République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 2
ARRÊT DU 29/03/2018
***
N° de MINUTE : 18/
N° RG : 16/04636
Jugement (N° 16/07875) rendu le 05 juillet 2016 par le tribunal de commerce de Lille Métropole
APPELANTE
SARL MOEROSHOP prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
ayant son siège social [Adresse 1]
[Localité 1]
représentée par Me Isabelle Carlier, avocat au barreau de Douai
assistée de Me Bruno Houssier, avocat au barreau de Lille
INTIMÉE
Société Télégames Limited, société de droit Anglais, représentée par son gérant domicilié ès qualités audit siège
ayant son siège social [Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 2]
représentée par Me Guy Six, avocat au barreau de Lille, substitué à l'audience par Me Nicolas Delegove, avocat au barreau de Lille
DÉBATS à l'audience publique du 23 janvier 2018 tenue par Marie-Laure Dallery magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Valérie Roelofs
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Marie-Laure Dallery, président de chambre
Nadia Cordier, conseiller
Isabelle Roques, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 29 mars 2018 après prorogation du délibéré initialement prévu le 22 mars 2018 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Nadia Cordier, Conseiller en remplacement de Marie-Laure Dallery, président empêché, en vertu de l'article 456 du code de procédure civile et Valérie Roelofs, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 9 janvier 2018
FAITS ET PROCÉDURE:
La société de droit britannique Télégames Limited est une société qui a pour objet la vente de jeux vidéo 'rétro' et leurs accessoires.
La SARL Moeroshop est une société ayant pour activité la 'vente en ligne de jeux vidéo'.
Selon une facture du 14 juillet 2008, la SARL Moeroshop a commandé à la société Télégames Limited des jeux vidéos pour un montant de 203 601,19 euros.
Par lettre du 11 juin 2015, la société Télégames Limited a mis en demeure la SARL Moeroshop d'avoir à régler la somme de 81 193,214 euros en paiement des marchandises.
Par lettre du 23 juin 2015, la SARL Moeroshop a indiqué avoir réglé l'intégralité de ses factures et que les marchandises livrées n'étaient pas conformes.
Par jugement réputé contradictoire rendu le 5 juillet 2016, le tribunal de commerce de Lille Métropole a:
- condamné la SARL Moeroshop à payer à la société Télégames Limited:
- la somme de 50 000 livres ou sa contrevaleur en euros au jour du paiement en principal;
- la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
- condamné la SARL Moeroshop aux entiers dépens, taxés et liquidés à la somme de 66,70 euros en ce qui concerne les frais de greffe;
- débouté la société Télégames Limited du surplus de ses demandes.
Par déclaration du 21 juillet 2016, la SARL Moeroshop a interjeté appel de ce jugement.
Par des conclusions notiifiées par voie électronique le 5 janvier 2018, la SARL Moeroshop prie la cour de:
- réformer le jugement du tribunal de commerce de Lille Métropole du 05 juillet 2016 en toutes ses dispositions;
Statuant à nouveau:
A titre principal, sur la prescription :
vu l'article L.110-4 du code de commerce,
- déclarer l'action de la société Télégames Limited prescrite;
- débouter de ce fait la société Télégames Limited de ses prétentions en toutes demandes, fins et conclusions.
Subsidiairement, sur le fond :
vu les articles 1315 alinéa 1 et 1326 du code civil (dans leur rédaction antérieure au 1er octobre 2016);
- constater, dire et juger que la société Télégames Limite ne prouve pas être titulaire d'une dette certaine et exigible, précise et non équivoque, à l'encontre de la société Moeroshop;
- débouter de ce fait la société Télégames Limited de ses prétentions en toutes fins, demandes et conclusions;
- constater, dire et juger en tant que de besoin que les traductions « libres » des pièces rédigées en anglais effectuées par la société Télégames de son propre chef ne sont pas opposables à la société Moeroshop qui les conteste fermement, dès lors qu'elle n'ont pas été réalisées par un traducteur expert assermenté et indépendant des parties à l'instance, pour être soumise ensuite à la discussion contradictoire des parties;
en toutes hypothèses :
- condamner la société Télégames Limited à payer à la société Moeroshop une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée;
- condamner la société Télégames Limited à payer à la société Moeroshop une indemnité de 7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;
- condamner la société Télégames Limited aux entiers dépens.
Par des conclusions notifiées par voie électronique le 22 décembre 2017, la société Télégames Limited demande à la cour de:
vu l'article 1134 du code civil,
vu l'article 2240 du code civil,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fait droit, sur le principe, aux demandes de condamnation de la société Télégames Limited;
Et, y ajoutant, sur le quantum:
- condamner la SARL Moeroshop à payer à la société Télégames Limited la contre-valeur en euros au jour de la décision à intervenir de la somme de 59 729,44 £;
- condamner la SARL Moeroshop à payer la société Télégames Limited la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;
- débouter la société Moeroshop de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
Sur ce,
- Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription
Moeroshop soutient que l'action de la société Télégames est prescrite, s'agissant d'une demande de paiement d'une facture de 2008 sur le fondement de l'article L 110-4 I du code de commerce, qui instaure un délai de 5 ans pour intenter son action.
La société anglaise dit que le délai de prescription a été interrompu, Moeroshop qui a ,le 24 décembre 2010, sollicité une remise, ayant reconnu sa dette, conformément l'article 2240 du code civil, puis à nouveau le 9 août ainsi que le 4 septembre 2013. Elle soutient que la reconnaissance de dette est certaine et non équivoque.
Moeroshop rétorque que l'échange de mails du 24 décembre 20110, qui remonte en tout état de cause à une période prescrite, n'établit que l'existence de pourparlers transactionnels sans effet sur l'interruption du délai de prescription.
L'article L 110-4 I du code de commerce dispose que 'les obligation nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions plus courtes'.
S'agissant d'une facture du 14 juillet 2008, la prescription quinquennale issue de la loi du 17 juin 2018, entrée en vigueur le 18 juin suivant, est applicable.
La société anglaise a fait assigner Moeroshop en paiement du solde de cette facture par acte du 13 mai 2016.
L'article 2240 du code civil dispose:
'La reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription'.
Par mail du 24 décembre 2010, Moeroshop indiquait à Télégames : 'Concernant le paiement, j'ai vérifié la facture définitive. Il reste à ce jour environ 73 751 £ en tenant compte des marchandises manquantes ede GWF (20 000 £) et quelques autres détails. Si nous pouvions nous mettre d'accord sur un paiement de 50 000 £ pour clore cette affaire, j'essaierai de travailler là-dessus pour finir de payer les 50 000 £ début 2011" (pièce 8 et sa traduction par traducteur jure pièce 21) .
Même à admettre que cet courrier électronique vaille reconnaissance de dette de Moeroshop à l'égard de Télégames concernant la facture du 14 juillet 2008 dont cette dernière poursuit le paiement, il n'en demeure pas moins que plus de cinq ans se sont écoulés avant la délivrance de l'assignation.
Et les courriels dont se prévaut Télégames ( ses pièces 8 et 11) des 9 août et 4 septembre 2013 de Moeroshop, au demeurant non traduits, disant en substance pour le premier : '.....A propos, j'ai de nouvelles demandes sur du rétro et cela pourrait être l'opportunité de gagner plus d'argent et de continuer à vous payer ...' et pour le second : '..vous aurez la moitié du montant que je vous dois et je garde l'autre moitié pour mes affaires....' ne peuvent en raison de leur caractère sibyllin valoir reconnaissance de dette certaine et non équivoque s'agissant de la facture en cause.
En conséquence la prescription quinquennale se trouve acquise et la demande en paiement de Télégames est irrecevable.
Dès lors, le jugement qui a condamné Moeroshop à payer la somme de 50 000 livres ou sa contrevaleur en euros au jour du paiement en principal à Télégames ainsi qu'une somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, est infirmé.
- Sur les autres demandes
Moeroshop qui demande la condamnation de Télégames à lui verser des dommages-intérêts pour procédure abusive et injustifiée, ne démontre pas l'intention malicieuse de la société anglaise dans son droit d'ester en justice.
Sa demande de dommages-intérêts est rejetée.
Télégames qui succombe, est déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et est condamnée à payer à Moeroshop la somme de 1 000 euros sur ce fondement.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement ;
Déclare la société Télégames Limited irrecevable en sa demande en paiement pour cause de prescription ;
Rejette sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute la société Moeroshop de sa demande de dommages-intérêts ;
Condamne la société Télégames Limited aux dépens de première instance et d'appel et à payer la somme de 1 000 euros à la société Moeroshop au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le GreffierLe Conseiller
pour le Président empêché,
V. RoelofsN. Cordier