République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 1
ARRÊT DU 19/04/2018
***
N° de MINUTE : 18/203
N° RG : 16/07373
Jugement (N° 09/00024) rendu le 03 Novembre 2014 par le juge des loyers commerciaux de Lille
APPELANTE
Societe d'exploitation du [Adresse 1]
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée et assistée par Me Eric Delfly, avocat au barreau de Lille
représentée par Me François Deleforge, avocat au barreau de Douai
INTIMÉE
SCI d'Artagnan
prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Adresse 4]
représentée par Me Eric Laforce, avocat au barreau de Douai
représentée et assistée par Me Delphine Chambon, avocat au barreau de Lille
DÉBATS à l'audience publique du 18 Janvier 2018 tenue par Marie-Laure Aldigé magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS :Stéphanie Hurtrel
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Marie Annick Prigent, président de chambre
Elisabeth Vercruysse, conseiller
Marie-Laure Aldigé, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 19 Avril 2018 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Marie Annick Prigent, président et Stéphanie Hurtrel, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 18 janvier 2018
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FAITS ET PROCÉDURE
M. [K] [T] et son épouse, [J] [G], décédée depuis, propriétaires d'un ensemble immobilier situé [Adresse 1], ont organisé leur succession à la fin des années 1980 et établi une donation-partage au bénéfice de leurs trois filles, [T], [U] et [I] [T], laquelle portait tant sur la partie exploitée commercialement que sur la partie à usage d'habitation, les époux conservant l'usufruit de l'intégralité de l'immeuble. La partie commerciale ainsi démembrée était apportée à une société civile immobilière constituée à cet effet, la SCI d'Artagnan, dont M. [K] [T] était nommé gérant. Celui-ci était par ailleurs dirigeant de la société d'exploitation "La Botte Chantilly " qui exploitait à cette adresse en location-gérance un fonds de commerce de vente de chaussures et articles s'y rapportant.
Par acte sous seing privé du 13 octobre 1988, la SCI d'Artagnan a donné à bail à M. [K] [T] les locaux à usage commercial, pour une durée de neuf années entières et consécutives commençant à courir le premier avril 1988 pour lui permettre d'exercer une activité tous commerces d'articles de luxe et de bureaux commerciaux. Le loyer était fixé à la somme annuelle de 300 000 francs HT (soit 45 734,71 euros ), indexée sur l'indice INSEE du coût de la construction.
Jusqu'en 1994, les époux [T] ont exploité eux-mêmes dans les locaux donnés à bail le fonds de commerce de chaussures et de maroquinerie dont ils étaient propriétaires, à travers une société alors dénommée " société d'exploitation de La Botte Chantilly", aujourd'hui rebaptisée " société d'exploitation du [Adresse 1] ", auquel le fonds avait été donné en location-gérance.
Par deux actes notariés du 27 octobre 1994, les époux [K] [T] ont cédé :
1 ) à leur fille [T] [T] et à leur gendre [D] [N] la totalité des actions représentant le capital social de la société d'exploitation de La Botte Chantilly ;
2) à la société d'exploitation de la Botte Chantilly, le fonds de commerce de vente de chaussures que cette société n'exploitait jusqu'alors que dans le cadre d'un contrat de location-gérance.
Par deux actes notariés en date du 27 octobre 1994, les époux [T] ont cédé à leur fille Mme [T] [T]-[N] et à leur gendre M. [D] [N] les actions représentant le capital social de la société d'exploitation de la Botte Chantilly et à la société d'exploitation de La Botte Chantilly le fonds de commerce de vente de chaussures exploité sous l'enseigne du même nom que cette société n'exploitait jusqu'alors que dans le cadre d'un contrat de location-gérance. La SCI d'Artagnan, bailleresse est intervenue à l'acte pour agréer la cession et elle s'est engagée à ne pas réévaluer le montant du loyer de base lors du premier renouvellement de bail à intervenir, sauf en cas de cession du droit au bail ou de la majorité des actions de la société d'exploitation de la Botte Chantilly avant l'expiration du bail en cours.
Par acte sous seing privé en date du 3 juin 1998 conclu entre la SCI d'Artagnan et la S.A.S La Botte Chantilly, le bail a été renouvelé pour une durée de neuf années à compter du premier avril 1997 moyennant comme convenu un loyer indexé inchangé par rapport au bail initial, qui s'établissait alors à la somme annuelle de 345 234 francs HT (52 630 euros ) hors charges.
Par avenant signé les 6 et 19 février 2004, prenant effet rétroactivement à compter du 1er février 2003, 1'assiette du bail a été élargie, pour englober désormais "un appartement en duplex au 1er étage" et le loyer annuel a été porté à la somme de 66 085,08 euros HT au 1er avril 2003. Le bail s'est poursuivi par tacite reconduction.
Par acte extrajudiciaire du 9 mai 2008, la SAS La Botte Chantilly a signifié à la SCI d'Artagnan une demande de renouvellement du bail pour une durée de neuf ans et pour un loyer identique indexé sur l'indice trimestriel du coût de la construction. La bailleresse est restée silencieuse, de sorte que le principe du renouvellement s'est trouvé acquis. En revanche, un différend est né sur les conditions du renouvellement du bail commercial, la bailleresse demandant un loyer annuel déplafonné à hauteur de 300 000 euros hors taxes et hors charges aux termes d'un mémoire préalable en date du 30 octobre 2008.
Par acte en date du 20 mai 2009, la SAS La Botte Chantilly a assigné la SCI d'Artagnan devant le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Lille aux fins de voir fixer un loyer déplafonné à hauteur de 300 000 euros HT.
Par jugement avant dire droit en date du 7 novembre 2011, le juge des loyers commerciaux a ordonné une expertise confiée à M. [A] [Y], qui a déposé son rapport le 17 janvier 2014 aux termes duquel il concluait à une valeur locative en 2008 en l'état de 286 200 euros hors taxes et hors charges par an et après travaux de remise en état sur la partie arrière de 310 200 euros hors taxes et hors charges / an.
Par jugement en date du 3 novembre 2014, après avoir a retenu que l'adjonction de surface (Bâtiment D) objet de l'avenant signé en 2004, constituait une évolution notable de l'assiette du bail et des caractéristiques du bien loué justifiant le déplafonnement, le juge des loyers commerciaux a :
- écarté du débat les pièces 81, 82.-1 et 82-3 de la SCL
- déplafonné le loyer
- fixé le loyer annuel du bail renouvelé à compter du 1er juillet 2008 à la somme de 269 647,41 euros hors taxes et hors charges,
- dit que le rappel des loyers échus produira intérêts au taux légal à compter du renouvellement du bail,
- dit que les intérêts échus depuis plus d'une année produiront eux-mêmes intérêts au taux légal,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné la société d'Exploitation du [Adresse 4] aux dépens,
- rejeté les demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La SCI d'Artagnan a interjeté appel de ce jugement devant la cour d'appel de Douai. Par arrêt en date du 23 avril 2015 la cour d'appel a réformé intégralement le jugement. Après avoir jugé que la bailleresse ne rapportait pas la preuve d'une cause permettant d'écarter la règle du plafonnement du bail renouvelé, elle l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes.
La SAS La Botte Chantilly s'est pourvue devant la Cour de cassation. Par arrêt en date du 1er décembre 2016, la Cour de cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt du 23 avril 2015 et a remis en l'état les parties dans la situation dans laquelle elles se trouvaient à l'issue du jugement du 3 novembre 2014, assorti de l'exécution provisoire. Au visa des articles L. 145-33, 3°, L. 145-34 et R. 145-8 du code de commerce, la Cour de cassation a jugé que la cour d'appel n'avait pas donné de base légale à sa décision en retenant pour rejeter la demande en fixation selon la valeur locative du loyer du bail renouvelé que le loyer avait été fixé par le bail du 13 octobre 1988 à un montant supérieur au montant estimé normal et raisonnable et que ce loyer n'ayant pas été minoré la cause de déplafonnement invoquée par la bailleresse n'était pas caractérisée sans rechercher, comme elle y était invitée, si les modalités de fixation du loyer du bail renouvelé en 1998, maintenant le loyer initial s'analysaient en une minoration justifiant le déplafonnement lors du second renouvellement.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 22 décembre 2017, la société d'exploitation du [Adresse 1] demande à la cour d'appel de réformer le jugement déféré et, statuant à nouveau, de :
à titre principal :
- juger que la bailleresse ne rapporte pas la preuve de l'existence d'éléments susceptibles d'écarter la règle du plafonnement du prix du bail renouvelé et en conséquence, la débouter de ses demandes,
à titre subsidiaire :
- fixer le prix du bail renouvelé à la somme de 126 703,90 euros, à compter du 1er juillet 2008, de laquelle devra être déduite le montant de la taxe foncière ;
- dire qu'après déduction de la taxe foncière de 9 047 euros, le prix du bail renouvelé est de 117 656,90 euros
à titre infiniment subsidiaire :
- ordonner un complément d'expertise et à cet effet désigner M. [Y] avec mission :
* de justifier les références données dans son rapport par la production de la copie des baux ou des décisions de justice auxquels il se réfère ;
* de donner son avis sur l'évolution du prix au m² en fonction de la S.U.P d'une part et en procédant à la ventilation entre baux à l'américaine et baux ordinaires d'autre part ;
* de donner son avis sur la possibilité d'exploiter les surfaces du premier au troisième étage en activité commerciale, en tenant compte des règlements d'urbanisme applicables aux établissements recevant du public (ERP) ;
- en toutes hypothèses:
* débouter la bailleresse de l'ensemble de ses demandes,
* la condamner à payer une somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre le paiement des entiers dépens.
Par dernières écritures en date du 11 janvier 2018, la SCI d'Artagnan demande à la cour d'appel de :
- débouter la société d'exploitation du [Adresse 1] de toutes ses demandes,
- confirmer le jugement en ce qu'il a dit y avoir lieu à déplafonnement, au besoin en substituant une autre cause de déplafonnement,
- juger que le loyer du bail de l'immeuble situé à [Adresse 1] exploité par la défenderesse est déplafonné et doit être fixé à la valeur locative, soit à la somme de 300 000 euros hors taxes et hors charges annuels à compter du 1er juillet 2008 ;
- subsidiairement, confirmer le jugement sur la valeur locative, et encore plus subsidiairement entériner purement et simplement le rapport d'expertise judiciaire ;
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société d'exploitation du [Adresse 3] à lui payer :
* le rappel des loyers à compter du 1er juillet 2008,
* les intérêts qui courent de plein droit à compter du 1er juillet 2008, et subsidiairement à compter de la date de la présente assignation par application de l'article 1155 du code civil au fur et à mesure des échéances entre l'ancien et le nouveau loyer ;
- confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que les intérêts se capitaliseront conformément à l'article 1154 du code civil dès lors qu'ils seront dus au moins pour une année entière. ;
- condamner la société d'exploitation du [Adresse 1] à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et au paiement des entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise et le métré.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des moyens, il est renvoyé aux dernières écritures des parties.
Pour la clarté des débats, il sera seulement indiqué en substance que les parties discutent la réunion des conditions d'une dérogation à la règle du plafonnement et en cas de déplafonnement la détermination de la surface utile pondérée et la fixation de la valeur locative.
MOTIVATION
Sur la demande de déplafonnement du loyer commercial
L'article L.145-33 du code de commerce dispose que le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative.
À défaut d'accord, cette valeur est déterminée d'après :
1°- les caractéristiques du local considéré,
2°- la destination des lieux,
3°- les obligations respectives des parties,
4°- les facteurs locaux de commercialité,
5°- les prix couramment pratiqués dans le voisinage.
L'article L.145-34 du même code ajoute qu'à moins d'une modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 145-33, le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d'effet du bail à renouveler, si sa durée n'est pas supérieure à neuf ans, ne peut excéder la variation, intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré, de l'indice national trimestriel mesurant le coût de la construction ou, s'ils sont applicables, de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires mentionnés aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 112-2 du code monétaire et financier, publiés par l'Institut national de la statistique et des études économiques. À défaut de clause contractuelle fixant le trimestre de référence de cet indice, il y a lieu de prendre en compte la variation de l'indice national trimestriel mesurant le coût de la construction ou, s'ils sont applicables, de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires, calculée sur la période de neuf ans antérieure au dernier indice publié.En cas de renouvellement postérieur à la date initialement prévue d'expiration du bail, cette variation est calculée à partir du dernier indice publié, pour une période d'une durée égale à celle qui s'est écoulée entre la date initiale du bail et la date de son renouvellement effectif.
Le déplafonnement est ainsi conditionné à la survenance au cours du bail expiré d'une modification affectant au moins l'un des éléments déterminants de la valeur locative ( les caractéristiques du local considéré, la destination des lieux, les obligations respectives des parties ou les facteurs locaux de commercialité) de manière notable.
Le premier juge a retenu, sans être critiqué, que 1'existence d'une modification notable de ces éléments devait s'apprécier sur la période située entre l'origine du bail expiré et la date de son renouvellement soit entre le 1er avril 1997 et le 30 juin 2008. Il est de droit en effet que la modification doit être intervenue au cours du bail expiré, jusqu'à la prise d'effet du nouveau bail, et qu'elle peut résulter non seulement des événements qui se sont produits entre la date d'effet du bail à renouveler et sa date d'expiration contractuelle mais encore de ceux survenus pendant la période de tacite reconduction.
La bailleresse soutient essentiellement que sont intervenues plusieurs modifications notables des facteurs de la valeur locative constituant des causes de déplafonnement, à savoir, selon elle :
- une modification conventionnelle du loyer au cours du bail intervenue par l'avenant de février 2004 (qui constitue selon lui une cause péremptoire de déplafonnement),
- une évolution notable de l'assiette du bail et des caractéristiques du bien loué intervenue par l'adjonction du bâtiments D par l' avenant de février 2004,
- au vu de l'article R 145-8 du code de commerce, les modalités spécifiques de fixation initiale du prix à un loyer anormalement bas en 1988 et les modalités spécifiques de fixation du prix au moment du premier renouvellement de part la renonciation au déplafonnement faite par la bailleresse, laquelle a constitué un avantage intuitu personae justifiant en soi le déplafonnement lors du renouvellement suivant, et encore plus du fait que le déplafonnement aurait pu être obtenu en 1998 du fait des travaux réalisés par la bailleresse et d'une modification des facteurs locaux de commercialité ;
- les améliorations réalisées par la bailleresse entre 1988 et 1998 ;
- à titre superfétatoire, la modification des facteurs locaux de commercialité survenue sur la période 98 /2008.
La preneuse conteste toute modification notable de ces facteurs de la valeur locative, estimant que :
- la modification conventionnelle du loyer n'est pas une cause péremptoire de déplafonnement, et l'augmentation de surface, même consubstantielle à une augmentation de loyer, ne caractérise pas en soi une modification notable des caractéristiques des locaux ni des obligations des parties, et au cas d'espèce cette adjonction de surface n'a présenté aucun intérêt pour le preneur du fait du caractère inutilisable des locaux adjoints au moment du renouvellement ;
- la bailleresse ne prouve pas que le prix du loyer ait été fixé de manière anormalement bas, alors qu'il a été fixé à la valeur locative sur la base du rapport du Cabinet Buat (de décembre 1987), établi à la demande de M. [T],
- la renonciation au déplafonnement n'est pas une cause sui generis de déplafonnement lors du renouvellement de bail suivant mais seulement dans l'hypothèse où elle aurait constitué un avantage particulier pour le preneur, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, aucune cause de déplafonnement n'étant acquise en 1998 en l'absence de modification notable des facteurs de la valeur locative ayant eu une incidence sur le commerce concerné ;
- même s'il n'y a pas eu de renouvellement sur la base d'un loyer déplafonné en 1998, aucune modification notable des facteurs de la valeur locative n'aurait justifié un déplafonnement, la rue étant déjà la plus recherchée pour l'implantation des commerces de luxe et la bailleresse ne justifiant pas plus l'existence de travaux susceptibles de constituer une cause de déplafonnement à l'occasion du deuxième renouvellement,
- il n'y pas eu d'évolution notable des facteurs locaux de commercialité ayant un intérêt pour le commerce ni pendant la première période du bail ni après le renouvellement de 1998.
Concernant les obligations respectives des parties, il y a lieu d'analyser les trois moyens soulevés par la bailleresse pour soutenir l'acquisition du déplafonnement relatifs aux modalités de fixation initiale du prix à un loyer anormalement bas en 1988 , aux modalités de fixation du prix lors du premier renouvellement attenantes à sa renonciation à demander une révision du loyer faite lors de son intervention aux actes de cession du 27 octobre 1994 et à la modification du prix du loyer survenue par l'avenant signé les 6 et 19 février 2004.
Il résulte de l'application combinée des articles L145-33 et L145-34 et R 145-8 du code de commerce, lequel précise qu'" il est aussi tenu compte des modalités selon lesquelles le prix antérieurement applicable a été originairement fixé " que si à l'origine des relations contractuelles ou lors du renouvellement, le loyer a été fixé selon des modalités spécifiques qui ne se retrouvent pas lors du renouvellement litigieux, le bailleur peut revendiquer le déplafonnement. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la bailleresse, toute modification du loyer en dehors du cadre légal ou des stipulations du bail n'emporte pas automatiquement le déplafonnement du loyer lors du renouvellement, mais il faut que cette modification soit notable.
SUR CE
Concernant les conditions initiales de fixation du loyer, il incombe à la bailleresse d'établir que le loyer avait été minoré en raison des rapports personnels privilégiés qui existaient entre les parties. En l'espèce, il résulte de l'étude réalisée le 21 décembre 1987 par M. Buat, intitulée "recherche de la valeur locative des locaux commerciaux [Adresse 1]" que " jusqu'alors le montant du loyer était apparemment modique - eu égard à l'importante superficie des locaux loués - mais tenait compte évidemment des charges exorbitantes du droit commun incombant au locataire (redevable des travaux y compris de toiture et de gros 'uvre) ; que dans la pratique la locataire n'avait que très partiellement et sommairement satisfait à cette obligation; que des travaux très importants étaient à envisager d'urgence pour la conservation de l'immeuble; que la S.A.S La Botte Chantilly n'était pas en mesure d'en supporter le coût; qu'il était donc indispensable de rechercher un accord par une modification du bail, par laquelle le bailleur (qui était alors M. [T]) reprendrait à sa charge les grosses réparations moyennant une majoration de loyer, la société exploitante restituant les locaux non utiles au fonds de commerce; que la négligence de la locataire n 'ayant fait qu'aggraver le mauvais état de l'immeuble cela justifierait le versement par la locataire au bailleur d'une indemnité égale à une quote-part des travaux à entreprendre mais qu'il convenait de proposer, pour ne pas obérer sa trésorerie, que: cette indemnisation prenne la forme, d'abord, de la remise à disposition du propriétaire - sans réduction de loyer - des locaux des étages (inutilisés) et de divers locaux du rez-de-chaussée nécessaires au ré-aménagement des parties communes, ensuite, de la fixation du loyer des locaux inclus dans le nouveau bail à un chiffre situé "dans la partie supérieure de la fourchette des prix obtenus par "examen des bases de comparaison" ; que la [Adresse 1] était devenue la plus recherchée pour l'implantation des commerces de luxe ; qu'il fallait tenir compte du fait que le bailleur allait prendre à sa charge des travaux considérables estimés à 2 500 000 francs (uniquement pour ce qui se rapporte à la partie commerciale) comprenant la remise en état de l'immeuble conçue dans le cadre d'une redistribution rationnelle des locaux, de telle sorte que la locataire n'aurait à supporter que des travaux d'agencemeut d'un coût relativement limité; qu'après évaluation de la valeur de l'immeuble avant travaux et imputation du montant de l'investissement, la valeur de l'ensemble est fixée à 3 300 000 francs" ; que l'auteur de cette étude concluait que le rendement du loyer après travaux était de 9%, ce qui "est tout à fait normal et raisonnable".
Le contrat de bail commercial du 13 octobre 1988 précisait en page 2 que "les parties avaient décidé de renouveler le bail par anticipation et d'en modifier la désignation, le loyer, les charges et les conditions générales, le bailleur acceptant de dégager le preneur de son obligation de supporter la charge des réparations aux gros 'uvre, charpentes et couvertures, en contrepartie de la majoration du loyer des locaux restant loués" et fixait à hauteur de 300 000 francs HT le montant du loyer annuel. Or, il apparaît que ce prix est supérieur de 3 000 francs de plus que le montant estimé "normal et raisonnable" ( le taux de 9% correspondant à un loyer annuel de 297 000 francs) par M. Buat aux termes de l'étude précitée ce dont il résulte que le loyer d'origine n'a aucunement été minoré. La cause de déplafonnement invoquée par la SCI d'Artagnan de ce chef n'est pas caractérisée.
Concernant les conditions de fixation du loyer lors du premier renouvellement (correspondant au moyen que la Cour de cassation a reproché à la cour d'appel de ne pas avoir examiné), il est constant que lorsque, par deux actes notariés en date du 27 octobre 1994 les époux [T] ont cédé à la société d'exploitation de La Botte Chantilly le fonds de commerce de vente de chaussures exploité sous l'enseigne du même nom, la SCI d'Artagnan est intervenue à l'acte. Aux termes de cette intervention, la bailleresse a agréé la cession et s'est engagée à ne pas réévaluer le montant du loyer de base lors du premier renouvellement du bail à intervenir, sauf en cas de cession du droit au bail ou de la majorité des actions de la société d'exploitation de la Botte Chantilly avant l'expiration du bail en cours.
Cette renonciation faite par la bailleresse dès 1994 à demander lors du prochain renouvellement (en 1997) le déplafonnement constitue un avantage pour la preneuse préservée du risque de déplafonnement lors du premier renouvellement de son bail et assuré d'un plafonnement du loyer pendant 9 annnées supplémentaires à la période légale. Cet avantage, bien que consenti en avance, prend bien effet au moment du renouvellement, donc sur la période sur laquelle doit s'apprécier 1'existence d'une modification notable des éléments de la valeur locative.
Or, il résulte incontestablement du fait que cet avantage était conditionné à l'absence de "cession du droit au bail ou de la majorité des actions de la société d'exploitation de la Botte Chantilly avant l'expiration du bail en cours " que celui-ci n'était accordé qu'en raison du caractère "iintuitu personae" de la mutation intrafamiliale. Ces modalités qui placent les conditions du renouvellement en dehors du cadre légal et des stipulations du bail initial pour des raisons d'"intuitu personae" constituent indéniablement des modalités particulières de fixation du prix du bail renouvelé favorables au preneur et s'analysent dès lors comme une minoration du prix du bail.
Cet engagement qui constitue en soi un avantage pour le preneur ne vaut que pour le premier renouvellement de sorte qu'au jour du second renouvellement, les charges et avantages respectifs qui existaient entre les parties au cours du bail expiré n'étaient plus les mêmes que celles pouvant être déterminées lors du premier renouvellement, ce qui justifie pour cette seule raison, que la règle du plafonnement soit écartée lors de ce deuxième renouvellement.
Au surplus, il sera relevé que la bailleresse établit par la production de plusieurs rapports d'expertise et de décisions contemporaines au renouvellement du bail que la valeur locative au m² de surface utile pondérée des locaux situés dans la [Adresse 5] ' dans l'hyper centre de [Localité 1] dans l'une des principales rues commerçantes et qualifiée d'emplacement n°1 d'excellente qualité par l'expert judiciaire ' s'établissait alors à un montant au minimum deux fois supérieur, ce dont il résulte que la bailleresse a perdu de par son engagement a minima une chance de demander le déplafonnement dès le premier renouvellement dès lors que l'existence d'une évolution notable des facteurs locaux de commercialité ayant une incidence favorable pour le commerce considérée n'était pas exclue.
Il apparaît dès lors que les modalités de fixation du loyer du bail renouvelé en 1998, maintenant le loyer initial, s'analysent en une minoration justifiant le déplafonnement lors du second renouvellement.
Par ailleurs et en tout état de cause, par avenant signé les 6 et 19 février 2004 prenant effet rétroactivement à compter du 1er février 2003, les parties se sont accordées pour adjoindre aux locaux un logement en duplex situé au premier étage du [Adresse 3] et pour augmenter le loyer en conséquence de cette adjonction de 6 300 euros, portant ainsi le loyer annuel à la somme totale de 66 085, 08 euros. Cette modification du prix de plus de 10 % est intervenue par suite de la modification de l'assiette du bail en dehors du cadre légal ou des stipulations du bail. De part l'importance de cette majoration du loyer, indépendamment même de la question de l'intérêt pour le commerce de la modification des caractéristiques du local considéré par l'adjonction de locaux, cette modification conventionnelle du loyer intervenue au cours du bail expiré constitue une modification notable des obligations des parties justifiant à elle seule que soit écartée la règle du plafonnement.
Dans ces conditions, la bailleresse prouve que les obligations respectives des parties ont été notablement modifiées. Cette modification notable justifie à elle seule l'exclusion de la règle du plafonnement sans qu'il y ait lieu d'analyser les autres moyens soulevés par la bailleresse.
Le jugement déféré sera ainsi confirmé en ce qu'il a écarté le principe du déplafonnement.
Sur la fixation du loyer à la valeur locative
Sur les caractéristiques du local loué
Aux termes des dispositions de l'article R.145-3 du code de commerce, les caractéristiques propres au local s'apprécient en considération :
1° de sa situation dans l'immeuble, où il se trouve, de sa surface et de son volume, de la commodité de son accès pour le public,
2° de l'importance des surfaces respectivement affectées à la réception du public, à l'exploitation ou à chacun des activités diverses qui sont exercées dans les lieux,
3° de ses dimensions, de la conformation de chaque partie et de son adaptation à la forme des activités qui y est exercée,
4° de l'état d'entretien, de vétusté et de salubrité et de la conformité aux normes exigées par la législation du travail,
5° de la nature et de l'état des équipements et des moyens d'exploitation mis à la disposition du locataire.
En l'espèce, il est établi par le rapport d'expertise judiciaire que le local commercial loué est situé dans " l'hyper centre de [Localité 1], à l'entrée du [Localité 2] et à environ 150 m de la [Localité 3], dans l'une des principales rues commerçantes " dans un secteur où les rez-de-chaussées d'immeubles ont exclusivement vocation commerciale en des activités essentiellement spécialisées dans l'équipement de la personne haut de gamme. Il s'agit d'un emplacement pouvant être qualifié " d'excellente qualité (emplacement n°1) dans la ville en termes de commercialité, au c'ur d'une des rues les plus commerçantes, axe de chalandise reliant le secteur des gares (Centre Commercial Euralille) d'une part et le secteur [Localité 3], [Localité 4], [Localité 5] d'autre part au [Localité 2].
Les locaux loués sont implantés dans un ensemble immobilier comprenant cinq corps de bâtiments différents entourant une petite cour en dalles de pierre, constructions en briques pleines et pierres de taille, désignés aux termes du bail commercial de la manière suivante :
- Bâtiment A: Front à la rue, côté Nord,
- Bâtiment B : Front à la rue, côté Sud,
- Bâtiment C : Situé à l'arrière du bâtiment B et séparé de ce dernier par une cour,
- Bâtiment D : Situé à l'arrière du bâtiment C et séparé de ce dernier par une cour couverte,
- Bâtiment E : Situé à l'arrière du bâtiment A et séparé par ce demier par une cour couverte, contigu au bâtiment C et prolongé à l'arrière par une cour couverte.
Aux termes du bail commercial en date du 13 octobre 1988, le périmètre de ce bail comprenait les locaux suivant :
- lot n° 1 : cave n° 1 en sous-sol des bâtiments A et E,
- lot n° 2 : cave n° 2 en sous-sol du bâtiment B,
- lot n° 3 : cave n° 3 au sous-sol du bâtiment C se prolongeant sous la cour, dont une partie aménagée est affectée au public : espace de vente " La Bottine ",
- lot n° 4 : un ensemble de locaux à usage commercial comprenant :
* le rez-de-chaussée les bâtiments A et E et les cours couvertes G et H,
* deux pièces à usage de bureau et salle de collection au rez-de-chaussée et premier étage du bâtiment C,
* premier et deuxième étages et combles du bâtiment E,
* pièce au-dessus de la cour G,
- lot n° 5 : rez-de-chaussée du bâtiment B ".
Par avenant signé les 6 et 19 février 2004, prenant effet rétroactivement à compter du 1er février 2003, 1'assiette du bail a été élargie, pour englober désormais en un lot n° 6 les réserves situées au rez-de-chaussée du bâtiment D et l'appartement en duplex situé dans ce même bâtiment.
La façade principale de 12,30 mètres donne sur la [Adresse 1].
L'expert judiciaire décrit les bâtiments comme en bon état d'entretien à l'exception du bâtiment B, lequel nécessite de lourds travaux de rénovation et est frappé d'un arrêté de péril.
Au vu du rapport d'expertise judiciaire, les lieux loués se répartissent concrètement de la manière suivante :
- en rez-de-chaussée :
* un magasin (211,18 m²) donnant sur la façade principale,
* un magasin arrière show-room (32,73 m²), entre rez-de-chaussée et 1er étage,
* 5 dégagements (5,08 m², 2,35 m², 1,85 m², 1,62 m2 et 5,44 m²),
* une réserve intermédiaire (68,55 m²),
* une réserve arrière (24,94 m²),
* 3 WC (2,55 m², 1,25 m² et 1,13 m²),
* une réserve arrière ( 38, 75 m²),
- au sous-sol :
* un magasin arrière (27,75 m²), entre rez-de-chaussée et sous-sol, avec local aménagé en surface de vente,.
* une réserve n°1 en sous cour (44,25 m²) avec un sol cimenté peint et dalle béton en plafond,
* une réserve sous bâtiment sur rue (57,35 m²) voutée en briques d'une hauteur maximum de 2,20 mètres,
* une réserve n°2 sous bâtiment sur rue (24,62 m2 et 7,32 m²) voutée en briques avec pavés atteinte d'un affaissement partiel,
* des réserves sous bâtiment A (10,93 m² et 23,67 m²) voutées en briques,
* des caves à l'est du bâtiment A (7,21 m² et 3,24 m²) voûtées en briques avec d'importantes fissures sur le mur et anciennement à usage de réserve,
- au 1er étage :
* un palier (1,25 m²),
* deux dégagements (4,05 m² et 3,89 m²),
* un bureau " collection " (23, 37 m²) ,
* un bureau " informatique " (24, 84 m²),
* un WC (1,82 m²),
* une cuisine/vestiaire (23,83 m²);
- au 2ème étage :
* un dégagement ( 1,06 m²),
* une salle de réunion (25,47 m²),
* des bureaux " commerciaux " (22, 93 m²);
- au 3ème étage :
* un dégagement ( 0,51 m²),
* un bureau " comptabilité " (24,81 m²),
* une salle d'archives (20,97 m²),
- logement du bâtiment B :
* au rez-de-chaussée, l'entrée (1,81 m²),
* au 1er étage : un palier (8,68 m²), une chambre numéro 1 (8,82 m² ), une chambre numéro 2 ( 20,65 m²), un WC (1,23 m²), une salle de bain ( 3,97 m²);
* au 2ème étage : un palier ( 18,93 m²), une cuisine (5,43 m²) et un séjour (17,27 m²).
L'expert judiciaire qualifie l'ensemble de "moyennes fonctionnalités avec des grandes surfaces de réserve mais d'accessibilité imparfaite, en état d'entretien courant ".
Concernant la surface utile brute, l'expert judiciaire indique une surface totale de 782, 83m² répartie de la manière suivante :
- espace de vente et réserves : 558,71 m²;
- caves : 45,05 m²,
- étages : 178,77 m²
- appartements T3 et T4 : 84,38 m².
Sur la surface utile pondérée
Les parties ne contestent pas ce calcul de la surface utile brute mais sont en désaccord sur l'appréciation de la surface utile pondérée (S.U.P).
L'expert judiciaire s'est basé sur les pondérations préconisées par la charte de l'expertise en évaluation immobilière (3ème édition Juin 2006) et sur les recommandations des experts en matière de pondération des surfaces de boutiques (AJDI Janvier 2007) pour petites et moyennes surfaces jusqu'à 300 m2 de surface de vente) pour retenir les surfaces pondérées et valorisations suivantes :
L'expert judiciaire ne retient pas de surface utile pondérée pour les caves et la réserve arrière n°2. Il explique : " ces locaux actuellement inutilisables compte tenu des désordres affectant la structure de l'immeuble, étaient encore vraisemblablement utilisables en 2008 ; dans l'hypothèse d'une remise en état de l'immeuble, ces surfaces seraient à pondérer à 0,25 (Réserve en rez-de-chaussée) ou 0,15 (caves en sous-sol), la S.U.P. de l'ensemble se trouvant portée à 298 m² ".
L'expert judiciaire retient pour le bâtiment D une valeur locative portentielle de 7 600 euros établie sur la base de 10 euros le m² par mois pondérée d'un abattement de 25 % en prenant en compte la location conjointe avec le local commercial.
Le premier juge a pondéré les réserves d'un coefficient de 0,25 au motif qu'à la date du renouvellement les réserves arrières étaient utilisables. Il a pris acte de l'accord du bailleur et du preneur de ne pas pondérer les caves. Le premier juge a ainsi retenu une surface utile pondérée de 291, 69 m².
Concernant l'appartement, après avoir rappelé qu'à la date du renouvellement, celui-ci était encore utilisable, le premier juge a retenu une surface de 84, 38 m² et un loyer mensuel de 9 euros le m² .
Devant la cour d'appel, la preneuse reproche à l'expert judiciaire d'avoir :
- évalué en surface commerciale des surfaces de bureaux des étages ;
- d'avoir mal appliqué les pondérations de la charte sur laquelle il se fonde.
Elle reproche au jugement déféré d'avoir :
- retenu un coefficient de pondération de 0,25 pour les réserves arrières T2,
- évalué à 9 euros m² /mois l'appartement de son propre chef et en dehors de toute valorisation proposée par l'expert judiciaire.
Sur la surface des étages
Il ressort sans conteste de l'expertise judiciaire que le " local commercial proprement dit " est situé au rez-de-chaussée et au sous-sol tandis que les étages ont un usage de bureaux, tel que rappelé dans le descriptif ci-dessus.
Aucune disposition légale n'existe pour une évaluation spécifique des parties d'un bail commercial affectées à un usage de bureaux. Au surplus, il n'est nullement contesté que les locaux servant de bureaux ne sont pas des locaux loués ou sous-loués pour un usage spécifique de bureaux autonomes mais sont bien utilisés en lien avec l'activité commerciale exercée par la preneuse. Il s'agit ainsi de locaux liés à une activité de commerce et non de bureaux au sens du statut des baux commerciaux. Dès lors, c'est à tort que la preneuse soutient que ces locaux doivent être évalués sur les prix pratiqués pour des loyers à usage de bureau, et c'est à raison que l'expert judiciaire les a valorisés en surface utile pondérée après application d'un coefficient de pondération s'agissant de dépendances commerciales.
Il y donc lieu de rejeter la demande de la preneuse de valoriser les surfaces des 1er au 3ème étages en surface de bureau au prix retenu par le bailleur dans son offre de 2006, soit 70 euros/m²/an. Concernant les bureaux, la locataire ne formule pas à titre subsidiaire de contre-proposition sur les coefficients de pondération, et y a lieu de retenir les coefficients de pondération proposés par l'expert judiciaire, lesquels sont parfaitement adaptés à la configuration des lieux, soit :
- 0,4 pour une S.U.P de 83,05 m² au 1er étage ;
- 0,3 pour une S.U.P de 49,46 m² au 2ème étage ;
- 0,2 pour une S.U.P de 46, 26 m² au 3ème étage.
Sur les seuils de pondération
Concernant les coefficients de pondération, la preneuse ne conteste pas les références retenues par l'expert judiciaire mais leur application, lui reprochant d'avoir " retenu systématiquement la pondération la plus favorable au bailleur ". Elle fait valoir que la pondération maximale correspond à un ensemble de bonnes fonctionnalités et accessibilité, ce qui n'est pas le cas des locaux loués que l'expert lui-même a qualifié de "moyennes fonctionnalités avec des grandes surfaces de réserve mais d'accessibilité imparfaite, en état d'entretien courant ". Quant à la bailleresse, elle estime que des coefficients supérieurs doivent être retenus s'agissant d'une boutique exceptionnelle, par sa taille, sa visibilité, son emplacement et sa rareté dans la rue.
La société d'exploitation du [Adresse 1] demande à la cour d'appel de retenir les coefficients de pondération suivants :
- 0 à 10 m : 1 mais pour une surface utile de 114 m² au lieu de 121 m²;
- 10 à 20 m : 0,3 au lieu de 0,4 ;
- magasin arrière rez-de-chaussée : 0,2 au lieu de 0,3 ;
- magasin arrière sous-sol : 0,2 au lieu de 0,3 ;
- WC, autres surfaces : 0,2 au lieu de 0,25 ;
- réserves du rez-de-chaussée : 0,2 au lieu de 0,25 ;
- réserves sous-sol : 0,1 au lieu de 0,15;
- réserves n°2 : 0.
Quant à la SCI d'Artagnan, elle demande à la cour d'appel de retenir les seuils de pondération suivants:
- 0 à 10 m : 1 pour une S.U.P de 121 m² ;
- 10 à 20 m : 0,6 au lieu de 0,4 ;
- magasin arrière rez-de-chaussée : 0,4 au lieu de 0,3 ;
- magasin arrière sous-sol : 0,4 au lieu de 0,3 ;
- réserves du rez-de-chaussée : 0,4 ;
- réserves sous-sol :0,25 au lieu de 0,15;
- réserve arrière 2 : 0,25 au lieu de 0,
- caves : 0 ;
Concernant la surface utile de la première zone de vente pondérés à 1, aux termes d'une note aux parties en date du 3 décembre 2013, M. [A] [Y] avait en réponse au dire adressé par le conseil du locataire sur ce point, confirmé " la surface de 121 m² de la première zone de l'espace de vente de forme trapézoïdale avec 11,40 m de largeur en vitrine mais une largeur moyenne de 12,10 m". Au vu de cette réponse claire et argumentée, c'est à raison que le premier juge a retenu une surface utile de 121 m² pour la première zone de l'espace de vente sans commettre d'erreur algébrique comme le lui reproche l'intimée. En conséquence, il ne sera pas fait droit à la demande formulée par la locataire de ne retenir qu'une surface de 114 m² pour cette zone. La zone vente 1 sera ainsi valorisée à 1 pour 121 m².
Il ressort du résumé des recommandations pour la pondération des locaux à usage de commerce annexées à la charte de l'expertise en évaluations immobilières produites par la preneuse que pour une surface de vente comprise entre 100 et 300 m² avec une façade sur rue supérieure à 10 m, ce qui correspond à la configuration des locaux loués, il est recommandé les pondérations suivantes :
- 0,3 à 0,4 pour la 2ème zone de 10 à 20 m ;
- 0,2 à 0,3 pour les autres surfaces ;
- 0,25 à 0,4 pour les sous-sols aménagés et reliés directement;
- 0,1 à 0,2 pour les caves selon leur accessibilité.
Au vu de ces recommandations et de la bonne fonctionnalité des zones de vente, c'est de manière parfaitement adaptée que l'expert judiciaire a retenu un coefficient de pondération de 0,4 pour la 2ème zone de vente et de 0,3 pour les zones de vente situées à l'arrière. Le coefficient de pondération à 0,25 pour les WC et autres surfaces ainsi que les réserves du rez-de-chaussée est également adapté.
La spécificité des réserves en sous-sol, et en particulier leur hauteur à 2,20 m en partie haute de voûte, a suffisamment été prise en considération par une valorisation à 0,15.
Concernant la réserve n°2 atteinte par " d'importantes fissures " liées aux désordres affectant l'immeuble, les opérations d'expertise n'ont pas permis de démontrer que cette surface était utilisable au moment du renouvellement du bail commercial, l'expert judiciaire qualifiant seulement cette hypothèse de " vraisemblable ". Or, il ressort du compte rendu en date du 28 décembre 2004 de l'architecte [N] [E] d'une réunion d'expertise que les désordres constitués de lézardes très importantes sur les murs en sous-sol étaient apparentes dès 2001. Ces désordres importants qui existaient déjà au moment du renouvellement du bail commercial, justifie de ne pas valoriser la réserve n°2, qui ne présente aucun intérêt pour le commerce exercé.
Sur l'appartement situé dans le bâtiment D
Concernant l'appartement en duplex situé dans le bâtiment D, le premier juge a retenu un loyer de 9 euros le m² par mois au motif que dans le secteur de l'hyper centre, les appartements de type T3 à 4 de standing courant en immeuble ancien se négociaient sur des bases de 9 à 11 euros le mètre carré habitable par mois ; que l'existence de désordres apparaissant pendant la période de référence impose de retenir la valeur minimale de 9 euros et que compte tenu de la location conjointe avec le local commercial, l'expert a à juste titre procédé à un abattement de 25 %. La cour d'appel observe que pour fixer le prix de location au mètre carré, le premier juge s'est basé sur les valeurs proposées par l'expert judiciaire ( page 26 de son rapport) et n'a pas comme lui reproche la preneuse fixé un prix qu'il aurait lui-même "auto évalué".
La locataire demande à la cour d'appel de ne pas valoriser ces locaux frappés d'un arrêté de péril tandis que la bailleresse demande de retenir à titre principal une pondération de 0,2 pour une surface utile pondérée de 16, 87 m² et à titre subsidiaire de confirmer le jugement déféré.
L'article R145-4 du code de commerce dispose: " Les caractéristiques propres au local peuvent être affectées par des éléments extrinsèques constitués par des locaux accessoires, des locaux annexes ou des dépendances, donnés en location par le même bailleur et susceptibles d'une utilisation conjointe avec les locaux principaux. Lorsque les lieux loués comportent une partie affectée à l'habitation, la valeur locative de celle-ci est déterminée par comparaison avec les prix pratiqués pour des locaux d'habitation analogues faisant l'objet d'une location nouvelle, majorés ou minorés, pour tenir compte des avantages ou des inconvénients présentés par leur intégration dans un tout commercial. " En l'espèce, il ressort de l'expertise de M. [Z] en date du 17 octobre 2006, mandaté par le preneur, qu'en 2006 "les locaux situés au fond de la cour arrière 1er et 2ème niveau pour 80 m² - ainsi un appartement- sont utilisés comme locaux de personnel " ce dont il s'évince que bien que s'agissant d'un ancien appartement, ces locaux n'étaient pas affectés à l'habitation mais constituaient des dépendances commerciales.
Par ailleurs , si ces locaux ont été frappés d'un arrêté de péril le 23 mars 2012 ' soit postérieurement au renouvellement ' il ressort néanmoins de l'ensemble des pièces produites que les lieux n'étaient plus utilisables au moment du renouvellement du bail commercial et avaient cessé d'être utilisés. En effet, il ressort du constat d'huissier effectué par Me [R] le 7 septembre 2009 que l'appartement était vide de toute occupation et ne pouvait être mis à disposition du personnel en raison des désordres l'affectant: plancher affaissé, fenêtres ne fermant pas, fissures, plancher au bois vermoulu et affaissé dans la salle de bain. En 2010 lors de la visite des lieux par M. [H], expert mandaté par le preneur, l'appartement en duplex n'était pas utilisé et n'était "pas louable au sens des normes d'habilité, de salubrité et de sécurité". Or, la bailleresse ne produit aucune pièce susceptible d'établir une utilisation des lieux par la preneuse postérieure entre 2006 et 2009.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que ces locaux, au moment du renouvellement,n'étaient pas et ne pouvaient pas être affectés à l'habitation. C'est donc à tort que le premier juge a retenu une valeur locative par comparaison avec les prix pratiqués pour des locaux d'habitation analogues. Par ailleurs, au vu du caractère inhabitable et inexploitable des locaux au moment du renouvellement et encore à l'heure actuelle du fait de l'arrêté de péril, il n'y a pas lieu de les valoriser.
Au final , il y a donc lieu de retenir, une surface pondérée utile de 282, 01 m², et d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a retenu une valeur locative pour la réserve n°2 et l'appartement situé dans le bâtiment D.
Sur la destination des lieux
L'article R.145-5 du code de commerce dans sa version applicable au litige dispose que la destination des lieux est celle autorisée par le bail et ses avenants ou par le tribunal dans les cas prévus aux articles L.145-47 à L.145-55.
L'expert judiciaire a indiqué avoir bien pris en considération, pour fixer la valeur locative, la destination des lieux " largement ouverte consentie pour tous commerces article de luxe et bureaux commerciaux ". Par ailleurs, même si cette destination est large, elle n'est pas pour autant « tous commerces » et ne justifie pas une majoration spécifique de la valeur locative.
La bailleresse sera donc déboutée de sa demande de majoration formulée de ce chef.
Sur les facteurs locaux de commercialité
Aux termes des dispositions de l'article R.145-6 du code de commerce, les facteurs locaux de commercialité dépendent principalement de l'intérêt que présente, pour le commerce considéré, l'importance de la ville et du quartier ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transports, de l'attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l'emplacement pour l'activité considérée et des modifications que ces éléments subissent d'une manière durable ou provisoire.
En l'espèce, l'expert judiciaire retient, concernant les facteurs locaux de commercialité sur la période du 1er avril 1997 au 30 juin 2008 :
- le développement de la dimension touristique de la ville de [Localité 1] avec une augmentation de la fréquentation sur la ligne LGV entre [Localité 1] et Bruxelles et sur l'Eurostar entre [Localité 1] et Londres, le développement de l'activité hôtelière du fait d'une clientèle britannique, le développement des visites touristiques et le développement de la fréquentation du métro;
- l'augmentation de la population dans le centre de [Localité 1] en général et les quartiers de [Localité 1] centre ( + 14,8%) et du [Localité 2] ( + 20,3%) ;
- la spécialisation de la rue Grande Chaussée en prêt-à-porter haut de gamme et moyen haut de gamme avec l'implantation de chausseurs ( Free Lance en 2000, Aerosoles en 2006) et surtout d'enseignes de prêt à porter (telles Princesse Tam Tam, Esprit, Grant, Façonnable, Comptoir des Cotonniers, IKKS, Cyrillus, Anne Fontaine, Father and Sons, Petit Bateau, Kenzo, Véronique Delachaux, Chevignon, Arrow, Alain Figaret, Rayure).
L'expert judiciaire fait état des observations de la preneuse selon lesquelles il y a lieu de prendre en considération sur cette période l'évolution préjorative que constituent, selon elle, un accroissement des difficultés du stationnement et de la circulation automobile ainsi qu'une hausse de la criminalité dans le [Localité 2]. L'expert judiciaire ne donne pas son avis sur ces points ni sur l'existence ou non d'une évolution notable des facteurs locaux de commercialité ayant eu une incidence favorable pour le commerce considéré. Néanmoins, au stade de l'appréciation de facteurs de la valeur locative, il n'y a pas lieu d'apprécier s'il y a eu une évolution notable des facteurs locaux de commercialité ayant eu une incidence sur l'activité commerciale exercée, mais seulement d'apprécier les facteurs locaux de commercialité existants au regard de l'intérêt qu'ils présentent pour le commerce considéré.
En l'espèce, il est indéniable que présentent un intérêt pour le commerce de vente de chaussures de marque la situation du local dans une ville de taille importante ( la plus grande ville de la région), dynamique avec un développement touristique et démographique positif, son implantation dans une rue spécialisée dans les enseignes de commerce de luxe depuis longue date et fréquentée par une chalandise affluente.
Concernant les moyens de transport, même s'il ressort de l'expertise judiciaire que la fréquentation et la population de l'hyper centre ville ont augmenté sur la période du 1er avril 1997 au 30 juin 2008, la preneuse démontre que l'accessibilité et la circulation dans le [Localité 2] ont été rendues plus difficiles pendant la période considérée notamment du fait de la politique de la ville en matière de circulation. Elle établit également qu'une majorité des clients figurant dans ses fichiers n'habitent pas [Localité 1] même mais les alentours, ce dont il résulte que les modifications des conditions de circulation ont nécessairement tempéré pour son commerce les effets bénéfiques escomptés d'une hausse de la fréquentation du [Localité 2].
Par ailleurs, la bailleresse n'établit pas que l'augmentation touristique ait eu un intérêt particulier pour le commerce de chaussures alors même que la preneuse justifie que la grande majorité des touristes à [Localité 1] viennent pour visiter la ville et non pas pour « faire les boutiques » et qu'elle fait à raison valoir que la marchandise de chaussures de marques vendues partout en Europe ne correspond pas à un achat cible pour le tourisme, tels des achats de souvenir.
Concernant l'attractivité commerciale du [Localité 2] pour le commerce considéré de la rue dans laquelle sont implantés les lieux loués, même s'il n'est pas démontré une évolution notablement positive de celle-ci du fait du developpement général du tourisme ou de la population, il n'en demeure pas moins que cette attractivité est très bonne s'agissant d'un emplacement pouvant être qualifié selon l'expert judiciaire " d'excellente qualité (emplacement n°1) dans la ville en termes de commercialité, au c'ur d'une des rues les plus commerçantes, axe de chalandise reliant le secteur des gares (Centre Commercial Euralille) d'une part et le secteur [Localité 3], [Localité 4], [Localité 5] d'autre part au [Localité 2]». Au surplus, la société d'exploitation du [Adresse 1] ne prouve pas que ses concurrents, tels l'enseigne « Le Printemps » aient capté la chalandise « luxe » du [Localité 2].
Au surplus, la preneuse n'établit nullement une incidence péjorative sur l'attractivité du [Localité 2] aux heures d'ouverture des magasins de l'augmentation de la criminalité au centre de [Localité 1].
Au final , il convient de retenir comme des éléments présentant un intérêt pour le commerce de chaussures son emplacement dans l'hyper centre dans une rue spécialisé dans le luxe et connaissant une fréquentation importante de chalandise, sans pour autant retenir une incidence particulière du développement du tourisme et de la population dans la ville de [Localité 1] en général du fait de la spécificité de la marchandise vendue. Il sera également tenu compte du fait que la qualité de l'emplacement est tempérée par la dégradation des conditions d'accès et de circulation en voiture dans le [Localité 2] pour la clientèle de la société d'exploitation du [Adresse 1].
Sur les prix couramment pratiqués dans le voisinage
La preneuse estime que la cour d'appel ne peut pas se fonder sur les références proposées par l'expert judiciaire faute pour celui-ci de justifier ses sources en produisant les baux commerciaux concernés ou les décisions de justice alors même qu'il existe des incohérences dans le rapport, notamment un écart de 138 % de valeur locative au m² pour deux surfaces identiques et des baux de la même époque ( enseigne Louis Vuitton) ainsi que des contradictions entre les prix au m² contenus dans le rapport [H] et ceux retenus par l'expert judiciaire ( pour les enseignes Rayure et Hermes). Elle fait valoir qu'aucune des références ne concerne des locaux d'une surface aussi importante alors même qu'elle soutient que plus la surface donnée à bail est importante, moins le prix au m² est élevé. Elle propose une courbe de dégressivité du prix/m² au regard de la S.U.P, établie à partir des valeurs fournies par l'expert aux termes de laquelle elle propose une valeur locative de 601 euros /m 2 /an pour une S.U.P de 282,01 m 2.
Pour sa part, la bailleresse fait essentiellement valoir que l'expert judiciaire a suffisamment pris en considération la dégressivité de la valeur locative en fonction de la superficie ; les prix du voisinage résultent des décisions de justice et des références connues, non d'une prétendue modélisation opportune construite pour les besoins de la cause . Elle observe que « c'est un vaste débat que celui de la production par les experts des baux, qu'aucun ne le fait » et indique que les références en l'espèce sont étayées par les valeurs croisées des différentes expertises fournies.
L'article R.145-7 du code de commerce précise que les prix couramment pratiqués dans le voisinage, par unité de surfaces, concernent des locaux équivalents eu égard à l'ensemble des éléments mentionnés aux articles R.145-3 à R.145-6. À défaut d'équivalence, ils peuvent, à titre indicatif, être utilisés pour la détermination des prix de base, sauf à être corrigés en considération des différences constatées entre le local loué et le local de référence. Les références proposées de part et d'autre portent sur plusieurs locaux et comportent, pour chaque local, son adresse et sa description succincte. Elles sont corrigées à raison des différences qui peuvent exister entre les dates de fixation des prix et des modalités de cette fixation.
Au vu de cet article, il est seulement exigé de l'expert judiciaire de proposer des références portant sur plusieurs locaux et comportant pour chaque local, son adresse et sa description succincte ce dont il résulte que le juge des loyers commerciaux peut se fonder sur les références proposées par l'expert judiciaire dès lors que celles-ci contiennent les éléments susvisés sans exiger la production des baux commerciaux correspondants. Ce faisant le juge des loyers commerciaux ne transfère pas, comme le soutient l'intimée, "une partie de sa souveraineté à l'expert", et ce d'autant plus que si le juge considère ne pas avoir la preuve que les références concernent des locaux équivalents eu égard à l'ensemble des critères de la valeur locative, celles-ci ne seront utilisées qu' " à titre indicatif, pour la détermination des prix de base ".
Or , au cas d'espèce, si l'expert judiciaire propose 19 références de valeurs locatives réactualisées au 1er juillet 2008 et avec remboursement de la taxe foncière à la charge du preneur de locaux situés dans la [Adresse 5], force est de constater qu'aucun de ces locaux ne peut être considéré comme équivalent au local loué en raison de la différence importante dans leur surface utile pondérée. Alors que la surface utile pondérée du local loué est de 282, 01 m², celle des locaux de référence s'établit en majorité en dessous de 100 m².
Par ailleurs, sur les références de comparaison retenues par l'expert judiciaire, il y a lieu d'écarter celles afférentes :
- à l'enseigne " Louis Vuitton " faute d'élément explicatif sur l'écart de la valeur locative entre les deux baux commerciaux de la même date ( février 2008) afférents à des surfaces équivalentes et des locaux mitoyens et pour la même activité ( 1351 euros le m² pour l'un et 568 euros le m² pour l'autre) ;
- aux enseignes Rayure et Hermès en raison des différences inexpliquées entre les valeurs locatives retenues par les experts M. [Y] et M. [H], ce dernier indiquant une valeur locative deux fois inférieure en 2010 à celle indiquée par M. [Y] en 2008,
- aux enseignes " Claudie Pierlot " ( 51 m² de S.U.P), " Agatha " ( 44,37 m² de S.U.P), " IKKS " ( 55 m² de S.U.P), " Maje " ( 55 m² de S.U.P), " MC Gregor " ( 53 m² de S.U.P), " Gant " (81 m ² de S.U.P) et " Comptoir des cotonniers " (77 m² de S.U.P) qui ont une surface utile pondérée significativement trop restreinte pour servir d'élément de comparaison.
Au final, il y a lieu de retenir à titre indicatif les références suivantes d'une surface supérieure à 100 m² de surface utile pondérée toutes situées dans la [Adresse 5]:
- " Manfield " : bail de décembre 2002, 150 m² de S.U.P, valeur locative de 977 euros le m²,
- " Zapa " : bail de 1998, 100 m² de S.U.P, valeur locative de 1 032 euros le m²,
- " Swarowski " : bail de 2002, 130 m² de S.U.P, valeur locative de 1 365 euros le m²,
- " Strellson " : bail de 1991 renouvelé en 2002, 120 m² de S.U.P, valeur locative de 1 151euros le m²,
- " Cyrillus " : bail de 1998, 240 m² de S.U.P, valeur locative de 681 euros le m²,
- " Un jour ailleurs " : bail de mai 1999, 141 m² de S.U.P, valeur locative de 464 euros le m²,
- " Ikks " : bail de juillet 2005, 105 m² de S.U.P, valeur locative de 1190 euros le m².
La valeur moyenne arithmétique de ces références indicatives s'élève à 816, 42 euros qu'il convient d'arrondir à 816 euros. Néanmoins, il convient de tenir compte de l'importance de la surface utile pondérée des locaux loués de 282,01 m², laquelle est hors norme aux regard des références indicatives dans cette rue. En effet, cette surface utile pondérée est au moins deux fois supérieure à toutes ces références à l'exception du bail commercial exploité sous l'enseigne " Cyrillus ", qui est celui dont la valeur locative est la plus faible. Or, comme la preneuse le démontre en analysant par tranche de surface de 50 m² les valeurs proposées par l'expert judiciaire, le prix au m² décroit avec l'importance de la surface.
Cet élément n'a pas été suffisamment pris en considération par l'expert judiciaire et conduira la cour d'appel à retenir une valeur locative inférieure à la simple moyenne arithmétique de références retenues à titre indicatif.
Sur les obligations réciproques des parties
L'article R 145-8 dispose : " du point de vue des obligations respectives des parties, les restrictions à la jouissance des lieux et les obligations incombant normalement au bailleur dont celui-ci se serait déchargé sur le locataire sans contrepartie constituent un facteur de diminution de la valeur locative. Il en est de même des obligations imposées au locataire au-delà de celles qui découlent de la loi ou des usages. Les améliorations apportées aux lieux loués au cours du bail à renouveler ne sont prises en considération que si, directement ou indirectement, notamment par l'acceptation d'un loyer réduit, le bailleur en a assumé la charge.
Les obligations découlant de la loi et génératrices de charges pour l'une ou l'autre partie depuis la dernière fixation du prix peuvent être invoquées par celui qui est tenu de les assumer.
Il est aussi tenu compte des modalités selon lesquelles le prix antérieurement applicable a été originairement fixé. "
Concernant leurs obligations réciproques, les parties discutent l'incidence de la clause mettant à la charge de la preneuse le paiement de la taxe foncière. La locataire estime qu'il s'agit d'une obligation incombant normalement au preneur dont celui-ci s'est déchargé sur elle sans contrepartie ce qui justifie une minoration de la valeur locative du montant de la taxe foncière. Pour sa part, la bailleresse soutient essentiellement que cette clause relevant des usages des baux commerciaux à [Localité 1], elle ne constitue pas une obligation imposée au locataire au-delà des obligations qui découlent des usages, et ne saurait donner lieu à minoration.
En l'espèce, s 'il est constant qu'une telle clause est usuellement contenue dans les contrats commerciaux locaux, le caractère de charges exorbitantes ou non doit s'apprécier au regard des règles légales et un usage ne peut devenir la règle dès lors qu'il contrevient à une disposition légale claire et précise. Or, le transfert au locataire du paiement de la taxe foncière constitue une décharge sans contrepartie par la bailleresse d'une obligation légale lui incombant normalement. Dès lors, les usages invoqués dans les baux commerciaux selon lesquels la taxe foncière serait systématiquement transférée au locataire ne peut faire échec aux dispositions particulièrement claires du premier alinéa dearticle R 145'8 du code de commerce précité, et il y a lieu de déduire de celle-ci la charge assumée par la preneuse de la valeur locative d'un montant de 9 047 euros ( taxe foncière pour 2008). C'est à bon droit que le jugement déféré avait minoré la valeur locative de la taxe foncière.
Au vu de l'ensemble des éléments de la valeur locative tels que retenus ci dessus relativement aux caractéristiques du local considéré, de la destination des lieux, des obligations respectives des parties, des facteurs locaux de commercialité, et des prix couramment pratiqués dans le voisinage, il y a lieu de retenir une valeur locative de 750 euros le m² de surface utile pondérée, soit une valeur locative de 211 507,50 euros pour une surface utile pondérée de 282, 01 m²,de laquelle il convient de déduire le montant de la taxe foncière de 9 047 euros. Au final, il y a lieu de fixer le loyer annuel du bail renouvelé à compter du 1er juillet 2008 à hauteur de 202 460,50 euros hors taxes et hors charges. La société d'exploitation du [Adresse 1] sera donc condamnée à payer à la SCI d'Artagnan ce loyer à compter du 1er juillet 2008.
Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a dit que le rappel des loyers échus produira intérêts au taux légal à compter du renouvellement du bail et que les intérêts échus depuis plus d'une année produiront eux-mêmes intérêts au taux légal.
Le jugement déféré qui avait fixé un loyer à un montant supérieur était assorti de l'exécution provisoire, de sorte qu'il incombera aux parties de faire leurs compte entre elles. Si la locataire s'est acquitté des loyers tels que fixés par ce jugement, il incombera à la preneuse de lui rembourser les loyers trop-perçus.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
En application des articles 696 et 700 du code de procédure civile, la partie perdante est, sauf décision contraire motivée par l'équité ou la situation économique de la partie succombante, condamnée aux dépens, et à payer à l'autre partie la somme que le tribunal détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
En vertu de l'article 639 du même code, la juridiction de renvoi statue sur la charge de tous les dépens exposés devant les juridictions du fond y compris sur ceux afférents à la décision cassée.
Il y a lieu de confirmer la décision déférée du chef des dépens et des frais irrépétibles. En effet, si la société d'exploitation du [Adresse 1], partie perdante doit être condamnée aux dépens, les liens familiaux entre les parties au litige justifient qu'elles conservent leur frais irrépétibles.
Ajoutant au jugement déféré, la société d'exploitation du [Adresse 1] sera condamnée au paiement des dépens exposés devant la cour d'appel lors de l'instance ayant donné lieu à la décision cassée et à ceux exposés devant la cour d'appel de renvoi. Les parties conserveront la charge de leurs frais irrépétibles afférents à l'appel ayant donné lieu à la décision cassée et à ceux exposés devant la cour d'appel de renvoi.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement déféré :
- du chef des dépens et des frais irrépétibles ;
- en ce qu'il a écarté la règle du plafonnement ;
- en ce qu'il a jugé que le rappel des loyers échus produira intérêts au taux légal à compter du renouvellement du bail ;
- en ce qu'il a jugé que les intérêts échus depuis plus d'une année produiront eux-mêmes intérêts au taux légal ;
L'infirme pour le surplus;
Statuant à nouveau des chefs réformés ,
Déboute la société d'exploitation du [Adresse 1] de sa demande d'expertise complémentaire ;
Fixe le prix du loyer du bail renouvelé à compter du 1er juillet 2008 à hauteur de 202 460,50 euros hors taxes et hors charges sur la base de 750 euros le m² pour une surface pondérée de 282, 01 m² après minoration en raison de la clause de transfert du paiement de la taxe foncière sur le preneur ;
Condamne la société d'exploitation du [Adresse 1] à payer à la SCI d'Artagnan à compter du 1er juillet 2008 un loyer annuel de 202 460,50 euros hors taxes et hors charges ;
Condamne la société d'exploitation du [Adresse 1] à payer les entiers dépens de l'instance ayant donné lieu à la décision cassée et de l'instance devant la cour d'appel de renvoi ;
Déboute la SCI d'Artagnan de sa demande formulée au titre des frais irrépétibles et dit que les parties conserveront la charge de leurs frais irrépétibles exposés dans le cadre de l'instance ayant donné lieu à la décision cassée et de l'instance devant la cour d'appel de renvoi .
Le greffierLe président
Stéphanie HURTRELMarie-Annick PRIGENT