République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 7 SECTION 1
ARRÊT DU 25/01/2018
***
N° MINUTE : 18/72
N° RG : 16/07189
Jugement (N° 16/00459)
rendu le 08 Novembre 2016
par le Juge aux affaires familiales de VALENCIENNES
APPELANT
Monsieur [B] [B]
né le [Date naissance 1] 1934 à [Localité 1] (MAROC)
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par Me Julie CAMBIER de la SCP LEMAIRE-MORAS & ASSOCIES, avocat au barreau de VALENCIENNES
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 59178002/16/12668 du 03/01/2017 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de DOUAI)
INTIMÉE
Madame [U] [W] épouse [B]
née [Date naissance 2] à [Localité 2] (MAROC)
cité d'[Localité 3] ancienne
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Vincent DUSART HAVET de la SCP SPEDER DUSART, avocat au barreau de VALENCIENNES
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 59178002/17/00268 du 24/01/2017 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de DOUAI)
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
Michel Chalachin, président de chambre
Philippe Julien, conseiller
Valérie Lacam, conseiller
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GREFFIER LORS DES DÉBATS : David Quenehen
DÉBATS à l'audience en chambre du Conseil du 01 Décembre 2017,
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 25 Janvier 2018 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Michel Chalachin, président, et David Quenehen, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 1er décembre 2017
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FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
M. [B] [B] et Madame [U] [W], tous deux de nationalité marocaine, se sont mariés le [Date mariage 1] 1967 devant le Cadi du Tribunal d'Imintanout au Maroc. Les intéressés n'ont pas conclu de contrat de mariage.
Lors de leur union, ils ont 'adopté', au Maroc, une enfant : [Z] [Q], née le [Date naissance 3] 1985.
M. [B] et Mme [W] vivent désormais séparément.
M. [B] occupe un logement à titre locatif à [Localité 4].
Mme [W] occupe également un logement à titre locatif à [Localité 3]. Ce logement a constitué le domicile conjugal des parties selon le bail daté du 2 février 1989.
Par requête enregistrée le 27 août 2015, Mme [W] a saisi le juge aux affaires familiales d'une demande de contribution aux charges du mariage.
À l'audience du 4 octobre 2016, Mme [W] a maintenu sa demande de contribution aux charges du mariage à hauteur de 600 euros par mois.
Au soutien de cette demande, elle a développé plusieurs éléments. En premier lieu, elle a fait valoir qu'en raison de la nationalité étrangère des parties et de l'objet du litige, le texte fixant la loi qui y est applicable est la convention de La Haye du 2 octobre l977 aux termes de laquelle la loi qui régit les obligations alimentaires découlant des relations du mariage est la loi interne de la résidence du créancier d'aliment, soit la loi française. En second lieu, elle a indiqué que M. [B] a quitté le domicile conjugal en la laissant seule sans ressources. C'est par l'entremise de leur fille commune qu'elle a pu solliciter des prestations sociales d'un montant, toutes sommes confondues, de 724,38 euros. Or, une fois le loyer déduit (d'un montant de 347,27 euros), son disponible mensuel est de 377,11 euros. Elle considérait que son niveau de vie était en-deçà de celui de M. [B] dont les ressources mensuelles sont d'environ 1 278,57 euros. Elle alléguait que ce dernier bénéficiait d'un logement gratuit en raison de sa qualité d'ancien mineur marocain. Elle a soutenu aussi que M. [B] était en situation de bigamie. En dernier lieu, et en opposition aux moyens adverses, elle considérait que le jugement de divorce marocain dont faisait état M. [B] lui était inopposable car il avait été obtenu de façon frauduleuse. Elle a indiqué que le défendeur l'avait domiciliée à son insu au [Localité 5] (province marocaine) alors qu'elle résidait, depuis de nombreuses années, en France. Elle a ajouté qu'elle n'était même pas au Maroc lors de l'introduction de l'instance de divorce, et qu'elle s'y était retrouvée postérieurement à la procédure de divorce. Elle a versé des copies de son passeport pour le prouver. En sus de sa demande principale, elle a demandé la condamnation de son époux aux dépens.
M. [B] s'est opposé à cette demande. À titre principal, il en a soulevé l'irrecevabilité en faisant valoir que le tribunal de première instance d'Imintanout avait, le 5 mai 2015, prononcé la dissolution du mariage qui l'unissait à la demanderesse pour motif de discorde par application du code de la famille marocain réformé le 5 février 2004. Selon lui, les dispositions du code précité garantissaient le principe d'égalité des époux, tel que consacré par l'article 5 du protocole additionnel n°7 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il a estimé être valablement divorcé de Mme [W]. Il a ajouté qu'elle avait retiré les sommes et indemnités qui lui avaient été dévolues par le jugement marocain de sorte qu'elle ne pouvait soutenir ne pas avoir eu connaissance de la procédure de divorce. Il a fait valoir que si elle était actuellement bénéficiaire du revenu de solidarité active, c'était en raison du changement de son statut marital. Il considérait ainsi que le jugement de divorce devait produire plein effet dans l'ordre juridique français. À titre subsidiaire, dans l'hypothèse où le juge écarterait la fin de non-recevoir qu'il soulevait, il a demandé que son état d' impécuniosité soit constaté en raison de ses ressources et charges qu'il estimait justifier aux termes des pièces versées aux débats. Enfin, il a demandé que Mme [W] soit condamnée à lui payer une somme de l 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement en date du 29 novembre 2016, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Valenciennes a notamment :
- dit que le tribunal français est compétent pour trancher le litige,
- dit que la loi française est applicable au litige,
- dit que l'action en justice de Mme [W] est recevable,
- fixé à compter du jugement la contribution aux charges du mariage que M. [B] devra verser à Mme [W] à 200 euros par mois, avec indexation,
- condamné en tant que de besoin M. [B] au paiement de cette somme,
- débouté M. [B] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [B] aux dépens.
M. [B] [B] a interjeté appel de ce jugement par déclaration enregistrée au greffe de la cour le 29 novembre 2016.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 24 novembre 2017, l'appelant demande à la cour de :
vu l'article 122 du code de procédure civile,
vu les dispositions du code de la famille marocain et plus particulièrement les articles 94 et 97,
- le recevoir en son appel,
- dire bien appelé et mal jugé,
en conséquence,
in limine litis et avant toute défense au fond,
- constater que le divorce de M. [B] et Mme [W] a été prononcé le 5 mai 2015 par le tribunal de première instance d'Imintanout (Maroc),
- constater que ce divorce n'est pas contraire à l'ordre public international français,
en conséquence,
- déclarer la demande de contribution aux charges du mariage présentée par Mme [W] irrecevable,
- l'en débouter,
à titre subsidiaire,
- constater son état d'impécuniosité,
en conséquence,
- débouter Mme [W] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
à titre infiniment subsidiaire,
- réduire la pension alimentaire qu'il devra à Mme [W] à de plus justes proportions,
en tout état de cause,
- condamner Mme [W] à lui régler la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme [W] aux entiers frais et dépens de l'instance.
Par dernières conclusions notifiées le 13 avril 2017, Mme [U] [W] demande à la cour de :
- dire mal appelé, bien jugé,
- confirmer le jugement rendu le 8 novembre 2016 par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Valenciennes,
- condamner M. [B] aux entiers dépens.
MOTIFS
Sur la recevabilité de la demande formulée par Mme [W]
En l'espèce, si l'on peut légitimement s'interroger sur les conditions dans lesquelles M. [B] a pu obtenir un jugement de divorce au Maroc, divorce prononcé le 5 mai 2015 par le tribunal de première instance d'Imintanout, il est cependant acquis que, conformément au certificat dressé par le greffe de cette juridiction le 10 mai 2016, Mme [W] a retiré dès le 16 septembre 2015 l'intégralité des droits consécutifs au divorce lui revenant (don de consolation, frais de logement durant la retraite de viduité et reliquat de la dot), soit la somme de 151 715 dirhams (soit approximativement 13 887 euros).
Dès lors, en exécutant spontanément la décision rendue, Mme [W] en a accepté la teneur.
Par ailleurs, cette décision de divorce est définitive comme en atteste le greffe de la juridiction de première instance d'Imintanout aux termes d'un certificat délivré le 22 mai 2017.
Dans ces conditions, Mme [W] était irrecevable à introduire une instance devant une juridiction française aux fins d'obtenir, postérieurement au prononcé du divorce au Maroc auquel elle a acquiescé en exécutant volontairement cette décision, une contribution aux charges du mariage.
Le jugement déféré sera en conséquence infirmé.
Sur les dépens
Mme [W], qui succombe en ses prétentions, sera condamnée au paiement des entiers dépens de première instance et d'appel.
Sur la demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
En l'espèce, l'équité et l'économie commandent de ne pas faire droit à la demande formée par M. [B] sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ce dernier bénéficiant de l'aide juridictionnelle totale.
PAR CES MOTIFS,
Infirme le jugement rendu le 8 novembre 2016 par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Valenciennes en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
Déclare Mme [U] [W] irrecevable en sa demande tendant à la condamnation de M. [B] [B] au paiement d'une contribution aux charges du mariage ;
Condamne Mme [U] [W] au paiement des entiers dépens de première instance et d'appel ;
Déboute M. [B] [B] de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT
D. QUENEHENM. CHALACHIN
NOTICE D'INFORMATION
pension alimentaire ' contribution aux charges du mariage
prestation compensatoire sous forme de rente viagère ' subsides
Les informations présentées ci-dessous sont sommaires.
Il convient de se reporter aux articles cités pour plus de précision.
Modalités de recouvrement de la pension alimentaire
En cas de défaillance dans le règlement des pensions alimentaires, y compris l'indexation, le créancier peut en obtenir le règlement forcé en utilisant à son choix une ou plusieurs des voies d'exécution suivantes :
- le paiement direct (art. L 213-1 à L 213-6 et R 213-1 à R 213-10 du code des procédures civiles d'exécution) ;
- le recouvrement par le Trésor Public, par l'intermédiaire du Procureur de la République (art. L 161-3 et R 161-1 du code des procédures civiles d'exécution et Loi n° 75-618 du 11 juillet 1975) ;
- le recouvrement par l'organisme débiteur des prestations familiales (loi n° 84-1171 du 22 décembre 1984 ; articles L 581-1 à L 581-10 et R 581-2 à R 581-9 du code de la sécurité sociale ; décret n° 86-1073 du 30 septembre 1986) ;
- les voies d'exécution de droit commun : saisie des rémunérations, saisie-attribution, saisie-vente, saisie immobilière ;
Modalités d'indexation de la pension alimentaire ( le cas échéant)
Le calcul de l'indexation s'effectue selon la formule suivante :
Pension revalorisée : montant initial x nouvel indice
indice de base
dans laquelle l'indice de base est le dernier indice publié à la date de la décision rendue et l'indice de référence, le dernier indice publié à la date de revalorisation.
Le débiteur peut avoir connaissance de cet indice en consultant le site : www.insee.fr ou www.servicepublic.fr
Modalités de révision de la pension alimentaire
- Il appartient au parent ayant à charge un enfant majeur de prévenir le parent débiteur de la pension alimentaire le jour où l'enfant sera en mesure de subvenir à ses besoins ( pour les contribution à l'entretien et à l'éducation).
- Si des éléments nouveaux notables dans la situation du créancier ou dans celle du débiteur font apparaître que l'équilibre entre les besoins de l'un et les ressources de l'autre n'est plus respecté, il est possible de demander la révision de la pension alimentaire, en produisant des pièces justificatives.
- Cette demande est portée devant le juge aux affaires familiales territorialement compétent selon les critères posés par l'article 1070 du code de procédure civile.
- Cette demande est présentée par requête datée et signée ou par assignation en la forme des référés (délivrée par un huissier de justice), mentionnant les noms, prénoms et adresses (ou dernières adresses connues) des parties (article 1137 du code de procédure civile).
- L'assistance d'un avocat n'est pas obligatoire en première instance.
Sanctions pénales encourues
'délit d'abandon de famille (articles 227-3 à 227-4-3, et 227-29, du code pénal) :
'en cas de défaillance dans le règlement des sommes dues, le débiteur encourt les peines de deux ans d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende, outre les peines complémentaires.
's'il ne notifie pas son changement de domicile au créancier dans un délai d'un mois à compter de ce changement, le débiteur de la pension alimentaire (ou de la contribution, des subsides ou de toute autre prestation) encourt les peines de six mois d'emprisonnement et 7.500 euros d'amende, outre les peines complémentaires.
'délit d'organisation frauduleuse de son insolvabilité (articles 314-7 à 314-9 du code pénal) : en cas d'organisation ou d'aggravation de son insolvabilité (augmentation du passif, diminution de l'actif de son patrimoine, dissimulation ou diminution de ses revenus, dissimulation de certains de ses biens) pour se soustraire au paiement de la pension alimentaire (ou de la contribution aux charges du mariage, des subsides ou de toute autre prestation) qu'une décision judiciaire l'oblige à payer, le débiteur encourt les peines de trois ans d'emprisonnement et de 45.000 euros d'amende.