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28/06/2018 | FRANCE | N°16/05375

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 2, 28 juin 2018, 16/05375


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 2 SECTION 2



ARRÊT DU 28/06/2018





***



N° de MINUTE :18/

N° RG : 16/05375



Jugement rendu le 21 juin 2016 par le tribunal de commerce de Lille Métropole



APPELANTE



X... C... Batignolles Nord

ayant son siège social Parc Tertiaire Rivéo

[...]

[...]

représentée et assistée par Me Yann Y..., avocat au barreau de Lille



INTIM

ÉE



SARL Unipersonnelle SO TER NOR agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège social chemin de Verlinghem 'Aux Ecluses'

[...]

représent...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 28/06/2018

***

N° de MINUTE :18/

N° RG : 16/05375

Jugement rendu le 21 juin 2016 par le tribunal de commerce de Lille Métropole

APPELANTE

X... C... Batignolles Nord

ayant son siège social Parc Tertiaire Rivéo

[...]

[...]

représentée et assistée par Me Yann Y..., avocat au barreau de Lille

INTIMÉE

SARL Unipersonnelle SO TER NOR agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège social chemin de Verlinghem 'Aux Ecluses'

[...]

représentée par Me François Z..., de la SCP François Z...-Bernard Franchi, avocat au barreau de Douai

assistée de Me Kathia A..., avocat au barreau de Lille

DÉBATS à l'audience publique du 10 avril 2018 tenue par Nadia B... magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Valérie Roelofs

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Marie-Laure Dallery, président de chambre

Nadia B..., conseiller

Isabelle Roques, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 28 juin 2018 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Marie-Laure Dallery, président et Valérie Roelofs, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 9 novembre 2017

Par marché en date du 16 mai 2006, la société Loos Aliments, maître d'ouvrage, a confié à la société C... Batignolles Nord l'exécution de travaux en vue de la réalisation de l'extension d'un bâtiment fonderie, dans le cadre d'un marché de gros 'uvre et fondations sur le site de Lens.

Par contrat de sous-traitance en date du 4 août 2006, la société C... Batignolles Nord (entrepreneur principal) a confié à la société So Ter Nor (sous-traitant) les travaux de :

- terrassement et démolition dans le bâtiment existant

- terrassement du nouveau bâtiment fonderie

- évacuation des déblais de forage,

pour un prix global et forfaitaire de 190 000 euros HT soit 227 240 euros TTC .

La société Soternor a émis le 19 octobre 2009 un décompte général définitif (F091020) faisant apparaître un solde en sa faveur, d'un montant de 81 683,23 euros TTC, à laquelle s'ajoute la retenue de garantie de 5% afférente à ce chantier, l'ouvrage ayant été depuis réceptionné par la société Loos Aliments, pour un montant total de 11 362 euros TTC.

Suite à l'assignation en paiement de la société Soternor en date du 17 septembre 2014, par jugement contradictoire et en premier ressort en date du 21 juin 2016, le tribunal de commerce de Lille Métropole a:

-dit et jugé recevable et non prescrite l'action engagée par la société Soternor à l'encontre de la société C... Batignolles Nord,

- condamné la société C... Batignolles Nord à payer à la société Soternor la somme de 93 045, 23 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter de la dernière mise en demeure en date du 21 Juillet 2014,

- condamné la société C... Batignolles Nord à payer à la société Soternor la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société C... Batignolles Nord aux entiers frais et dépens,

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision,

- débouté les parties de leurs autres demandes plus amples et contraires.

Par déclaration en date du 29 août 2016, la X... C... Batignolles Nord a interjeté appel de la décision.

À la suite d'un incident 526 relevé par la société Soternor, le conseiller de la mise en état a par décision du 14 septembre 2017 procédé à la radiation d'office de l'incident, faute de diligences.

MOYENS ET PRETENTIONS :

Par conclusions signifiées par voie électronique en date du 29 novembre 2016 , la société C... Batignolles Nord demande à la cour, au visa de l'article L110-4 du Code de Commerce, l'article 2224 du Code Civil, de :

- dire et juger que la demande de la société Soternor est irrecevable car prescrite,

-infirmer en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de Commerce de Lille Métropole en date du 21 juin 2016,

- à titre reconventionnel : condamner la société Soternor à payer à la Société SBN une somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la procédure abusive ainsi qu'une somme de 10 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les frais et dépens.

Elle fait valoir que :

-les travaux ont été terminés en janvier 2007,

- le DGD a été réalisé et transmis le 2 mai 2007,

- par lettre recommandé du 17 septembre 2008, la société Soternor a contesté le décompte et sollicité le règlement du solde du contrat,

- dès cette date, la société Soternor connaissait les faits permettant d'exercer son action au sens de l'article 2224,

- l'assignation a été délivrée le 17 octobre 2014, soit bien au delà du délai de 5 ans, sans qu'aucune cause n'ait interrompu le délai,

- le seul fait de rééditer une facture le 19 octobre 2009 ne fait pas courir un nouveau délai,

Par conclusions signifiées par voie électronique en date du 30 janvier 2017, la société unipersonnelle So Ter Nor demande à la cour, au visa des dispositions de l'article L110-4 du Code de Commerce, de l'article 2224 du Code civil, de l'article 1134 du Code civil et désormais 1103 du Code civil, de l'article 1147 du Code civil et désormais 1231-1 du Code civil,de :

- confirmer le Jugement rendu par le tribunal de commerce de Lille Métropole le 21 juin 2016 en toutes ses dispositions et donc en ce qu'il a :

- dit et jugé recevable et non prescrite l'action engagée par la société Soternor à l'encontre de la société C... Battignolles Nord

- condamné la société C... à payer à la société soternor la somme de 93 045, 23 € TTC avec intérêts au taux légal à compter de la dernière mise en demeure en date du 21 juillet 2014,

- condamné la société C... Batignolles Nord à payer à la société So Ter Nor la somme de 2 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la société C... Batignolles Nord aux entiers frais et dépens,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision,

- en conséquence,

- débouter la société C... Batignolles Nord de l'ensemble de ses demandes,fins et conclusions,

- y ajoutant,

- condamner la société C... Batignolles Nord à payer à la société So Ter Nor la somme de 5.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- la condamner aux entiers frais et dépens de la présente instance.

Elle fait valoir que :

-le document établi par la société C... Batignolles le 2 mai 2007 ne constitue pas un décompte général définitif,

-ce document n'est qu'une situation de travail, se limitant à énumérer des postes et sommes afférentes, et ce sans reprise notamment du montant des acomptes versés,

- la société demeure recevable à solliciter le paiement du solde du marché pour n'avoir acquiescé ni expressément ni implicitement à un quelconque décompte général définitif,

- la correspondance du 17 septembre ne vaut pas contestation du décompte général, puisqu'elle vise à se concerter pour la réalisation de ce dernier,

- l'émission le 19 octobre 2009 du décompte général faisant apparaître un solde en sa faveur constitue le point de départ de la prescription,

- elle ne peut se prévaloir d'un défaut de réception du compte général définitif ou alléguer que ce dernier lui serait étranger dans le seul but d'échapper à son obligation de paiement,

- la société n'a jamais contesté l'effectivité et /ou la qualité des prestations réalisées par la société Soternor

MOTIVATION :

'La cour observe qu'un incident de radiation avait été élevé par la société So Ter Nor, qui n'a pas été réinscrit, faute de demande des parties, avant l'ordonnance de clôture.

Les développements de la société So Ter Nor dans ses conclusions sont donc inopérants devant la cour.

- Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription :

En vertu des dispositions de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut du droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délia préfix, la chose jugée.

Les fins de non recevoir doivent être relevées d'office lorsqu'elles ont un caractère d'ordre public. La liste donnée par le code n'est pas limitative

L'article 110-4 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008, prévoit que les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçant et non commerçant se prescrivent par 5 ans, si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes.

L'article 2224 ancien du code civil dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par 5 ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Ce sont par de justes motifs qu'il convient d'adopter, quand bien même la société C... aurait abandonné en cause d'appel le moyen tiré du défaut de contestation dans le délai de 15 jours prévu à l'article 9-2 du contrat de sous traitance, que les premiers juges ont estimé que le document établi par la société C... Batignolles Nord le 2 mai 2007 ne peut raisonnablement constituer un 'décompte général définitif', conformément aux dispositions de l'article 9, étant au surplus observé que le courrier d'envoi émanant de C... Batignolles qualifie ce document de situation de travaux et qu'il n'y ait nullement fait état, d'une réception des travaux, du montant forfaitaire du marché, du montant des situations de travaux intermédiaires honorées ou restant à honorer, des éventuels plus value ou moins value.

Le courrier du 17 septembre 2008 ne vaut pas plus décompte général définitif, la société So Ter Nor se limitant dans ce courrier à rappeler à la société C... Batignolles le montant du solde restant dû, à la mettre en demeure d'honorer les factures d'ores et déjà émises, à solliciter l'organisation au siège de la société d'une réunion 'afin de mettre au point, en concertation, le décompte général définitif de cette affaire'.

Faute de réponse de l'entrepreneur principal quant à l'organisation d'une réunion de concertation, il appartenait au sous-traitant, alors d'établir un décompte précis et de l'adresser dans un délai raisonnable à compter de cette date à l'entrepreneur principal, puisque le fait générateur de la demande en paiement n'est pas l'édition de la facture mais la fin des travaux et la possibilité d'établir le solde entre les parties.

Admettre comme point de départ de la prescription la date de la facture finalement émise par la société So Ter Nor, facture intitulée par ses soins décompte général définitif en date du 19 octobre 2009, à supposer d'ailleurs que cette facture ait bien date certaine à cette date et ait été adressée à la société C... Batignolles Nord à cette date, ce qui n'est aucunement démontré, reviendrait à donner au sous-traitant la maîtrise totale de la prescription et permettrait de retarder à sa discrétion le jeu de cette dernière.

Or, les termes mêmes du courrier du 17 septembre 2008 sont clairs et permettent d'établir que dès cette date la société So Ter Nor à connaissance 'des faits lui permettant d'exercer son action'.

En effet, après avoir rappelé le prix global forfaitaire et l'exécution dudit chantier dans sa totalité, elle rappelle ' à nouveau réclamer le paiement intégral de notre marché concernant l'opération'.

En mesure à cette date de déterminer tant le prix du marché initial, les acomptes versés, les factures émises et non honorées, elle estime sa prestation terminée, puisqu'elle sollicite la réalisation du décompte général.

Aucune modification de la situation ne pouvant intervenir, elle est en mesure de solliciter le paiement du solde et le simple fait de tenter une fixation et un recouvrement amiables de la créance de solde de travaux n'est pas susceptible de suspendre le cours de la prescription.

Aucune des parties ne donne de précision quant à la date à laquelle lesdits travaux ont été terminés et la réception effectuée, étant toutefois observé que les travaux ont nécessairement été terminés entre le mois de mai 2007 et le mois de septembre 2008.

Au vu donc de l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions relatives à la prescription, et notamment l'article 26 de la loi du 17 juin 2008, publiée le 18 juin au Journal officiel, selon lequel les dispositions de la présente loi qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure, la prescription ramenée de 10 ans à 5 ans a nécessairement été acquise, au plus tôt le 18 juin 2013 et au plus tard le 18 septembre 2013.

En n'introduisant son action que par assignation délivrée le 17 octobre 2014 et en ne faisant état d'aucune cause susceptible d'interrompre le cours de la prescription, la société So Ter Nord ne peut qu'être jugée prescrite en son action.

La décision des premiers juges ne peut donc qu'être infirmée en toutes ses dispositions.

- sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive :

'En vertu des dispositions des articles 1382 et 1383 du code civil, l'exercice d'une action en justice constitue en principe un droit et nécessite que soit caractérisée une faute faisant dégénérer en abus le droit d'agir en justice pour que puissent être octroyés des dommages et intérêts à titre de réparation.

La résistance abusive du défendeur se définit par le fait d'opposer à une action en justice des arguments de mauvaise foi et manifestement infondés, la simple défense à une action en justice ne pouvant constituer un abus de droit.

Faute pour la société C... Batignolles d'articuler les éléments de fait et droit nécessaires au soutien de sa prétention dans le corps de ces écritures et de caractériser une faute de la société So Ter Nor, la demande de l'appelant ne peut qu'être rejetée.

- Sur les dépens et accessoires :

En application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, la société So Ter Nor succombant en ses prétentions, il convient de la condamner aux dépens.

Le sens du présent arrêt impose de condamner la société So Ter Nor à payer à la société C... Batignolles la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La demande d'indemnité procédurale de la société So Ter Nor ne peut qu'être rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour,

INFIRME le jugement rendu par le tribunal de commerce de Lille Métropole en date du 21 juin 2016 en toutes ses dispositions ;

Statuant des chefs réformés et y ajoutant,

FAIT DROIT à la fin de non recevoir tirée de la prescription soulevée par la société C... Batignolles Nord ;

DECLARE la demande en paiement présentée par la société So Ter Nor prescrite ;

CONDAMNE la société So Ter Nor à payer à la société C... Batignolles la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

LA DEBOUTE de sa demande d'indemnité procédurale ;

LA CONDAMNE aux dépens de première instance et d'appel.

Le greffierLe président

V. RoelofsM.L.Dallery


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 2 section 2
Numéro d'arrêt : 16/05375
Date de la décision : 28/06/2018

Références :

Cour d'appel de Douai 22, arrêt n°16/05375 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-06-28;16.05375 ?
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