République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 1
ARRÊT DU 12/07/2018
N° de MINUTE :
N° RG 16/03355 -
N° Portalis DBVT-V-B7A-P3A6
Jugement (N° 11-15-1155) rendu le 02 Mars 2016
par le tribunal d'instance de Dunkerque
APPELANTS
Monsieur Patrick X...
né le [...] à [...] - de nationalité française
demeurant [...]
Madame Lydie Y... épouse X...
née le [...] à [...] - de nationalité française
demeurant [...]
Représentés par Me Guillaume Z..., avocat au barreau de Dunkerque
INTIMÉE
Sa Socram Banque agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
ayant son siège social : [...]
Représentée par Me Francis A..., avocat au barreau de Lille
DÉBATS à l'audience publique du 30 Août 2017 tenue par Hélène B... magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Elisabeth Paramassivane-Delsaut
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Martine Battais, président de chambre
Catherine Convain, conseiller
Hélène B..., conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 12 Juillet 2018 après prorogation du délibéré du 16 novembre 2017 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Martine Battais, président et Elodie Recloux, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 5 juillet 2017
LA COUR,
Attendu que Monsieur Patrick X... et Madame Lydie Y... ont interjeté appel d'un jugement du tribunal d'instance de Dunkerque du 2 mars 2016 qui, rejetant l'exception d'incompétence territoriale qu'ils avaient soulevée devant lui, les a condamnés solidairement à payer à la société Socram Banque les sommes de 6 853,18 euros avec intérêts au taux de 6,80 % l'an sur la somme de 6 432,86 euros, 3 731,52 euros avec intérêts au taux de 6,80 % l'an sur la somme de 3 508,62 euros, 17 639,74 euros avec intérêts au taux de 5,12 % l'an sur la somme de 16 422,22 euros, 9 217,60 euros avec intérêts au taux de 6,34 % l'an sur la somme de 8 620,30 euros, 8 952,96 euros avec intérêts au taux de 5,98 % l'an sur la somme de 8 370,95 euros, 5 553,36 euros avec intérêts au taux de 5,98 % l'an sur la somme de 5 190,70 euros, 6 688,52 euros avec intérêts au taux de 5,98 % l'an sur la somme de 6 249,89 euros et 14 368,26 euros avec intérêts au taux de 5,50 % l'an sur la somme de 13 391,99 euros, le tout, à compter du 17 mars 2015 en règlement du solde de huit prêts souscrits par eux auprès de cet établissement de crédit selon des offres préalables acceptées respectivement les 6 octobre et 17 décembre 2012, 11 juin et 20 décembre 2013, 29 janvier, 22 avril, 6 juin et 21 juillet 2014; et qui les a condamnés in solidum à payer à la société Socram Banque une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;
Attendu que dans leurs conclusions déposées au greffe de la cour le 21 avril 2017, Monsieur X... et Madame Y... prétendent voir condamner la société Socram Banque à leur verser, en réparation du préjudice qu'elle leur a occasionné pour avoir manqué à son devoir de mise en garde envers eux en les laissant contracter des engagements excessifs au égard à leurs ressources, une somme de 73 005,14 euros de dommages-intérêts qui viendra se compenser avec les sommes restant dues au titre des prêts à la consommation qu'ils ont souscrits auprès de cet établissement financier; qu'ils réclament, à titre subsidiaire, la réduction à la somme d'un euro des indemnités fixées contractuellement à 8 % du capital restant dû et, à titre très subsidiaire, l'octroi des plus larges délais de paiement; qu'ils sollicitent enfin, en tout état de cause, l'allocation, à la charge de la société Socram Banque, d'une somme de 3 000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile;
Attendu que dans ses écritures du 23 février 2017, la société Socram Banque, qui souligne que les époux X... n'ont pas hésité à user de subterfuges pour dissimuler leur véritable adresse et tromper la religion du tribunal pour prétendre à son incompétence territoriale et conteste avoir manqué à son devoir de mise en garde, conclut au rejet des demandes adverses et à la confirmation du jugement entrepris; qu'elle réclame en outre la condamnation de Monsieur X... et Madame Y... à lui verser une somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile;
Attendu qu'il ressort des éléments du dossier que selon des offres préalables acceptées les 6 octobre et 17 décembre 2012, 11 juin et 20 décembre 2013, 29 janvier, 22 avril, 6 juin et 21 juillet 2014, Monsieur X... et Madame Y... ont souscrit, auprès de la société Socram Banque, huit prêts pour un montant total emprunté de 75 900 euros, à savoir;
le 6 octobre 2012, un prêt personnel n° [...], d'un montant de 9 500 euros au taux de 6,80 % l'an, remboursable par soixante mensualités de 196,47 euros chacune, hors assurance;
le 17 décembre 2012, un prêt personnel n° [...], d'un montant de 5 800 euros au taux de 6,80 % l'an, remboursable par quarante-huit mensualités de 144,48 euros chacune, hors assurance;
le 11 juin 2013, un prêt personnel, n° [...], d'un montant de 17 500 euros au taux de 5,12 % l'an, remboursable par cent-vingt mensualités de 200,54 euros chacune, hors assurance;
le 20 décembre 2013, un prêt personnel n° [...], d'un montant de 9 400 euros au taux de 6,34 %, remboursable par soixante mensualités de 192,34 euros chacune, hors assurance;
le 29 janvier 2014, un prêt personnel n° [...], d'un montant de 9 000 euros au taux de 5,98 %, remboursable par soixante mensualités de 182,63 euros chacune, hors assurance;
le 22 avril 2014, un prêt personnel n° [...], d'un montant de 5 400 euros au taux de 5,98 % l'an, remboursable par soixante mensualités de 109,58 euros chacune, hors assurance;
le 6 juin 2014, un prêt personnel n° [...], d'un montant de 6 300 euros au taux de 5,98 %, remboursable par soixante mensualités de 127,84 euros chacune, hors assurance;
et 21 juillet 2014,un crédit accessoire à la vente d'un véhicule automobile, n° [...], d'un montant de 13 000 euros au taux de 5,50 % l'an, remboursable par quatre-vingt-quatre mensualités de 198,10 euros hors assurance;
Que Monsieur X... et Madame Y... s'étant montrées défaillants dans le remboursement de chacun de ces prêts, la société Socram Banque, par des lettres recommandées avec demande d'avis de réception en date du 17 mars 2015, les a mis en demeure de régulariser, sous quinzaine, l'arriéré des échéances échues restées impayées sous peine de déchéance du terme, avant de les assigner en paiement, par actes des 18 juin et 17 août 2015 délivrés à leur adresse de [...] à personne, pour le mari, et à domicile pour la femme, devant le tribunal d'instance de Dunkerque, lequel, Monsieur X... lui ayant fait savoir par un courrier du 1er septembre suivant, qu'il demeurait désormais avec son épouse à Marseille, s'est, conformément à sa demande, déclaré territorialement incompétent au profit du tribunal d'instance de Marseillepar un jugement du 28 septembre 2015 ;
Que la carte grise du véhicule financé par le prêt n° [...] d'un montant de
13 000 euros, établie au nom de Madame Y..., s'étant par ailleurs révélée fausse, la société Socram Banque n'a pu faire inscrire son gage sur ledit véhicule et a déposé une plainte entre les mains du procureur de la République de Nice pour faux, usage de faux et escroquerie;
Que l'adresse déclarée par Monsieur X... à Marseille s'étant également révélée fausse, la société Socram Banque a assigné à nouveau les emprunteurs en paiement devant le tribunal d'instance de Dunkerque qui, rejetant l'exception d'incompétence territoriale soulevée par Monsieur X... et Madame Y... qui déclaraient être désormais domiciliés [...] , a rendu le jugement déféré;
Attendu, sur la responsabilité de l'établissement de crédit, qu'il est de principe qu'un établissement de crédit est tenu d'un devoir de mise en garde à l'égard de l'emprunteur non averti qui consiste à lui consentir un prêt adapté à ses capacités financières et, le cas échéant, à l'alerter sur les risques d'endettement nés de l'octroi du prêt, ce qui doit le conduire à procéder, lors de l'octroi du crédit, à des vérifications portant sur la capacité financière de l'emprunteur ainsi que sur sa situation
personnelle ;
Attendu à cet égard que la société Socram Banque justifie avoir, préalablement à l'octroi de chacun des crédits litigieux, procédé à de telles vérifications concernant Monsieur X... et Madame Y... dont la qualité d'emprunteurs non avertis n'est pas discutée;
Qu'elle établit ainsi avoir, pour déterminer la solvabilité des époux X..., candidats à l'emprunt, consulté, avant la conclusion de chacun desdits prêts, le fichier national recensant les informations sur les incidents de paiement caractérisés liés aux crédits accordés aux personnes physiques pour les besoins non professionnels, prévu à l'article L. 333-4 du code de la consommation dans sa rédaction alors en vigueur, chacune de ces consultations lui ayant alors permis de vérifier que ceux-ci ne faisaient l'objet d'aucune inscription audit fichier;
Attendu ensuite que, pour chacun des crédits en cause, la société Socram Banque produit la fiche de dialogue, signée de chacun des emprunteurs le jour de l'acceptation de chacune des offres, comportant les éléments relatifs à leurs ressources et charges, ainsi que leur déclaration sur l'honneur certifiant l'exactitude desdits renseignements;
Que chacune de ces fiches de dialogue les décrit comme mariés, sans contrat de mariage préalable et sans enfant à charge; que Monsieur X... et Madame Y... y déclarent percevoir, pour la femme, un salaire mensuel oscillant, selon les déclarations, entre 2 130 euros et 2 700 euros, tiré de l'exercice de sa profession de «commerciale» depuis mai 2010 selon contrat à durée indéterminée, et pour le mari, un salaire mensuel oscillant également, selon les déclarations entre de 1 850 et 2 766 euros à raison de sa qualité d'opérateur depuis le mois de mars 1983, également sous contrat de travail à durée indéterminée, l'ensemble étant justifié par leurs bulletins de salaire des mois de juillet, août, septembre, novembre 2012pour la femme et de septembre à novembre 2012 pour le mari et leur avis d'imposition sur les revenus de l'année 2011 en sorte que, selon les fiches de dialogue, ils disposaient d'un total de ressources oscillant entre de 4 350 et 5 466 euros par mois ;
Qu'au titre de leurs charges particulières, si, pour le premier crédit souscrit le 6 octobre 2012, Monsieur X... et Madame Y... y déclaraient n'en supporter aucune en sus de leurs charges courantes, ils faisaient état, pour les crédits souscrits par la suite, de la seule charge de remboursement de chacun des crédits souscrits antérieurement par eux auprès de la société Socram Banque;
Qu'il suit que les mensualités de remboursement de l'ensemble des prêts s'élevant à un total de 1 351,98 euros, ce qui représentait, en retenant la plus faible des sommes déclarées par les emprunteurs au titre de leurs ressources, un taux d'endettement au maximum de 31,08 euros, étaient compatibles avec les ressources déclarées par les emprunteurs;
Que si Monsieur X... et Madame Y..., qui n'invoquent pas un manquement de l'établissement de crédit aux obligations fixées aux articles L. 311-8 et L. 311-9 du code de la consommation, dans leur rédaction applicable au litige issue de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, reprochent à la société Socram Banque de ne pas s'être interrogée sur les raisons les ayant poussés à souscrire huit crédits à la consommation en l'espace de 653 jours, soit un par trimestre, et d'avoir manqué de vigilance en ce vérifiant pas la concordance entre les chiffres indiqués sur les fiches de dialogue et leurs avis d'impôt sur les revenus, qui mentionnaient des frais réels pour la femme excédant ses revenus du travail, la société Socram Banque, en l'absence d'anomalie apparente, pouvait, pour apprécier son devoir de mise en garde, se fier aux informations recueillies par elle auprès de Monsieur X... et Madame Y... sur leurs capacités financières, sans être tenue de vérifier leur exactitude;
Que le risque d'endettement excessif des emprunteurs n'apparaissant pas au vu des fiches de dialogue certifiées exactes et signées par eux, la société Socram Banque n'était dès lors pas tenue à mise en garde;
Que Monsieur X... et Madame Y..., qui ne sont par conséquent pas fondés à reprocher à la société Socram Banque un manquement au devoir de mise en garde, doivent dès lors être déboutés de leur demande de dommages et intérêts formée contre l'établissement financier de ce chef;
Attendu ensuite, que si les indemnités forfaitaires de 8 % stipulées aux contrats de prêt conformément aux articles L. 311-24 et D. 311-6 du code de la consommation,dans leur rédaction applicable au cas d'espèce sont, au sens de l'article 1226 du code civil devenu l'article 1231-5 du même code, des clauses pénales soumises en tant que telles au pouvoir de modération du juge, elle doivent toutefois, à défaut de circonstances particulières propres à leur conférer un caractère manifestement excessif, figurer parmi les postes de la créance de la société Socram Banque pour le montant réclamé;
Attendu encore, sur la demande de délais de grâce, que la dette est ancienne; que Monsieur X... et Madame Y... font valoir que leurs revenus perçus en 2015 et déclarés en 2016 se sont élevés à 44 594 euros, soit 3 716,17 euros par mois, et font état de charges mensuelles de 1 520,62 euros, en ce compris les charges d'électricité, d'eau, de gazet d'assurance ; qu'ils ne prétendent toutefois pas qu'ils auraient mis à profit le temps écoulé depuis le jugement du tribunal pour désintéresser progressivement leur créancière et ce, alors même que le jugement était assorti de l'exécution provisoire ; qu'ils ne formulent aucune proposition de paiement fractionné; qu'il n'y a donc pas lieu de leur accorder, en plus de l'important délai de fait dont ils ont joui déjà en raison de la durée de la procédure, les délais de grâce sollicités ;
Attendu enfin qu'il apparaît équitable de mettre à la charge de Monsieur X... et Madame Y..., au titre des frais exposés tant en première instance qu'en appel par la société Socram Banque et non compris dans les dépens, la somme de 1 500 euros;
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions autres que celles relatives à l'article 700 du code de procédure civile;
Condamne Monsieur Patrick X... et Madame Lydie Y... à payer à la S.A. Socram Banque une somme de 1 500 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires;
Condamne Monsieur Patrick X... et Madame Lydie Y... aux dépens d'appel.
Le greffier, Le président,
E. Recloux M. Battais