République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 2
ARRÊT DU 05/07/2018
***
N° de MINUTE :18/
N° RG : 17/07305
Jugement (N° 13/00651) rendu le 14 novembre 2017 par le tribunal de commerce de Lille Métropole
Insuffisance d'actif et Interdiction de gérer
APPELANT
M. Giuseppe X...
demeurant [...]
représenté par Me Marie-Hélène Y..., avocat au barreau de Douai
assisté de Me Thomas Z..., avocat au barreau de Lille, substitué à l'audience par Me Jérémy A..., avocat au barreau de Lille
INTIMÉE
SELURL B... Sébastien, prise en la personne de Me Sébastien B... agissant en sa qualité de mandataire liquidateur judiciaire de la X... bâtiment, nommé par jugement du tribunal de commerce de Lille Métropole en date du 3 septembre 2013
demeurant [...]
représentée par Me Eric C..., avocat au barreau de Lille, substitué à l'audience par Me Etienne D..., avocat au barreau de Lille
En présence du ministère public représenté par M. Bernard Beffy, avocat général
DÉBATS à l'audience publique du 15 mai 2018 tenue par Isabelle E... magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS :Valérie Roelofs
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Marie-Laure Dallery, président de chambre
Nadia Cordier, conseiller
Isabelle E..., conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 05 juillet 2018 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Marie-Laure Dallery, président et Valérie Roelofs, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
OBSERVATIONS ÉCRITES ET ORALES DU MINISTÈRE PUBLIC :
Cf réquisitions du 7 mai 2018, communiquées aux parties le 11 mai 2018
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 14 mai 2018
***
FAITS ET PROCEDURE
La SAS X... Bâtiment avait pour président M. Giuseppe X... et exerçait une activité dans le domaine du bâtiment (travaux de gros oeuvre).
Le 3 juillet 2013, elle a procédé à une déclaration de son état de cessation des paiements et a sollicité l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à son encontre.
Auparavant, par acte en date du 19 juin 2013, l'URSSAF avait fait assigner la société X... Bâtiment devant le tribunal de commerce de Lille Métropole aux mêmes fins.
Dans un jugement rendu le 8 juillet 2013, ce tribunal a joint les deux affaires, ordonné l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société X... Bâtiment, désigné la SELURL Sébastien B... en qualité de mandataire judiciaire et fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 19 juin 2013.
Dans une décision en date du 3 septembre 2013, ce même tribunal a prononcé la liquidation judiciaire de la société X... Bâtiment et désigné la société Sébastien B... en qualité de liquidateur judiciaire.
Par acte en date du 8 juillet 2016, la société Sébastien B..., ès qualités, a saisi ce même tribunal de demandes tendant au prononcé de sanctions financière et personnelle à l'encontre de M. X....
Dans un jugement contradictoire rendu le 14 novembre 2017, le tribunal de commerce de Lille Métropole a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :
- condamné M. X... à régler à supporter l'insuffisance d'actif de la société X... Bâtiment à hauteur de 500 000 euros,
- condamné M. X... à une interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci pendant une durée de 10 ans,
- ordonné 'aux huissiers de justice chargés de la signification du présent jugement à M. Giuseppe X...' d'indiquer 'avec précision dans leurs actes, l'ensemble des diligences accomplies, notamment l'ensemble des éventuelles recherches de la personne concernée',
- ordonné l'accomplissement de toutes les mesures de publicité prescrites par la loi,
- 'dépens en frais de procédure'.
Par déclaration au greffe en date du 21 décembre 2017, M. X... a interjeté appel des dispositions de ce jugement l'ayant condamné à supporter l'insuffisance d'actif de la société à hauteur de 500 000 euros, ayant prononcé à son encontre une interdiction de gérer de 10 ans et ayant ordonné l'exécution provisoire.
PRETENTIONS DES PARTIES
Vu les conclusions, régularisées par RPVA le 23 avril 2018, dans lesquelles M. X... sollicite la réformation du jugement entrepris, le rejet de l'ensemble des demandes présentées par la société Sébastien B... ou, subsidiairement, la 'fixation à de justes proportions' des sanctions tant financière que personnelle prononcées à son encontre et la condamnation de Maître B... aux dépens.
Vu les conclusions de la société Sébastien B..., ès qualités, signifiées par RPVA le 23 mars 2018, aux termes desquelles elle demande à la cour :
- s'agissant de l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif, de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu comme fautes de gestion commises par M. X... : le fait d'avoir fait disparaître des documents comptables, de ne pas avoir tenu de comptabilité ou d'en avoir tenue une non-fidèle, le fait d'avoir empêché le recouvrement de créances auprès de clients, par son absence de coopération avec le mandataire liquidateur,
- infirmer le jugement en ce qu'il a écarté les fautes de gestion suivantes : avoir omis de respecter les obligations qui lui incombait au profit des organismes fiscaux et sociaux, avoir volontairement avantagé plusieurs créanciers dans son propre intérêt et avoir fait preuve d'incurie dans la gestion de la société ; et retenir ces fautes à l'encontre de M. X...,
- condamner M. X... à contribuer à l'insuffisance d'actif de la société à hauteur de 1 million d'euros,
- s'agissant des sanctions personnelles, de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a estimé que M. X... avait commis des fautes en s'abstenant volontairement de coopérer avec les organes de la procédure et fait obstacle au bon déroulement de celle-ci, en faisant disparaître des documents comptables, en ne tenant pas de comptabilité ou en tenant une non-fidèle, et en poursuivant une activité déficitaire dans son intérêt personnel,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a écarté les fautes suivantes : avoir fait des biens ou du crédit de la société un usage contraire à l'intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personnel moral ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou non, avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l'actif ou frauduleusement augmenté le passif de la société ; retenir ses fautes à l'encontre de M. X...,
- condamner M. X... à une faillite personnelle de 10 ans ou, subsidiairement, le condamner à une interdiction de gérer de 10 ans,
- condamner M. X... aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à lui verser une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu les conclusions du Ministère Public en date du 7 mai 2018, communiquées aux parties par message RPVA du 11 mai, dans lesquelles il demande que les sanctions financières soient portées à 1 million d'euros et la sanction personnelle soit confirmée, estimant que M. X... s'était rendu coupable de nombreuses fautes, à savoir le défaut de tenue de comptabilité, le défaut de coopération avec le liquidateur judiciaire, le non-respect des obligations auprès des organismes sociaux et fiscaux, l'incurie dans la gestion de la société, la poursuite d'une activité déficitaire dans un intérêt personnel et le fait d'avoir procuré des avantages à des créanciers dans son intérêt.
******
SUR CE,
Sur les sanctions pécuniaires demandées par la société Sébastien B..., ès qualités
Au visa de l'article L651-2 du code de commerce, la société Sébastien Lepreux, ès qualités, reproche à M. X... plusieurs fautes de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif à savoir :
- de ne pas avoir tenu de comptabilité, notamment pour l'année 2013, ou l'avoir produite tardivement, ne permettant pas le recouvrement de créances,
- de ne pas avoir respecté les obligations fiscales et sociales, ayant entraîné des taxations d'office,
- d'avoir manifestement avantagé son bailleur, la société Favara dont M. X... est un associé et le gérant,
- d'avoir détourné certains éléments de l'actif de la société,
- et d'avoir faire preuve d'incurie dans la gestion de la société, ne prenant aucune mesure pour redresser sa situation.
La société Sébastien B... rappelle que le passif de la société a été fixé à 1 684 049,36 euros tandis que le compte de répartition présente un solde créditeur de 47 803,39 euros et que l'insuffisance d'actif est donc plus que caractérisée.
Elle ajoute que l'inaction de M. X... explique la dégradation importante de la situation de la société, qu'il a minoré le passif lorsqu'il a fait une déclaration d'état de cessation des paiements et qu'en ne collaborant pas avec elle, M. X... n'a pas permis le recouvrement de créances, alors que le compte client, en comptabilité, s'élève à un peu plus d'un million d'euros.
Enfin, elle souligne que M. X... évaluait les actifs de la société à 250 000 euros dans sa déclaration d'état de cessation des paiements mais qu'elle n'a pu retirer qu'un peu plus de 10 000 euros de la vente des biens de la société et estime donc que cela prouve que M. X... a détourné des actifs, et ce d'autant plus qu'il a créé une nouvelle société dans le même domaine d'activité.
En réplique, M. X... rappelle que la société a été créée en 2004 et n'a connu des difficultés financières qu'en fin d'année 2012.
Il ajoute qu'il a lui-même fait la demande de placement de la société en redressement judiciaire puis a sollicité la conversion en liquidation judiciaire, la période estivale n'ayant pas permis de redresser les comptes sociaux.
M. X... précise avoir rencontré des problèmes de santé mais avoir, pour autant, collaboré avec la société Sébastien B... et que celle-ci ne lui a jamais adressé de reproches dans le cadre de la procédure collective.
Il admet avoir créé en novembre 2013 une nouvelle société dans le même secteur d'activité, précisant que rien ne le lui interdisait.
Enfin, il conteste tous les griefs formulés par la société Sébastien B... à son encontre ainsi que ceux retenus par les premiers juges, précisant que les difficultés financières rencontrées par la société ne sont pas de son fait mais sont dues à la conjonction d'une crise dans le secteur du bâtiment et d'importants impayés par les clients de celle-ci.
L'article L651-2 du code de commerce, dans sa version antérieure au 9 décembre 2016, applicable au présent litige, dispose que, lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables.
Lorsque la liquidation judiciaire a été ouverte ou prononcée à raison de l'activité d'un entrepreneur individuel à responsabilité limitée à laquelle un patrimoine est affecté, le tribunal peut, dans les mêmes conditions, condamner cet entrepreneur à payer tout ou partie de l'insuffisance d'actif. La somme mise à sa charge s'impute sur son patrimoine non affecté.
L'action se prescrit par trois ans à compter du jugement qui prononce la liquidation judiciaire.
Les sommes versées par les dirigeants ou l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée entrent dans le patrimoine du débiteur. Elles sont réparties au marc le franc entre tous les créanciers. Les dirigeants ou l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée ne peuvent pas participer aux répartitions à concurrence des sommes au versement desquelles ils ont été condamnés.
Seule la gestion du dirigeant social, antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective, peut donner lieu à l'action en comblement de passif. Les dettes nées postérieurement à ce jugement n'entrent donc pas dans le passif pouvant entraîner cette sanction.
Mais, cette faute peut être antérieure à la date de la cessation des paiements, dès lors que le lien de causalité entre cette faute et l'insuffisance d'actif est établi.
L'article 9 du code de procédure civile dispose qu'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
En l'espèce, il doit être indiqué, à titre liminaire, que le compte de la société X... Bâtiment, ouvert au sein de la société Sébastien B..., présente un solde créditeur de 47 803,39 euros, après réalisation des actifs de la société et règlement des divers frais.
Et, le passif de la société, excluant les créances dont le rejet est proposé, s'élève à 1 684 049,36 euros.
Certes, M. X... justifie que l'un des créanciers, la société SMA Euro Construction, qui avait déclaré une créance de 661 559,92 euros, a été placée en liquidation judiciaire, liquidation judiciaire qui a été clôturée le 14 décembre 2016 pour insuffisance d'actif.
Il n'en reste pas moins que, même en expurgeant l'état des créances de cette somme, le passif de la société X... Bâtiment s'élève à plus d'un million d'euros et est donc largement supérieur à la valeur de l'actif.
Ainsi, l'insuffisance d'actif est caractérisée.
sur les fautes consistant à ne pas avoir tenu de comptabilité ou à l'avoir produite tardivement
La société Sébastien B... indique que M. X... n'a produit de documents comptables, pour les années 2012 et 2013, que dans le cadre de la présente procédure, et ce malgré ses demandes pour les obtenir.
Elle ajoute que ces pièces ont été réclamées à plusieurs reprises, notamment dans le cadre des procédures de contestation de créances.
Elle soutient que cette défaillance dans la transmission de ces documents lui a interdit de procéder à des relances ou poursuites auprès des clients de la société qui n'avaient pas réglé leurs factures et l'a donc empêché de reconstituer l'actif de la société, alors que le compte clients s'élevait au 31 décembre 2012 à plus d'1 million d'euros.
Il convient de relever que M. X... ne conteste pas n'avoir produit les documents comptables évoqués que dans le cadre de la présente instance.
Et, il ne produit aucune pièce attestant d'échanges qu'il aurait eus avec la société Sébastien B... à ce sujet.
Par ailleurs, il résulte des pièces produites par la société Sébastien B... que :
- celle-ci a réclamé une liste très détaillée de documents à la société X... Bâtiment, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception reçue le 15 juillet 2013,
- figurent dans cette liste les 'bilans et comptes de résultats des trois dernières années', le 'tableau d'amortissement du dernier exercice' mais aussi la 'liste de vos débiteurs',
- la société X... Bâtiment n'a produit de pièces comptables que pour l'année 2012, à savoir un bilan et un compte de résultat, tels que transmis à la DGFiP,
- M. X... a pourtant admis à l'audience du 3 septembre 2013, en présence de son expert-comptable, que la situation de la société ne pouvait être redressée et qu'une liquidation judiciaire s'imposait,
- par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, datée du 16 octobre 2013, la société Sébastien B... a adressé à M. X... l'état des créances déclarées et l'a informé de la procédure à respecter en cas de contestation, lui demandant de produire tous justificatifs des motifs de ses contestations,
- M. X... n'est pas allé retirer ce courrier,
- la société ORGECO, chargée de la comptabilité de la société X..., a informé la société Sébastien B... de la contestation de plusieurs créances déclarées mais n'a jamais fourni de pièces au soutien de ces contestations, malgré les relances du liquidateur judiciaire faites en février et octobre 2014 et un courrier d'information adressé à M. X... en octobre 2014.
Il résulte de ces constatations qu'alors que M. X... a comparu, à deux reprises, devant le tribunal de commerce de Lille Métropole, accompagné de son expert-comptable, il n'a pas fourni à la société Sébastien B... toutes les pièces réclamées par elle ou, à tout le moins, communiqué avec elle au sujet des pièces qu'il ne pouvait produire.
Il n'a fourni qu'un document, certes relatif à l'année 2012, mais qui ne permettait pas, notamment, de déterminer quels étaient les débiteurs de la société X... Bâtiment, alors que ce document faisait état de créances de 'clients et comptes rattachés' pour un montant total de 1 010 294 euros et que M. X... justifie que, pour au moins 3 de ses clients, la société avait entrepris des démarches, courant 2012 et 2013, pour obtenir le règlement de ses factures (Cf. Pièces 4, 9 et 10 s'agissant de la société DIMM Habitat à laquelle il était réclamé 115 963,90 euros en principal, pièces 5 et 6 concernant le chantier du lycée Malraux à Béthune dont le solde restant dû était de 14 679,55 euros et pièce 8 s'agissant de la société WH pour une facture d'un peu plus de 62 000 euros).
Or, le compte de la société X... Bâtiment, ouvert au sein de la société Sébastien B..., ne porte pas trace du recouvrement de ces créances, qui, au demeurant, ne représentent d'une toute petite partie de la somme mentionnée au titre des créances 'clients et comptes rattachés'.
Et, l'état de santé de M. X... ne justifie en rien cette absence de production des pièces réclamées, pendant le cours de la procédure collective, dès lors que le certificat médical produit, daté du 2 novembre 2016, fait certes mention d'un 'état anxio-dépressif' mais mentionne que M. X... l'avait développé avant l'ouverture de la procédure collective et n'en avait pas, pour autant, cessé toute activité professionnelle, qu'il prenait des anxiolytiques et que surtout cet état de santé ne l'a pas empêché de créer et de gérer une nouvelle société, dès le mois de 'septembre 2013".
Et, même si l'attitude de M. X... s'est poursuivie pendant le temps de la procédure collective, elle trouve son origine antérieurement à l'ouverture de cette procédure, dès lors que les documents comptables sollicités, et qui n'ont pas tous été produits pendant la présente instance, auraient dû être élaborés et/ou en possession de M. X... ou de son expert-comptable tant que la société n'avait pas cessé son activité.
Ainsi, comme l'ont justement relevé les premiers juges, ces constatations caractérisent une faute de gestion de la part de M. X... qui a concouru à l'insuffisance d'actif de la société X... Bâtiment, notamment en ne permettant pas de recouvrer certaines de ses créances.
sur la faute ayant consisté à ne pas avoir respecté les obligations fiscales et sociales
S'appuyant sur les déclarations de créances faites par la DGFiP et l'URSSAF, la société Sébastien B... soutient que la société X... n'a pas procédé régulièrement et parfaitement à toutes les déclarations fiscales et sociales, ce qui caractérise, selon elle, une faute de gestion de son président, M. X....
Il convient, tout d'abord, de relever que, dans le document comptable produit par M. X..., relatif à l'exercice comptable 2012, il était déjà fait mention de 'dettes fiscales et sociales' à hauteur de 382 855 euros.
S'agissant de la créance du Trésor Public, il résulte de l'examen de la pièce n°8 du dossier du liquidateur judiciaire que la majeure partie de la somme déclarée, soit 155 977 euros, correspond à des sommes dues par la société X... Bâtiment à divers titres pour l'année 2013.
Certes, une somme de 12 283 euros est également réclamée au titre de la TVA 2012.
Mais, la société a justement vu ses difficultés financières débuté précisément en 2012, de sorte qu'il n'est pas établi que cette somme est due au titre d'une taxation d'office.
D'ailleurs, M. X... verse aux débats un courrier, daté du 24 octobre 2012, dans lequel la société X... Bâtiment informait le Trésor Public de sa difficulté à régler les sommes qu'elle lui devait et lui faisait des propositions de paiement échelonné.
Reste une somme de 33 563 euros due au titre de l'impôt sur les sociétés pour les années 2008 et 2009.
Mais, là encore, cette somme est réclamée suite à une 'proposition de rectification' faite par l'administration fiscale, proposition qui a été contestée mais n'a pas abouti, mais surtout qui, compte tenu de sa date de mise en recouvrement (le 25 juin 2013) et du montant réclamé, ne peut
avoir contribué à la dégradation de la situation de la société, ni caractérisé une faute de gestion de M. X....
Quant à la créance de l'URSSAF, il est vrai que les justificatifs produits au soutien de la déclaration de créance de cette dernière font mention d'impayés de cotisations pour les années 2008 (27 875 euros), 2009 (2 316 euros) et 2010 (3 543 euros).
Toutefois, la majeure partie de la somme déclarée, à savoir 87 094,52 euros, correspond à des cotisations non réglées pour les mois de septembre et octobre 2012 et l'année 2013, période pendant laquelle la société X... Bâtiment a vu sa situation financière se dégrader.
En outre, il n'est pas fait mention de poursuites ou de mise en demeure de cette dernière par l'URSSAF pour le règlement des sommes dues au titre des années 2008, 2009 et 2010, qui sont les seules à être des créances chirographaires.
Enfin, M. X... verse aux débats 2 courriers, datés du 12 octobre 2012 et du 15 novembre 2012, dans lesquels la société X... Bâtiment informait l'URSSAF de sa difficulté à régler les sommes qu'elle lui devait pour l'année 2012 et lui faisait des propositions de paiement échelonné.
Et, il n'est en rien établi par la société Sébastien B... que la société X... Bâtiment n'a pas procédé aux déclarations requises, le seul défaut de paiement des cotisations étant insuffisant à prouver ce point.
Ainsi, comme l'ont justement retenu les premiers juges, la faute de gestion de M. X... n'est pas caractérisée, s'agissant des obligations fiscales et sociales qui pesaient sur la société X... Bâtiment.
sur le fait d'avoir manifestement avantagé son bailleur, la société Favara dont M. X... est un associé et le gérant
La société Sébastien B... considère qu'en continuant à régler son loyer, malgré ses difficultés financières, la société X... Bâtiment a avantagé un créancier dans l'intérêt de M. X... qui est le gérant de la société bailleresse.
Il convient de relever que le simple fait que la société Favara ne figure pas dans la liste des créanciers de la société X... Bâtiment, établie par le liquidateur, ne saurait prouver qu'elle a été avantagée par rapport aux autres créanciers.
D'ailleurs, il doit être relevé que le dernier loyer réglé date du mois de juillet 2013 alors qu'il n'est pas contesté que la société X... Bâtiment n'a pas quitté les lieux loués au terme de ce mois de juillet, sans pour autant que la société Favara lui réclame des loyers pour la période postérieure.
De même, s'agissant d'un contrat qui se poursuivait, malgré l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire, la société X... Bâtiment se devait de régler les loyers.
Par ailleurs, si la société Favara a été réglée du loyer dû par la société X... Bâtiment en juillet 2013, force est de constater que ce règlement se faisait par virement, ce qui implique une certaine automaticité contrairement à une remise de chèque, et surtout qu'elle n'était pas le seul créancier encore réglé à cette période, puisque les sociétés BMW Financial, SFR mobile et Orange l'étaient également et ont été également payées en août 2013, ce qui n'a pas été le cas de la société Favara.
Et, la somme versée à la société BMW Financial s'élevait à 1 686,04 euros par mois, soit plus que le montant du loyer dû à la société Favara, sans que, pour autant, le liquidateur judiciaire considère qu'il s'agisse d'un avantage conféré à ce créancier.
Pour toutes ces raisons, il y a lieu de dire que la faute de gestion invoquée par la société Sébastien B... n'est pas caractérisée.
sur le détournement de certains éléments de l'actif de la société
La société Sébastien B... rappelle que M. X... avait déclaré des actifs de la société pour un montant de 250 000 euros, que ce chiffre s'est avéré inexact puisque la réalisation de actifs n'a rapporté qu'un peu plus de 10 000 euros et que M. X... a créé courant 2013 une nouvelle société, ayant la même activité.
Elle évoque des 'zones d'ombre' quant à ce qu'il est advenu des certains éléments d'actifs de la société, sur lesquelles M. X... ne s'est jamais expliqué.
Comme l'ont justement relevé les premiers juges, et comme le confirment les propres termes employés par le liquidateur dans ses conclusions, le grief invoqué par lui 'ne repose que sur des indices et présomptions'.
Par ailleurs, le document comptable produit, relatif à l'exercice fiscal 2012, fait mention au titre des 'installations techniques, matériel et outillage industriels' d'une valeur de 68 024 euros et au titre des 'autres immobilisations corporelles' d'une valeur de 60 934 euros, ce qui est assez éloigné des 250 000 euros évoqués et qui ne figurent que dans le rapport rédigé par la société Sébastien B... en vue de l'audience du tribunal de commerce qui s'est tenue le 3 septembre 2013.
Ainsi, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il n'a pas retenu ce grief.
sur l'incurie de M. X... dans la gestion de la société
Le liquidateur judiciaire estime que M. X... est resté passif face aux difficultés que rencontrait la société X... Bâtiment, qu'il a laissé la situation se dégrader.
Elle en veut pour preuve qu'il n'a procédé à la déclaration d'état de cessation des paiements qu'après que la société a été assignée en redressement judiciaire par l'URSSAF.
Il résulte des pièces produites par M. X... que :
- comme cela a été indiqué plus haut, la société X... Bâtiment avait entrepris, courant 2012, des démarches amiables ou judiciaires pour obtenir les sommes qui lui étaient dus par 3 de ses créanciers,
- en août 2012, elle a procédé au licenciement pour motif économique de 4 de ses 16 salariés,
- en octobre et novembre 2012, elle a pris attache auprès du Trésor Public et de l'URSSAF pour les informer de ses difficultés à régler les sommes qu'elle leur devait et leur proposer un règlement échelonné.
Certes, ces mesures ont été insuffisantes et n'ont pas permis de freiner la dégradation de la situation financière de la société.
Toutefois, elles établissent que M. X... n'est pas resté inactif.
Ainsi, l'incurie évoquée par le liquidateur judiciaire n'est pas établie et ce grief doit donc être rejeté.
sur le montant de la sanction à prononcer à l'encontre de M. X...
M. X... conteste le montant de la sanction mise à sa charge, soutenant qu'il n'a pas été tenu compte du fait que seule une faute lui était reprochée, faute qui n'est pas seule à l'origine de l'insuffisance d'actif de la société.
Comme cela a été indiqué plus haut, l'attitude de M. X... a fait perdre une chance au liquidateur judiciaire de recouvrer une partie des créances de la société X... Bâtiment, alors que le compte clients s'élevait à plus d'un million d'euros.
Toutefois, il ne s'agit que d'une perte de chance puisque le recouvrement des sommes dues restait soumis aux aléas liés à l'absence de toute contestation sur la bonne exécution des travaux réalisés par la société X... Bâtiment et à la solvabilité de ces créanciers.
Mais, cette faute a nécessairement concouru à l'insuffisance d'actif qui a été constatée plus haut.
C'est pourquoi, s'il convient de prononcer une sanction financière à l'encontre de la M. X..., il y a lieu de la fixer à la somme de 300 000 euros.
Le jugement de première instance sera donc infirmé sur le montant de la sanction prononcée à l'encontre de M. X....
Sur les sanctions personnelles
Au visa des articles L653-4 et suivants du code de commerce, la société Sébastien B..., ès qualités, sollicite, à titre principal, l'infirmation du jugement entrepris et le prononcé de la faillite personnelle de M. X... et, à titre subsidiaire, la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a prononcé à l'encontre de ce dernier une interdiction de gérer d'une durée de 10 ans.
Le liquidateur judiciaire reproche à M. X... de ne pas avoir collaboré avec lui, de ne pas avoir tenu de comptabilité ou de ne pas l'avoir produite lorsqu'elle lui était demandée, d'avoir poursuivi abusivement et dans un intérêt personnel une activité déficitaire et d'avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l'actif ou frauduleusement augmenté le passif de la société.
Et, dans le dispositif de ses conclusions, il sollicite également que M. X... soit sanctionné pour avoir fait des biens de la société un usage contraire à l'intérêt social, tandis que dans le corps de ses conclusions, il demande qu'il lui soit donné acte qu'il renonce à se prévaloir de ce grief.
La cour étant tenue par les termes du dispositif des dernières conclusions des parties, elle se devra d'examiner ce grief.
Il convient tout d'abord de relever que, s'agissant du grief tenant aux détournements d'une partie de l'actif de la société X... Bâtiment et dans la mesure où le liquidateur invoque les mêmes faits que ceux invoqués au soutien de sa demande de sanction financière, il a été indiqué plus haut que ce grief n'était pas établi et aucune faute ne peut donc être retenue à ce titre à l'encontre de M. X....
Quant aux griefs tenant à l'absence de collaboration avec elle et à l'absence de tenue de toute comptabilité, il a déjà été retenu que M. X... n'avait pas répondu aux sollicitations de la société Sébastien B..., et ce sans motif légitime, et qu'il n'avait que tardivement et de façon incomplète produit les documents comptables demandés, de sorte que ces deux griefs sont établis.
S'agissant de l'usage des biens de la société dans un intérêt personnel, la société Sébastien B... évoque uniquement un fait, à savoir une facture émise par une société Sipose au nom de la société X... Bâtiment pour des travaux afférents à la résidence personnelle de M. X....
Toutefois, elle admet dans ses propres écritures que M. X... a justifié de virements de son compte personnel vers le compte de la société X... Bâtiment qui 'semblent solder les créances'.
Ainsi, ce grief n'est pas non plus établi.
Reste le reproche tiré de la poursuite abusive d'une activité déficitaire dans un intérêt personnel, sur lequel M. X... ne s'explique pas véritablement, même s'il consacre des développements sur sa gestion de la société, qu'il estime saine et prudente.
Il résulte des documents comptables que M. X... avait remis au liquidateur judiciaire que:
- alors que le résultat de l'exercice comptable pour l'année 2011 s'élevait à 97 021 euros, il n'était plus que de 317 euros pour l'année 2012,
- les créances à l'encontre des clients sont passées de 57 405 euros en 2011 à 1 067 700 euros en 2012 et, pour la même année, il fait mention d'autres créances pour un montant de 128 000 euros alors qu'il n'en existait pas en 2011,
- si la société a réduit de façon importante tant ses dettes fournisseurs que ses dettes fiscales et sociales en 2012, son chiffre d'affaires a été divisé par plus de 2 passant de 4 281 339 euros en 2011 à 2 006 887 euros en 2012,
- en 2012, son passif, hors capitaux propres, s'élevait à 853 181 euros.
Ainsi, dès la fin de l'année 2012, M. X... savait que la société X... Bâtiment rencontrait des difficultés financières, du fait d'importants impayés de ses factures, et faisait donc face à des problèmes de trésorerie, l'ayant conduite à solliciter des échéanciers auprès du Trésor Public et de l'URSSAF.
Certes, la société avait engagé des démarches amiables ou judiciaires à l'encontre de 3 de ses créanciers pour obtenir le règlement des sommes dues.
Mais, comme cela a été relevé plus haut, ces créanciers ne représentaient qu'une infime partie du montant du compte clients figurant dans les documents comptables évoqués.
Par ailleurs, certaines démarches judiciaires accomplies par la société X... Bâtiment étaient nécessairement soumises aux délais inhérents à toute procédure et aux aléas de ce type d'action en justice, puisqu'il est établi qu'au moins un de ces créanciers contestait le bien-fondé de la demande en paiement de cette société.
Pour autant, M. X... a poursuivi l'activité de la société et n'a pas procédé spontanément à la déclaration d'état de cessation des paiements, ne le faisant que début juillet 2013 qu'après que la société X... Bâtiment a été assignée en redressement judiciaire par l'URSSAF.
Et, alors que M. X... faisait état d'un passif de 325 000 euros à l'ouverture de la procédure collective, celui-ci s'est avéré bien supérieur comme cela a été mentionné plus haut.
Pour autant, au moins jusqu'en décembre 2012, M. X... a perçu un salaire en tant que dirigeant à hauteur de 2 300 euros par mois (cf. Relevés de comptes bancaires produits par lui) et il apparaît qu'il percevait toujours un salaire même après l'ouverture de la procédure collective, même s'il était moindre puisque de l'ordre de 933, 60 euros en août 2013 mais un autre virement de 3 289,35 euros apparaît également sur ce relevé de compte au profit de M. X....
De même, le liquidateur judiciaire évoque, sans être contredit sur ce point, l'utilisation par M. X... du véhicule de marque BMW dont les loyers étaient réglés par la société, comme en atteste le relevé de compte produits par celui-ci.
Or, ces loyers s'élevaient à 1 686,04 euros par mois et ont continué à être réglés même après l'ouverture de la procédure collective.
Il résulte de tout ceci qu'est caractérisé une poursuite abusive par M. X... de l'activité de la société pourtant déficitaire.
Et, le fait que ce dernier tirait ses revenus de son emploi de gérant et bénéficiait d'avantages en nature, payés par la société, caractérise également l'intérêt personnel qu'il pouvait avoir à poursuivre l'activité de la société.
Ainsi, ce grief est établi.
Quant à la sanction à prononcer, la société Sébastien B... demande, au premier chef, qu'une faillite personnelle soit prononcée à l'encontre de M. X....
Outre le fait que tous les griefs invoqués ne sont pas caractérisés, il doit être relevé que, comme l'a justement mis en avant M. X..., il a créé la société X... Bâtiment en 2004 et cette dernière n'a véritablement rencontré de difficultés financières qu'à partir de 2012.
Et, il est établi que la société X... Bâtiment était un professionnel reconnu dans son secteur d'activité.
Certes, M. X... a commis des fautes de gestion mais le grief tenant aux détournements d'actifs de la société a été écarté.
Pour toutes ces raisons, il n'y a pas lieu de prononcer la faillite personnelle de ce dernier.
En revanche, les fautes commises par lui justifient que soit prononcée à son encontre une interdiction de gérer.
Compte du nombre et de la nature des fautes retenues, il convient de fixer à 6 ans l'interdiction de gérer prononcée à l'encontre de M. X....
Le jugement entrepris sera donc confirmé sur la nature de la sanction personnelle prononcée mais infirmé sur la durée de celle-ci.
Sur les dépens et l'indemnité au titre des frais irrépétibles
Le sens du présent arrêt impose d'infirmer le jugement entrepris sur les dépens.
M. X..., partie perdante à titre principal, sera condamné aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à verser à la société Sébastien B..., ès qualités, une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
******
PAR CES MOTIFS
LA COUR
statuant par arrêt par contradictoire et par mise à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qui concerne le montant de la contribution de M. Giuseppe X... à l'insuffisance d'actif de la société X... Bâtiment, la durée de l'interdiction de gérer prononcée à l'encontre de ce dernier et les dépens ;
Et statuant sur les chefs infirmés et y ajoutant,
CONDAMNE M. Giuseppe X... à supporter l'insuffisance d'actif de la société X... Bâtiment à hauteur de 300 000 euros ;
FAIT INTERDICTION à M. Giuseppe X... de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci pendant une durée de 6 ans à compter de la publication de la présente décision ;
CONDAMNE M. Giuseppe X... à verser à la société Sébastien B..., en sa qualité de liquidateur de la société X... Bâtiment, la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
ORDONNE la publication de la présente décision, conformément aux prescriptions du code de commerce ;
CONDAMNE M. Giuseppe X... aux dépens de première instance et d'appel.
Le greffier Le président
V. Roelofs M.L.Dallery