République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 2
ARRÊT DU 12/07/2018
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N° de MINUTE : 18/
N° RG : 17/01968
Ordonnance rendue le 26 février 2017 par le tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer
Arrêt rendu le 23 novembre 2017 par la cour d'appel de Douai
Contredit de compétence
DEMANDERESSE AU CONTREDIT
Direction Générale des Finances Publiques d'Arras - Pôle de recouvrement spécialisé du Pas-de-Calais (DGFiP)
ayant son siège social Centre des Finances Publiques [...]
[...]
représentée par Me Jean-Louis X..., avocat au barreau de Béthune
DÉFENDEURS AU CONTREDIT
Me Alexandre Y... ès-qualités de mandataire liquidateur judiciaire de la SARL Unipersonnelle Cars France par jugement rendu le 03 septembre 2015 par le tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer
demeurant [...]
représenté et assisté par Me François Z..., de la SCP François Z...-Bernard Franchi, avocat au barreau de Douai
SARL Unipersonnelle Cars France, société en liquidation judiciaire, représentée par M. Timothy A..., gérant
représentée par Me Arthur B..., avocat au barreau de Boulogne-sur-Mer, substitué à l'audience par Me Lucien C..., avocat au barreau de Lille
DÉBATS à l'audience publique du 05 juin 2018 tenue par Isabelle D... magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS :Valérie Roelofs
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Marie-Laure Dallery, président de chambre
Nadia Cordier, conseiller
Isabelle D..., conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 12 juillet 2018 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Marie-Laure Dallery, président et Valérie Roelofs, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCEDURE
Par jugement en date du 3 septembre 2015, le tribunal de commerce de Boulogne sur Mer a prononcé la liquidation judiciaire de la société Cars France et a désigné Me Alexandre Y... en qualité de liquidateur judiciaire.
Le pôle recouvrement de la Direction Générale des Finances Publiques du Pas de Calais (ci-après dénommée DGFiP du Pas de Calais) a procédé à des déclarations de créances, à titre provisionnel ou définitif, et privilégié pour des montants respectifs de 180 300 euros et de 653 778 euros.
La société Cars France contestant ces créances, le juge-commissaire de ce tribunal a été saisi.
Dans une ordonnance rendue le 26 février 2017, il a :
- invité les parties à mieux se pourvoir,
- invité le gérant de la société Cars France à saisir le tribunal administratif compétent, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision, à peine de forclusion,
- dit que les dépens 'passerons' en frais privilégiés de procédure.
Constatant que la société Cars France contestait les taxations faites par la DGFiP du Pas de Calais, le juge-commissaire a estimé que cette question relevait de la compétence des juridictions administratives.
Le 16 mars 2017, la DGFiP du Pas de Calais a formé un contredit.
Dans un arrêt contradictoire rendu le 23 novembre 2017, la cour de céans a :
- dit que la cour, saisie par contredit, ne pouvait l'être que par la voie de l'appel,
- dit qu'en application des dispositions de l'article 91 du code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure au 1er septembre 2017, la cour fera application des règles relatives à l'appel,
- réformé l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a invité les parties à mieux se pourvoir et à saisir le tribunal administratif pour l'ensemble des créances déclarées par la Direction Générale des Finances Publiques du Pas de Calais,
- admis au passif de la liquidation ouverte au nom de la société Cars France les créances de la Direction Générale des Finances Publiques du Pas de Calais suivantes :
- à titre définitif et privilégié, une créance d'un montant total de 542 euros au titre des CFE des années 2014 et 2015 et de la CVAE due pour l'année 2014,
- à titre provisionnel et privilégié, une somme d'un montant totale de 38 356 euros, correspondant à la CVAE due pour l'année 2015 et la 'retenue à la source'restant due,
- dit que la présente décision sera portée à l'état des créances déposé au greffe du tribunal de commerce de Boulogne sur Mer,
- sursis à statuer s'agissant de la demande de la DGFiP du Nord Pas de Calais tendant à l'admission de sa créance au titre de la TVA ainsi que sur les demandes accessoires, jusqu'à la date de l'audience de plaidoiries à laquelle l'affaire est renvoyée,
- invité les parties à mieux se pourvoir et à saisir la juridiction du fond territorialement compétente, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision, à peine de forclusion,
- dit qu'à l'audience de plaidoiries du 6 février 2018 à 9H30, à laquelle l'affaire est renvoyée, la cour vérifiera l'accomplissement de ces diligences,
- réservé le sort des autres demandes et des dépens de l'instance.
A l'audience de renvoi, les parties ont sollicité un report de cette audience.
L'affaire a été évoquée à l'audience de plaidoiries du 5 juin 2018.
PRETENTIONS DES PARTIES
Vu les conclusions, signifiées par message RPVA en date du 4 juin 2018, par lesquelles la DGFiP, Pôle de Recouvrement Spécialisé du Pas de Calais, sollicite de la cour qu'elle ordonne un sursis à statuer 'dans l'attente de la décision définitive de l'ordre administratif' et réserve les dépens.
Vu les conclusions de la société Cars France, régularisées par RPVA le 31 mai 2018, aux termes desquelles elle sollicite le prononcé d'un sursis à statuer sur les demandes présentées par la DGFiP 'jusqu'à la date de l'audience de plaidoirie à laquelle l'affaire sera renvoyée après décision de la juridiction au fond territorialement compétente'.
Bien que régulièrement constitué, Me Y..., ès qualité, n'a pas pris de nouvelles écritures, les dernières datant du 28 septembre 2017 et tendant à ce qu'il lui soit donné acte 'de ce qu'il s'associe aux explications, aux moyens et aux demandes présentées par la société Cars France' et à ce qu'il soit statué ce que de droit sur les dépens.
SUR CE,
Il convient de relever que, fort étonnement, alors que les termes de l'arrêt de réouverture des débats sont explicites, les parties présentent des demandes qui ne semble pas en tenir compte.
Il semble donc opportun de rappeler que l'article L622-24 du code de commerce prévoit, notamment, que :
- à partir de la publication du jugement, tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception des salariés, adressent la déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire dans des délais fixés par décret en Conseil d'État.
- la déclaration des créances doit être faite alors même qu'elles ne sont pas établies par un titre. Celles dont le montant n'est pas encore définitivement fixé sont déclarées sur la base d'une évaluation. Les créances du Trésor public et des organismes de prévoyance et de sécurité sociale ainsi que les créances recouvrées par les organismes visés à l'article L. 351-21 [L. 5427-1] du code du travail qui n'ont pas fait l'objet d'un titre exécutoire au moment de leur déclaration sont admises à titre provisionnel pour leur montant déclaré. En tout état de cause, les déclarations du Trésor et de la sécurité sociale sont toujours faites sous réserve des impôts et autres créances non établis à la date de la déclaration. Sous réserve des procédures judiciaires ou administratives en cours, leur établissement définitif doit, à peine de forclusion, être effectué dans le délai prévu à l'article L. 624-1.
- toutefois, si une procédure administrative d'établissement de l'impôt a été mise en 'uvre, l'établissement définitif des créances qui en font l'objet doit être effectué avant le dépôt au greffe du compte rendu de fin de mission par le mandataire judiciaire. Le délai de cet établissement définitif est suspendu par la saisine de l'une des commissions mentionnées à l'article L. 59 du livre des procédures fiscales jusqu'à la date de réception par le contribuable ou son représentant de l'avis de cette commission ou celle d'un désistement.
Par ailleurs , l'article L624-2 du code de commerce dispose qu'au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire décide de l'admission ou du rejet des créances ou constate soit qu'une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence. En l'absence de contestation sérieuse, le juge-commissaire a également compétence, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l'a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d'admission.
Et, l'article R624-5 de ce même code dispose que, lorsque le juge-commissaire se déclare incompétent ou constate l'existence d'une contestation sérieuse, il renvoie, par ordonnance spécialement motivée, les parties à mieux se pourvoir et invite, selon le cas, le créancier, le débiteur ou le mandataire judiciaire à saisir la juridiction compétente dans un délai d'un mois à compter de la notification ou de la réception de l'avis délivré à cette fin, à peine de forclusion à moins d'appel dans les cas où cette voie de recours est ouverte.
Enfin, il convient de rappeler qu'à la différence de la prescription, la forclusion éteint l'action et le droit qui y est attaché sans être susceptible d'être suspendue ou interrompue.
L'arrêt rendu le 23 novembre 2017, conformément aux textes précités, avait ordonné, s'agissant de la créance de TVA, la réouverture des débats à l'audience du 6 février 2018 afin qu'il soit justifié de la saisine des juridictions administratives, compétentes pour trancher le litige, 'dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision'.
En effet, comme la cour l'avait constaté, M. A..., gérant de la société Cars France, ne contestait que les sommes déclarées au titre de la TVA.
Il était établi, et non contesté par M. A..., que la DGFiP du Pas de Calais avait déjà tranché une réclamation gracieuse faite par ce dernier.
Toutefois, celui-ci justifiait en avoir déposé une autre le 8 août 2017.
Cependant, les termes très explicites de l'arrêt, rappelés plus haut, lui imposaient de saisir les juridictions administratives, s'il persistait dans sa contestation, sauf à encourir la forclusion de celle-ci.
D'ailleurs, il n'est pas inutile de relever qu'il avait déjà été informé de cette voie de droit, lorsque son premier recours amiable avait été rejeté le 20 mars 2015.
Et, le présent arrêt a été envoyé par les soins du greffe aux conseils de chaque partie par message RPVA en date du 24 novembre 2017 mais aussi par lettre recommandée avec demande d'avis de réception datée du même jour.
Et, la société Cars France ne justifie de la saisine du tribunal administratif de Lille que le 22 mars 2018, soit presque 4 mois après avoir reçu notification de l'arrêt rendu, mais aussi plus d'un mois et demi après l'audience de renvoi du dossier qui était fixée le 6 février 2018.
La société Cars France est donc forclose et ne peut plus valablement contestée la créance de la DGFiP dans le cadre du présent litige.
Ainsi, au vu des pièces produites, il convient d'admettre au passif de la liquidation ouverte au nom de la société Cars France la créance de la Direction Générale des Finances Publiques du Pas de Calais au titre de la TVA pour l'année 2013 et la cotisation sur la TVA pour l'année 2014 pour un montant de 595 750 euros à titre échu et privilégié.
La société Cars France, partie perdante, sera condamnée aux dépens de la présente instance.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement et par mise à disposition au greffe,
Vu l'arrêt rendu le 23 novembre 2017,
CONSTATE que la société Cars France est forclose en sa contestation de la créance de la DGFiP du Pas de Calais ;
ADMET au passif de la liquidation ouverte au nom de la société Cars France la créance de la Direction Générale des Finances Publiques du Pas de Calais au titre de la TVA pour un montant de 595 750 euros à titre échu et privilégié ;
CONDAMNE la société Cars France aux dépens de la présente instance.
Le greffierLe président
V. RoelofsM.L.Dallery