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30/03/2018 | FRANCE | N°15/04806

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale d salle 3, 30 mars 2018, 15/04806


ARRÊT DU

30 Mars 2018







N° 586/18



RG 15/04806



LG/AL





JONCTION

avec n° 15/4807



























Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ARRAS

en date du

17 Novembre 2015

(RG 14/00302 -section )








































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GROSSE



le 30/03/18



République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-









APPELANT :



M. Thibault D...

[...]

Représenté par Me Antoine X..., avocat au barreau D'ARRAS

Substitué par Me E...





INTIMÉE :



SASU AUTO EXPO

[...]

[...]

Représentée par Me Stéphane Y..., avocat au barr...

ARRÊT DU

30 Mars 2018

N° 586/18

RG 15/04806

LG/AL

JONCTION

avec n° 15/4807

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ARRAS

en date du

17 Novembre 2015

(RG 14/00302 -section )

GROSSE

le 30/03/18

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANT :

M. Thibault D...

[...]

Représenté par Me Antoine X..., avocat au barreau D'ARRAS

Substitué par Me E...

INTIMÉE :

SASU AUTO EXPO

[...]

[...]

Représentée par Me Stéphane Y..., avocat au barreau de BETHUNE

DÉBATS :à l'audience publique du 16 Novembre 2017

Tenue par Leila Z...

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Serge LAWECKI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Sylvie A...

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Leila Z...

: CONSEILLER

Caroline F...

: CONSEILLER

Le prononcé de l'arrêt a été prorogé du 23 Février 2018 au 30 Mars 2018 pour plus ample délibéré

ARRÊT :Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 30 Mars 2018,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Sylvie A..., Président et par Annick GATNER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE:

Suivant contrat à durée déterminée en date du 10 mai 2012, Monsieur Thibault D... a été engagé par la SASU AUTO EXPO en qualité de conseil APV, ce, jusqu'au 31 août 2012.

Dès le 1er septembre 2012, la relation professionnelle s'est poursuivie dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée.

Au dernier état des relations contractuelles, Monsieur D... exerçait ses fonctions au sein de la concession d'Avion ( 62) et percevait une rémunération mensuelle brute de 2750 euros.

A la suite de la plainte d'un client dénonçant une tentative d'escroquerie commise à son encontre par le salarié et un autre employé, Monsieur D..., a, le 20 mars 2014, été mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable à licenciement qui s'est tenu le 31 mars 2014.

Le 10 avril 2014, il a été licencié pour faute lourde.

Contestant la légitimité de cette mesure, Monsieur Thibault D... a, le 23 juin 2014, saisi le conseil des prud'hommes d'Arras afin d'obtenir la condamnation de son ancien employeur au paiement de diverses sommes et indemnités.

Suivant jugement en date du 17 novembre 2015, la juridiction prud'homale a:

- dit que le licenciement de Monsieur Thibault D... repose sur une faute grave et non sur une faute lourde.

- condamné la SASU AUTO EXPO à payer à Monsieur D... les sommes suivantes:

* 3 175,52 euros au titre des congés payés dus

* 300,00 euros à titre de dommages et intérêts suite au préjudice subi, lié à l'absence de portabilité de la prévoyance.

* 448,40 euros à titre de rappel au titre du droit individuel à la formation.

* 100,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- rappelé les dispositions applicables en matière d'intérêts au taux légal

- rappelé les dispositions relatives à l'exécution provisoire de plein droit

- débouté Monsieur D... de ses plus amples prétentions

- débouté la SASU AUTO EXPO de ses demandes reconventionnelles

- condamné la SASU AUTO EXPO aux entiers dépens.

Le 11 décembre 2015, Monsieur D... a interjeté appel de cette décision dans des conditions de formes et de délais qui ne sont pas discutées entre les parties.

Sa déclaration d'appel a été enregistrée sous deux numéros différents à savoir 15/10363 et 15/10369 et a donné lieu à l'inscription au rôle de deux procédures distinctes.

L'affaire a pu être examinée le 16 novembre 2017.

A l'audience, les parties reprennent oralement leurs dernières conclusions, reçues respectivement les 4 septembre 2017 et 26 octobre 2017 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions.

Monsieur D... sollicite la réformation de la décision entreprise et demande à la cour de:

- déclarer son licenciement sans cause réelle et sérieuse

- dire que la rupture du contrat de travail est intervenue dans des circonstances vexatoires

- dire que la mise à pied conservatoire prononcée à son encontre est injustifiée et vexatoire.

- dire et juger qu'il aurait dû bénéficier de la portabilité du DIF et de la Prévoyance.

- condamner la SASU AUTO EXPO à lui verser les sommes suivantes:

* 5 500,00 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

* 550,00 euros bruts a titre des congés payés y afférents.

* 1 100,00 euros nets à titre d'indemnité de licenciement

* 22 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ( 8 mois de salaires).

* 3 175,52 euros à titre de rappel de congés payés.

* 1 862,90 euros à titre de rappel de salaires sur mise à pied conservatoire

* 186,29 euros au titre des congés payés y afférents.

* 8 250,00 euros nets à titre de dommages et intérêts pour rupture vexatoire du contrat de travail.

* 448,40 euros nets correspondant au rappel du droit individuel à la formation

* 1 000,00 euros à titre de dommages et intérêts en raison du préjudice subi du fait de l'absence de portabilité de la prévoyance.

* 2 000,00 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- ordonner la rectification des documents de fin de contrat, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du jugement à intervenir en réservant sa compétence pour liquider l'éventuelle astreinte.

- dire que les créances à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil des prud'hommes.

- dire que les sommes dues au titre des dommages et intérêts pour licenciement abusif et au titre des frais non répétibles porteront intérêt au taux légal à compter de la décision à intervenir.

- ordonner la capitalisation des intérêts dus pour une année entière.

- condamner la SASU AUTO EXPO aux entiers frais et dépens.

La SASU AUTO EXPO, pour sa part, conclut à la réformation du jugement en ce que celui-ci a retenu l'existence d'une faute grave et non d'une faute lourde.

Elle demande à la cour de:

dire le licenciement pour faute lourde, justifié.

débouter Monsieur Thibault D... de l'ensemble de ses demandes.

à titre subsidiaire, confirmer purement et simplement le jugement déféré.

En tout état de cause, condamner Monsieur D... au paiement d'une somme de 3500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers frais et dépens.

SUR CE, LA COUR

A titre liminaire, la cour relève que les dispositions du jugement relatives aux congés payés et au droit individuel à la formation ne sont pas remises en cause par les parties, dans la mesure où la partie intimée, bien que sollicitant le rejet de l'intégralité des demandes adverses, n'a développé aucune argumentation sur ces deux chefs de demandes.

La décision déférée sera, en conséquence, confirmée sur ce point.

I) sur la jonction des procédures:

Dans la mesure où la même déclaration d'appel a fait l'objet de deux procédures distinctes enregistrées sous les numéros 15/4806 et 15/4807, il y aura lieu, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, d'ordonner la jonction de celles-ci et de dire qu'elles apparaîtront au répertoire général sous le numéro le plus ancien.

II) Sur la pièce communiquée en cours de délibéré:

Sans y avoir été invitée, la SASU AUTO EXPO, par l'intermédiaire de son conseil, a transmis en cours de délibéré, une décision rendue par le conseil des prud'hommes dans une affaire présentant des liens avec celle que la cour doit examiner puisqu'elle concerne un autre salarié de l'entreprise, licencié également pour faute lourde, en raison des mêmes faits que ceux reprochés à Monsieur D....

En application des dispositions des articles 16 et 445 du code de procédure civile, dès lors que cette transmission n'a pas été autorisée par la cour et porte atteinte au principe du contradictoire, il y aura lieu de l'écarter des débats.

III) sur le bien fondé du licenciement pour faute lourde:

A) sur la légitimité du licenciement:

La faute lourde est celle qui, comme la faute grave, résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié, résultant d'une violation des obligations du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié même pendant la durée limitée du préavis.

Elle représente, dans l'échelle des manquements pouvant être reprochés au salarié, celle qui revêt le caractère de gravité le plus élevé, en ce qu'elle suppose l'intention, chez son auteur, de nuire à l'employeur. Cette intention implique la volonté de porter préjudice à ce dernier et non seulement le constat d'un acte préjudiciable à l'entreprise.

Le licenciement pour faute lourde prive le salarié du droit au préavis et à l'indemnité de licenciement.

Il incombe à l'employeur de prouver, dans ce cas, la réalité de la faute qu'il invoque .

Le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin, après toute mesure d'instruction qu'il estime utile.

Si un doute subsiste, celui-ci doit profiter au salarié.

En l'espèce, la lettre de licenciement en date du 10 avril 2014, qui fixe les limites du litige est libellée comme suit:

«Monsieur,

Nous avons eu à déplorer de votre part des agissements consécutifs d'une faute lourde dont nous vous avons fait part lors de notre entretien du 31 mars 2014.

En effet, en votre qualité de conseiller client à la réception mécanique depuis le 10 mai 2012, au sein de notre société, vous avez reçu le 28 janvier 2014, aux environs de 16 heures, Monsieur B..., propriétaire d'une Passa 1.9 TDI mod 06.

('/...)

Vous avez alors rempli un ordre de réparation portant le numéro 177492.

Monsieur B... laissait son véhicule afin que le diagnostic soit effectué dès le lendemain.

Vous l'avez, de nouveau reçu ce 29 janvier 2014, à votre demande particulière, pour lui expliquer que la panne imposait un remplacement de la vanne d'injecteur pompe, outre le faisceau électrique, le tout pour un coût d'environ 1000 euros «minimum» (selon les déclarations du client).

Pour le persuader de la justesse de votre jugement, vous lui montriez l'autodiagnostic en argumentant sur les valeurs indiquées audit diagnostic.

Devant cette confirmation, le client vous déclarait qu'en tout état de cause, le coût de la réparation était, pour l'heure et pour lui prohibitif et qu'il n'avait pas prévu de faire une telle dépense.

C'est alors que vous lui déclariez qu'une solution alternative était possible».

Etonné par cette solution alternative, le client vous demandait des explications.

Vous en veniez à lui dire que «le commerce est ouvert et qu'il pouvait aller dans d'autres garages supposés adopter un tarif plus avantageux.

Vous décrochiez alors votre combiné téléphonique pour appeler le mécanicien d'atelier et lui demander de venir à votre bureau.

Le mécanicien se présentait au client, vous lui expliquiez l'avarie. Une fois celle-ci expliquée, le mécanicien se penchait vers Monsieur B... et lui disait qu'il allait prendre son numéro de téléphone mobile et le contacterait dès sa sortie du travail.

Vous déclariez alors au client que c'était mieux de faire comme cela car il ferait aussi une économie confortable.

Le client souhaitant régler néanmoins le diagnostic, vous lui déclariez que ce dernier était offert par ses soins....

Vous preniez les formulaires présents sur le bureau avec le devis et le compte-rendu du mécanicien et les arrachiez purement et simplement en déclarant «au moins, il n' y aura aucune trace de votre véhicule»...

Vous vous êtes alors empressé de chercher dans la corbeille à papier l'autodiagnostic, lequel était, en réalité plié entre les mains du client.

Sur ces entrefaites, le client quittait la concession.

A son retour à son domicile, il effectuait des recherches sur Internet au regard de l'autodiagnostic dont il était en possession.

Après lecture des différents sites et forum, il en venait à douter de vos déclarations, pour supposer que la cause de l'avarie résultait en réalité du faisceau électrique et non pas de l'injecteur.

Il contactait, à la suite, différentes concessions Volkswagen.

Ces professionnels lui confirmaient que l'avarie constatée était récurrente sur le Passat et bien connue et qu'il s'agissait en réalité d'un problème de faisceaux».

Il se faisait confirmer ce diagnostic par un salarié du groupe AUTO EXPO, lequel déclarait que le code erreur porté à l'autodiagnostic signifiait le remplacement du faisceau électrique.

Il terminait ses recherches en procédant à des devis de changement d'un injecteur et d'un faisceau électrique , lesquels s'élevaient aux alentours de 650,00 euros.

Ce 29 janvier 2014, il recevait enfin, aux alentours de 19 heures, un appel téléphonique sur son téléphone portable.

Son interlocuteur se présentait comme étant le mécanicien qu'il avait rencontré en votre présence et sur votre initiative au cours de l'après-midi.

Les réparations envisagées étaient confirmées et chiffrées à 500 euros aux lieu et place des 1000,00 euros annoncés dans l'après-midi au sein de la concession par vous-même.

Le client sollicitait un délai de réflexion et se rapprochait bien évidemment d'un de nos concurrents, en la personne de la concession Volkswagen à la Chapelle d'Armentières, laquelle réalisait à nouveau le diagnostic, procédait aux réparations résidant en un changement du seul faisceau électrique pour un montant total de 156,00 euros TTC!

Cette réparation était effectuée le 13 mars 2014 par le garage Val de Lys.

Dès le 17 mars 2014, Monsieur B... sollicitait un entretien avec le Président Directeur Général du groupe AUTO EXPO, ainsi qu'avec le Directeur de la concession AUTO EXPO Avion.

Il nous déclarait les faits que je reproduis dans cette notification qu'il confirmait par écrit par mail du 17 mars 2014, précisant, ce qui va être cité est ferme dans son intégralité et je resterai disponible dans le temps pour témoigner de ces faits!( sic)

Ce Monsieur à juste titre, conclut son courrier en rappelant que la marque Volkswagen est mondialement connue et que chaque employé du réseau reflète l'image positive ou négative de cette marque '. Vous comprendrez qu'à mes yeux et aux yeux de beaucoup les deux employés de votre groupe ont transmis l'image et un sentiment de vol, sans compter un travail au noir envers les clients du réseau Volkswagen . J'ai subi une tentative d'escroquerie ainsi qu'une tentative de vol venant de votre société».

Je ne vois pas d'autre interprétation à retenir de l'attitude d'un salarié qui détourne la clientèle de son employeur vers un usage et une exploitation personnels.

Je vous ai reçu le 31 mars 2014 en entretien préalable , au cours duquel j'ai pu vous lire le courrier reçu de ce client et montrer la copie du diagnostic qu'il nous avait fait tenir.`Vous vous êtes lancé dans de vaines explications que vous aviez déchiré l'ordre de réparation dans l'intérêt de la concession pour satisfaire à une éventuelle enquête de satisfaction.

Explication qui n'en est pas une puisqu'il ne peut y avoir d'enquête de satisfaction pour un client qui n'a pas été facturé ou pour lequel nous n'avons pas travaillé.

Quoiquil en soit vous n'aviez pas à remettre quelque document que ce soit au client ni les numéros de téléphones personnels des salariés de l'entreprise en vue de contact direct entre la clientèle et lesdits salariés , qu'il s'agisse de communication pendant les heures de travail ou encore moins en dehors de celles-ci.

Vous n'avez pas à faire disparaître les ordres de réparation.

Manifestement, vous n'en êtes pas à votre coup d'essai au regard des informations transmises par ce client, dépeignant un mode opératoire qui ne peut être improvisé.

En tout état de cause, et dans le cas de celui-ci en particulier, vos man'uvres sont d'autant plus graves que vous saviez pertinemment quels étaient les raisons de l'avarie subie par ce dernier.

Vous n'êtes pas sans savoir le problème récurrent rencontré sur ces Passat résultant d'un défaut des faisceaux électriques, lesquels sont changés pour un coût de réparation aux alentours des 156,00 euros facturés par notre confrère.`Je pense que ces agissements peuvent recevoir valablement une qualification pénale à laquelle je me réserve le droit de donner suite.

Il est manifeste que votre attitude dépeint une intention de nuire à l'égard de votre employeur et de l'entreprise . ( '/...)

En conséquence, nous avons décidé de vous licencier pour faute lourde.»

La cour observe que la SASU AUTO EXPO, pour établir la réalité des faits reprochés, s'appuie exclusivement sur le courrier de dénonciation du client concerné, daté du 17 mars 2014, lequel est effectivement particulièrement détaillé. La date à laquelle cette correspondance a été réceptionnée directement par le dirigeant de la société et ses modalités d'envoi sont ignorées ( la SASU AUTO EXPO évoque un envoi par mail sans en justifier) alors que la procédure de licenciement a été mise en 'uvre dès le 20 mars 2014.

L'employeur s'est, en tout état de cause, largement inspiré de ce courrier pour rédiger la lettre de licenciement.

Il convient de préciser que bien que Monsieur D... conteste fermement la version présentée par le client insatisfait et, alors qu'il s'agit de faits graves pouvant revêtir une qualification pénale, la SASU AUTO EXPO ne justifie d'aucune investigation destinée à vérifier la réalité des accusations portées, que ce soit, entre la réception de cette lettre et l'établissement du courrier de convocation à l'entretien préalable, que durant la procédure de licenciement.

Ainsi, alors que le client mentionne dans sa lettre «ce qui va être cité est ferme dans son intégralité et je resterais disponible dans le temps pour témoigner de ces faits» et conclut en ces termes: «je reste à votre disposition pour d'éventuels compléments d'informations et j'espère pouvoir trouver réparations pour les événements subis», aucune confrontation n'a été réalisée entre ce dernier et Monsieur D..., ne serait-ce pour déterminer si le premier ne s'était pas mépris sur les propos et intentions du conseiller clientèle. Monsieur B... n'a pas davantage établi d'attestation en faveur de l'employeur, ce qui aurait donné plus de poids à ses déclarations.

L'examen des pièces versées à la procédure permet de constater que les deux seuls faits matériellement vérifiables sont les suivants:

- Le client insatisfait s'est rendu le 28 janvier 2014 au sein de la concession d'Avion et a été reçu par Monsieur D... qui a établi, à 17 H00, un ordre de réparation concernant un véhicule Passat mis en circulation en mai 2005, mentionnant «véhicule broute à partir de 2500 tr/min. Faire diagnostic et estimation avant travaux».

Sur ce point, Monsieur D... ne conteste pas l'existence de ce document et ne remet pas en cause le fait qu'il aurait déclaré, lors de son entretien préalable, avoir, par la suite, déchiré celui-ci.

Toutefois, même si le comportement du salarié n'est pas exempt de reproche, le défaut de conservation de ce document n'a, en l'espèce, aucune incidence pour apprécier les faits de tentative d'escroquerie reprochés puisqu'il ne fait que prescrire un diagnostic et un devis avant travaux, alors que les man'uvres dolosives décrites par le client seraient, selon ses dires, intervenues lors de sa seconde visite au sein de la concession. En outre, il est constant que le propriétaire de la Passat a repris son véhicule avant toute réparation et sans régler de diagnostic.

- Le 13 mars 2014, des réparations sur le véhicule ont été effectuées par un autre garage, moyennant la somme de 156,00 euros.

Pour le surplus, il apparaît que l'autodiagnostic produit par la partie intimée et qui lui aurait été remis par Monsieur B..., est une copie d'écran . Il ne comporte aucune indication permettant de connaître sa date d'édition et de vérifier qu'il concerne bien le véhicule de ce client, il n'a donc aucune valeur probante.

La SASU AUTO EXPO ne démontre pas qu'un diagnostic au nom du client a été réalisé le 29 janvier 2014, sans être facturé, ce qu'une simple recherche informatique aurait peut-être permis de vérifier.

Le journal des appels de Monsieur B..., qui affirme avoir appelé, en premier lieu, le mécanicien (Monsieur C...), le 29 janvier 2014, puis avoir été contacté par celui-ci, le même jour à 19 heures, n'est pas transmis.

Au surplus, il y a lieu de relever que plus d'un mois s'est écoulé entre la date des faits rapportés et la rédaction du courrier de réclamation alors que Monsieur B... déclare avoir effectué toutes ses recherches et investigations, l'amenant à conclure que les informations fournies par le salarié et son collègue étaient inexactes et destinées à le tromper, dès le 29 janvier 2014.

Il y a donc lieu de constater la carence de l'employeur dans la démonstration des faits de tentative d'escroquerie et de tentative de détournement de clientèle invoqués à l'appui du licenciement .

En outre, il importe de souligner que l'auteur des révélations, qui avait, pourtant pris soin de rédiger plus d'un mois après les événements, un courrier de plusieurs pages en certifiant être en mesure d'apporter toutes informations complémentaires, a refusé dans le cadre de la sommation interpellative délivrée par l'appelant, de s'exprimer sur les faits et sur le contenu de sa lettre de dénonciation.

Enfin s'il est constant que la SASU AUTO EXPO, a, le 2 mai 2014, soit, postérieurement au licenciement déposé une plainte au pénal contre Monsieur D... pour escroquerie, force est de constater que celle-ci a été classée sans suite le 7 avril 2015 au motif: «carence du plaignant».

Ainsi, aucune investigation n'a été utilement menée sur le plan judiciaire, en raison du désintérêt dont a fait montre la société à l'égard de sa propre plainte, ce qui n'est guère en cohérence avec sa décision de rompre immédiatement le contrat de travail du salarié mis en cause en invoquant un comportement nuisible et intentionnel.

L'ensemble de ces constatations permet de conclure que l'employeur a agi de manière précipitée sans vérifier les informations qui lui étaient livrées, alors que la période de mise à pied conservatoire était notamment destinée à lui permettre d'effectuer toutes investigations utiles à la manifestation de la vérité. Il s'ensuit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement entrepris sera donc, sur ce point, réformé .

B) sur les demandes financières subséquentes et les demandes annexes :

Au vu des précédents développements, Monsieur D... est fondé à solliciter le remboursement du salaire non perçu durant la période de mise à pied conservatoire ( soit du 20 mars 2014 au 10 avril 2014) correspondant à une somme de 1862,90 euros, majorée des congés payés y afférents.

Monsieur D... a été licencié sans préavis et est en droit de réclamer une indemnité à ce titre correspondant, au vu de son ancienneté ( inférieure à 2 ans au moment de l'envoi de la lettre de licenciement), à 1 mois de salaires, majorés des congés payés y afférents, soit les sommes de 2750 euros et 275 euros.

Il est, par ailleurs fondé à solliciter paiement d'une indemnité de licenciement égale à 1/5ème de mois par année d'ancienneté soit, au regard de sa date d'entrée dans l'entreprise ( le 10 mai 2012) et en tenant compte de la période de préavis non effectuée, à une somme de 1100 euros ( 2750/5 x 2).

Ces sommes seront majorées des intérêts au taux légal à compter de la date de la première présentation de la lettre de convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation.

Compte tenu des circonstances de la rupture, de l'ancienneté du salarié au moment où celle-ci est intervenue, de son niveau de rémunération, des conséquences personnelles et financières générées par la perte d'emploi, de la situation actuelle de Monsieur D... ( en CDI depuis le 15 septembre 2016), et des capacités financières de la SASU AUTO EXPO, il y aura lieu d'allouer à Monsieur D... la somme de 13 000 euros à titre de dommages et intérêts.

De même, il apparaît que le salarié a fait l'objet une mise à pied conservatoire injustifiée et a été évincé de l'entreprise de façon brutale, sans que l'employeur ne cherche à vérifier les accusations graves portées à sa connaissance. Il a été porté atteinte, dans ces conditions, à l'honneur et à la réputation de l'appelant, ce qui a généré incontestablement un préjudice moral qu'il convient de réparer de façon globale.

La SASU AUTO EXPO sera donc condamnée à lui verser, à ce titre, une somme de 1500 euros à titre de dommages et intérêts.

Ces sommes seront majorées des intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt.

Il y aura lieu d'ordonner à la SASU AUTO EXPO de remettre à l'appelant les documents de fin de contrat dûment rectifiés en considération de la présente décision, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.

III) Sur la demande indemnitaire au titre de la portabilité de la prévoyance:

Monsieur D... ne justifie pas d'un préjudice en adéquation avec sa réclamation financière, alors que la SASU AUTO EXPO n'a pas souhaité remettre en cause la décision des premiers juges sur ce point.

Il y aura donc lieu de confirmer le jugement entrepris.

IV) Sur la capitalisation des intérêts:

Il y aura lieu de prévoir que les intérêts dus au moins pour une année entière porteront à leur tour intérêts.

V) Sur les frais non répétibles et les dépens:

Il n'apparaît pas inéquitable de condamner la SASU AUTO EXPO à verser à Monsieur D... une somme de 1500 euros au titre des frais non répétibles que celui-ci a exposé en première instance et en appel.

La demande de la SASU AUTO EXPO sera rejetée .

Cette dernière sera condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS:

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Ordonne la jonction des procédures enregistrées sous les numéros 15/4806 et 15/4807 et dit qu'elles apparaîtront au répertoire général sous le numéro le plus ancien.

Ecarte des débats la pièce transmise en cours de délibéré par le conseil de la SASU AUTO EXPO.

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a:

- condamné la SASU AUTO EXPO à payer à Monsieur Thibault D... les sommes suivantes:

* 3 175,52 euros au titre des congés payés dus

* 300,00 euros à titre de dommages et intérêts suite au préjudice subi, lié à l'absence de portabilité de la prévoyance.

* 448,40 euros à titre de rappel au titre du droit individuel à la formation.

- rappelé les dispositions applicables en matière d'intérêts au taux légal

- rappelé les dispositions relatives à l'exécution provisoire de plein droit

- débouté la SASU AUTO EXPO de ses demandes reconventionnelles

- condamné la SASU AUTO EXPO aux entiers dépens.

Le réforme pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant:

-dit le licenciement de Monsieur Thibault D... dépourvu de cause réelle et sérieuse.

- condamne la SASU AUTO EXPO à payer à Monsieur Thibault D... les sommes suivantes, majorées des intérêts au taux légal à compter de la date de la première présentation de la lettre de convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation:

* 1 862,90 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire.

* 186,29 euros au titre des congés payés y afférents.

* 2 750,00 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis.

* 275,00 euros au titre des congés payés y afférents.

* 1 100,00 euros au titre de l'indemnité de licenciement.

-condamne la SASU AUTO EXPO à payer à Monsieur Thibault D... les sommes suivantes, majorées des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt:

* 13 000,00 euros à titre de dommages et intérêts au titre du licenciement sans cause.

* 1 500,00 euros au titre du préjudice moral distinct

-ordonne la capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière.

-ordonne à la SASU AUTO EXPO de remettre à Monsieur Thibault D... les documents de fin de contrat dûment rectifiés en considération du présent arrêt.

-condamne la SASU AUTO EXPO à payer à Monsieur Thibault D... une indemnité de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais non répétibles engagés en première instance et en appel.

- rejette les demandes plus amples ou contraires.

- condamne la SASU AUTO EXPO aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

A. GATNER S. A...


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale d salle 3
Numéro d'arrêt : 15/04806
Date de la décision : 30/03/2018

Références :

Cour d'appel de Douai D3, arrêt n°15/04806 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-03-30;15.04806 ?
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