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

-Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf celles arrêtant une indemnité de procédure au profit de Maître X... ès qualités et mettant in solidum les dépens de première instance à la charge de Maître A... ès qualités et de la SA COVEA Risks;

Infirmant et prononçant à nouveau de ces deux chefs,

-Déboute Maître X... ès qualités de sa demande d'indemnité de procédure en première instance;

-Laisse à Maître X... ès qualités la charge des entiers dépens de première instance;

Y ajoutant,

-Condamne Maître X..., ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL «Les cris du coeur», à verser en cause d'appel à titre d'indemnités de procédure les sommes suivantes:

' à Mme Z..., une indemnité de 2000 euros,

' à Maître A..., ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL BGIE, une indemnité de 1000 euros,

' aux compagnies MMA IARD et MMA Assurances Mutuelles, une indemnité globale de 1000 euros;

-Laisse les entiers dépens d'appel à la charge de Maître X... ès qualités.

Le Greffier Le Conseiller faisant fonction de Président

F. Dufossé B. E...


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 17/02066
Date de la décision : 20/09/2018

Références :

Cour d'appel de Douai 03, arrêt n°17/02066 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-09-20;17.02066 ?
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