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31/05/2018 | FRANCE | N°17/02256

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 8 section 4, 31 mai 2018, 17/02256


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 4

ARRÊT DU 31/05/2018



BAUX RURAUX

N° de MINUTE :

N° RG : 17/02256

Jugement (N° 51-16-0077)

rendu le 06 Mars 2017

par le tribunal paritaire des baux ruraux d'Arras

APPELANTE



Madame X..., Estelle, Flore, Marie Y... épouse Z...

née le [...] à Riviere - de nationalité française

demeurant [...]



Représentée par Me Jean-Philippe A..., avocat au barreau d'Arr

as



INTIMÉS



Monsieur Jean, Honoré, B... D...

né le [...] à West-Cappel - de nationalité française

demeurant [...]



Madame Marie-Agnès, Thérèse C... épouse D...

née le [......

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 4

ARRÊT DU 31/05/2018

BAUX RURAUX

N° de MINUTE :

N° RG : 17/02256

Jugement (N° 51-16-0077)

rendu le 06 Mars 2017

par le tribunal paritaire des baux ruraux d'Arras

APPELANTE

Madame X..., Estelle, Flore, Marie Y... épouse Z...

née le [...] à Riviere - de nationalité française

demeurant [...]

Représentée par Me Jean-Philippe A..., avocat au barreau d'Arras

INTIMÉS

Monsieur Jean, Honoré, B... D...

né le [...] à West-Cappel - de nationalité française

demeurant [...]

Madame Marie-Agnès, Thérèse C... épouse D...

née le [...] à Lapugnoy - de nationalité française

demeurant [...]

Représentés par Me Philippe E..., avocat au barreau d'Arras

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Martine Battais, président de chambre

Bénédicte Royer, conseiller

Louise Theetten, conseiller

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Elodie Recloux

DÉBATS à l'audience publique du 15 Mars 2018

après rapport oral de l'affaire par Bénédicte Royer

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 31 mai 2018 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Martine Battais, président, et Elodie Recloux, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Par acte authentique en date du 18 octobre 1982, Mme Gilberte F... a consenti à M. Jean D... un bail à ferme sur diverses parcelles de terre lui appartenant à savoir :

- une parcelle [...] d'une contenance de 76a80 ca du terroir de Ficheux,

- une parcelle [...] d'une contenance de 2ha 55 ca 70 ca sur le terroir d'Hendecourt les Ransart,

- une parcelle [...] d'une contenance de 37a 10ca et une parcelle de ZC12 d'une contenance de 2ha 38a 00ca sur le terroir de d'Adinfer.

Le bail pour l'ensemble de ces terres a été consenti pour une durée de 9 ans qui a débuté le 1er octobre 1981 et qui a été renouvelé par tacite reconduction.

Mme F... a également consenti un second bail à ferme à M. D... à effet du 1er octobre 1982 pour une durée de dix huit années sur d'autres parcelles de terre à usage agricole à savoir :

- une parcelle [...] d'une contenance de 35a 10 ca,

- une parcelle d'une contenance de 5ha 14a 90ca,

- une parcelle [...] d'une contenance de 60a 80ca

- une parcelle [...] d'une contenance de 4ha 60a 60ca

-une parcelle [...] d'une contenance de 37a 60 ca

sur la commune d'Adinfer,

- une parcelle [...] d'une contenance de 3ha 46a 80ca sur la commune de Boiry Sainte Rictrude,

- une parcelle [...] d'une contenance d'1ha 48a 40 ca sur la commune d'Héndécourt les Ransart,

Mme Marie-Agnès C... épouse de M. Jean D... a poursuivi l'exploitation des parcelles sus-mentionnées en raison d'un agrément à cession en date du 30 octobre 2007 émanant de Mme F....

Par requête en date du 12 mars 2014, Mme X... Y... se revendiquant la qualité de bailleresse et venant aux droits de Mme F... a attrait M. D... devant le tribunal paritaire des baux ruraux d'Arras aux fins d'obtenir la résiliation des baux qui ont été consentis.

La décision frappée d'appel

Par jugement en date du 6 mars 2017, le tribunal paritaire des baux ruraux d'Arras a :

- dit recevables les demandes de Mme X... Y... mais mal fondées,

En conséquence :

- débouté Mme X... Y... de l'ensemble de ses demandes comprenant celles formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme X... Y... à payer la somme de 1 500 euros à M. Jean D... et à Mme Marie Agnès C... au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme X... Y... aux dépens.

Sur la procédure d'appel

Par déclaration en date du 4 avril 2017, Mme X... Y... a interjeté appel de cette décision.

Dans ses conclusions visées par le greffe et soutenues à l'audience du 15 mars 2018, Mme Y... demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et de :

- résilier les deux baux bénéficiant à M. Jean D... sur les parcelles sises:

* commune de Ficheux cadastrée [...] ;

* commune d'Hendecourt les Ransart cadastrées ZAI0 et ZA17 ; commune d'Adinfer cadastrées [...], [...], [...], [...], [...], [...], [...] ;commune de BoirySainte Rictude cadastrée [...].

- ordonner l'expulsion des terres de M. Jean D... et de tout occupant de son chef dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir et passé ce délai sous peine d'astreinte de 500 euros par jour de retard,

- condamner M. Jean D... au paiement d'une indemnité de 2 000 euros en application des dispositions de l' article 700 du Code de procédure civile.

- le condamner aux entiers frais et dépens.

à titre subsidiaire,

- ordonner l'expulsion des terres agricoles susvisées de Mme Marie-Agnès C... dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir et passé ce délai sous peine d'astreinte de 500 euros par jour de retard,

- condamner Mme Marie-Agnès C... au paiement d'une indemnité de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

- la condamner aux entiers frais et dépens.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que Mme Marie-Agnès C... ne peut se prévaloir d'un agrément de cession de bail. Qu'en effet, à la date où cet agrément aurait été donné, l'état de santé de Mme F... ne lui permettait pas de prendre des décisions éclairées en ce qui concerne la gestion de ses affaires, raison pour laquelle l'agrément querellé en date du 30 octobre 2007 est soit un faux, soit signé par une personne incapable. Elle souligne qu'en tout état de cause, quant bien même il serait reconnu une cession à bail licite au regard de l'agrément sus-mentionné, il appert que cette cession est inopposable au bailleur, faute de notification dans les conditions fixées par l'article 1690 du code civil. Elle soutient enfin que Mme C... n'exploite pas personnellement et de façon permanente ainsi qu'effective les terres agricoles données à bail comme il est acquis que sa profession est préparatrice en pharmacie et qu'elle ne dispose donc pas de la disponibilité nécessaire pour exploiter, étant observé au surplus qu'elle ne justifie pas, par ailleurs, de la détention du matériel nécessaire à la mise en valeur de ces terres.

Dans ses conclusions visées par le greffe et soutenues à l'audience du 15 mars 2018, M. D... et Mme C... demandent à la cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux d'Arras en date du 6 mars 2017 et de condamner Mme Y... à leur verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Au soutien de leurs prétentions, ils font valoir qu'ils ont adressé la demande d'autorisation de cession de bail à l'adresse qu'ils connaissaient comme étant celle de leur bailleresse à savoir Mme F..., n'ayant pas été informés de son hospitalisation ou de son placement en maison de retraite. Suite à cet envoi, il leur a été adressé l'agrément de cession de bail par courrier en date du 12 novembre 2007, raison pour laquelle ils sont bien fondés à arguer disposer de cet agrément, étant observé que les dispositions de l'article 1690 du code civil ne sauraient, en l'espèce, s'appliquer ; la bailleresse ayant signé elle-même l'acte de cession. Ils soulignent que le notaire en charge des recouvrements des fermages les adresse bien à Mme D..., ce qui consacre la régularité de cette cession. Ils soulignent enfin qu'il n'est nullement démontré une compromission du fonds, étant observé que l'absence de matériel n'est pas une cause de résiliation du bail et qu'en tout état de cause, Mme C... utilise le matériel de son mari.

Il convient de se référer aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.

A l'issue de l'audience de plaidoirie, l'affaire a été mise en délibéré au 31 mai 2018 par mise à disposition au greffe

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la résiliation des baux à ferme consentis à M. D...

L'article L.411-36 du code rural et de la pêche maritime prévoit que sous réserve des dispositions particulières aux baux cessibles hors du cadre familial prévues au chapitre VIII du présent titre et nonobstant les dispositions de l'article 1717 du code civil, toute cession de bail est interdite, sauf si la cession est consentie, avec l'agrément du bailleur, au profit du conjoint ou du partenaire d'un pacte civil de solidarité du preneur participant à l'exploitation ou aux descendants du preneur ayant atteint l'âge de la majorité ou ayant été émancipés. A défaut d'agrément du bailleur, la cession peut être autorisée par le tribunal paritaire.

Il ressort des pièces versées aux débats que par courrier en date du 5 novembre 2007, M. D... a demandé à Mme F... qui était alors sa bailleresse, l'autorisation de céder les baux par elle concédée à son épouse, Mme C... à compter du 1er mai 2008. Suite à cette demande, M. D... a reçu le 12 novembre 2007 une autorisation de cession de bail au profit de son épouse pour l'ensemble des parcelles données à bail à ferme par Mme F..., acte de cession qui est en date du 30 octobre 2007 et signé 'Z...'.

Or, même s'il est patent que Mme F... a été hospitalisée le 1er août 2005 au service de soins de suite et de réadaptation à l'hôpital de Chauny suite à un accident ischémique transitoire, il appert que le courrier du Docteur Martine G... en date du 19 septembre 2005 ne permet pas d'établir que Mme F... n'était pas en capacité de gérer ses affaires deux ans après son hospitalisation soit à la date de signature de l'agrément de cession à bail transmis à M. D..., pas plus d'ailleurs que le certificat médical en date du 11 septembre 2014 du Docteur Patrick H... qui affirme que l'état de santé de Mme F... ne lui permettait plus de prendre des décisions fiables concernant la gestion de ses affaires à compter de 2005, faute d'éléments précis quant à la prétendue insanité de Mme F... mais également des circonstances dans lesquelles ce certificat a été établi.

Par ailleurs, la simple comparaison visuelle de la signature apposée sur le premier agrément à cession de bail en date du 13 octobre 1981 émanant de Mme F... avec celle apposée sur le document litigieux permet d'affirmer que cette seconde signature est celle de Mme F... au regard des similitudes de ces deux signatures, étant observé au surplus que l'appelante n'a manifestement déposé aucune plainte, ni engagée aucune procédure pour faux au sujet de l'agrément querellé.

Enfin, l'accomplissement de l'une ou l'autre des formalités de l'article 1690 du code civil devient inutile pour rendre la cession du bail opposable au propriétaire si celui-ci l'a acceptée sans équivoque, ce qui est le cas en l'espèce au regard de l'agrément de cession signée par Mme F... le 30 octobre 2007.

Dès lors et au regard de l'ensemble de ces éléments, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme Y... de sa demande de résiliation des baux consentis à M. D... et cédés à son épouse, Mme C....

Sur le défaut d'exploitation personnelle des terres par Mme C...

Selon l'article L.411-31 du code rural et de la pêche maritime, sauf dispositions législatives particulières, nonobstant toute clause contraire et sous réserve des dispositions des articles L. 411-32 et L. 411-34, le bailleur ne peut demander la résiliation du bail que s'il justifie de l'un des motifs suivants :

1° Deux défauts de paiement de fermage ou de la part de produits revenant au bailleur ayant persisté à l'expiration d'un délai de trois mois après mise en demeure postérieure à l'échéance. Cette mise en demeure devra, à peine de nullité, rappeler les termes de la présente disposition ;

2°Des agissements du preneur de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds, notamment le fait qu'il ne dispose pas de la main-d'oeuvre nécessaire aux besoins de l'exploitation ;

3° Le non-respect par le preneur des clauses mentionnées au troisième alinéa de l'article L. 411-27.

Les motifs mentionnés ci-dessus ne peuvent être invoqués en cas de force majeure ou de raisons sérieuses et légitimes.

II.-Le bailleur peut également demander la résiliation du bail s'il justifie d'un des motifs suivants :

1° Toute contravention aux dispositions de l'article L. 411-35 ;

2° Toute contravention aux dispositions du premier alinéa de l'article L.411-38 ;

3° Toute contravention aux obligations dont le preneur est tenu en application des articles L. 411-37, L. 411-39, L. 411-39-1 si elle est de nature à porter préjudice au bailleur ;

4° Le non-respect par l'exploitant des conditions définies par l'autorité compétente pour l'attribution des biens de section en application de l'article L. 2411-10 du code général des collectivités territoriales.

Dans les cas prévus aux 1° et 2° du présent II, le propriétaire a le droit de rentrer en jouissance et le preneur est condamné aux dommages-intérêts résultant de l'inexécution du bail.

Mme Y... ayant été déboutée de sa demande de résiliation des baux bénéficiant à M. D... et cédés à son épouse au regard de la validation de l'agrément de cession de bail par cette cour, l'appelante se doit pour obtenir l'expulsion de Mme C... des terres agricoles revendiquées, de justifier de la réalisation de l'une des causes de résiliation prévues à l'article L. 411-31 du code rural et de la pêche maritime précité, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

En effet, l'absence de réunion des qualités requises pour le bénéficiaire de la reprise prévues à l'article L.411-59 du code rural et de la pêche maritime et invoquées par l'appelante pour justifier sa demande d'expulsion des terres de Mme C... se sauraient ici s'appliquer s'agissant de baux à ferme en cours.

En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme Z... de sa demande subsidiaire d'expulsion de Mme C... des terres agricoles.

Sur les demandes accessoires

Partie perdante, Mme Y... sera condamnée aux dépens.

L'équité commande également de condamner Mme Y... à verser à M. D... et à Mme C... la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux en date du 16 janvier 2017,

Y ajoutant

Condamne Mme X... Z... à verser à M. Jean D... et à Mme C... la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme X... Z... aux dépens d'appel

Le greffier,Le président,

E. ReclouxM. Battais


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 8 section 4
Numéro d'arrêt : 17/02256
Date de la décision : 31/05/2018

Références :

Cour d'appel de Douai 84, arrêt n°17/02256 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-05-31;17.02256 ?
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