République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 2
ARRÊT DU 28/06/2018
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N° de MINUTE :18/
N° RG : 18/00389
Jugement (N° [...]) rendu le 21 décembre 2017 par le tribunal de commerce de Boulogne- sur-Mer
Liquidation judiciaire
APPELANTE
SARL Liane Hôtel Boulogne-sur-Mer/ Outreau
ayant son siège social [...]
représentée par Me Virginie X..., avocat au barreau de Douai
assistée de Me Serge Y..., avocat au barreau de Boulogne-sur-Mer
INTIMÉS
Me Pascal Z... ès qualités de mandataire liquidateur judiciaire de la SARL Liane Hôtel Boulogne-sur-Mer/ Outreau
demeurant [...]
représenté et assisté par Me Eric A..., de la SELARL Eric A..., avocat au barreau de Douai
SARL Kais prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
ayant son siège social [...]
représentée et assistée par Me Marie-Hélène B..., avocat au barreau de Douai
ayant pour conseil Me Cyril C..., avocat au barreau de l'Essonne
DÉBATS à l'audience publique du 22 mai 2018 tenue par Nadia D... magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Valérie Roelofs
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Marie-Laure Dallery, président de chambre
Nadia D..., conseiller
Isabelle Roques, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 28 juin 2018 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Marie-Laure Dallery, président et Valérie Roelofs, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
OBSERVATIONS ÉCRITES DU MINISTÈRE PUBLIC :
Cf réquisitions du 26 avril 2018, communiquées aux parties le 30 avril 2018
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 15 mai 2018
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Sur assignation de la société Kais en date du 21 novembre 2017, par jugement en date du 21 décembre 2017, le tribunal de commerce de Boulogne sur Mer a :
- au visa des dispositions des articles L641-1 à L64l-15 du code de commerce ;
- ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société Liane Hôtel Boulogne-sur-mer/ Outreau (SARL) immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Boulogne Sur Mer sous le n° 789713 211 dont le siège social est [...].
- fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 21/06/2016.
- nommé M. E..., juge commissaire.
- désigné Me Pascal Z... -liquidateur.
- désigné Me F..., commissaire-priseur, aux fins de réaliser l'inventaire prévu par l'article L622-6 du code de commerce et la prisée de l'actif du débiteur, dont il déposera rapport dans le mois de sa saisine ;
- dit que conformément à l'article L641-1 du code précité, le liquidateur devra établir la liste des créances déclarées avec les propositions d'admission et/ou de rejet dans le délai de 12 mois à compter du terme imparti aux créanciers pour déclarer leurs créances ;
- fixé à 24 mois à compter du présent jugement le délai au terme duquel la clôture devra être examinée.
- dit qu'il appartiendra à Mme G... Christine, d'informer le Tribunal et le mandataire liquidateur ci dessus désigné de tout changement de son adresse personnelle, afin d'être joint à tout moment pour les besoins de la procédure.
- ordonné toutes les publicités prévues en pareille matière.
- employé les dépens du présent jugement en frais privilégiés de procédure.
Par déclaration d'appel en date du 17 janvier 2018, la SARL Liane Hôtel Boulogne sur Mer/Outreau a interjeté appel de la décision précité.
MOYENS ET PRÉTENTIONS
Par conclusions signifiées par voie électronique en date du 20 mars 2018, la SARL Liane Hôtel Boulogne sur Mer/Outreau demande à la cour, au visa de l'article 503 alinéa 1 du Code de Procédure Civile, des articles L 631-1 al.1 et L 640-1 al. 1 du Code de Commerce,
Vu l'article R 621-8 du Code de Commerce, de :
- réformer le jugement entrepris du 21 décembre 2017 en ce qu'il a fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 21 juin 2016,
- rectifier les erreurs contenues dans le jugement critiqué,
- fixer la date provisoire de cessation des paiements à la date du commandement de payer soit le 4 septembre 2017,
- ordonner les publicités destinées à rectifier la date provisoirement arrêtée par le Tribunal de Commerce,
- dire que les dépens de la présente procédure seront affectés en frais privilégiés de la procédure de liquidation de la débitrice.
Elle indique :
- ne pas être opposée à la liquidation judiciaire mais conteste la date retenue, qui correspond à une antériorité de 18 mois
- ne pas avoir validé lors de l'audience la date de cessation des paiements au 21 juin 2016,
- ne plus avoir d'activité pour l'année 2016 mais ne pas avoir été en état de cessation des paiements à cette date, ayant pu honoré les emprunts et charges.
Elle souligne que la décision comporte plusieurs erreurs matérielles.
Par conclusions signifiées par voie électronique en date du 7 mars 2018, la SARL Kais demande à la cour de :
- in limine litis avant toute défense au fond
- déclarer irrecevable l'appel de la société Liane Hôtel contre le jugement du Tribunal de Commerce de Boulogne Sur Mer pour défaut d'intérêt à agir.
- sur le fond
- rejeter la totalité des demandes de la SARL LIANE Hôtel.
- statuer ce que de droit quant aux dépens
Elle fait valoir que :
- la société Liane n'a pas d'intérêt à agir, pour n'avoir pas contesté la demande d'ouverture de procédure de liquidation et ne pas avoir contesté l'état de cessation des paiements, comme le souligne le jugement,
- la date de cessation des paiements est fixée de toute façon provisoirement.
- sur le fond, elle indique qu'aucun document notamment comptable sérieux n'a été produit pour fixer la date de cessation des paiements, notamment pas les éléments relatifs aux déclarations de créance,
- les éléments produits sont très insuffisants pour prouver que la date de cessation des paiements serait en réalité le 4 septembre 2017.
Me Z... a signifié par voie électronique en date du 8 mars 2018, des conclusions de rapport à justice. Aucun timbre n'a été honoré.
* * *
Par avis en date du 26 avril 2018, communiqué aux parties par les soins du greffe, le ministère public requiert que l'appel soit déclaré recevable, la SARL Liane ayant intérêt à agir et le jugement ne faisant pas état de son consentement à ce que la date de cessation des paiements soit fixée au 21 juin 2016. Sur le fond, s'en rapporte à l'appréciation de la cour.
* * *
Par avis RPVA faisant suite à l'audience du 23 mai 2018, les parties sont invitées à présenter leurs observations par voie électronique sur l'irrecevabilité de la défense de Me Z..., relevée d'office, tenant au défaut de paiement par ce dernier de la contribution à l'aide juridique, et ce avant le 14 juin 2018.
MOTIVATION
- Sur l'irrecevabilité des moyens de défense et conclusions de Me Z...
En application des dispositions de l'article 963 du code de procédure civile, lorsque l'appel entre dans le champ d'application de l'article 1635 bis P du code général des impôts, les parties justifient, à peine d'irrecevabilité de l'appel, ou des défenses selon le cas, de l'acquittement du droit prévu à cet article. L'irrecevabilité est constatée d'office par le magistrat ou la formation compétents.
Le conseil de Me Z... à l'audience confirme ne pas s'être acquitté du droit de timbre, faute de liquidités dans la procédure collective.
Par conséquence, l'irrecevabilité des moyens de défense de Me Z..., relevée d'office et tirée du défaut de paiement par ce dernier de la contribution à l'aide juridique est prononcée.
- Sur la fin de non recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir
Aux termes des dispositions de l'article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention ou pour défendre un intérêt déterminé.
En vertu des dispositions de l'article 546 du code de procédure civile, le droit d'appel appartient à toute partie qui y a intérêt, si elle n'y a pas renoncé.
Pour apprécier l'intérêt à agir et faire appel, il faut se placer au jour de l'appel et se référer au dispositif du jugement et non à ses motifs.
L'intérêt est à la mesure de la succombance. Qui a obtenu satisfaction en première instance est irrecevable, faute d'intérêt, à faire appel.
Cette présomption n'est toutefois par irréfragable.
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Il ressort des mentions du jugement, non critiquées d'ouverture de procédure collective que la société SARL Liane Hôtel Boulogne sur Mer Outreau a, lors de l'audience 'déclaré ne pas s'opposer à la demande d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire'.
Cependant, aucune mention dudit jugement, notamment celle selon laquelle 'l'ancienneté et l'importance des sommes dues, ainsi que le caractère infructueux des poursuites démontrent l'état de cessation des paiements, par ailleurs non contesté' ne peut permettre de dire que la SARL Liane Hôtel a seulement même acquiescé à la date retenue par les premiers juges.
Au contraire, le tribunal présente bien dans le jugement la fixation provisoire de cette date au 21 juin 2016 comme l'exercice même de son impérium, étant observé que le fait qu'une modification ultérieure puisse intervenir, ne prive pas d'intérêt à agir la débitrice, au vu des conséquences procédurales et juridiques en matière de procédure collective qu'une telle fixation induit.
En conséquence, la fin de non recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir ne peut qu'être rejetée.
- sur la fixation de la date de cessation des paiements
'Les dispositions de l'article 631-1 du code de commerce, définissent l'état de cessation des paiements, comme étant l'état du débiteur 'dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible', étant en outre précisé que 'le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n'est pas en état de cessation des paiements'.
Aux termes des dispositions de l'article L 631-8 du même code, le tribunal fixe la date de cessation des paiements après avoir sollicité les observations du débiteur. À défaut de détermination de cette date, la cessation des paiements est réputée intervenue à la date du jugement d'ouverture de la procédure. Elle peut être reportée une ou plusieurs fois, sans pouvoir être antérieure de plus de 18 mois à la date du jugement d'ouverture de la procédure.
L'état de cessation des paiements est la situation économique dans laquelle le débiteur doit se trouver pour être placé en redressement ou liquidation judiciaire, et se définit comme l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible.
L'actif disponible à prendre en compte est exclusivement celui à court terme, outre celui qui est immédiatement liquide ou peut le devenir rapidement, alors que le passif à prendre en compte est celui qui est échu et exigible.
Le passif exigible doit être comparé à l'actif disponible. Seul un déséquilibre en faveur du premier permettra de caractériser l'état de cessation des paiements.
L'état de cessation des paiements se distingue ainsi de l'insolvabilité, caractérisée par l'insuffisance des actifs pour couvrir le passif, mais également du simple refus de paiement.
* * *
Contrairement à ce qu'affirme la société Kais, la cour ne statue nullement en report de la date de cessation des paiements, mais sur appel de la fixation de la date de cessation des paiements à la suite de son assignation en ouverture de liquidation judiciaire pour non-règlement des sommes mises à la charge de la société Liane Hôtel.
Le seul fait que la société n'ait plus d'activité ne saurait justifier de facto la fixation de la date de cessation des paiements à la date de la cessation d'activité.
La société Kais se prévaut des décisions judiciaires intervenues ainsi que de procédures d'exécution, démontrant selon elle l'état de cessation des paiements très ancien.
Elle produit ainsi un commandement de saisie-vente mobilière en date du 4 septembre 2017 et surtout un procès verbal de saisie attribution en date du 28 septembre 2017, lequel précise que le compte est débiteur d'un montant de 18 789 euros, rendant impossible le paiement de la dette dénoncée.
Ces pièces établissent à tout le moins qu'à cette date, la société ne pouvait honorer les condamnations issues des décisions judiciaires, tant la décision de référé et que la décision de la cour d'appel de Douai en date du 22 juin 2007, sur recours contre le jugement du tribunal de commerce rendu le 9 février 2016.
Cependant, comme le fait justement remarquer l'appelant, les condamnations mises à la charge par ces deux dernières décisions ne sont devenues exécutoires qu'à l'issue de la procédure d'appel soit au second trimestre 2017, aucune exécution provisoire n'assortissant les condamnations de première instance. Le tribunal ne pouvait donc se baser sur l'existence même de ce seul litige pour retenir le caractère particulièrement ancien de la dette.
Mais, il ressort des pièces versées aux débats, et notamment le bilan et compte de résultat de la société Hôtel Liane pour la période de janvier 2014 à décembre 2014 et des comptes annuels pour la période de janvier 2016 au 31 décembre 2016, que :
- le capital social de la société est de 10 000 euros fin décembre 2014, alors que le résultat de l'exercice est de - 427 795 euros, les capitaux propres étant de - 426 111 euros ;
- dès le 31 décembre 2013 la société présentait un résultat net de - 8316 euros tandis qu'au 31 décembre 2014, il était de - 427 795 euros ;
- ce résultat négatif existe alors même que la société fait état de produits exceptionnels sur opérations de gestion pour un montant de 200 000 euros sur l'année 2014 et malgré un chiffre d'affaires net, certes en baisse depuis 2013, de 120 008 euros en 2014 ( 193 161 euros en 2013);
- le résultat d'exploitation est négatif en 2015 ( -7658) comme en 2016 ( - 7092), le résultat d'exercice étant déficitaire en 2016 : -11 111 euros contre un résultat positif en 2015 de 10 324 euros ;
- le bilan passif fait état de capitaux propres en 2016 négatif de - 426 898 alors qu'il était déjà de - 415 787 euros en 2015 ;
- des reports au titre du solde débiteur sont effectués de manières constantes depuis décembre 2013.
La lecture de ces pièces établit le caractère limité de l'actif de la société et en voie de réduction notable : 319 241 euros en décembre 2013, 69 693 en décembre 2014, 17 808 euros en décembre 2015 et19 009 euros en décembre 2016.
Le seul fait que les apports des différents associés aient permis d'honorer les prêts ne sauraient contredire l'ensemble de ses éléments, qui démontre une situation compromise de la société Liane Hôtel de longue date, le report du solde débiteur annuel étant caractéristique, alors même que la société disposait d'un actif limité et se réduisant au fil des années, ne permettant ni de faire face aux condamnations judiciaires précitées ni à une exploitation régulière, les résultats d'exploitation étant négatifs de manière régulière et constante depuis 2013.
C'est donc par une juste appréciation des faits que les premiers juges ont retenu la date du 21 juin 2016 comme date de cessation des paiements. La décision des premiers juges est donc confirmée.
Les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure collective.
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PAR CES MOTIFS
La cour,
DECLARE irrecevable les moyens de défense de Me Z... ;
REJETTE la fin de non recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir ;
CONFIRME le jugement rendu par le tribunal de commerce de Boulogne sur Mer en date du 21 décembre 2017 en toutes ses dispositions ;
y ajoutant,
DIT que les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure collective ;
Le greffierLe président
V. RoelofsML.Dallery