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25/01/2018 | FRANCE | N°16/04042

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 8 section 1, 25 janvier 2018, 16/04042


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 1

ARRÊT DU 25/01/2018

***

N° de MINUTE :

N° RG : 16/04042

Jugement (N° 14/01897)

rendu le 14 Juin 2016

par le tribunal de grande instance de Dunkerque

APPELANTE



Madame [Q] [F]

née le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 1] - de nationalité française

demeurant : [Adresse 1]



Représentée et assistée par Me Julien Sabos, avocat au barreau de Dunkerque



INTI

MÉE



SA Caisse d'Epargne et de Prévoyance Hauts de France venant aux droits de la Caisse d'Epargne Nord France Europe

ayant son siège social : [Adresse 2]



Représentée et assist...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 1

ARRÊT DU 25/01/2018

***

N° de MINUTE :

N° RG : 16/04042

Jugement (N° 14/01897)

rendu le 14 Juin 2016

par le tribunal de grande instance de Dunkerque

APPELANTE

Madame [Q] [F]

née le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 1] - de nationalité française

demeurant : [Adresse 1]

Représentée et assistée par Me Julien Sabos, avocat au barreau de Dunkerque

INTIMÉE

SA Caisse d'Epargne et de Prévoyance Hauts de France venant aux droits de la Caisse d'Epargne Nord France Europe

ayant son siège social : [Adresse 2]

Représentée et assistée par Me Dominique Vanbatten, avocat au barreau de Dunkerque

DÉBATS à l'audience publique du 18 Octobre 2017 tenue par Hélène Billieres magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Véronique Desmet

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Martine Battais, président de chambre

Catherine Convain, conseiller

Hélène Billieres, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 25 Janvier 2018 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Martine Battais, président et Elisabeth Paramassivane-Delsaut, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 13 septembre 2017

***

LA COUR,

Attendu que Madame [Q] [F] a interjeté appel d'un jugement du tribunal de grande instance de Dunkerque du 14 juin 2016 qui l'a déboutée de ses demandes formées contre la Caisse d'épargne et de prévoyance Nord France Europe en nullité de la stipulation contractuelle relative aux intérêts conventionnels du prêt immobilier qu'elle a souscrit auprès de cet établissement bancaire selon une offre préalable émise le 30 juin 2010 et en restitution des intérêts indûment perçus ; et qui l'a condamnée à payer à la Caisse d'épargne et de prévoyance Nord France Europe une somme de 1 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Attendu qu'il ressort des éléments du dossier que suivant une offre préalable émise le 30 juin 2010 et acceptée le 12 juillet suivant, la Caisse d'épargne et de prévoyance Nord France Europe a consenti à Madame [F] un prêt immobilier de 150 000 euros au taux nominal de 3,30 % l'an et au taux effectif global indiqué de

3,97 % l'an, remboursable par cent-quatre-vingt mensualités de 1 057,65 euros chacune hors assurance et 1 095,15 euros chacune avec assurance, prêt destiné à financer l'acquisition d'un immeuble voué à la location situé au numéro [Adresse 3] ;

Qu'à cette occasion, Madame [F] a adhéré à l'assurance de groupe souscrite par la Caisse d'épargne et de prévoyance Nord France Europe auprès de la Caisse nationale de prévoyance à l'effet de garantir les risques de décès et perte totale et irréversible d'autonomie, ce prêt étant par ailleurs également garanti par l'engagement de caution solidaire de la Compagnie européenne de garanties et caution ;

Que reprochant à la Caisse d'épargne et de prévoyance Nord France Europe d'avoir déterminé le taux annuel de l'intérêt par référence à l'année bancaire de trois cent soixante jours et, non sur base de l'année civile de trois-cent-soixante-cinq ou trois-cent-soixante-six jours, conformément à l'article R. 313-1 du code de la consommation et arguant d'une inexactitude du taux effectif global mentionné dans le contrat de prêt en ce qu'il exclurait de son assiette de calcul le coût des frais de notaire, Madame [F], par un acte du 15 juillet 2014, a assigné la Caisse d'épargne et de prévoyance Nord France Europe en nullité de la stipulation des intérêts conventionnels figurant dans l'acte de prêt et en restitution des sommes indûment payées au titre des intérêts conventionnels non stipulés régulièrement, devant le tribunal de grande instance de Dunkerque qui a rendu le jugement déféré ;

Attendu que dans ses conclusions récapitulatives déposées au greffe de la cour le 11 août 2017, Madame [F], si elle s'en rapporte sur les dispositions du jugement ayant refusé d'inclure dans l'assiette de calcul du taux effectif global le coût des frais de notaire, persiste en cause d'appel à se prévaloir de l'erreur qui affecterait le taux d'intérêt nominal du prêt, calculé, selon elle, sur la base de l'année bancaire de trois-cent-soixante jours et non sur la base de l'année civile de trois-cent-soixante-cinq ou trois-cent-soixante-six jours ; qu'elle demande à la cour d'annuler en conséquence le taux de l'intérêt conventionnel mentionné dans l'offre de prêt litigieuse et, à titre principal, d'ordonner partant la substitution du taux conventionnel par le taux légal en vigueur à la date de l'offre, soit 0,65 %, de condamner la Caisse d'épargne et de prévoyance Nord France Europe à lui payer les intérêts indûment perçus depuis l'origine du prêt jusqu'à l'échéance du 5 août 2016, incluse, soit une somme de 20 361,42 euros, et de dire et juger qu'à compter de l'échéance du 5 septembre 2016 incluse, le prêt sera remboursé en quatre-vingt-seize mensualités de 1 057,65 euros, outre une mensualité de 610,69 euros soldant le crédit selon tableau d'amortissement annexé (annexe 7);

Qu'à titre subsidiaire, elle demande à la cour d'ordonner la substitution du taux conventionnel par le taux légal applicable chaque année depuis la date de l'offre, de condamner en conséquence la Caisse d'épargne et de prévoyance Nord France Europe à lui payer les intérêts indûment perçus depuis l'origine du prêt jusqu'à l'échéance du 5 août 2016, incluse, soit une somme de 21 581,16 euros, et de dire et juger qu'à compter de l'échéance du 5 septembre 2016 incluse, le prêt sera remboursé en quatre-vingt-dix-sept mensualités de 1 057,65 euros, outre une mensualité de 754,17 euros soldant le crédit selon tableau d'amortissement annexé (annexe 7 bis) ;

Qu'elle demande en tout état de cause à la cour de dire que le taux légal ne pourra jamais être supérieur au taux nominal stipulé dans l'offre précitée et que les intérêts indûment perçus produiront eux-mêmes intérêts au taux légal à compter de la date de leur perception et de condamner la Caisse d'épargne et de prévoyance Nord France Europe à lui verser une somme de 3 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, outre « l'exécution provisoire du jugement à intervenir » ;

Attendu que dans ses écritures en réponse déposées au greffe le 7 septembre 2017, la Caisse d'épargne et de prévoyance Hauts de France, qui expose venir aux droits de la Caisse d'épargne et de prévoyance Nord France Europe et conteste l'existence de toute erreur affectant l'application du taux nominal mentionné dans l'offre de prêt, conclut à la confirmation du jugement entrepris et au rejet des demandes adverses ; qu'elle réclame en outre l'allocation, à la charge de Madame [F], d'une somme de 3 000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel ;

Attendu, à titre liminaire, qu'il convient de constater que la production d'extraits d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés des Lille Métropole justifie que la Caisse d'épargne et de prévoyance Nord France Europe, qui a octroyé le prêt litigieux à Madame [F], est devenue Caisse d'épargne et de prévoyance Hauts de France lors de la fusion-absorption intervenue entre ces deux sociétés le 1er mai 2017 ;

Attendu que pour débouter Madame [F] de sa demande en nullité de la stipulation des intérêts conventionnels, le premier juge, considérant d'une part que les frais liés à l'acquisition de l'immeuble financé par le prêt litigieux n'avaient pas à être intégrés dans l'assiette de calcul du taux effectif global et constatant d'autre part que l'écart entre le taux effectif global de 3,97 % stipulé dans le contrat de prêt et le taux effectif global mentionné au rapport d'analyse financière de 3,983224 %, qui provenait de la seule différence de calcul de l'incidence du coût des frais de dossier, de la garantie et de l'assurance de personnes, était inférieur à la décimale prescrite par l'article R. 313-1 du code de la consommation, en a déduit que le taux effectif global était exact dans la limite requise ;

Mais attendu que si Madame [F] prétendait en première instance que le taux effectif global mentionné dans l'acte de prêt était selon elle erroné en ce qu'il excluait de son assiette de calcul les droits de mutation d'un montant de 8 742 euros, elle contestait également la validité de la stipulation de l'intérêt conventionnel au motif que cet intérêt n'avait pas été appliqué à une année civile de trois-cent-soixante-cinq jours, mais à une année de trois cent jours, prétention à laquelle le premier juge n'a pas répondu ;

Attendu, précisément, sur l'application du taux de l'intérêt conventionnel, qu'il résulte de la combinaison de l'alinéa 2 de l'article 1907 du code civil et des articles

L. 313-1, L. 313-2 et R. 313-1 du code de la consommation, ces derniers dans leur rédaction applicable à la date de souscription du prêt litigieux, que le taux conventionnel mentionné par écrit dans tout acte de prêt consenti à un consommateur ou à un non-professionnel, doit, comme le taux effectif global, être calculé sur la base de l'année civile, laquelle comporte trois-cent-soixante-cinq jours ou, pour les années bissextiles, trois-cent-soixante-six jours ;

Attendu que dès lors que le prêt litigieux vise expressément les articles L. 312-1 à L. 312-36 du code de la consommation et L. 313-1 à L. 313-16 de ce même code dans leur rédaction alors applicable, il obéit au régime du crédit immobilier consenti à un consommateur ou un non-professionnel en sorte que le taux conventionnel qui y est mentionné doit, comme le taux effectif global, être calculé sur la base de l'année

civile ;

Qu'il ressort de l'examen des conditions particulières de l'offre de prêt émise le 30 juin 2010 par la Caisse d'épargne et de prévoyance Nord France Europe, devenue la Caisse d'épargne et de prévoyance Hauts de France, et acceptée le 12 juillet suivant par Madame [F], qu'il y est expressément mentionné que « durant la phase d'amortissement, les intérêts sont calculés sur le montant du capital restant dû, au taux d'intérêt indiqué ci-dessus sur la base d'une année bancaire de 360 jours, d'un semestre de 180 jours, d'un trimestre de 90 jours et d'un mois de 30 jours » ;

Que s'il est exact que cette clause ne concerne pas la fixation du taux effectif global, elle fixe les rapports pour retenir le calcul des intérêts conventionnels ; qu'il est en outre faux de prétendre, comme le fait la Caisse d'épargne et de prévoyance Hauts de France, que cette clause ne serait que le reflet de l'équivalence financière des différentes formules possibles pour déterminer la périodicité mensuelle des échéances de remboursement et donc le taux de période mensuel normalisé, à savoir 1/12, 360/30 ou 365/30,41666 de sorte que quelle que soit la formule utilisée, il existerait une équivalence financière du coût du crédit alors au contraire qu'elle stipule, expressément et sans ambiguïté aucune, que les intérêts conventionnels sont calculés sur la base, non pas de l'année civile, mais d'une année de trois-cent-soixante jours, ce qui a nécessairement pour conséquence d'augmenter le taux réel de l'intérêt ;

Attendu que pour prétendre néanmoins à la régularité du taux conventionnel de 3,30 % mentionné dans l'acte de prêt souscrit par Madame [F], la banque soutient qu'en dépit de la présence dans l'acte de cette clause, le taux conventionnel du prêt a bien été déterminé conformément aux dispositions de l'article R. 313-1 ancien du code de la consommation, par référence à l'année civile et que donc les intérêts du prêt ont bien été calculés sur la base de l'année civile, l'équivalence financière étant selon elle démontrée entre le calcul où l'année fait trois cent soixante jours et le mois trente jours et le calcul où l'année fait trois cent soixante-cinq jours et le mois 30,4166 jours, les intérêts contractuels étant calculés, dans les deux cas, sur une base d'un douzième d'année ;

Que la Caisse d'épargne et de prévoyance Hauts de France fait valoir subsidiairement, que l'éventuelle différence d'intérêts découlant du mode de calcul de la première échéance ne pourrait en tout état de cause pas être sanctionnée par la nullité de la stipulation de l'intérêt conventionnel dès lors que l'erreur dans le mode de calcul des intérêts serait alors survenue, non pas au stade de la conclusion du contrat de prêt, mais au stade de son exécution de sorte qu'elle ne pourrait être réparée que par l'allocation de dommages et intérêts conformément à l'article 1147 ancien du code civil ; que la différence constatée de 0,48 euro entre les intérêts pratiqués dans l'offre de prêt et ceux calculés par le cabinet Prim'Act étant favorable à Madame [F], l'impact et le préjudice sont inexistants pour elle de sorte qu'aucune indemnisation ne saurait en l'espèce lui-être allouée ;

Attendu à cet égard que la banque produit, au soutien de son allégation, deux documents établis par la société de consultants en actuariat Prim'Act, le premier daté du 26 août 2014 qui est un rapport d'analyse actuarielle relatif aux modalités de calcul des intérêts conventionnels des prêts amortissables par échéances constantes sur la plate-forme commune aux caisses d'épargne au regard de la décision rendue par la chambre civile de la Cour de cassation le 19 juin 2013 qui impose l'année civile comme base de calcul du taux conventionnel, le deuxième, daté du 23 septembre 2016, portant plus spécifiquement sur l'analyse du calcul du taux conventionnel du prêt consenti à Madame [F] ;

Que le premier document n'est toutefois pas probant dès lors que s'il conclut à la compatibilité des modalités retenues par le réseau des caisses d'épargne de spécification des outils de calcul des prêts immobiliers avec la jurisprudence précitée de la Cour de cassation et à la cohérence des modalités de mise en 'uvre opérationnelles de calculs des taux d'intérêts sur le prêts amortis par échéances constantes, comme le prêt litigieux, avec cette même jurisprudence, il n'est pas démontré, autrement que par l'affirmation, que la période de référence à partir de laquelle les taux conventionnels sont calculés est celle du mois normalisé de 30,146 66 jours alors par ailleurs qu'il y est expressément indiqué que « les calculs sont réalisés systématiquement sur la base d'un calcul en périodes de 12 mois, 4 trimestres, 2 semestres ou 1 année et non sur un nombre de jours exacts » sans pour autant qu'il apparaisse que l'année effectivement prise en compte est, non pas l'année bancaire de trois cent soixante jours, mais bien l'année civile ;

Que le deuxième document, qui porte sur l'analyse du taux conventionnel du prêt accordé à Madame [F], n'est pas davantage probant en ce qu'il tend seulement à démontrer que le taux d'intérêt conventionnel mensuel du prêt en cause, calculé sur la base d'un moins normalisé de 30,41666 jours et dans le respect des normes en vigueur, arrondi à cinq décimales, est égal à 0,27500 %, ce qui correspond effectivement à un taux annuel de 3,30 %, identique au taux conventionnel indiqué dans l'offre, dès lors que ce calcul a été effectué sur la base d'un montant d'échéances mensuelles toujours constantes hors primes d'assurance, de 1 057,65 euros, ce qui exclut d'emblée l'hypothèse de frais intercalaires et leur base de calcul pour les déterminer, à savoir l'année civile ou l'année bancaire ;

Attendu en effet que s'il est exact que le montant des intérêts est exactement le même, qu'on le détermine à raison des intérêts annuels x 1/12 ou des intérêts annuels x 30/360 ou encore des intérêts annuels x 30,41666/365, c'est-à-dire en recourant au mois normalisé imposé par l'annexe de l'article R. 313-1 du code de la consommation, il en va différemment en présence d'intérêts dits intercalaires, c'est-à-dire en présence d'intérêts perçus par le prêteur lorsque le nombre de jours correspond à un mois incomplet, autrement dit lorsque le calcul du montant des intérêts est fait, non par fractions d'année rapportées à l'année (1/12x12, 30/360x360 ou 30,41666/365x365), mais par jours rapportés au nombre de jours de l'année ;

Que dans cette hypothèse en effet, un numérateur décompté au nombre exact de jours (au total trois cent soixante-cinq ou trois cent soixante-six) mais rapporté à un dénominateur de trois cent soixante jours conduit nécessairement à une majoration dissimulée du montant des intérêts ;

Qu'en l'espèce, si la date exacte de déblocage des fonds n'est pas précisée, il ressort toutefois de l'examen du tableau d'amortissement versé aux débats par Madame [F] que la première échéance de remboursement du prêt, calculée en jours exacts conformément aux dispositions contractuelles, a été fixée au 5 octobre suivant et que la part d'intérêts perçus par la banque à l'occasion du paiement, par l'emprunteuse, de cette première mensualité de remboursement du crédit s'est élevée à la somme de 660,68 euros ;

Que ce montant de 660,68 euros, ainsi que Madame [F] en fait la démonstration dans ses conclusions d'appel, ne peut correspondre à un montant d'intérêts calculés sur un nombre de jours rapportés à trois-cent-soixante-cinq jours, comme soutenu à tort par la banque, auquel cas cette part se serait élevée à 650,96 euros, alors qu'il apparaît au contraire que la somme de 660,68 euros figurant sur le tableau d'amortissement au titre de la part d'intérêts de la première mensualité correspond à un montant d'intérêts calculés sur une durée de quarante-huit jours rapportés à trois cent soixante jours (660.68/(150 000 * 3,30 %/360), qui correspond au demeurant effectivement à une date de déblocage concomitante à celle de l'acte notarié constatant l'acquisition de l'immeuble financé grâce au prêt litigieux et le paiement du prix y afférent, soit une différence de 9,72 euros au détriment de l'emprunteuse qui a pour effet d'augmenter le taux réel de l'intérêt ;

Qu'il en est d'autant plus ainsi que cette différence n'est pas l'unique montant mis à la charge de l'emprunteuse dès lors que cette majoration dissimulée du montant des intérêts réclamés au titre de la première échéance a nécessairement une incidence sur le montant des intérêts calculés pour les échéances postérieures en ce qu'elle se répercute sur le calcul de la part d'amortissement du crédit à chaque échéance ;

Qu'il suit de ce qui précède que Madame [F] rapporte ainsi suffisamment la preuve que la banque a indûment perçu des intérêts calculés par référence à l'année bancaire de trois cent soixante jours au lieu de l'avoir été par référence à l'année civile ;

Que la Caisse d'épargne et de prévoyance Hauts de France ne saurait prétendre que la sanction du mode erroné de calcul des intérêts contractuels se limiterait à ordonner le paiement de la différence obtenue entre les deux calculs, l'un sur la base de l'année civile, l'autre sur celui de l'année de trois cent soixante jours ; que dès lors en effet que l'exigence d'un écrit mentionnant le taux de l'intérêt conventionnel est une condition de la validité de la stipulation d'intérêts et que la preuve est rapportée que le taux d'intérêt conventionnel mentionné dans son offre n'a pas été effectivement appliqué par la banque de sorte que le taux réel de l'intérêt était supérieur à celui mentionné dans l'offre de prêt, il y a lieu de considérer que la banque a enfreint les exigences légales relatives à l'indication préalable et par écrit non seulement du taux conventionnel mais également du taux effectif global de sorte qu'il y a lieu de prononcer la nullité de la stipulation conventionnelle d'intérêts mentionnée dans le contrat de prêt, laquelle appelle la substitution du taux légal au taux conventionnel à compter de la date du prêt et selon le taux légal en vigueur à cette date ;

Qu'il suit que Madame [F] est par conséquent bien fondée à réclamer la substitution, à compter de la souscription de l'acte de prêt, de l'intérêt légal à l'intérêt conventionnel et, partant, la restitution par la banque des sommes indûment perçues par elle au titre des intérêts conventionnels non stipulés régulièrement à l'acte de prêt, excédant le taux légal, le jugement étant en cela infirmé ;

Attendu précisément, sur la demande en restitution des intérêts conventionnels indûment perçus par la banque depuis l'origine du prêt, que Madame [F] fait valoir que le taux légal substitué au taux conventionnel mentionné à l'acte de prêt ne peut être que celui en vigueur au jour du contrat, soit le taux légal de 0,65 % en vigueur en 2010 de sorte que, conformément au tableau d'amortissement comparatif qu'elle verse aux débats, reprenant le remboursement du crédit au taux conventionnel entre le 5 octobre 2010, date de la première échéance de remboursement, et le 5 août 2016, date de l'arrêté de compte, d'une part et l'évolution du crédit, pour la même période, au taux légal de 0,65 % l'an en vigueur en 2010 d'autre part, le montant des intérêts indûment perçus par la banque à ce titre s'élèverait à 20 361,42 euros, somme dont elle réclame le remboursement ;

Mais attendu que le taux de l'intérêt légal étant, aux termes de l'article L. 313-2 du code monétaire et financier, défini périodiquement par la loi, pour la durée de l'année civile jusqu'au 1er janvier 2015 et, depuis l'entrée en vigueur à cette date de l'ordonnance n° 2014-947 du 20 août 2014, semestriellement, le taux légal substitué au taux conventionnel mentionné à l'acte de prêt est celui fixé par la loi en vigueur au moment où il est acquis ; qu'il doit, en conséquence, subir les modifications successives que la loi lui apporte ;

Qu'il suit qu'il ne saurait être fait application, pendant toute la durée du prêt, du seul taux de 0,65 % en vigueur à la date de conclusion du prêt, comme le réclame à tort Madame [F] ; qu'il y a lieu au contraire de faire application du taux légal en vigueur, année par année depuis la date du prêt jusqu'au 1er janvier 2015, puis, à compter de cette date, semestre après semestre, les parties étant en conséquence renvoyées à établir leurs comptes sur ces principes selon les modalités précisées au dispositif du présent arrêt, avec cette précision que l'annulation de la stipulation conventionnelle d'intérêts mentionnée dans le contrat de prêt appelant seulement la substitution du taux légal au taux conventionnel à compter de la date du prêt et selon le taux légal en vigueur à cette date, il ne saurait, sauf accord de la banque, être fait droit à la demande de modification de la durée de remboursement du prêt sollicitée par Madame [F] dans le dispositif de ses écritures ;

Attendu qu'il n'y a par ailleurs pas lieu de faire droit à la demande de Madame [F] de voir limiter le taux légal maximum applicable au contrat de prêt au montant du taux nominal stipulé dans l'offre ;

Attendu ensuite que dès lors qu'il résulte de la combinaison des articles 1231-6, 1344-1 et 1352-7 du code civil que celui qui est condamné à restituer une somme indûment perçue doit les intérêts du jour de la demande s'il était de bonne foi et du jour du paiement s'il n'était pas de bonne foi, les sommes indûment perçues par la banque produiront intérêts au taux légal à compter du 15 juillet 2014, date de l'acte introductif de la première instance en l'absence de mise en demeure préalable, pour ceux des intérêts échus à la date du 5 août 2014 et à compter de la date de leur perception pour ceux échus à compter du 5 août 2014 ;

Attendu enfin qu'il apparaît inéquitable de laisser à la charge de Madame [F] les frais exposés par elle tant en première instance qu'en cause d'appel et non compris dans les dépens ; qu'il lui sera en conséquence alloué la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la banque, partie succombante, étant déboutée de sa demande formée à ce même titre ;

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

Prononce la nullité de la stipulation d'intérêt conventionnel afférente au prêt contracté le 12 juillet 2010 par Madame [Q] [F] auprès de la Caisse d'épargne et de prévoyance Nord France Europe devenue la Caisse d'épargne et de prévoyance Hauts de France ;

Ordonne la substitution de l'intérêt au taux légal au taux conventionnel annulé à compter de la date du prêt ;

Dit que le taux légal est celui fixé par la loi en vigueur au moment où il est acquis et qu'il doit en conséquence, subir les modifications successives que la loi lui apporte ;

Condamne la Caisse d'épargne et de prévoyance Hauts de France, pour les intérêts échus et déjà réglés, à restituer à Madame [Q] [F], la différence entre les intérêts conventionnels perçus et ceux calculés au taux légal applicable ;

Dit que la somme ainsi obtenue sera productive d'un intérêt au taux légal à compter du 15 juillet 2014 pour ceux des intérêts échus à la date du 5 août 2014 et à compter de la date de leur perception pour ceux échus à compter du 5 août 2014 ;

Condamne la Caisse d'épargne et de prévoyance Hauts de France, pour les intérêts à échoir, à émettre et communiquer à Madame [Q] [F] un nouveau tableau d'amortissement tenant compte du taux légal en cours, avec actualisation en fonction des variations semestrielles de ce taux ;

Condamne la Caisse d'épargne et de prévoyance Hauts de France à payer à Madame [Q] [F] la somme de 2 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Condamne la Caisse d'épargne et de prévoyance Hauts de France aux dépens de première instance et d'appel ;

Dit que ces derniers seront recouvrés par Maître Julien Sabos, avocat, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier,Le président,

E. Paramassivane-DelsautM. Battais


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 8 section 1
Numéro d'arrêt : 16/04042
Date de la décision : 25/01/2018

Références :

Cour d'appel de Douai 81, arrêt n°16/04042 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-01-25;16.04042 ?
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