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15/03/2018 | FRANCE | N°17/03049

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 2, 15 mars 2018, 17/03049


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 2 SECTION 2



ARRÊT DU 15/03/2018





***





N° de MINUTE :18/

N° RG : 17/03049



Ordonnance (N° 17/00015) rendue le 04 avril 2017 par le tribunal de grande instance de Valenciennes







APPELANTS



Me [W] [K] ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL Le Vieux Manoir, désigné par jugement rendu par le tribunal de commerce de Valenciennes le 24 av

ril 2017

demeurant [Adresse 1]

[Localité 1]



SARL Le Vieux Manoir, société en liquidation judiciaire



représentés par Me Vincent Speder, avocat au barreau de Valenciennes, substitué à l'audi...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 15/03/2018

***

N° de MINUTE :18/

N° RG : 17/03049

Ordonnance (N° 17/00015) rendue le 04 avril 2017 par le tribunal de grande instance de Valenciennes

APPELANTS

Me [W] [K] ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL Le Vieux Manoir, désigné par jugement rendu par le tribunal de commerce de Valenciennes le 24 avril 2017

demeurant [Adresse 1]

[Localité 1]

SARL Le Vieux Manoir, société en liquidation judiciaire

représentés par Me Vincent Speder, avocat au barreau de Valenciennes, substitué à l'audience par Me Lejeune, avocat au barreau de Valenciennes

INTIMÉE

SCI Les Cardinaux Immobiliers prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par Me Mélanie O'brien, avocat au barreau de Valenciennes

DÉBATS à l'audience publique du 09 janvier 2018 tenue par Isabelle Roques magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Stéphanie Hurtrel

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Marie-Laure Dallery, président de chambre

Nadia Cordier, conseiller

Isabelle Roques, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 15 mars 2018 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Marie-Laure Dallery, président et Valérie Roelofs, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 12 décembre 2017

***

FAITS ET PROCEDURE

Par acte sous seing privé en date du 23 juillet 2010, la société Les Cardinaux immobiliers a donné à bail à la société Le Vieux Manoir un immeuble à usage commercial avec un appartement à usage d'habitation, situés [Adresse 3], pour une durée de 9 ans et moyennant un loyer annuel de 16 200 euros.

Le 27 octobre 2016, la société Les Cardinaux immobiliers a fait signifier à la société Le Vieux Manoir un commandement de payer une somme de 9 535,72 euros, visant la clause résolutoire contenue dans le bail commercial.

Par acte en date du 27 décembre 2016, la société bailleresse a fait assigner la société preneuse devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Valenciennes aux fins notamment de constat de la résiliation du bail commercial et d'expulsion de cette dernière.

Dans une ordonnance rendue le 4 avril 2017, ce juge a :

- condamné la société Le Vieux Manoir à régler à la société Les Cardinaux immobiliers à titre provisionnel une somme de 9 515,88 euros, au titre des loyers et charges impayés arrêtés au 1er janvier 2017, échéance de janvier incluse,

- accordé à la société preneuse l'autorisation de régler cette somme par mensualités de 951,58 euros, à compter du 1er mai 2017, en plus du loyer en cours,

- dit qu'à défaut de paiement d'une 'trimestrialité à bonne date', la clause résolutoire, acquise le 2 janvier 2017, reprendra ses effets, sans nouvelle formalité, et la société Le Vieux Manoir sera occupante sans droit ni titre des locaux commerciaux,

- dit que, dans ce cas, la société Le Vieux Manoir, ainsi que tout occupant de son chef, devront quitter les lieux sans délai, au besoin avec le concours de la force publique,

- dit que l'expulsion sera assortie d'une astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du premier impayé constaté,

- dit que la société Le Vieux Manoir devra régler une indemnité d'occupation égale au 'montant que le loyer aurait atteint si le bail s'était poursuivi', fixée à 500 euros mensuels, et ce jusqu'à la libération effective des lieux matérialisée par la remise des clés,

- condamné la société Le Vieux Manoir aux dépens ainsi qu'à verser à la société Les Cardinaux immobiliers une somme de 450 euros au titre de ses frais irrépétibles.

Par déclaration au greffe en date du 11 mai 2017, la société Le Vieux Manoir et Me [W] [K], en sa qualité de liquidateur judiciaire de cette société, ont interjeté appel de cette décision.

PRETENTIONS DES PARTIES

Vu les conclusions, régularisées par message RPVA du 10 août 2017, dans lesquelles Me [K], ès qualités, et la société Le Vieux Manoir, demandent à la cour, au visa des articles L622-21 et L641-3 du code de commerce, de :

- déclaré l'appel du premier recevable,

- constater l'interruption de l'action de la société Les Cardinaux immobiliers du fait de l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société Le Vieux Manoir,

- condamner la société Les Cardinaux immobiliers aux dépens ainsi qu'à verser à Me [K], ès qualités, une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les conclusions de la société Les Cardinaux immobiliers, signifiées par RPVA le 10 octobre 2017, aux termes desquelles elle sollicite de la cour que :

- elle constate l'interruption de son action,

- elle fixe sa créance à la somme de 18 823,88 euros,

- elle condamne Me [K], ès qualités, à régler cette somme,

- elle condamne Me [K], ès qualités, aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à lui verser une somme de 1 440 euros euros au titre de ses frais irrépétibles.

SUR CE,

Il résulte de la lecture de l'extrait Kbis de la société Le Vieux Manoir que cette dernière a été placée en liquidation judiciaire, par jugement du tribunal de commerce de Valenciennes en date du 24 avril 2017, Me [K] étant désigné en qualité de liquidateur judiciaire.

Ainsi, Me [K], ès qualités, est bien recevable à interjeter appel de l'ordonnance rendue le 4 avril 2017, aux côtés de la société Le Vieux Manoir, ce qui n'est pas contesté par la partie adverse.

Par ailleurs, la société Les Cardinaux immobiliers indique dans ses écritures, sans être contredite, que le fonds de commerce de la société Le Vieux Manoir a fait l'objet d'une vente aux enchères publiques le 10 juillet 2017.

Enfin, à la date d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, aucune décision de justice ayant autorité de la chose jugée au principal n'avait constaté l'acquisition de la clause résolutoire contenue dans le bail.

Et, du fait de l'ouverture de cette procédure, la société bailleresse ne peut plus poursuivre une telle instance, en application des articles L 622-17, 622-21 et 622-22 du code de commerce.

Pour toutes ces raisons, la société Les Cardinaux Immobiliers ne maintient pas en cause d'appel ses demandes tendant au constat de la résiliation du bail commercial et à l'expulsion de la société Le Vieux Manoir.

Ainsi, il doit en être pris acte et l'ordonnance entreprise sera donc infirmée en ses dispositions relatives à la mise en oeuvre de la clause résolutoire, contenue dans le bail, et aux modalités d'expulsion de la société Le Vieux Manoir et de tout occupant de son chef.

Sur la demande en fixation de créance et en paiement présentée par la société Les Cardinaux immobiliers

Bien qu'elle sollicite le constat de l'interruption de son action, la société Les Cardinaux immobilier demande également la fixation de sa créance à une somme totale de 18 823,88 euros et la condamnation de Me [K], ès qualités, à lui régler cette somme.

Les parties appelantes sollicitent, quant à elles, l'interruption de l'action de la société Les Cardinaux immobiliers.

L'article 369 du code de procédure civile dispose que l'instance est interrompue par :

' la majorité d'une partie;

' la cessation de fonctions de l'avocat lorsque la représentation est obligatoire;

' l'effet du jugement qui prononce la sauvegarde, le redressement judiciaire ou la liquidation judiciaire dans les causes où il emporte assistance ou dessaisissement du débiteur.

L'article L622-7-I du code de commerce dispose que le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception du paiement par compensation de créances connexes. Il emporte également, de plein droit, interdiction de payer toute créance née après le jugement d'ouverture, non mentionnée au I de l'article L. 622-17. Ces interdictions ne sont pas applicables au paiement des créances alimentaires.

Aux termes de l'article L. 622-17 I de ce même code, les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation, ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur, pour son activité professionnelle, pendant cette période, sont payées à leur échéance.

Enfin, l'article L. 622-21 de ce code dispose ce qui suit :

I. ' Le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant:

1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent;

2° A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.

II. ' Il arrête ou interdit également toute procédure d'exécution de la part de ces créanciers tant sur les meubles que sur les immeubles ainsi que toute procédure de distribution n'ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d'ouverture.

III. ' Les délais impartis à peine de déchéance ou de résolution des droits sont en conséquence interrompus.

Il résulte de l'application combinée de ces textes que, si la société Les Cardinaux immobiliers peut demander la fixation de sa créance pour les loyers et charges dus antérieurement au jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire, elle ne peut aucunement solliciter la condamnation de Me [K], ès qualités, à lui régler la somme ainsi retenue.

En revanche, elle peut aussi solliciter la fixation de sa créance au titre des loyers et charges dus après le jugement d'ouverture de la procédure collective ainsi que la condamnation de Me [K], ès qualités, à lui régler cette somme, puisque ces loyers et charges devaient être payés à leur échéance, en vertu des dispositions de l'article L622-7 précité.

Et, le fait que Me [K] soit partie à la procédure, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Le Vieux Manoir, permet de ne pas prononcer l'interruption de l'instance engagée par cette dernière et de trancher ses demandes, dans la limite des pouvoirs d'une instance en référé, telles que définies à l'article 809 du code de procédure civile.

Il est établi que, le 10 juillet 2017, la société Les Cardinaux immobiliers a procédé à la déclaration de sa créance à hauteur de 12 951,88 euros, somme comprenant les loyers et charges dus au 1er janvier 2017, pour une montant de 9 515,88 euros, l'indemnité d'occupation due du '2 janvier 2017" jusqu'au jour du jugement d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, soit 2 936 euros, et une somme de 500 euros correspondant à la condamnation au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Hormis cette pièce, la société Les Cardinaux immobiliers ne fournit aucun décompte actualisé de sa créance, alors même qu'elle fait mention d'impayés après qu'a été rendue l'ordonnance entreprise et après l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société Le Vieux Manoir.

De même, il ne résulte d'aucune pièce versée aux débats que le bail s'est poursuivi après le jugement prononçant la liquidation judiciaire de la société Le Vieux Manoir.

La seule déclaration de créance de la société bailleresse ne saurait valoir preuve du bien-fondé, tant dans son principe que dans son montant, de sa prétention financière.

Ainsi, seule la somme de 9 515,88 euros, correspondant aux loyers et charges dus au 1er janvier 2017, échéance de janvier 2017 incluse, sera retenue, comme elle l'avait été par le premier juge.

Or, cette créance est née antérieurement au jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire.

La société Les Cardinaux Immobiliers ne peut donc en demander le paiement et il sera simplement prévu qu'elle figurera au passif de la liquidation judiciaire de la société Le Vieux Manoir.

La société bailleresse sera déboutée du surplus de ses demandes, et ce d'autant plus qu'il ne pouvait s'agir qu'une demande de provision, s'agissant des créances nées postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective, puisque la cour est saisie d'un appel d'une ordonnance de référé.

Sur les dépens et l'indemnité au titre des frais irrépétibles

Le sens du présent arrêt conduit à infirmer l'ordonnance entreprise sur les dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile, eu égard à la procédure collective ouverte à l'encontre de la société Le Vieux Manoir.

Me [K], ès qualités, sera condamné aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à régler à la société Les Cardinaux immobiliers une somme de 1 440 euros au titre de ses frais irrépétibles.

Et, le sens du présent arrêt conduit également à débouter Me [K], ès qualités, de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

statuant par arrêt contradictoire et par mise à disposition au greffe,

DECLARE Me [W] [K], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Le Vieux Manoir, recevable à agir en cause d'appel aux côtés de cette dernière ;

INFIRME l'ordonnance entreprise, à raison de l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société Le Vieux Manoir ;

Et, statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à interruption de l'instance de la société Les Cardinaux immobiliers, à raison des demandes qu'elle formule en cause d'appel ;

FIXE à la somme de 9 515,88 euros la créance de la société Les Cardinaux immobiliers, au titre des loyers et charges impayés et dus antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective, au passif de la liquidation judiciaire ouverte à l'encontre de la société Le Vieux Manoir ;

DEBOUTE la société Les Cardinaux immobiliers de ses demandes au titre des loyers et charges impayés à compter du 2 janvier 2017 et de sa demande de condamnation en paiement de Me [W] [K], ès qualités ;

DEBOUTE Me [K], ès qualités, de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Me [K], ès qualités, à verser à la société Les Cardinaux immobiliers la somme de 1 440 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

CONDAMNE Me [K], ès qualités, aux dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

Le GreffierLe Président

V. RoelofsM.L.Dallery


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 2 section 2
Numéro d'arrêt : 17/03049
Date de la décision : 15/03/2018

Références :

Cour d'appel de Douai 22, arrêt n°17/03049 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-03-15;17.03049 ?
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