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13/09/2018 | FRANCE | N°16/05096

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 2, 13 septembre 2018, 16/05096


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 2 SECTION 2



ARRÊT DU 13/09/2018





***





N° de MINUTE :18/

N° RG : 16/05096 - N° Portalis DBVT-V-B7A-QBFA



Jugement (N° [...]) rendu le 05 juillet 2016 par le tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer







APPELANT



M. Dominique, Michel, Pierre X...

né le [...] à Audembert (62250)

de nationalité française

demeurant [...]
r>62360 la Capelle les Boulogne

représenté par Me Stanislas Y..., avocat au barreau de Boulogne-sur-Mer



INTIMÉS



Me Alexandre Z... ès-qualités de liquidateur judiciaire de la Société ESN, désigné par jugement du tri...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 13/09/2018

***

N° de MINUTE :18/

N° RG : 16/05096 - N° Portalis DBVT-V-B7A-QBFA

Jugement (N° [...]) rendu le 05 juillet 2016 par le tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer

APPELANT

M. Dominique, Michel, Pierre X...

né le [...] à Audembert (62250)

de nationalité française

demeurant [...]

62360 la Capelle les Boulogne

représenté par Me Stanislas Y..., avocat au barreau de Boulogne-sur-Mer

INTIMÉS

Me Alexandre Z... ès-qualités de liquidateur judiciaire de la Société ESN, désigné par jugement du tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer en date du 8 juin 2017

demeurant [...]

SAS E.S.N. en liquidation judiciaire

représentés par Me Stéphane A..., avocat au barreau de Béthune

DÉBATS à l'audience publique du 15 mai 2018 tenue par Isabelle B... magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Valérie Roelofs

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Marie-Laure Dallery, président de chambre

Nadia Cordier, conseiller

Isabelle B..., conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 13 septembre 2018 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Marie-Laure Dallery, président et Valérie Roelofs, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 11 avril 2018

***

FAITS ET PROCEDURE

M. Michel X... a exercé au sein de la SAS ESN les fonctions de directeur général et de directeur administratif et financier.

Il a démissionné de ces fonctions en février 2014, pour les premières, et en mars 2014 pour les secondes.

Le 30 janvier 2014, la société ESN a fait l'objet d'une décision de redressement judiciaire, Me Z... étant désigné comme mandataire judiciaire.

La date de cessation des paiements a été fixée au 1er mai 2013.

En avril 2014, le juge-commissaire désigné dans la procédure collective a ordonné une expertise afin que soit analysée la gestion comptable et financière de la société ESN.

Par jugement en date du 24 juillet 2014, le tribunal de commerce de Boulogne sur Mer a arrêté le plan de redressement de la société ESN et désigné Me Z... en qualité de commissaire à l'exécution du plan.

Par acte en date du 31 mars 2015, la société ESN et Me Z..., ès qualités, ont fait assigner devant ce tribunal M. X... aux fins notamment de condamnation de ce dernier à leur régler diverses sommes au titre de travaux réalisés par la première, de commandes de matériels sur son compte et de 'prélèvements injustifiés'.

Dans une ordonnance rendue le 27 janvier 2016, le juge des référés de ce tribunal a ordonné une expertise afin notamment de décrire la gestion de plusieurs dirigeants dont M. X... 'au sein des sociétés ESN, Capnord et Ensano'et de dire si cette gestion était conforme aux règles comptables, fiscales, sociales et juridiques.

Dans un jugement contradictoire en date du 5 juillet 2016, le tribunal de commerce a :

- dit n'y avoir lieu à surseoir à statuer,

- rejeté l'exception de prescription,

- condamné M. X... au paiement d'une somme de 33 369 euros, avec intérêts légaux majorés de 5 points à l'expiration d'un délai de 2 mois à compter du jour où la décision sera devenue exécutoire,

- ordonné la capitalisation annuelle des intérêts, à la date anniversaire de la présente décision,

- débouté la société ESN et Me Z... du surplus de leurs demandes,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné M. X... aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, sans désignation du bénéficiaire de cette somme.

Par déclaration au greffe en date du 11 août 2016, M. X... a interjeté appel de cette décision.

L'expert judiciaire a achevé son rapport le 30 avril 2017.

Par décision en date du 8 juin 2017, ce même tribunal a prononcé la résolution du plan de redressement prononcé au profit de la société ESN, a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à son encontre et a désigné Me Z... en qualité de liquidateur judiciaire.

Me Z... a poursuivi la procédure en appel en cette nouvelle qualité.

PRETENTIONS DES PARTIES

Vu les conclusions de M. X..., signifiées par message RPVA du 22 mars 2018, dans lesquelles il demande à la cour au visa des articles L225-251 et suivants du code de commerce de :

- déclarer son appel recevable et bien-fondé,

- déclarer Me Z... irrecevable en son appel, au vu des dispositions des articles 960 et 961 du code de procédure civile, à raison de la prescription de son action mais aussi irrecevable sa demande de prise en charge des frais d'expertise car nouvelle,

- déclarer irrecevable l'intervention de la société ESN du fait de la règle du dessaisissement de l'article L641-9 du code de commerce,

- déclarer irrecevable la société ESN en ses prétentions du fait de la survenance de la liquidation judiciaire et compte tenu de la règle de dessaisissement des droits et actions de la société,

- infirmer le jugement entrepris,

- débouter Me Z..., ès qualités, de ses demandes,

- dire qu'il n'est pas redevable d'une somme de 33 369 euros, avec intérêts légaux majorés de 5 points à l'expiration d'un délai de 2 mois à compter du jour où la décision sera devenue exécutoire,

- condamner Me Z..., ès qualités, à lui régler la somme de 33 369 euros euros ou, à défaut, la fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société ESN, à raison du règlement par lui des termes du jugement de première instance,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Me Z... ès qualités de ses prétentions au titre des sommes prétendument dues par Benjamin X... ainsi qu'au titre de la somme de 6 406,66 euros pour la matériel fourni,

- condamner Me Z..., ès qualités, aux dépens ainsi qu'à lui verser une somme de 4 500 euros au titre de ses frais irrépétibles.

Vu les conclusions de la société ESN et de Me Z..., en sa qualité de liquidateur de cette société, signifiées par message RPVA en date du 1er décembre 2017, dans lesquelles ils demande à la cour que :

- elle juge M. X... irrecevable et mal fondé en ses demandes,

- elle confirme le jugement entrepris,

- elle dise n'y avoir lieu à sursis à statuer,

- elle juge la demande de la société ESN non atteinte par la prescription,

- elle juge M. X... responsable des travaux indûment réalisés par la société ESN à son profit,

- elle condamne M. X... au paiement de la somme de 33 369 euros, avec intérêts légaux majorés de 5 points à compter de la mise en demeure en date du 9 décembre 2014 au titre de la 'restitution desdites sommes et indemnisation du préjudice subi par la société ESN au titre des travaux réalisés non facturés',

- elle déboute M. X... de l'ensemble de ses demandes en cause d'appel,

- elle condamne M. X... :

- 'au paiement de la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure manifestement abusive et injustifiée',

- 'au paiement d'une somme de 3 500 euros' en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- au paiement des 'frais d'expertise C...',

- elle condamne M. X... aux dépens de première instance et d'appel.

SUR CE,

Il convient de relever que M. X... ne maintient pas en cause d'appel sa demande de sursis à statuer.

Par conséquent, il n'y a pas lieu de trancher une demande non formulée, comme le sollicitent la société ESN et Me Z..., ès qualités, mais simplement de confirmer le jugement entrepris sur ce point.

Sur l'irrecevabilité des conclusions de Me Z... soulevée par M. X...

Au visa des articles 960 et 961 du code de procédure civile, M. X... soutient que les conclusions prises au nom de Me Z... ne contiennent pas toutes les mentions requises de sorte qu'elles sont irrecevables.

Ils ajoutent que, puisque Me Z... n'a pas pris de conclusions recevables dans le délai prévu à l'article 902 de ce même code, il n'a présenté aucune demande au fond.

Ce dernier n'a présenté aucun moyen en réplique.

Aux termes des articles 960 et 961 du code de procédure civile, la constitution d'avocat par l'intimé ou par toute personne qui devient partie en cours d'instance est dénoncée aux autres parties par notification entre avocats.

Cet acte indique:

a) Si la partie est une personne physique, ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance;

b) S'il s'agit d'une personne morale, sa forme, sa dénomination, son siège social et l'organe qui la représente légalement.

Les conclusions des parties sont signées par leur avocat et notifiées dans la forme des notifications entre avocats. Elles ne sont pas recevables tant que les indications mentionnées à l'alinéa 2 de l'article précédent n'ont pas été fournies. Cette fin de non-recevoir peut être régularisée jusqu'au jour du prononcé de la clôture ou, en l'absence de mise en état, jusqu'à l'ouverture des débats.

S'agissant d'une fin de non-recevoir, régie par les dispositions des articles 122 et suivants de ce même code, la partie qui en excipe n'a pas à invoquer un grief au soutien de sa demande.

Par ailleurs, aux termes de l'article L 641-9 I du code de commerce, le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens même de ceux qu'il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n'est pas clôturée. Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur.

Toutefois, le débiteur peut se constituer partie civile dans le but d'établir la culpabilité de l'auteur d'un crime ou d'un délit dont il serait, s'il limite son action à la poursuite de l'action publique sans solliciter de réparation civile.

Le débiteur accomplit également les actes et exerce les droits et actions qui ne sont pas compris dans la mission du liquidateur ou de l'administrateur lorsqu'il en a été désigné.

Un débiteur en liquidation judiciaire, fût-ce une société, peut subir un préjudice dont il appartient au liquidateur judiciaire de poursuivre la réparation.

Dans cette hypothèse, le liquidateur agit, non pas comme représentant légal de la société, mais comme organe de la procédure collective, puisqu'en vertu des dispositions précités, le débiteur conserve l'exercice de certains de ses droits.

En l'espèce, l'en-tête des conclusions des 'intimés' indiquent les noms de la société ESN et de Me Z... mais ne comporte pas toutes les mentions prévues par l'article 960 précité s'agissant des personnes physiques, et notamment les date et lieu de naissance du liquidateur ainsi que sa nationalité.

Or, il n'est pas contesté que Me Z... exerce son activité à titre individuel et non dans le cadre d'une société.

Il se devait donc de respecter les prescription de l'article 960 alilnéa 2 a) précité.

Puisque ces dernières écritures, signifiées par message RPVA en date du 1er décembre 2017 ne comporte pas lesdites mentions et qu'il n'a pas régularisé cet oubli avant la clôture de l'instruction ou des débats, il ne peut qu'être constaté que les conclusions prises en son nom sont irrecevables en vertu des textes précités.

Ainsi, aucun moyen de défense, ni aucune demande n'est valablement présenté en son nom en cause d'appel.

Sur la fin de non-recevoir tirée de l'absence de qualité à agir de la société ESN

Arguant des dispositions de l'article L641-9 du code de commerce, M. X... soutient que la société ESN, du fait de sa liquidation judiciaire, a été dessaisie de ses droits et n'a donc plus qualité à agir contre lui.

Les parties intimées ne répondent pas à cette argumentation.

L'article 122 du code de procédure civile dispose que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

En matière contentieuse, l'appel ne peut être dirigé que contre ceux qui ont été parties en première instance et dans la même qualité.

Par ailleurs, aux termes de l'article L 641-9 I du code de commerce, le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens même de ceux qu'il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n'est pas clôturée. Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur.

Toutefois, le débiteur peut se constituer partie civile dans le but d'établir la culpabilité de l'auteur d'un crime ou d'un délit dont il serait, s'il limite son action à la poursuite de l'action publique sans solliciter de réparation civile.

Le débiteur accomplit également les actes et exerce les droits et actions qui ne sont pas compris dans la mission du liquidateur ou de l'administrateur lorsqu'il en a été désigné.

Un débiteur en liquidation judiciaire, fût-ce une société, peut subir un préjudice dont il appartient au liquidateur judiciaire de poursuivre la réparation.

En l'espèce, l'appel n'est pas interjeté par la société ESN et/ou Me Z..., ès qualités, mais par M. X....

A la date de l'enregistrement de sa déclaration d'appel, la société ESN n'était pas encore en liquidation judiciaire, de sorte qu'il était normal qu'elle soit partie à l'instance, comme elle l'avait été en première instance.

Mais, elle a fait l'objet d'une liquidation judiciaire prononcée le 8 juin 2017.

Certes, il n'est pas contesté que Me Z... est alors intervenu à l'instance en sa qualité de liquidateur judiciaire de cette société.

Toutefois, les conclusions prises en son nom ont été déclarées irrecevables.

Et, bien que la société ESN ne formule aucune demande propre, le dispositif de ses conclusions ne comportant, au demeurant, aucune demande nominative de condamnation, il n'en reste pas moins qu'en vertu des dispositions précitées, elle ne peut seule agir dans la cadre de la présente instance, même en tant qu'intimée.

En conséquence, il ne peut qu'être constaté que la société ESN est irrecevable en ses demandes.

Et, comme Me Z... a été déclaré irrecevable en ses conclusions, il en résulte que les parties intimés n'ont pas valablement présenté de moyens de défense.

Ainsi, leur demande relative à la condamnation de M. X... à prendre en charge les frais de l'expertise, ordonnée dans le cadre de la procédure collective, s'en trouve également irrecevable puisque non présentée devant les premiers juges.

La fin de non-recevoir opposée à cette demande par M. X... est donc sans objet.

Il en est de même de la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ainsi que des demandes de condamnations aux dépens et au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Néanmoins, par l'effet dévolutif, la cour reste saisie de l'appel du jugement rendu par le tribunal de commerce de Boulogne sur Mer en date du 5 juillet 2016 dont l'infirmation est demandée par M. X....

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription

Malgré l'invocation de multiples fondements légaux par Me Z... et la société ESN en première instance, puisqu'ils appuyaient leurs demandes tant sur l'article L255-51 du code de commerce que sur les articles 1109 et 1371 du code civil, les premiers juges ont, à juste titre, examiné les demandes de ceux-ci à la lumière des dispositions du code du commerce, seules invoquées de façon pertinente.

Au visa de l'article L255-254 de ce même code, M. X... soutient que l'action en responsabilité dirigée contre lui est prescrite car elle n'a pas été exercée dans le délai de 3 ans.

En effet, il considère que les agissements qui lui ont été reprochés n'étaient en rien dissimulés puisqu'ils étaient connus du président de la société et figuraient dans les comptes sociaux, de sorte que le droit d'agir a couru dès l'approbation des comptes sociaux recelant la trace des actes qui lui sont reprochés.

Or, le dernier en date figurait dans les comptes sociaux de 2012 et l'assignation a été délivrée le 31 mars 2015, de sorte que tous les actes antérieurs au 31 mars 2012 sont prescrits, selon lui

L'article L225-251 du code de commerce dispose que les administrateurs et le directeur général sont responsables, individuellement ou solidairement selon le cas, envers la société ou envers les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés anonymes, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion.

Aux termes de l'article L. 225-254 de ce même code, l'action en responsabilité contre les administrateurs ou le directeur général, tant sociale qu'individuelle, se prescrit par trois ans, à compter du fait dommageable ou s'il a été dissimulé, de sa révélation. Toutefois, lorsque le fait est qualifié crime, l'action se prescrit par dix ans.

Hors toute dissimulation retenue, la prescription triennale court à compter du fait dommageable que constitue, pour une société, la privation des sommes indûment réglées au profit de ses dirigeants ou administrateurs à l'époque où celles-ci ont été décidées et perçues.

Et, la dissimulation impose soit que les agissements aient été cachés, soit que des documents, notamment comptables, aient été émis pour donner une apparence de validité à ces agissements.

En tout état de cause, la dissimulation implique des manoeuvres en vue de cacher à la société ou à ses associés le caractère préjudiciable de ces actes et donc nécessairement une volonté de dissimuler ces actes.

Et, s'il y a eu volonté de dissimulation, la révélation des faits reprochés s'apprécie à l'égard de la personne qui exerce l'action.

A titre liminaire, il doit être indiqué que :

- la société ESN était détenue à 100% par la société holding Capnord,

- jusqu'en décembre 2010, la société Capnord était détenue par 3 actionnaires, MM. D..., X... et E...,

- à compter du mois de décembre 2010, la société Noveo, dont l'associé unique était M E..., a acquis 1 257 des 1323 actions, M. X... conservant 66 actions jusqu'au mois de décembre 2013,

- en décembre 2013, la société Noveo est devenue seule détentrice de toutes les actions de la société Capnord.

Ainsi, malgré l'imbrication de ces trois sociétés, qui ont d'ailleurs fait l'objet de procédures collectives en même temps, M. X... n'a jamais détenu seul le pouvoir de décision dans celles-ci, et notamment dans la société ESN.

Il n'a donc pu empêcher une action en responsabilité contre lui, avant l'ouverture d'une procédure collective, à raison de ses responsabilités sociales.

En outre, s'agissant de la dissimulation retenue par les premiers juges, le fait que la société ESN et Me Z... aient agi en justice contre M. X... après que le premier expert a déposé son rapport en fin d'année 2014 ne saurait suffire à caractériser la dissimulation des actes qui sont reprochés à M. X..., comme cela a été retenu.

Or, à la lecture tant du rapport du premier expert, M. C..., que celle du second expert, M. F..., il n'est pas avéré que les agissements de M. X... ont été cachés.

En effet, dans le cadre de la présente action, il lui est reproché d'avoir bénéficié de travaux, réalisés par la société ESN, qui ont été soit sous-évalués, soit non réglés.

Il lui est également reproché certains achats de matériaux par la société ESN à son profit, sans remboursement de la société.

Or, si les deux rapports d'expertise confirment la réalité de ces actes, force est de constater que les experts n'écrivent, à aucun moment, que ces 'opérations' ont été dissimulées.

Certes, M. X... exerçait des fonctions au sein de la société ESN qui lui permettaient de tenir la comptabilité de la société et d'arrêter les comptes.

Mais, il le faisait 'en collaboration avec le commissaire aux comptes' (cf. Page 37 du rapport de M F...).

Par ailleurs, les travaux ainsi réalisés à son profit ont donné lieu soit à des écritures comptables, sur lesquelles le paiement n'apparaît pas, soit à des factures émises au nom de la société ESN avec la mention 'chantier X...' apposée dessus.

Enfin, ces deux rapports d'expertise n'indiquent pas non plus que les comptes de la société ESN n'ont pas été soumis chaque année à l'approbation de l'assemblée générale ordinaire.

Ainsi, si ces deux rapports mettent en exergue un comportement pour le moins délétère de M. X... mais aussi de M D..., président jusqu'en 2010 de la société ESN, avec un manque de rigueur flagrant dans la passation des opérations comptables et des distributions de dividendes ou paiements de rémunérations tout à fait inopportuns, il n'est pas établi que les agissements reprochés dans le cadre de la présente instance au premier ont été dissimulés à la société ESN.

En conséquence, le point de départ de l'action en responsabilité dirigée contre M. X... a couru dès l'engagement de ces dépenses, ou à tout le moins, dès l'approbation des comptes annuels mentionnant ces dépenses non réglées ou sous-facturées.

Or, comme la société ESN et Me Z..., ès qualités, ont introduit l'action en responsabilité contre M. X... par acte en date du 31 mars 2015, ils ne pouvaient valablement se plaindre d'actes commis par ce dernier plus de 3 ans avant cette date, soit d'actes antérieurs au 31 mars 2012.

Ainsi, l'action de la société ESN et de Me Z..., ès qualités, est prescrite pour tous les faits antérieurs au 31 mars 2012 et le jugement entrepris doit être infirmé en ce qu'il l'a déclarée recevable pour le tout.

Sur l'action en responsabilité contre M. X... pour les faits postérieurs au 31 mars 2012

Ce dernier sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les demandes faites au titre des travaux réalisés au bénéfice de son fils ainsi qu'au titre de l'achat de matériaux, pour être déjà incluses dans les demandes au titre des travaux faits à son profit.

Il soutient, par ailleurs, qu'aucune faute de gestion ne peut lui être reprochée dès lors qu'il avait l'aval du Président, M D..., pour réaliser ces travaux.

Comme cela a été indiqué plus haut, l'article L225-251 du code de commerce dispose que les administrateurs et le directeur général sont responsables, individuellement ou solidairement selon le cas, envers la société ou envers les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés anonymes, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion.

Bien que les statuts de la société ESN, société par actions simplifiée, ne soient pas produits, M. X... n'a jamais dénié sa qualité de dirigeant de la société au sens de l'article L227-7 du code de commerce.

Les premiers juges ont retenu la responsabilité de M. X... pour des fautes de gestion commises par lui.

Il convient de noter que, comme l'ont justement retenu les premiers juges, M. C..., dans son rapport, indique que les travaux réalisés en 2013 l'ont été au bénéfice de Benjamin X..., fils de M. X....

Or, rien ne permet de penser que M. X... a décidé de ces travaux ou a pris l'initiative de ne pas les faire régler par son fils.

Ainsi, aucune faute ne peut être retenue à son encontre de ce fait et le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

Par ailleurs, il convient également de rejeter la demande au titre de l'achat de matériels, ceux-ci étant, comme l'ont justement retenus les premiers juges, déjà inclus dans les travaux non facturés ou sous-facturés réalisés au profit de M. X....

S'agissant de ces travaux, les premiers juges avaient retenus diverses sommes relatives aux années 2005, 2007, 2008 et 2011.

Eu égard à la prescription retenue plus haut, ces condamnations doivent être infirmées.

En revanche, M. C..., dans son rapport, mettait en exergue pour l'année 2012 la réalisation de travaux de plomberie au profit de M. X... qui avaient été, selon lui, sous facturés.

En effet, il indiquait qu'ils avaient été facturés à hauteur de 6 142 euros alors qu'ils avaient en réalité coûté à la société une somme de 10 653 euros, en tenant compte des coûts des matières premières, de la main d'oeuvre et de la location du matériel nécessaire, soit une différence de 4 511 euros.

Or, en sa qualité de directeur administratif et financier, M. X... était en charge de tous les aspects des 'achats' de la société mais aussi de sa comptabilité.

Il ne pouvait donc ignorer le coût réel des travaux réalisés à son profit.

Et, puisqu'il était aussi en charge de la comptabilité de la société ESN, en collaboration avec le commissaire aux comptes, ainsi que des 'tableaux de bord' mensuels de la société, il ne pouvait ignorer la situation très dégradée des comptes de la société ESN, dégradation qui a débuté en 2009, M. C... évoquant une 'baisse constante' d'activité à compter de cette date avec toutefois un 'regain d'activité en 2011".

Le fait que M. D..., dont les 2 experts ont aussi noté la contribution active à la dégradation de la situation de la société ESN, ait été au courant de ces agissements, voire les ait admis, ne saurait leur retirer leur caractère fautif dès lors qu'ils ont nui à l'intérêt de la société.

Enfin, celle-ci en a nécessairement subi un préjudice puisqu'elle s'est vue privée, à tout le moins, du paiement du coût réel des travaux qu'elle avait réalisés, alors que sa situation financière était déjà préoccupante, voire dégradée, à cette période.

Ainsi, il convient de retenir la responsabilité de M. X... de ce fait et de le condamner à régler à Me Z..., ès qualités, la somme de 4 511 euros au titre du préjudice financier subi par la société ESN.

Cette condamnation produira intérêts au taux légal à compter du jugement de première instance.

Et, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il avait prévu d'autres modalités s'agissant des intérêts moratoires.

Sur la demande 'en paiement ou en fixation' de la somme trop versée

Le jugement de première instance étant assorti de l'exécution provisoire, M. X... soutient avoir réglé les sommes mises à sa charge.

Du fait de la réformation partielle du jugement, il sollicite la condamnation de Me Z..., ès qualités, à lui restituer la somme trop perçue ou la fixation de sa créance à la procédure collective.

Si le conseil de M. X... a procédé au nom de son client à une déclaration de créances pour toutes les sommes versées par ce dernier dans le cadre des instances qui l'opposaient à la société ESN, M. X... ne justifie pas du paiement effectif de la somme mise à sa charge par les premiers juges.

Le simple fait que les intimés n'aient pas sollicité la radiation de l'affaire au visa de l'article 526 du code de procédure civile ne saurait valoir preuve de l'exécution des termes du jugement entrepris.

Ainsi, il n'y a pas lieu d'accéder à sa demande de fixation de créance au passif de la procédure collective ouverte au nom de la société ESN, toute condamnation en paiement étant exclue s'agissant d'une créance née avant le jugement d'ouverture de la procédure.

Toutefois, les termes de la présente décision suffiront pour que M. X... justifie auprès du liquidateur judiciaire du bien-fondé et du montant de sa créance, s'il a effectivement réglé les condamnations mises à sa charge par le jugement de première instance.

Sur les dépens et les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Il convient de confirmer le jugement entrepris sur les dépens et les dispositions au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. X..., succombant partiellement, il sera condamné aux dépens d'appel et sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire et par mise à disposition au greffe,

INFIRME le jugement sauf en ce qu'il a dit n'y avoir lieu de surseoir à statuer et en ce qui concerne les dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile ;

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

DECLARE Me Alexandre Z..., en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société ESN, irrecevable en ses conclusions ;

DECLARE la société ESN irrecevable en ses demandes reconventionnelles ;

DECLARE l'action en responsabilité prescrite pour tous les faits antérieurs au 31 mars 2012;

CONDAMNE M. Dominique X... à régler à Me Z..., ès qualités, la somme de 4 511 euros en réparation du préjudice subi par la société ESN du fait de sa faute de gestion, outre les intérêts au taux légal à compter du 5 juillet 2016 ;

DEBOUTE M. Dominique X... du surplus de ses demandes en ce compris celle faite au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. Dominique X... aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffierLe président

V. RoelofsM.L.Dallery


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 2 section 2
Numéro d'arrêt : 16/05096
Date de la décision : 13/09/2018

Références :

Cour d'appel de Douai 22, arrêt n°16/05096 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-09-13;16.05096 ?
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