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28/06/2018 | FRANCE | N°15/07317

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 2, 28 juin 2018, 15/07317


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 2 SECTION 2



ARRÊT DU 28/06/2018





***





N° de MINUTE : 18/

N° RG : 15/07317



Jugement (N° [...]) rendu le 24 novembre 2015 par le tribunal de commerce de Valenciennes



APPELANTE



SARL Héli Nord agissant poursuites et diligences de son gérant domicilié en cette qualité audit siège

ayant son siège social Aérodrome de Valenciennes Bureau 1

[...

]

représentée et assistée par Me Gérald X..., avocat au barreau de Lille



INTIMÉE



GIE La Réunion aérienne agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux

ayant so...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 28/06/2018

***

N° de MINUTE : 18/

N° RG : 15/07317

Jugement (N° [...]) rendu le 24 novembre 2015 par le tribunal de commerce de Valenciennes

APPELANTE

SARL Héli Nord agissant poursuites et diligences de son gérant domicilié en cette qualité audit siège

ayant son siège social Aérodrome de Valenciennes Bureau 1

[...]

représentée et assistée par Me Gérald X..., avocat au barreau de Lille

INTIMÉE

GIE La Réunion aérienne agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social [...]

représentée par Me Jean-Philippe Y..., avocat au barreau de Valenciennes

assistée de Me Jean Z..., avocat au barreau de Paris, substitué à l'audience par Me Mathilde Z..., avocat au barreau de Paris

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Marie-Laure Dallery, président de chambre

Nadia Cordier, conseiller

Isabelle Roques, conseiller

DÉBATS à l'audience publique du 29 mars 2018 tenue en double rapporteur par Nadia Cordier et Isabelle Roques, après accord des parties. Mme Nadia Cordier, conseiller, entendu en son rapport oral.

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Valérie Roelofs

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 28 juin 2018 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Marie-Laure Dallery, président et Valérie Roelofs, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 5 septembre 2017

La société Aéronord a pour objet « la location, l'achat ou la vente de tout type de matériels de transport aérien ». Elle a contracté un crédit-bail, le 31 janvier 2008, avec la société Star Lease portant sur un appareil Eurocopter Ecureuil type AS 350 B1, immatriculé F-GKMR [ l'hélicoptère].

La société Héli Nord a pour objet : « la réalisation directe ou indirecte de toutes prestations de services liées au domaine de l'aéronautique ; location, vente, achat de tout type de matériels, formation de pilotes d'avion et d'hélicoptère».

Par convention privée en date du 1er mai 2009, la société Aéronord, en accord avec le crédit-bailleur, a mis l'Hélicoptère à disposition de la société Héli Nord, à charge pour cette dernière d'assurer l'exploitation commerciale de l'appareil, avec autorisation de mettre l'hélicoptère à disposition de l'ensemble de ses clients, toutes autorisations, frais de fonctionnement et assurance à la charge de la société Héli Nord.

La société Héli Nord a usé partiellement de cet hélicoptère et l'a mis à la disposition de la société Héli Vip SA par convention des 8 mars et 19 avril 2010.

Le GIE La Réunion aérienne est l'assureur de la société Héli Nord, lesquel a accepté de souscrire une police d'assurance en date du 30 mai 2010, l'assureur agréant HeliVip, Isis A... Coorporation et Sud est Hélicoptères ainsi que les pilotes B... et E..., pour l'appareil précité.

Le 5 octobre 2010, M. B... était interpellé dans le cadre d'une enquête sur des faits d'importation en bande organisée et de trafic de stupéfiant, l'hélicoptère ayant été utilisé pour transporter des produits et saisi alors qu'il se trouvait dans un hangar en Espagne.

Par arrêt du 6 avril 2011 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix en Provence, la société Héli Nord a obtenu la restitution de l'appareil.

À la suite de dégradations nées du stockage sans précaution, la société Star Lease, se prévalant de l'article 9 du contrat de crédit bail sur le sinistre total de l'appareil, a résilié de plein droit le contrat au préjudice de la société Aéronord, la caution ayant été activée.

Ayant vu leurs constitutions de partie civiles rejetées dans le cadre de la procédure pénale, la société Aéronord a sollicité l'indemnisation de son préjudice auprès de l'Etat français et la société Héli Nord la prise en charge du sinistre par sa compagnie d'assurance.

Une expertise judiciaire a été réalisée.

La société Aéronord a été déboutée de sa demande à l'encontre de l'Etat français, décision confirmée en appel le 5 janvier 2016.

La société Héli Nord s'étant heurtée au refus de prise en charge par sa compagnie d'assurance a assigné le GIE La réunion aérienne.

Par jugement contradictoire et en premier ressort en date du 24 novembre 2015, le tribunal de commerce de Valenciennes a :

- vu les articles 1134 et suivants du code civil, L 113-5 et suivants du code des assurances, le contrat d'assurance entre Héli Nord et le GIE La Réunion aérienne, le rapport d'expertise en date du 24 juillet 2013 et le préjudice subi par la SARL Héli Nord,

- débouté la SARL Héli Nord de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamné la société Héli Nord aux dépens de l'instance.

Par déclaration en date du 16 décembre 2015, la société SARL Héli Nord a interjeté appel de la décision.

MOYENS ET PRÉTENTIONS :

Par conclusions récapitulatives signifiées par voie électronique en date du 23 août 2017, la SARL Héli Nord demande à la cour au visa des dispositions des articles 1134 et suivants du Code Civil, de l'article L. 113-5 du Code des Assurances, du contrat d'assurance dont bénéficie la Société Héli Nord, du rapport d'expertise en date du 24 juillet 2013, de :

- condamner le GIE La Réunion aérienne au paiement au profit de la société Héli Nord des sommes suivantes :

- au titre du préjudice matériel (HT), franchise déduite:839.710,02 € - au titre de la prise en charge des équipements et améliorations réalisés en pure perte (HT): 6.000,00 €

- au titre du remboursement des frais pour récupérer l'Hélicoptère à la fourrière espagnole : 13.876,25 €

pour ces trois premiers postes avec intérêts capitalisés à compter du 13 octobre 2011

- aux frais de gardiennage du 23 octobre 2011 jusqu'au jour de paiement des causes du sinistre : 900,00 € / mois soit 59.400,00 € au 31 décembre 2016 et sauf mémoire pour les mois suivants 59.400,00 € sauf mémoire

- au titre de la perte de chance pour la société Héli Nord de réaliser la marge brute chiffrée en expertise, à compter de décembre 2012 et provisoirement arrêtée à décembre 2016 : 825.825,12 €

- au titre de la marge brute à compter de décembre 2016 (17.198,44 €) / mois : Mémoire

- condamner le GIE La réunion aérienne au paiement de la somme de 25.000,00 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- le condamner en tous frais et dépens de première instance et d'appel en ceux compris les frais d'expertise liquidés à la somme de 6.101,99 € TTC.

S'agissant des irrecevabilités invoquées, elle fait valoir que :

- la demande n'est pas nouvelle, s'agissant de demandes qui ne sont que l'accessoire, la conséquence ou le complément de la demande initiale,

- la demande de réparation de l'appareil n'a pas été effectuée immédiatement du fait de la demande parallèle formulée par la société Aéronord contre l'Etat français et le rejet de la demande contre l'Etat lui impose de solliciter de son assureur la prise en charge de ce préjudice principal.

- le motif invoqué selon lequel elle n'était pas propriétaire de l'hélicoptère au jour du sinistre et ne l'est plus actuellement, est inopérant, l'assurance de la chose d'autrui étant admise,

- en acceptant d'assurer la société Héli Nord pour les dommages subis par un appareil ne lui appartenant pas, le GIE La Réunion aérienne a accepté d'indemniser la société Héli Nord pour tout sinistre subi par cet appareil, à charge pour la société Héli Nord de procéder aux réparations ou de reverser au propriétaire-bailleur l'indemnité correspondante au prix des réparations,

- le fait que M. C..., caution, vienne aujourd'hui aux droits de la société Star Lease n'influe en rien sur les rapports assureur/assuré, le créancier de l'indemnité, bénéficiaire du contrat d'assurance reste la société Héli Nord.

Elle estime que :

- la souscription de la garantie Convention spéciale A1, lui donne le droit de solliciter la prise en charge du sinistre par sa compagnie d'assurance,

- les dommages sont issus de la procédure pénale et de sa détention par une autorité publique ou locale,

- l'exclusion de garantie invoquée par l'assureur n'est pas recevable, l'assuré n'étant pas à l'origine de l'infraction et les faits de contrebande, commerce prohibés ne sont pas le fait d'un ou plusieurs membres de l'équipage, M. B... n'étant ni représentant, ni préposé de l'assuré, ni membre de son équipage,

- le fait que le pilote ait été agréé ne peut être assimilé à l'assuré,

- ni la contrebande, ni le commerce prohibé ou clandestin ne sont à l'origine du dommage.

Elle ajoute que l'origine du choc constaté sur l'hélicoptère est inconnu et que la réparation réalisée à cet endroit n'est pas due à la mise sous séquestre mais à un accident de pilotage permettant l'exclusion de la garantie.

La règle némo auditur ne peut être invoqué, la société Héli Nord et M. D... ayant été victimes des infractions perpétrées, contestant en outre avoir pu détecter la préparation d'une infraction.

Elle souligne que :

- le contrat était rédigé de telle manière que l'assureur était dans l'obligation de faire réparer l'hélicoptère au bénéfice de Star Lease, quelle que soit la cause du sinistre, y compris la faute de l'assuré,

- le non respect des dispositions contractuelles et la carence de l'assureur a empêché la poursuite d'activité et la poursuite des paiements des loyers,

- elle ne se base pas sur l'abus, mais sur la succombance dans la présente procédure à raison d'une mauvaise analyse par l'assureur de son propre contrat, occasionnant un préjudice d'inexploitation pour solliciter des dommages et intérêts.

- elle estime la marge brute complémentaire du fait de la résistance à plus de 800 000 euros.

Par conclusions signifiées par voie électronique en date du 28 juillet 2017, le GIE La Réunion aérienne demande à la cour, au visa de la police d'assurances, de :

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- allouer à LRA la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle rappelle :

- la procédure pénale,

- l'existence d'un vol effectué certainement à très basse altitude pour échapper au contrôle aérien, ayant conduit le pilote à heurter la superstructure d'un navire endommageant l'avant de la cabine de pilotage, l'hélicoptère ayant été caché dans une ferme, où il a été saisi,

- le stationnement en fourrière par les autorités espagnoles, en bord de mer et à l'extérieur, sans mesure de précaution,

- la déclaration de sinistre auprès du courtier en assurance, qui a transmis à l'assureur la demande,

Au soutien de sa demande d'irrecevabilité de la demande au titre des dommages matériels en cause d'appel, elle fait valoir que :

- aucune indemnisation pour les travaux sur un appareil ne lui appartenant pas n'a été faite en première instance,

- cette demande est nouvelle, ce poste n'ayant fait l'objet d'aucune réclamation.

- la société Héli Nord pour les travaux à effectuer sur l'hélicoptère ne dispose d'aucun intérêt à agir, n'étant pas propriétaire de l'hélicoptère accidenté,

- si l'assurance de la chose d'autrui est possible, la réparation de l'assuré ne peut avoir lieu que pour un préjudice qui lui est propre,

- le préjudice de la société Héli Nord est constitué principalement de préjudices immatériels, non couverts par la police,

Elle ajoute que :

- l'attestation du courtier au profit de l'assuré n'a aucune valeur,

- les circonstances du sinistre sont exclues, quel que soit par ailleurs le degré de connaissance des faits reprochés par la société Héli Nord,

- M. B... étant assuré sur la police, il est faux de prétendre que l'assuré n'aurait pas eu connaissance du trafic,

S'agissant des exclusions de garanties, elle précise que :

- elle est encourue à raison d'un vol à basse attitude, M. B... ayant heurté la superstructure d'un bateau et le vol à basse altitude étant intentionnel pour échapper au contrôle aérien,

- elle est également encourue en cas de trafic de stupéfiant, l'article 2 stipulant clairement que sont exclues en cas de contrebande, trafic...les garanties,

- l'aéronef n'était pas hors de contrôle, puisqu'il est utilisé par un membre d'équipage lui même visé au contrat d'assurance au moment de la saisie,

Sur la clause de breach of warranty, elle expose que :

- cette clause ne bénéficie qu'à la seule société Star Lease, laquelle n'est pas partie à la procédure,

- seul M. C... pourrait se prévaloir d'une subrogation,

- cette clause permet à l'assureur de se retourner contre l'assuré pour obtenir le remboursement.

Elle souligne que :

- la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ne peut être utilisée pour contourner l'absence de couverture des dommages immatériels,

- elle n'a aucunement abusé de son droit de se défendre en justice, obtenant d'ailleurs gain de cause en première instance,

- le calcul au titre des dommages immatériels est faux, puisque depuis le 14 mars 2012, l'hélicoptère appartient à M. C... et la convention de mise à disposition entre Aéronord et Héli Nord est caduque depuis cette date,

-les chiffres avancés et la situation décrite par la société Héli nord sont tronqués, cette dernière société disposant encore d'une activité et ayant d'autres hélicoptères.

Elle se prévaut, en tout état de cause de la règle Némo auditur propriam turpitudinem allégans, soulignant l'existence d'un trafic antérieur ayant impliqué d'ores et déjà cet hélicoptère, la location par deux fois à des personnes s'adonnant à un trafic, la saisie antérieure de ce même aéronef.

MOTIVATION :

- Sur les fins de non recevoir :

En vertu des dispositions de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut du droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délia préfix, la chose jugée.

Les fins de non recevoir doivent être relevées d'office lorsqu'elles ont un caractère d'ordre public. La liste donnée par le code n'est pas limitative.

- Sur l'irrecevabilité tirée du caractère nouveau de la demande :

'Aux termes des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou la révélation d'un fait.

La prétention n'est pas nouvelle si elle tend aux mêmes fins que celle soumise au premier juge, même si son fondement juridique est différent.

L'article 565 du code de procédure civile complète et précise ainsi la distinction entre les moyens nouveaux qui sont autorisés par l'articles 563 et la demande nouvelle.

Seul le but recherché par la partie importe, la demande doit tendre aux mêmes fins et visée à obtenir un résultat qui ne soit pas différent de celui souhaité en première instance.

De même ne sont pas considérées comme nouvelles en application de l'article 566 du code de procédure civile, et sont donc recevables, les demandes virtuellement comprises dans celles présentées en première instance. Les parties peuvent donc ajouter aux demandes et défenses soumises aux premiers juges toutes les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément.

* * *

Si devant les premiers juges la société Héli Nord avait sollicité la garantie par son assureur du sinistre subi à raison de la privation de l'hélicoptère Eurocopter Ecureuil type AS 350 B1 immatriculé F-GKMR, décomposant son préjudice en perte de marge, perte d'investissement, frais de récupération à la fourrière et préjudice économique distinct, aucune irrecevabilité à raison du caractère nouveau de la demande ne saurait être opposée à la demande complémentaire en réparation au préjudice matériel subi par l'hélicoptère en cause d'appel.

En effet, cette demande n'est que le complément des demandes initiales et que la conséquence d'un fait nouveau, à savoir le rejet de la demande d'indemnisation formée contre l'Etat à raison des dommages matériels subis par l'hélicoptère par le propriétaire, selon arrêt de la cour d'Appel de Paris en date du 5 janvier 2016, ouvrant par là-même la possibilité d'un recours du propriétaire du matériel à l'encontre de la société Héli Nord, qui par convention du 1er mai 2009 devait assurer l'exploitation commerciale du matériel mis à disposition, à charge de le restituer à l'issue en bon état.

Ce moyen ne peut qu'être rejeté.

- sur l'irrecevabilité tenant au défaut d'intérêt à agir :

Conformément aux dispositions de l'article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet de leur prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

La société Héli Nord, qui ne conteste pas ne pas être le propriétaire de l'hélicoptère accidenté, n'en avait pas moins la garde, à raison de la convention de mise à disposition du 1er mai 2009, et est débitrice, en cette qualité, de la remise d'un appareil en bon état et sans dégradation au propriétaire.

L'assureur d'Héli Nord, en assurant un matériel ne lui appartenant pas, a accepté de réparer tout sinistre subi par cet appareil à charge pour la société Héli Nord de procéder aux réparations ou de reverser au propriétaire l'indemnité correspondant aux coûts des réparations.

Disposant bien d'un intérêt à agir, la société Héli Nord doit être déclarée recevable en son action.

- Sur l'obligation de garantie :

En vertu des dispositions de l'article 1134 ancien du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

En l'espèce, la société Héli Nord sollicite la garantie de son assureur à raison des préjudices matériels, nés pour une part d'un choc subi par l'appareil et des conditions de transport et de gardiennage du matériel lors de sa détention par l'autorité publique.

Au moment des faits, l'aéronef était garanti par un contrat d'assurances n°2010-447 en date du 30 mai 2010, souscrit par la société Héli Nord par l'intermédiaire du courtier Aelia Assurances auprès du GIE La Réunion aérienne pour une valeur de 1 000 000 euros au titre d'une garantie 'A' dite ' corps des aéronefs risques ordinaires' et par extension de garantie A1 dite 'corps des aéronefs risques de guerre et assimilés'.

Ont été spécifiquement agréés pour ce matériel dans le cadre de ce contrat d'assurance, M. B..., pilote privé et M. E..., pilote professionnel. Sont des assurées additionnelles les sociétés Star Lease, HeliVip et Sud Est Hélicoptère pour ce matériel.

- sur l'exclusion de garantie opposée par La Réunion aérienne au titre d'un vol à basse altitude :

Les conditions générales communes prévoit, en leur article 3, des stipulations d'exclusion communes à tous les risques, notamment en cas de perte ou de dommage 'd) subi du fait de l'utilisation intentionnelle de l'aéronef au-dessous des limites d'altitude de sécurité prévues par la réglementation en vigueur, et en particulier, du fait du vol dit 'en rase-mottes' sauf en cas fortuit ou de force majeure'.

Au vu des pièces pénales versées au dossier et des pièces techniques communiquées, notamment le rapport de l'expert, il est établi que :

- l'appareil assuré a été utilisé dans le cadre d'un Fly Fast, des transports de résine de cannabis étant effectués par hélicoptère entre la France, le Maroc et l'Espagne ;

- au cours de l'une de ses rotations, M. B... a heurté en vol un objet, qui selon ses déclarations, sera décrit comme un oiseau, un mât de navire...

Or, il est dans la nature même d'un Fly Fast de ne pas respecter un plan de vol et la réglementation applicable, lors de rotation à basse altitude entre l'Espagne et le Maroc pour effectuer des importations de stupéfiants et échapper ainsi aux autorités judiciaires et aériennes.

En conséquence, la société GIE La Réunion aérienne est bien fondée à opposer à la société Héli Nord son exclusion de garantie, ce dommage n'étant en outre que le résultat d'un comportement généré par un trafic, objet d'une exclusion de garantie.

- sur l'exclusion consécutive à la saisie et au trafic de stupéfiants :

Comme l'ont justement noté les premiers juges, aucune contradiction n'existe dans les dispositions des conditions générales communes et des garanties souscrites.

Il est constant que la société Héli Nord a souscrit une 'convention spéciale A1 assurance corps des aéronefs contre les risques de guerre et assimilés', rachetant l'exclusion prévue dans les conditions générales commune pour le risque prévu à l'article 4, 2°, e) : 'confiscation, nationalisation, saisie, contrainte, détention, appropriation, réquisition de propriété ou d'usage par arme ou sur ordre de tout gouvernement (qu'il soit civil, militaire ou de facto) ou de toute autorité publique ou locale', et le fait que 'les garanties sont suspendues lorsque l'aéronef n'est plus sous la garde et le contrôle de l'assuré ou de l'exploitant'

En effet, l'article premier de cette convention A1, qui définit la garantie, prévoit l'hypothèse précitée à l'article 4, 2° e), tout en mentionnant expressément que 'la présente convention a pour objet de garantir, sous réserve des exclusions et déchéance prévues aux articles 2 et 3 ci-après', cette assertion étant particulièrement apparente, pour être dactylographiée dès la première phrase de cet article et en gras.

Or, au titre des exclusions de risque, l'article 2 dispose ne pas couvrir en cas de : 'a) contrebande, commerce prohibé ou clandestin, participations aux opérations de guerre ou assimilées visées aux alinéas a) à f) de l'article premier ci-dessus (lorsqu'ils sont le fait de l'assuré ou d'un ou plusieurs membres de l'équipage)', cette exclusion étant elle-même là-encore dactylographiée en gras dans la convention.

La société Héli Nord ne peut raisonnablement se prévaloir du second alinéa de l'article 1, selon lequel'en outre, la présente police couvre les réclamations exclues de la police corps causés par l'un des événements cités ci-dessus pendant que l'aéronef est hors de contrôle de l'assuré' pour obtenir la garantie de son assureur.

Cet alinéa n'a pour objet que de racheter les exclusions de la police corps dans l'hypothèse d'un aéronef hors de contrôle et n'ont d'exclure la réserve mise en exergue au premier alinéa de cet article et relative aux exclusions prévues à l'article 2.

Contrairement à ce que soutient la société Héli Nord, les conditions de l'application de l'exclusion de l'article 2 a) sont en l'espèce réunies.

Ainsi, les pièces versées au débat démontrent indéniablement que l'appareil litigieux a été utilisé dans le cadre d'un trafic de stupéfiants et lerisque est le ' fait de l'assuré ou d'un ou plusieurs membres de l'équipage'.

En effet, si indéniablement M. B... n'a pas la qualité d'assuré, la GIE ayant de manière ponctuelle et erronée évoquée cette qualité, M. B... étant seulement agréé dans le cadre de la police, il n'en demeure pas moins qu'en sa qualité de pilote il ne peut qu'être qualifié de 'membre de l'équipage', étant observé que la disposition précitée n'exige aucunement un quelconque lien de subordination entre les membres de l'équipage et l'assuré.

Ce Fly fast a donné lieu à une procédure judiciaire et une saisie pénale du matériel, lequel a été entreposé dans des conditions non conformes aux prescriptions techniques et qui se sont avérées désastreuses.

C'est à raison de ce mauvais entreposage, liée à la saisie pénale engendrée par le trafic de stupéfiants que des dommages conséquents sur ledit appareil sont à déplorer.

En conséquence, les dommages et le sinistre subis sont bien la conséquence directe des faits de contrebandes et commerce prohibés, lesquels sont à l'origine de la saisie pénale, faits exclus expressément par l'assureur de sa garantie.

En conséquence, les premiers juges ont justement décidé que les dommages immatériels ne faisaient l'objet d'aucune couverture et que les dommages matériels étaient liés à des circonstances exclues de la garantie. Leur décision sera confirmée en toutes ses dispositions.

- Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance au remboursement :

En vertu des dispositions de l'article 1147 ancien du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

En vertu des dispositions des articles 6 et 9 du code de procédure civile, à l'appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d'alléguer les faits propres à les fonder et il leur incombe de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de ses prétentions.

En l'espèce, la société Héli Nord sollicite la réparation de son préjudice immatériel liée à l'absence de réparations faites sur l'hélicoptère à raison de la carence de son assureur dans l'exécution du contrat d'assurance liant les parties.

Or, aucune obligation de garantie n'étant reconnue et imposée à l'assureur par la présente décision, aucune exécution fautive ou aucun retard dans l'exécution du contrat ne peut lui être reprochée.

En conséquence, la société Héli Nord ne peut qu'être déboutée de sa demande de ce chef.

- Sur les dépens et accessoires :

En application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, la société Héli Nord succombant en ses prétentions, il convient de la condamner aux dépens.

Les chefs de la décision de première instance relatifs aux dépens et à l'indemnité procédurale sont rejetés.

Le sens du présent arrêt commande de condamner la société Héli Nord à payer à la GIE La Réunion aérienne la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La demande d'indemnité procédurale de la société Héli Nord ne peut qu'être rejetée.

******

PAR CES MOTIFS

La cour,

REJETTE la fin de non recevoir tirée du caractère nouveau de la demande ;

REJETTE la fin de non recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir ;

CONFIRME le jugement rendu par le tribunal de commerce de Valenciennes en date du 24 novembre 2015 en toutes ses dispositions ;

y ajoutant,

DEBOUTE la société Héli Nord de sa demande de dommages et intérêts pour résistance dans le remboursement ;

CONDAMNE la société Héli Nord à payer à la GIE La Réunion aérienne la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE la société Héli Nord de sa demande d'indemnité procédurale ;

CONDAMNE la société Héli Nord aux dépens.

Le greffierLe président

V. RoelofsM.L.Dallery


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 2 section 2
Numéro d'arrêt : 15/07317
Date de la décision : 28/06/2018

Références :

Cour d'appel de Douai 22, arrêt n°15/07317 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-06-28;15.07317 ?
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