République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
TROISIEME CHAMBRE
ARRÊT DU 05/07/2018
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N° de MINUTE : 18/308
N° RG : 17/03398
Jugement (N° 16/00958) rendu le 28 Avril 2017
par le tribunal de grande instance de Dunkerque
APPELANTS
Monsieur J... C...
[...]
SA Maaf Assurances
Chaban
[...]
Représentés et assistés par Me Pierre X..., avocat au barreau de Lille
INTIMÉES
EARL Bruno Y...
[...]
Société Groupama Nord est
[...]
Représentés par Me Bruno Z..., avocat au barreau de Dunkerque
Assistés de Me A..., avocat au barreau de Dunkerque, substituant Me Bruno Z..., avocat au barreau de Dunkerque
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
Benoît Mornet, président de chambre
Sara Lamotte, conseiller
Claire Bertin, conseiller
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GREFFIER LORS DES DÉBATS : Fabienne Dufossé
En présence de : Aurélie Antkowiak, greffier stagiaire
DÉBATS à l'audience publique du 24 Mai 2018 après rapport oral de l'affaire par Benoît Mornet
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 05 Juillet 2018 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Benoît Mornet, président, et Fabienne Dufossé, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 15 mai 2018
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Exposé du litige
L'EARL Bruno B... (ci-après l'EARL) est une exploitation horticole ; elle est assurée auprès de la société Groupama Nord-Est (ci-après Groupama) ; le 18 août 2012, l'exploitation a été détruite par un incendie.
Par acte du 25 mars 2016, l'EARL et Groupama ont fait assigner M. C... et son assureur, la société MAAF Assurances (ci-après la MAAF) afin d'obtenir l'indemnisation de leurs préjudices causés par l'incendie.
Par jugement du 28 avril 2017, le tribunal de grande instance de Dunkerque a déclaré M. C... responsable du sinistre et a notamment :
- condamné in solidum M. C... et la MAAF à payer à l'EARL la somme de
394 000,50 euros pour les préjudices matériels non couverts par l'assureur avec intérêts au taux légal à compter du 18 août 2012,
- rejeté la demande de condamnation à payer la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts supplémentaires,
- condamné in solidum M. C... et la MAAF à payer à Groupama les sommes de 212 908 euros, 52 800 euros, et 11 562,12 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 25 mars 2016,
- condamné in solidum M. C... et la MAAF à payer à l'EARL et Groupama la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 31 mai 2017, M. C... et la MAAF ont interjeté appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas critiquées.
Dans leurs dernières conclusions notifiées le 4 octobre 2017, M. C... et la MAAF demandent à la cour, au visa de l'article 9 du code de procédure civile, de réformer le jugement attaqué et statuant à nouveau, de :
à titre principal,
- débouter l'EARL et Groupama de toutes leurs demandes,
à titre subsidiaire,
- dire que les dommages liés à l'incendie sont limités à la somme de 385 800,50 euros,
- dire que la subrogation de Groupama ne saurait excédait la somme de 212 908 euros,
- débouter l'EARL et Groupama du surplus de leurs demandes,
en tout état de cause,
- condamner l'EARL et Groupama à leur payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
A l'appui de leurs prétentions, M. C... et la MAAF font valoir qu'il appartient à l'EARL et à Groupama de rapporter la preuve d'un fait imputable à M. C..., l'existence d'un dommage et un lien de causalité entre le dommage et le fait générateur. Ils indiquent ne pas contester l'existence d'un dommage, mais soutiennent qu'il faut encore démontrer l'implication de M. C... dans la survenance de l'incendie et l'origine de l'embrasement. Ils soutiennent donc qu'aucune de ces preuves n'est rapportée par l'EARL et Groupama, ces derniers se fondant exclusivement sur les déclarations de M. C.... Ils ajoutent que la Cour de cassation exige des indices graves, précis et concordants et que s'il est admis que M. C... a bien fumé une cigarette avant la survenue de l'incendie, éteint sa cigarette sous sa chaussure et jeté le mégot au-dessus de la palissade, on ignore parfaitement l'endroit précis où le mégot est tombé et comment un mégot éteint a pu entraîner un incendie. Ils ajoutent que rien ne permet d'affirmer que c'est cette cigarette qui a provoqué l'embrasement. Ils précisent que le simple fait que M. C... ait imaginé lors de son audition que son mégot puisse être à l'origine de l'incendie ne permet pas de caractériser sa faute. Ils exposent encore que l'ami de M. C... a aussi fumé une cigarette sans se souvenir de ce qu'il a fait du mégot après avoir éteint sa cigarette sous sa chaussure, qu'une fête foraine était installée à proximité de l'installation, des bruits de pétards ont été entendus et qu'un groupe de jeunes observait à travers les cloisons de la palissade à la recherche d'un chat. Ils soutiennent que ces différents faits, pris isolément, auraient pu provoquer le sinistre. Ils font donc valoir que l'EARL et Groupama ne démontrent pas que M. C... ou son mégot est à l'origine du sinistre, car selon eux, le mégot n'est qu'une hypothèse susceptible d'être à l'origine du sinistre. Ils exposent encore que l'enquête de police n'a pu établir de lien de causalité entre la cigarette de M. C... et le sinistre, l'enquête ayant été classée sans suite pour infraction insuffisamment caractérisée et mettant en évidence que les déclarations de M. C... ne sont corroborés par aucun élément matériel.
Sur le quantum du préjudice correspondant au découvert de garantie, ils soutiennent que la somme de 16 715 euros relative au montant des plantes détruites est incluse dans le total de 385800,50 euros. Sur la somme de 100 000 euros réclamée par l'EARL, ils précisent qu'elle a été indemnisée par son assureur et qu'aucun autre dommage n'a été subi par cette société que ceux qui ont été chiffrés par les experts conseils. Ils soutiennent encore que l'EARL ne justifie pas de la réalité de ce préjudice. Enfin, ils exposent que Groupama aurait du présenter un recours 'vétusté déduite' et donc réclamer la somme de 212 908 euros compte tenu de la convention de renonciation à recours en matière de valeur à neuf prévue entre assureurs.
Ils contestent également les demandes accessoires compte tenu du non-respect de la procédure d'escalade.
Dans leurs dernières conclusions notifiées le 3 novembre 2017, l'EARL et Groupama demandent à la cour de confirmer le jugement attaqué sauf en ce qu'il a rejeté la demande de condamnation à payer la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts supplémentaires, et statuant à nouveau et y ajoutant :
- condamner in solidum M. C... et la MAAF à payer à l'EARL la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts pour compenser son préjudice personnel et moral,
- condamner in solidum M. C... et la MAAF à leur payer la somme supplémentaire de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens d'appel.
A l'appui de leurs prétentions, l'EARL et Groupama font valoir qu'il n'est pas possible de revenir sur l'aveu de M. C..., dont la portée est très claire, notamment pour sa mère. Sur le rôle de M. D..., ils soutiennent que leur tentative de le mettre en cause est vouée à l'échec puisqu'il n'a en aucun cas jeté son mégot par dessus la palissade, à la différence de M. C.... Ils ajoutent que ce dernier n'impute à aucun moment une attitude dangereuse à M. D... alors qu'il reconnaît lui-même l'avoir eu. Sur le classement sans suite, ils exposent qu'il n'a aucune influence sur la responsabilité civile de M. C....
S'agissant des exigences en matière de preuve des faits juridiques, ils rappellent qu'elle s'établit par tout moyen et peut résulter de présomptions dites du fait de l'homme. Ils soutiennent ainsi que les éléments réunis par l'enquête pénale permettent d'aller au-delà même de la notion de présomption puisque M. C... a reconnu être l'auteur de l'incendie involontaire. Ils soutiennent encore que son imprudence est à l'origine directe de l'embrasement des serres et qu'il l'a manifestement avoué lors de sa seconde audition. En tout état de cause, ils font valoir que des indices graves, précis et concordants sont réunis car un mégot mal éteint est jeté quelques dizaines de minutes avant l'embrasement généralisé par dessus la palissade et aucun autre événement ne peut justifier cet embrasement. Il y a donc, selon eux, une unité de temps, de lieu et d'action. Ils soutiennent ensuite que les autres causes d'incendie ont été exclues : hydrocarbure, circonstances atmosphériques, présence d'une fête foraine pour un incendie provoqué par un feu d'artifice ou des pétards.
Sur le préjudice non garanti par Groupama, ils admettent que le coût des plantes détruites est inclus dans la somme de 385 800,50 euros, mais qu'il faut y ajouter la somme de 8 200 euros au titre de l'immobilisation des véhicules. Ils précisent que ces sommes ne comprennent que les préjudices matériels directs et non le préjudice d'exploitation. Ils soutiennent que si l'EARL a pu réaliser le même chiffre d'affaire et le même bénéfice qu'en l'absence de tout sinistre, c'est grâce à l'investissement personnel et financier de son gérant qui mérite une indemnisation à hauteur de 100 000 euros. Ils exposent ensuite que Groupama maintient ses demandes et que l'initiative de la procédure appartient à l'EARL qui subissait un important découvert d'assurance, étant précisé que les courriers échangés montrent que la MAAF n'a jamais répondu favorablement aux demandes et que Groupama ne pouvait que s'associer à l'action initiée par l'EARL.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 mai 2018.
Motifs
1. Sur la responsabilité de M. C...
M. C... et la MAAF produisent au débat les éléments de l'enquête pénale consécutive à l'incendie qui s'est produit au sein de l'EARL
La lecture du PV n° 12/7982/1 du 18 août 2012 montre que Mme E... a expliqué avoir vu le démarrage du feu aux environs de 22h25 et qu'elle n'a vu personne sur les lieux.
M. F... lors de son audition le 21 août 2012 (PV n° 12/7982/5) a déclaré qu'il est rentré chez lui vers 21h environ et qu'il a constaté la présence d'un petit groupe de jeunes auprès des voitures de Mme G..., mère de M. C..., et à qu'à une heure qu'il ne peut préciser, il a été prévenu qu'il y avait le feu au sein de l'EARL à hauteur de la première palissade près de la maison de Mme G....
Le 21 août 2012, M. H... a déclaré aux services de police (PV n° 12/7982/6) qu'il est rentré chez lui vers 20h20 et qu'il a constaté la présence de 4 jeunes qui étaient occupés à regarder à travers les cloisons de la palissade à proximité d'une des voitures de Mme G... ; il poursuit en indiquant qu'il a vu les 4 jeunes passés devant chez lui vers 21h; il indique encore que vers 22h15, sa chienne a commencé à tourner en rond, sans qu'il ne s'en inquiète compte tenu de la fête foraine à proximité, mais qu'ensuite sa femme lui a dit avoir entendu des crépitements et vu une lueur orange ; il a déclaré être sorti et avoir constaté l'incendie.
M. C..., lors de sa première audition le 21 août 2012 (PV n° 12/7982/7) a déclaré avoir été prévenu de l'incendie à 22h30 et avoir constaté la présence de 4 jeunes vers 21h quand il est rentré, dont il pense qu'ils ne sont pas à l'origine de l'incendie ; il a déclaré ne pas savoir comment l'incendie s'est déclaré ; il a aussi indiqué que le 18 août 2012, il a fumé une cigarette en compagnie de M. D... devant chez lui et a assuré qu'il n'a pas balancé un mégot non éteint dans la serre, derrière la palissade, au sein de l'EARL ; il précise qu'il avait une tasse faisant office de cendrier car sa mère l'avait prévenu plusieurs fois de faire attention parce qu'elle l'avait vu jeter des mégots par dessus la palissade sur le toit en tôle d'un bâtiment de l'EARL.
M. D... a été entendu par les services de police le 21 août 2012 (PV n° 12/7982/9) ; il a déclaré être rentré au domicile de M. C... vers 21h et avoir constaté la présence de 4 jeunes devant le domicile de ce dernier ; il a précisé avoir fumé une cigarette en compagnie de M. C... devant le domicile lorsqu'ils sont rentrés vers 21h ; il affirme avoir personnellement écrasé sa cigarette sous sa chaussure comme il le fait à chaque fois, mais ne sait plus s'il a laissé son mégot sur place ou l'a ramassé pour le jeter dans une poubelle ou un cendrier ; il précise ne pas avoir fait attention à ce qu'a fait M. C... de son mégot.
Le 22 août 2012, Mme E... a indiqué aux services de police (PV n° 12/7982/13) qu'elle est arrivée dans la rue Vandermeersch vers 22h25, le 18 août 2012, et qu'elle a constaté que la palissade en bois séparant l'EARL du parking de la rue était la proie de petites flammes ; elle précise qu'en s'approchant, elle a vu que les flammes prenaient de plus en plus d'importance et n'avoir vu personne à proximité.
Mme D'hollander a déclaré, le 22 août 2012, aux fonctionnaires de police (PV n° 12/7982/14) que 'le 18 août 2012 entre 21h45 et 21h50', elle se trouvait dans sa cuisine à son domicile ; elle précise que depuis la fenêtre de sa cuisine, elle a vue sur la voie ferrée qui longe l'arrière de l'EARL ; elle poursuit en indiquant que vers 22h, un peu après la fermeture de la fête foraine implantée à proximité de la gare, son attention a été attirée par des cris en provenance de l'extérieur ; elle indique qu'après avoir éteint la lumière et sa télévision, elle a aperçu la lumière d'une lampe torche à hauteur de la voie ferrée et que la personne se dirigeait en direction de l'EARL ; elle précise ensuite qu'elle a revu la lumière de la lampe torche mais dans l'autre sens cette fois-ci ; elle indique enfin que de sa fenêtre, elle ne peut pas voir les établissements de l'EARL et n'a donc pu voir qui est à l'origine de l'incendie, mais précise que peu de temps après, il y a eu l'incendie.
Auditionnée le 24 août 2012 (PV n° 12/7982/16), Mme I..., employée de l'EARL, a indiqué être revenue aux serres à 21h10 et être repartie vers 21h30, que tout était normal et qu'il n'y avait personne à proximité des bâtiments.
Entendu à nouveau par les services de police le 12 décembre 2012, M. C... a déclaré (PV n° 12/7982/19) que :
- il a menti lors de sa précédente audition ; il confirme avoir fumé une cigarette avec M. D... devant chez lui, entre 21h et 21h30, le 18 août 2012 ; il précise qu'il n'a pas éteint sa cigarette dans une tasse comme il l'a déclaré initialement, mais qu'il a passé le mégot sous sa chaussure et l'avoir balancé sans réfléchir par dessus la palissade sans savoir où il était retombé ; il indique que selon lui, son mégot était éteint ;
- il avait pris, sans réfléchir, l'habitude de balancer ses mégots par dessus la palissade de l'EARL sans savoir où ils pouvaient retomber ; il indique qu'il n'a jamais pensé qu'il pouvait déclencher un incendie ;
- il a fait la relation, en arrivant chez son père après l'incendie, entre le mégot qu'il a balancé et l'incendie qui s'est déclaré ensuite, et ce d'autant plus selon lui, que sa mère et son beau-père l'avait mis en garde à plusieurs reprises ;
- il se souvient, après être arrivé chez son père, en avoir parlé avec M. D... et lui avoir dit 'Imagine que c'est l'un de nous l'auteur' ;
- c'est un concours de circonstances car il faisait chaud et que son mégot a dû retomber à un endroit favorable à sa combustion.
La cour note encore que la mère de M. C..., Mme G..., a déclaré le 17 décembre 2012 (PV n° 12/7982/21) prendre acte des déclarations de son fils, lequel a indiqué 'qu'il avait balancé un mégot de cigarette par dessus la palissade des établissements' de l'EARL le 18 août 2012 et qu'il 'pensait être l'auteur involontaire de l'incendie' ; la lecture de ce PV montre qu'elle s'interroge sur le point de savoir 'comment prouver que c'est bien son mégot de cigarette qui est effectivement à l'origine de l'incendie des serres', qu'elle admet que 'lors de ces faits, il avait fait très chaud et qu'il pourrait s'agir d'un malheureux concours de circonstances', mais qu'elle se demande à nouveau 'comment prouver cela'.
Le père de M. C... a déclaré le 12 décembre 2012 (PV n° 12/7982/20) que 'rien ne prouve que c'est une cigarette qui est effectivement à l'origine de l'incendie' de l'EARL.
Il résulte enfin du PV n° 12/7982/1 du 16 août 2013 que :
- le 18 août 2012, entre 22h30 et 23h30, un incendie d'origine indéterminée a détruit 3 bâtiments de l'EARL (page 3/5),
- les auditions de riverains et de témoins permettaient de situer le départ de l'incendie à une palissade en bois séparant les bâtiments de l'EARL des habitations de M. F... et de Mme G..., mère de M. C..., et du parking de la rue Vandermeersch (page 3/5) ;
- M. C..., présent lors de l'incendie, a déclaré avoir fumé une cigarette devant chez lui, en compagnie de M. D..., le 18 août 2012 entre 21h et 21h30, avoir passé son mégot sous sa chaussure pour l'éteindre puis l'avoir jeté sans réfléchir par dessus la palissade sans prêter attention au point de chute au sein de l'EARL ; selon ce PV, M. C... a déclaré être coutumier du fait et avoir été averti par sa mère à plusieurs reprises du risque éventuel d'un tel comportement et avoir fait une relation entre le mégot qu'il avait malencontreusement jeté par dessus la palissade et l'incendie ; il est ensuite indiqué dans ce PV qu'aucun élément matériel ne permettait de corroborer les déclarations de l'intéressé (page 4/5).
L'EARL et Groupama produisent un procès-verbal de constatation des 4 avril et 1er septembre 2013 dans lequel est indiqué que l'incendie s'est déclaré le 18 août 2012 vers 22h30 - 23h.
Est également produit un procès-verbal de constatation du 3 juin 2015 où il est précisé que 'tous les experts présents constatent que le 18 août 2012, vers 22h30, un incendie s'est déclaré dans le bien de l'EARL'.
L'EARL et Groupama produisent un certificat non daté du maire de la commune de Leffrinckoucke attestant qu'il n'y a jamais eu de feu d'artifice tiré lors de la ducasse de la gare et que celui de l'année 2012 a été tiré le dimanche 5 août sur la plage.
En l'état de ces éléments, s'il n'est pas contestable que M. C... a jeté par dessus la palissade et dans la propriété de l'EARL son mégot de cigarette, aucun élément objectif ne vient conforter la thèse de l'EARL et de Groupama selon laquelle l'incendie a été provoqué de manière certaine et directe par ce mégot, dont il n'est nullement démontré qu'il aurait été mal éteint par M.C..., et alors que les déclarations de ce dernier ne sont corroborés par aucun élément matériel, que M. C... a fumé sa cigarette entre 21h et 21h30 en compagnie de M. D... qui ne sait plus ce qu'il a fait de son mégot, que le départ du feu a été constaté vers 22h25 - 22h30, et qu'au vu du témoignage de Mme D'hollander, une personne, munie d'une lampe torche, s'est approchée de l'EARL par la voie ferrée puis est repartie vers 22h.
La cour note ensuite que si aucun hydrocarbure ou liquide inflammable a été retrouvé dans les échantillons de terre prélevés dans l'EARL au pied de la palissade, aucun épisode orageux n'a été relevé en ces lieu et date et que la fête foraine a eu lieu à plusieurs centaines de mètres de l'EARL, ces circonstances ne constituent pas, d'une part, des indices graves, précis et concordants permettant de retenir l'existence d'un lien de causalité certain et direct entre le mégot jeté par M. C... dans l'EARL et l'incendie qui s'est déclaré, ni ne permettent, d'autre part, de confirmer la thèse de l'EARL et de Groupama selon laquelle l'imprudence commise par M.C... est à l'origine directe de l'embrasement des serres.
En conséquence, la seule déclaration du 12 décembre 2012 de M. C..., non corroborée par d'autres éléments, n'est pas suffisante à établir la preuve que le mégot jeté par ce dernier est à l'origine directe et certaine de l'incendie dans la propriété de l'EARL.
Le jugement attaqué sera donc infirmé en ce qu'il a déclaré M. C... responsable du sinistre et l'a condamné in solidum avec la MAAF à payer à l'EARL la somme de 394 000,50 euros pour les préjudices matériels non couverts par l'assureur avec intérêts au taux légal à compter du 18 août 2012, et à payer à Groupama les sommes de 212 908 euros, 52 800 euros, et 11 562,12 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 25 mars 2016.
Il s'ensuit que l'EARL et Groupama seront déboutés de l'intégralité de leurs demandes.
2. Sur les demandes annexes
Le sens du présent arrêt conduit à infirmer le jugement attaqué sur ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile, et à condamner in solidum l'EARL et Groupama aux entiers dépens de la procédure de première instance et d'appel.
Aucune considération d'équité ne commande de faire droit aux prétentions des parties articulées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile aux titres des procédures de première instance et d'appel, chacune étant en cela déboutée de sa prétention à cette fin.
Par ces motifs
La cour, statuant publiquement,
INFIRME en toutes ses dispositions le jugement du 28 avril 2017 rendu par le tribunal de grande instance de Dunkerque,
ET STATUANT A NOUVEAU,
Déboute l'EARL Bruno B... et la société Groupama Nord-Est de l'ensemble de leurs demandes,
Condamne in solidum l'EARL Bruno B... et la société Groupama Nord-Est aux entiers dépens de première instance et d'appel,
Déboute l'ensemble des parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de la première instance et de la procédure d'appel,
Le GreffierLe Président
F. DufosséB. Mornet