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30/11/2017 | FRANCE | N°15/06898

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 1, 30 novembre 2017, 15/06898


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 2 SECTION 1



ARRÊT DU 30/11/2017



***





N° de MINUTE : 17/

N° RG : 15/06898



Jugement (N° 2014008335)

rendu le 05 novembre 2015 par le tribunal de commerce de Lille Métropole





APPELANTE



Caisse d'Epargne et de Prévoyance Nord France Europe (ex Flandre Hainaut Pas de Calais) agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cett

e qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me François Deleforge, avocat au barreau de Douai

assistée de Me Eric Delfly, avocat au barreau de Lil...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 1

ARRÊT DU 30/11/2017

***

N° de MINUTE : 17/

N° RG : 15/06898

Jugement (N° 2014008335)

rendu le 05 novembre 2015 par le tribunal de commerce de Lille Métropole

APPELANTE

Caisse d'Epargne et de Prévoyance Nord France Europe (ex Flandre Hainaut Pas de Calais) agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me François Deleforge, avocat au barreau de Douai

assistée de Me Eric Delfly, avocat au barreau de Lille

INTIMÉE

SARL 2 Pour 3

ayant son siège social [Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée et assistée par Me Philippe Talleux, avocat au barreau de Lille

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Marie-Annick Prigent, président de chambre

Elisabeth Vercruysse, conseiller

Marie-Laure Aldigé, conseiller

---------------------

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Maryse Zandecki

DÉBATS à l'audience publique du 06 avril 2017 après rapport oral de l'affaire par Marie-Annick Prigent

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 30 novembre 2017 après prorogation du délibéré initialement prévu le 29 juin 2017 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Marie-Annick Prigent, président, et Valérie Roelofs, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 29 mars 2017

FAITS ET PROCÉDURE

Par deux actes authentiques en date du 5 octobre 2009 et 14 octobre 2009, il a été conclu deux ventes en l'état futur d'achèvement entre la société JPB Promotion, vendeur, et la SARL 2 pour 3, acquéreur, pour 14 lots d'un ensemble immobilier sis [Adresse 3] et [Adresse 4].

Ces deux opérations ont été financées par deux prêts octroyés par la Caisse régionale de crédit agricole mutuel d'Aquitaine à hauteur de 725 000 euros et de 118 325 euros ainsi que par un prêt accordé par la Banque Patrimoine et Immobilier à hauteur de 844 825 euros, soit un total de 1 688 150 euros.

Par acte en date du 2 octobre 2009, la société JPB Promotion a contracté une garantie financière d'achèvement auprès de la Caisse d'épargne et de prévoyance France Europe.

Le permis de construire a été obtenu le 31 décembre 2008 et l'ouverture du chantier a été déposée le 16 juillet 2009.

Il était contractuellement prévu que l'achèvement de l'immeuble aurait lieu au plus tard le 30 septembre 2011.

Par un courrier en date du 3 juin 2013, la SARL 2 pour 3 était informée par mail de la société JPB Formation, auquel était joint un courrier du service de l'urbanisme de la ville de [Localité 1], de l'arrêt du chantier, et de la caducité du permis de construire délivré le 31 décembre 2008.

La société JPB Promotion a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire.

Par acte d'huissier en date du 5 mai 2014, la SARL 2 pour 3 a fait assigner la Caisse d'épargne et de prévoyance France Europe près le tribunal de commerce de Lille Métropole sur le fondement des articles 1134 et suivants du code civil afin qu'elle soit condamnée au principal à payer les sommes nécessaires à l'achèvement de l'ensemble immobilier visé à la garantie financière d'achèvement du 21 octobre 2009.

Par jugement contradictoire en date du 5 novembre 2015, le tribunal de commerce de Lille Métropole a :

- débouté la Caisse d'épargne et de prévoyance France Europe de ses fins de non- recevoir ;

- condamné la Caisse d'épargne et de prévoyance France Europe en sa qualité de garant de la société JPB Promotion, à payer les sommes nécessaires à l'achèvement de l'ensemble immobilier visé à la garantie financière d'achèvement du 2 octobre 2009 ;

- désigné Me [M], en qualité d'administrateur ad hoc aux fins de veiller à ce que la Caisse d'épargne et de prévoyance France Europe remplisse son obligation de garant financier d'achèvement des travaux du chantier de l'ensemble immobilier situé à [Localité 1] ;

- dit que l'administrateur ad hoc aura pour mission de :

- assurer la représentation de la SARL 2 pour 3 afin de remplir le rôle du maître de l'ouvrage, éventuellement en lui substituant un maître d'ouvrage délégué ;

- faire procéder dans le respect des droits des parties et des tiers , dans le cadre de la législation en vigueur, par tous moyens appropriés à l'achèvement des opérations de construction de l'ensemble immobilier visé dans la garantie financière d'achèvement du 2 octobre 2009 aux frais de la Caisse d'épargne et de prévoyance France Europe conformément à ses obligations de garant ;

- s'assurer avec l'assistance de l'expert désigné de l'avancement et de la bonne fin des travaux ;

- vérifier les factures à régler par la Caisse d'épargne et de prévoyance France Europe ;

- effectuer la déclaration d'achèvement des travaux ;

- désigné en qualité d'expert M. [P], [Adresse 5] qui aura pour mission de déterminer les travaux d'achèvement à réaliser, leur coût et leur durée prévisible ainsi qu'assister sur le plan technique l'administrateur ad hoc qui pourra lui confier toute mission de son choix et déterminera sa rémunération dans le cadre d'un devis établi et négocié ;

- fixé à 3 000 euros le montant de la provision que la SARL 2 pour 3 devra consigner au greffe de ce tribunal avant le 5 décembre 2015 ; ce

- condamné les parties à supporter les honoraires de l'administrateur ad hoc, de l'expert et des frais d'obtention d'une autorisation administrative à parts égales ;

- condamné la Caisse d'épargne et de prévoyance France Europe à payer à la SARL 2 pour 3 la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement.

La Caisse d'épargne et de prévoyance France Europe a interjeté appel de ce jugement le 25 novembre 2015.

Aux termes de ses conclusions d'appel récapitulatives signifiées par voie électronique le 6 mars 2017, la Caisse d'épargne et de prévoyance France Europe demande à la cour, au visa des articles R. 261-21 et suivants du code de la construction et de l'habitation, de :

- réformer le jugement déféré ;

Et statuant à nouveau,

- juger que la caducité du permis de construire n° BDR 09044 notifié par M. le Maire de la commune de [Localité 1] en date du 3 juin 2013, a entraîné corrélativement la caducité de la garantie financière d'achèvement qu'elle a délivrée ;

En conséquence,

- déclarer irrecevables et en tout cas, mal-fondées, les demandes de condamnation formulées contre elle au titre des obligations liées à sa garantie financière d'achèvement ;

En toute hypothèse,

- juger qu'elle n'aurait pu être tenue que des obligations financières liées à l'achèvement de l'ouvrage, ce qui exclut le financement lié à la destruction de l'ouvrage et sa reconstruction consécutive à l'abandon de chantier et aux malfaçons ;

- dire que pour le surplus, elle n'est pas responsable des désordres liés à l'abandon de chantier, dans la mesure où il appartenait à la SARL 2 pour 3 d'informer l'établissement bancaire dès qu'elle avait connaissance des difficultés rencontrées par le promoteur, lesquelles ont forcément été caractérisées par le défaut de livraison de l'ouvrage, à la date contractuelle ;

Et sur les demandes nouvelles présentées pour la première fois devant la cour tendant à engager sa responsabilité à raison de la disparition de l'autorisation d'urbanisme et au regard de la date à la date à laquelle la cour fixera pour son intervention,

- juger qu'à la date à laquelle l'action en responsabilité a été présentée devant votre juridiction, l'action était déjà prescrite et subsidiairement :

- juger que l'impossibilité d'achever l'ouvrage à l'origine de la perte de l'autorisation d'urbanisme, tient à des défauts majeurs de construction qui ne caractérisaient pas au moment où ils ont été constatés, la défaillance financière du maître d'ouvrage ;

- juger au surplus, qu'elle n'a été informée des difficultés financières de la société JPB Promotion postérieurement à la disparation de l'autorisation d'urbanisme ;

- juger que la demande en paiement d'une somme totale de 6 800 euros relative à un litige entre le maître d'ouvrage et le maître d''uvre pour des constructions déjà réalisées, ne constituait pas un signe d'une défaillance financière de la société JPB Promotion près de 19 mois avant l'ouverture de sa procédure collective ;

- constater enfin que le préjudice dont se prévaut la SARL 2 pour 3 repose exclusivement sur la faute d'un tiers, en l'espèce, le cabinet Atlante, qui a certifié un état d'avancement de l'ouvrage, alors que celui-ci souffrait manifestement et dès le départ, de désordres de nature à laisser supposer que l'ouvrage ne pourrait pas être livré dans de telles conditions ;

- dire en toute hypothèse que la SARL 2 pour 3 est par sa carence à intervenir auprès d'elle postérieurement à la date de l'ouvrage contractuel, c'est-à-dire en septembre 2012, responsable du préjudice dont elle se déclare victime ;

Infiniment subsidiairement,

- pour le cas où la faute de l'établissement bancaire serait partiellement retenue, juger que le préjudice ne peut être établi qu'en tenant compte de la faute de la victime et le cabinet Atlante ;

- sur la base de la justification par la SARL 2 pour 3 des versements de fonds à la société JPB Promotion l'attestation de cette dernière ne pouvant constituer une preuve opposable dans le cadre de ce litige ;

- déduction faite du prix du terrain ;

- à l'exception de toute autre cause de préjudice ;

Pour le surplus,

- débouter la SARL 2 pour 3 3 de l'ensemble des demandes, fins et conclusions ;

- la condamner en tous les frais et dépens de la procédure.

La Caisse d'épargne et de prévoyance France Europe fait valoir :

- que la caducité du permis de construire a entraîné la caducité de la garantie financière d'achèvement qui y était adossée ;

- que la garantie financière d'achèvement a été consentie par référence au permis de construire relatif à un ouvrage pour un coût déterminé, 977 000 euros HT ou 1 168 492 euros TTC ; qu'elle est informée du sinistre qu'au cours de l'année 2013 et mandate un expert qui dans son rapport précise qu'il est impossible d'achever l'ouvrage sans procéder à la correction des malfaçons et des désordres liés aux intempéries ; que l'expert nommé par la juridiction rend un avis identique ; que l'obligation financière d'achèvement n'est pas une garantie d'achèvement en ce qui concerne le garant de sorte que ce dernier ne peut se substituer au maître de l'ouvrage même en cas de carence de celui-ci ;

- que la SARL 2 pour 3 ne démontre pas l'existence de difficultés financières qui auraient dû l'alerter de sorte qu'elle ne saurait avoir commis une quelconque faute ; que la disparition du permis de construire tient à la négligence de la SARL 2 pour 3 ; que le chiffrage des travaux restant à effectuer n'est pas justifié par la SARL 2 pour 3 ; que la SARL 2 pour 3 ne justifie d'un quelconque règlement à la société JPB Promotion ;

- que l'action de la SARL 2 pour 3 est prescrite.

Aux termes de ses conclusions d'appel récapitulatives signifiées par voie électronique le 15 mars 2017, la SARL 2 pour 3 demande à la cour, au visa des articles 1134 et suivants du code civil, de :

A titre principal,

- confirmer le jugement déféré ;

- dire qu'en cas d'impossibilité d'obtenir un nouveau permis de construire, la Caisse d'épargne et de prévoyance France Europe devra indemniser le préjudice qu'elle subit ;

En ce cas,

- condamner la Caisse d'épargne et de prévoyance France Europe à lui payer la somme de 1 928 987,60 euros au titre du préjudice d'inachèvement de l'immeuble ;

- condamner la Caisse d'épargne et de prévoyance France Europe à lui payer la somme de 710 536,40 euros au titre du préjudice de la perte de loyers ;

A titre subsidiaire, pour le cas où la cour estimerait que la caducité du permis de construire s'avérerait constituer un obstacle insurmontable à la mise en 'uvre de la garantie d'achèvement,

- dire que la Caisse d'épargne et de prévoyance France Europe devra indemniser le préjudice qu'elle subit ;

- condamner la Caisse d'épargne et de prévoyance France Europe à lui payer la somme de 1 928 987,60 euros au titre du préjudice d'inachèvement de l'immeuble ;

- condamner la Caisse d'épargne et de prévoyance France Europe à lui payer la somme de 710 536,40 euros au titre du préjudice de la perte de loyers ;

En tout état de cause,

- débouter la Caisse d'épargne et de prévoyance France Europe de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner la Caisse d'épargne et de prévoyance France Europe à lui payer la somme de 50 000 euros au titre du préjudice moral ;

- condamner la Caisse d'épargne et de prévoyance France Europe à lui payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens de la procédure.

La SARL 2 pour 3 soutient :

- que la Caisse d'épargne et de prévoyance France Europe doit garantir l'achèvement des travaux conformément à ses obligations légales et contractuelles ; que la garantie d'achèvement ne prend fin qu'avec l'achèvement du bâtiment et qu'aucune condition n'est exigée quant à l'existence ou la validité du permis de construire ; que la validité de la garantie extrinsèque d'achèvement n'est pas subordonnée à l'existence d'un permis de construire en cours de validité, la garantie s'appliquant tant que l'immeuble n'est pas achevé ;

- que la Caisse d'épargne et de prévoyance France Europe ne peut se prévaloir de la caducité du permis de construire dès lors qu'elle en est la cause ; que la Caisse d'épargne et de prévoyance France Europe était informée de l'arrêt du chantier puisqu'elle était appelée en garantie par la société JPB Promotion, qu'elle a donc commis une faute ; que la conséquence de cette faute est l'obligation de garantir l'achèvement dans le cadre d'une nouvelle demande de permis ; que la Caisse d'épargne et de prévoyance France Europe devra prendre en charge les surcoûts liés au changement de législation ; que la Caisse d'épargne et de prévoyance France Europe ne peut lui opposer le contenu de l'acte de cautionnement solidaire concernant les malfaçons et les désordres eu égard à l'effet relatif des contrats ;

- que la Caisse d'épargne et de prévoyance France Europe doit l'indemniser pour les conséquences liées à la caducité du permis de construire en raison des fautes qu'elle a commises et que la réparation doit être intégrale ; qu'elle se retrouve propriétaire d'une parcelle de terrain dont elle n'a pas la jouissance et qu'en raison du défaut d'achèvement, elle n'a pu percevoir les loyers pour les années écoulées et qu'elle ne sera pas en mesure de recouvrer les loyers à percevoir en raison de la procédure ; que son action n'est pas prescrite puisque le point de départ du délai de prescription est le fait permettant d'exercer le droit dont elle est titulaire, soit la caducité du permis de construire.

Aux termes de ses conclusions procédurales de rejet notifiées par voie électronique le 15 mars 2017, la Caisse d'épargne et de prévoyance France Europe demande à la cour d'écarter comme contraires au principe de la contradiction et aux dispositions des articles 15 et 16 du code de procédure civile les conclusions notifiées par la SARL 2 pour 3 le 15 mars 2017.

À l'audience, la Caisse d'épargne et de prévoyance France Europe, par l'intermédiaire de son conseil, a renoncé à ses conclusions de rejet.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 29 mars 2017.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il y a lieu de préciser qu'il sera fait application des dispositions du code civil dans leur version antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve de l'obligation.

Sur les demandes au titre de la garantie financière d'achèvement

L'article R.261-21 du Code de la construction et de l'habitation dispose que :

« La garantie d'achèvement donnée par les établissements indiqués à l'article R.261-17 prend la forme :

a) Soit d'une ouverture de crédit par laquelle celui qui l'a consentie s'oblige à avancer au vendeur ou à payer pour son compte les sommes nécessaires à l'achèvement de l'immeuble.

Cette convention doit stipuler au profit de l'acquéreur ou sous-acquéreur le droit d'en

exiger l'exécution ;

b) Soit d'une convention de cautionnement aux termes de laquelle la caution s'oblige

envers l'acquéreur, solidairement avec le vendeur, à payer les sommes nécessaires à

l'achèvement de l'immeuble.

Les versements effectués par les établissements garants au titre des a et b ci-dessus sont réputés faits dans l'intérêt de la masse des créanciers. »

L'article R.*261-24 du code de la construction et de l'habitation énonce que: « la garantie d'achèvement ou de remboursement prend fin à l'achèvement de l'immeuble, tel que défini à l'article R.261-1. Cet achèvement résulte de la constatation qui en est faite soit par une personne désignée dans les conditions prévues à l'article R.261-2, soit par un organisme de contrôle indépendant ou un homme de l'art. Lorsque le vendeur assure lui-même la maîtrise d''uvre, la constatation est faite par un organisme de contrôle indépendant. »

L'article 1 de la garantie financière stipule : "La Caisse d'Epargne, agissant conformément à l'article R261-21b du code de construction et de l'habitation s'oblige envers les acquéreurs, en qualité de garant, solidairement avec la SARL JPB Promotion, à payer les sommes nécessaires à l'achèvement de l'ensemble immobilier tel que désigné dans le préambule."

Il est précisé que la Caisse d'Epargne, s'engage en qualité de garant solidaire de la SARL JPB Promotion, sous réserve des seules conditions précisées dans l'acte.

'La Sarl JPB Promotion a, conformément à son objet social, décidé de construire un ensemble immobilier, composé de 1' immeuble collectif pour un ensemble de 14 logements, sur un terrain lui appartenant, situé à le [Adresse 6], et figurant au cadastre de ladite commune section AH N" [Cadastre 1] et [Cadastre 2].

Cet ensemble immobilier sera édifié dans les conditions techniques définies au devis descriptif établi par Atlante Architectes Sarl, ce devis ne pouvant être modifié sans l'accord de la Caisse d'épargne suivant le permis de construire, n°PC033 519 08Z0091 délivré le 31/1212008 au bénéfice de la Sarl JPB Promotion pour 665 m² de Shon environ.

Le prix de revient global du programme est estimé à 977.000 Euros H.T. (neuf cent soixante dix sept mille Euros Hors taxes).

L'achèvement des constructions est prévu pour le 4 ème trimestre 2011, délai que la Sarl JPB Promotion s'engage à faire respecter, sauf cas de force majeure lié à l'édification des constructions et précisé dans l'acte de vente (Art.18 "Achèvement de I'immeuble"- 3' "Délai d'exécution des travaux).'

Il résulte de la convention signée entre la Sarl JPB Promotion et la Caisse d'épargne que la garantie financière a été accordée en vue de la construction d'un ensemble immobilier suivant un permis de construire délivré le 31 décembre 2008 et un devis descriptif établi par Atlante Architectes Sarl et ne pouvant être modifié sans l'accord de la caisse d'épargne.

Il est versé aux débats un courrier recommandé en date du 3 juin 2013 avec avis de réception du maire de Taillan Médoc adressé à la Sarl JPB Promotion et informant celle-ci que le permis de construire délivré le 31 décembre 2008 était caduc sur le fondement de l'article R. 424'17 du code de l'urbanisme au motif que le chantier était interrompu depuis le 21 juillet 2011 et qu'aucune reprise des travaux n'avait été constatée depuis le courrier adressé le 20 février 2012.

La garantie d'achèvement a été accordée pour l'édification d'un immeuble autorisée par un permis de construire ; le permis de construire délimite l'objet de l'engagement de la Caisse d'épargne.

Si la caisse d'épargne s'est engagée à garantir l'achèvement d'un immeuble autorisé par un permis de construire, force est de constater que la caducité de celui-ci fait obstacle à l'édification de la construction. Il n'est justifié d'aucune démarche en vue d'obtenir un nouveau permis de construire alors que la législation a évolué depuis l'obtention de celui-ci et implique une adaptation du projet.

L'absence de permis de construire ne permet pas la reprise des travaux et aucun élément du dossier n'autorise à conclure qu'un nouveau permis de construire sera accordé. Le fait de soumettre la garantie d'achèvement de la caisse d'épargne à l'obtention d'un nouveau permis de construire a pour conséquence d'ajouter une condition au contrat et de rendre ainsi son exécution aléatoire.

Il est vain pour la SARL 2 pour 3 de se prévaloir que les conditions légales relatives à l'application de la garantie d'achèvement n'exige pas la validité d'un permis de construire alors que la caisse d'épargne s'est engagée dans le cadre d'un contrat dont il y a lieu de respecter les modalités. Il est bien précisé dans la garantie financière d'achèvement que la garantie de la caisse d'épargne s'applique dans le cadre d'une construction autorisée par un permis de construire fixant les limites de celle-ci. Les conditions de mise en 'uvre de la garantie d'achèvement sont soumises à l'existence d'un permis de construire valide, obligation à laquelle il ne peut être dérogé pour la construction même de l' immeuble.

De plus, il est mentionné dans le contrat liant les parties que l'ensemble immobilier sera édifié dans les conditions techniques définies au devis descriptif établi par Atlante Architectes Sarl, ce devis ne pouvant être modifié sans l'accord de la Caisse d'épargne.

La construction de l'immeuble nécessite l'obtention d'un nouveau permis de construire impliquant que soit recueilli l'accord du garant puisque cette obligation est de nature à modifier l'étendue et notamment le montant de son engagement.

S'il peut être allégué que la Caisse d'épargne a, par son inaction, contribué à la péremption du permis de construire, ce qui est susceptible d'entraîner sa responsabilité, il ne peut être retenu qu'elle est à l'origine de cette caducité alors qu'elle n'était pas chargée de la construction de l'immeuble. Dès lors, il ne peut lui être demandé ce qui ne serait pas conforme à son engagement contractuel de financer une nouvelle construction sur la base d'un nouveau permis de construire non encore accordé.

Le fait qu'il soit mentionné à l'article 5 de la garantie financière d'achèvement que la Caisse d'Epargne aura le droit « après interruption des travaux pendant plus de trois mois, ou si des travaux n'étaient pas exécutés selon le programme prévu, de les poursuivre directement ou par toute autre personne compétente de son choix, aux frais et périls de la SARL JPB Promotion.' 'Ou de faire exécuter, aux frais de la SARL JPB Promotion, les travaux qu'elle jugera nécessaires à la conservation des ouvrages exécutés,' ne constitue pas une obligation mais des moyens mis à sa disposition pour remplir son engagement.

La Caisse d'épargne s'est engagée à garantir l'achèvement des travaux et non dans le cadre d'une garantie financière. L'obligation de la caisse d'épargne a été souscrite dans le cadre d'une convention, chaque partie ayant contracté des obligations. L'obligation de la caisse d'épargne n'étant pas une obligation exclusivement financière mais une obligation d'achèvement de travaux ce qui suppose que ceux-ci soient autorisés par un permis de construire. Il s'ensuit que la disparition du permis de construire entraîne la fin de la garantie financière d'achèvement contrairement à ce que le tribunal de commerce a jugé.

Le jugement du tribunal de commerce sera infirmé en ce qu'il a désigné un administrateur ad hoc aux fins de veiller à ce que la Caisse d'épargne et de prévoyance France Europe remplisse son obligation de garant financier d'achèvement des travaux du chantier de l'ensemble immobilier situé à [Localité 1] et désigné en qualité d'expert M. [P], [Adresse 5] qui aura pour mission de déterminer les travaux d'achèvement à réaliser, leur coût et leur durée prévisible ainsi qu'assister sur le plan technique l'administrateur ad'hoc qui pourra lui confier toute mission de son choix et déterminera sa rémunération dans le cadre d'un devis établi et négocié.

Sur la responsabilité de la banque

Sur la prescription de la demande de dommages-intérêts de la SARL 2 pour 3

En vertu de l'article 2224 du code civil, Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

La prescription d'une action en responsabilité ne court qu'à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime.

En l'espèce, la SARL 2 pour 3 reproche à la Caisse d'épargne de ne pas avoir assuré l'efficacité de son engagement en s'abstenant d'avoir agi afin d'éviter la caducité du permis de construire.

La caducité du permis de construire fait obstacle à l'exécution de l'engagement contractuel de la Caisse d'épargne résultant de la garantie financière d'achèvement, l'immeuble ne pouvant être construit sur la base du permis de construire initialement accordé.

En conséquence, le point de départ de la prescription doit être fixé à la date à laquelle la SARL 2 pour 3 a eu connaissance de cette caducité. Elle a été informée de la caducité du permis de construire par courrier du maire de Taillan Médoc en date du 3 juin 2013. Elle a engagé la responsabilité de la Caisse d'épargne par conclusions du mois de novembre 2016 ; l'action n'est donc pas prescrite.

Sur la responsabilité

La convention de garantie d'achèvement a été contractée entre la Caisse d'épargne et la société JPB Promotion pour que l'immeuble à construire acquis par la SARL 2 pour 3

puisse être achevé en cas de difficultés financières du promoteur.

La SARL 2 pour 3 n'est pas partie au contrat liant la Caisse d'épargne à la société JPB Promotion. La SARL 2 pour 3 sollicite la réparation d'un préjudice personnel lié à la non exécution de ce contrat par la Caisse d'épargne.

Il y a lieu d'examiner si dans l'exécution du contrat, la Caisse d'épargne a commis une faute ayant causé à la SARL 2 pour 3 un préjudice impliquant du fait du lien de causalité un droit à indemnisation.

À l'article 10 de la convention de garantie financière d'achèvement, relatif aux conditions de mise en 'uvre de la garantie, celle-ci 's'engage à payer aux acquéreurs de l'ensemble immobilier toutes sommes nécessaires à l'achèvement de l'immeuble à la condition que la demande, écrite par lettre recommandée avec accusé de réception, relative à ce paiement, soit reçue ainsi qu'il est dit au plus tard à la date d'expiration du présent engagement.'

Il est précisé à l'article 6 de la convention que la garantie prend fin à l'achèvement des bâtiments suite à la notification d'une déclaration d'achèvement de travaux.

La Caisse d'épargne a été avisée par trois courriers recommandés avec avis de réception successifs que lui a adressés la société JPB Promotion des difficultés qu'elle rencontrait pour faire face aux demandes en paiement de ses créanciers :

Aux termes d'un courrier du 21 février 2012, la société JPB Promotion a écrit à la Caisse d'épargne :

«Nous revenons vers vous dans le cadre de l'opération citée en objet suite à la

garantie financière d'achèvement que vous nous avez accordée en date du 2 octobre 2009.

Nous sollicitons votre haute bienveillance à nous fournir, dans vos meilleurs délais, à

la demande des entreprises JTC et MDE dont ci-joint les actes d'engagement, une caution bancaire leur garantissant le paiement restant dû sur leur marché, afin de

terminer les travaux se rapportant à leur lot.

En effet, ces dernières sociétés ont assigné JPB Promotion en paiement de l'astreinte fixée par le Tribunal (vous trouverez en pièce jointe copie des deux

assignations concernées).

Nous vous serions reconnaissants de nous retourner signés, les actes d'engagements

joints pour leur montant restant à effectuer, et ceci, afin d'éviter la liquidation de l'astreinte. »

Aux termes d'un courrier du 5 juillet 2012, la société JPB Promotion rappelle à la Caisse d'épargne :

« Nous revenons vers vous suite au courrier ci-joint qui vous a été adressé le 21 février 2012 concernant la demande de garantie de paiement aux entreprises JTC et

MDE auquel nous n'avons toujours pas reçu de réponse écrite de votre part.

Nous réitérons notre demande à nous fournir, dans vos meilleurs délais, la garantie de paiement de la totalité de leur marché d'un montant de 153 720,98 euros pour l'entreprise JTC et d'un montant de 82 524,00 euros pour l'entreprise MDE comme stipulé dans leur assignation. »

Aux termes d'un courrier du 13 juillet 2012, la société JPB Promotion réitère sa demande auprès de la Caisse d'épargne :

« Nous revenons vers vous suite au courrier ci-joint qui vous a été adressé le 21 février 2012 concernant la demande de garantie de paiement aux entreprises JTC et MDE auquel nous n'avons toujours pas reçu de réponse écrite de votre part.

Les 2 sociétés nous assignent le 25 janvier en vue d'obtenir notre condamnation à payer 30 600,00 euros pour JTC et 3 000 euros pour MDE (voir assignations jointes).

La décision rendue le 29 mai nous condamne à payer 3 800 euros à JTC ainsi qu'à MDE.

Cependant JTC, non satisfait de ce jugement, décide de faire appel de la décision, en vue d'obtenir les 30 600 euros réclamés.

C'est dans le cadre de cette procédure en appel que, à la demande de notre avocat, nous réitérons notre demande à nous fournir la garantie de paiement du marché de JTC, à hauteur de 153 728,98 euros et MDE à hauteur de 82 524,00 euros.'

Comme il a été précisé dans les développements susvisés, la caisse d'épargne disposait dans le cadre de la garantie financière d'achèvement de la possibilité de réaliser des contrôles sur le chantier et d'un droit d'intervention propre pour faire exécuter les travaux par un tiers en cas d'interruption de ceux-ci conformément à l'article 10 du contrat.

Aux termes de l'article 5 de la convention, le garant avait la possibilité de se faire communiquer par la société JPB Promotion, à première demande de sa part, tous renseignements, documents et autres susceptibles de l'informer complètement sur la situation financière, juridique, administrative, technique et fiscale de l'opération. En cas de retard ou d'interruption des travaux, la caisse d'épargne avait le droit de prendre toutes mesures conservatoires.

Aux termes de la garantie, le projet devait s'achever au quatrième trimestre 2011. Cette date étant expirée lorsque la caisse d'épargne a été sollicitée, il lui appartenait de vérifier l'état d'avancement des travaux, les sommes déjà versées et de répondre à la société JPB Promotion.

En se désintéressant de l'avancement des travaux alors même qu'elle avait été avisée des difficultés financières de la société JPB Promotion qui l'avait expressément informée de la situation, et ce à trois reprises, en ne prenant aucune initiative afin de permettre la poursuite des travaux et d'éviter la caducité du permis de construire, bien qu'elle disposait de tout pouvoir, en n'exécutant pas la convention de garantie financière d'achèvement malgré la mise en demeure de la société JPB Promotion, la caisse d'épargne a commis une faute causant un préjudice à la SARL 2 pour 3 puisque la caducité du permis de construire a fait obstacle à la construction de l'immeuble.

La Caisse d'épargne reproche la SARL 2 pour 3 d'avoir contribué à la réalisation du dommage.

-en ayant accepté de signer (et/ou de payer) un contrat qui dépassait le montant de la GFA, c'est-à-dire qu'elle s'était engagée sur un projet différent de celui à l'origine de la Garantie Financière d'Achèvement, l'acquéreur ne pouvant réclamer une garantie financière à propos d'un projet distinct de celui objet de la garantie ;

- en tardant à agir puisqu'alors même que l'ouvrage devait être achevé dès le 30 septembre 2011, elle ne s'est pas manifestée auprès de l'établissement bancaire, son intervention n'ayant eu lieu que trois jours avant l'ouverture de la procédure collective du vendeur.

La preuve n'est pas rapportée que le projet, objet de l'acte notarié soit différent de celui résultant de la garantie financière d'achèvement ; la convention de garantie d'achèvement évoque une estimation du prix étant précisé que la Caisse d'épargne s'est engagée à garantir l'achèvement de l'immeuble sans qu'elle puisse opposer une limitation financière de son engagement résultant de la somme mentionnée dans la garantie.

La SARL 2 pour 3 est liée par les actes notariés qu'elle a signés avec la société JPB Promotion les 5 et 14 octobre 2009 évaluant le prix du marché à la somme de 1 393 210 euros TTC mobilier compris.

La Caisse d'épargne s'est engagée en signant une convention avec la société JPB Promotion, la SARL 2 pour 3, n'ayant pas participé à l'acte. Le prix de revient global du programme a été évalué à la somme 977 000 euros HT. Il a été précisé qu'il s'agissait d'une estimation. En tout état de cause, la différence d'évaluation qui ressort de l'acte de garantie d' achèvement ne peut être opposée à la SARL 2 pour 3 qui n'est pas partie à cet acte.

Il est versé aux débats une attestation en date du 20 octobre 2011 de l'architecte du cabinet Atlante, chargé du suivi des travaux, établissant qu'à cette date, l'état du chantier était au stade de la mise hors d'eau de la construction effectuée ce qui signifie que les murs avaient été construits, la charpente et la toiture posées et que la construction en était au stade de la pose des menuiseries extérieures en vue de procéder à la mise hors d'air de la construction. L'état d'avancement du chantier a été évalué à 70 % de la construction.

Il résulte de l'expertise judiciaire ordonnée aux termes du jugement déféré et diligentée au cours du premier semestre 2016 que

'-l'immeuble est composé d'un ensemble de structures bois et de parties en élévation en maçonneries

-l'état de la structure bois ne permet pas de récupérer celle-ci et elle devra être démolie

-les travaux de maçonnerie présentent de nombreuses malfaçons et signes de non-respect des règles de l'art

Ces éléments justifient que la structure en maçonnerie soit également démolie.

Le dallage réalisé semble encore en bon état mais les niveaux intérieur /extérieur me semblent inadaptés et je note l'absence de pente de la dalle de coursive destinée à recevoir la pluie.

Cet ouvrage doit donc être déposé également.

Concernant les ouvrages de fondations, aucune entreprise ne prendra le risque d'utiliser ces ouvrages pour reconstruire et par conséquent il est nécessaire que ceux-ci soient également démolis.'

L'existence de malfaçons est désormais sans objet puisque la péremption du permis de construire a entraîné l'arrêt des travaux durant plusieurs années et entraîné des dommages résultant de l'exposition de la construction à l'humidité ; l'expert a noté que l'état de la structure bois n'est pas récupérable, que le futur constructeur souhaitera s'assurer de la conformité et de la solidité des fondations ; il résulte également des photographies versées aux débats que la seule élévation des murs laissés en l'état durant quatre à cinq ans les ont nécessairement détériorés. Ces constatations nécesssitent une reprise totale de la construction.

La caisse d'épargne a elle- même missionné un expert au mois de décembre 2013 soit 18 mois après avoir été avisée des difficultés financières de la société JPB Promotion.

L'expert a constaté que le bâtiment, abandonné depuis le mois d'octobre 2011 a été soumis à des dégradations par l'action de l'eau du fait que la couverture dressée en panneaux de particules ou OSB n'a pas été protégée par une membrane ou tout autre complexe.

Il en conclut que le bâtiment n'a donc pas été mis hors d'eau malgré l'attestation datée du 31 octobre 2011.

Les panneaux ou OSB, imbibés constamment d'eau ont considérablement souffert se délaminant, moisisissant, et par endroit développant un champignon, que ce soit dans les 'uvres horizontales ou verticales. L'expert conclut que la structure bois n'est plus récupérable et doit être déconstruite.

L'expert a également constaté l'existence de malfaçons sur le gros 'uvre ne garantissant pas la pérennité structurelle de l'élévation.

Cependant, l'existence de malfaçons n'est pas imputable à la SARL 2 pour 3. Si la mise hors d'eau du bâtiment n'a pas été totalement effectuée, elle était en cours et il ne peut donc être reproché à la SARL 2 pour 33 d'avoir réglé des travaux qui n'ont pas été effectués. Elle dispose en effet d'une attestation du cabinet d'architectes quant à la réalisation de ces travaux.

Le chantier ayant été abandonné au mois d'octobre 2011, et la caisse d'épargne ayant été avisée des difficultés financières de la société JPB Promotion dès le mois de février 2012, sans qu'elle ne se mobilise alors qu'à cette date les travaux auraient dû être terminés, ce qui aurait dû éveiller son attention, elle ne peut reprocher à la SARL 2 pour 3 son inaction alors que celle-ci avait versé les sommes nécessaires au projet.

La Caisse d'épargne ne peut davantage opposer à la SARL 2 pour 3 les insuffisances qu'elle reproche au cabinet d'architectes chargé du suivi des travaux et qui n'a pas été appelé à la procédure alors qu'elle avait elle-même du fait de la convention tout pouvoir pour intervenir et que la SARL 2 pour 3 finançait les travaux mais n'avait pas de mission de suivi de ceux-ci.

En conséquence, la caisse d'épargne doit être déclarée responsable du préjudice subi par la SARL 2 pour 3.

Sur le préjudice

Sur la demande de dommages et intérêts de la SARL 2 pour 3

Pour fixer son préjudice, la SARL 2 pour 3 se fonde sur la description et le détail chiffré des travaux nécessaires à l'achèvement du projet établi le 6 août 2013 et transmis par M. [M] [J], directeur des programmes de la société JPB PROMOTION, à la Caisse d'épargne, conformément à l'article 10 de la garantie financière d'achèvement. M. [J] a chiffré le coût des travaux nécessaires à l'achèvement de l'immeuble, intégrant les surcoûts liés aux changements législatifs à 1 609 323 euros HT, soit 1 922 594,00 euros TTC.

Cependant, une expertise a été ordonnée par le tribunal de commerce de Lille aux termes de la décision du 5 novembre 2015 déférée et la SARL 2 pour 3 communique une simple note d'expertise en date du 30 juin 2015 aux termes de laquelle l'expert indique qu'il a sollicité un devis pour l'actualisation du chiffrage des travaux avec les normes en vigueur sans que ce devis ne soit versé aux débats.

Le préjudice subi par la SARL 2 pour 3 en lien avec la faute commise par la Caisse d'épargne n'est pas constitué par le coût de la reconstruction de l'immeuble mais par le montant des sommes qu'elle a versées en vain pour la construction de l'immeuble auquel s'ajoute le coût de la destruction des travaux déjà réalisés et non utilisables. Cette indemnisation permet à la SARL 2 pour 3 de se retrouver dans la situation initiale en ce qu'elle récupère les sommes investies sans résultat et en ce qu'elle est indemnisée des travaux réalisés en pure perte.

La SARL 2 pour 3 allègue avoir versé 70 % de la somme de 1 688 150 euros soit 1 181 705 euros correspondant au montant de l'emprunt accordé pour la construction. Mais n'en justifie pas. Ce montant est contesté par la Caisse d'épargne. La SARL 2 pour 3 ne démontre pas qu'il lui a été réclamé une somme supérieure à son engagement contractuel. Il est versé aux débats une attestation en date du 20 octobre 2011 de l'architecte du cabinet Atlante, chargé du suivi des travaux évaluant l'état d'avancement du chantier à 70 % de la construction. Par courrier en date du 4 novembre 2011, JPB Promotion a adressé à la SARL 2 pour 3 un appel de fonds de 139 321 euros correspondant à l'attestation de l'architecte quant à l'état d'avancement des travaux soit la mise hors d'eau du chantier et se référant à l'échéancier du contrat de vente et de l'acte d'acquisition. Aux termes de celui-ci, l'engagement financier de la SARL 2 pour 3 s'élève à la somme de 1 393 210 euros. La SARL 2 pour 3 ne justifiant pas par la production d'éléments comptables probants avoir versé une somme supérieure à celle prévue au contrat de vente, il sera retenu comme en attestent les pièces versées aux débats qu'elle a payé 70 % de la somme de 1 393 210 euros TTC soit 975 247 euros, somme qui lui sera allouée en réparation de son préjudice.

Si la SARL 2 pour 3 ne fournit pas d'élément chiffré sur le coût de la déconstruction de l'existant, la Caisse d'épargne a fait procéder à des constatations sur l'état de l'immeuble au 30 décembre 2013 réalisé par un expert judiciaire qui a évalué le coût de la remise en état initiale ( déconstruction et recyclage des déblais) à la somme de 28 500 euros HT si on laisse la dalle béton en place et à la somme de 47 000 euros HT si on fracture la dalle béton. En retenant l'option la plus favorable à la SARL 2 pour 3, correspondant également à l'avis de l'expert, le montant s'élève à la somme de 47 000 euros HT (+ TVA à 20%) soit 56 400 euros TTC. Cette pièce produite aux débats a pu être discutée entre les parties, la SARL 2 pour 3 ne versant aucune pièce contraire.

La Caisse d'épargne sera condamnée à payer à la SARL 2 pour 3 en réparation du préjudice subi la somme de 975 247 euros, outre celle 56 400 euros soit au total la somme de 1 031 647 euros.

Sur le préjudice lié à la perte de loyers

La SARL 2 pour 3 verse aux débats trois promesses de baux commerciaux de locaux meublés portant sur trois lots de l'EPHAD en cours de construction. Le loyer annuel prévu était de :

- 19 501,41 euros HT pour les lots 1 à 3

- 26 001,88 euros HT pour les lots 4 à 7,

- 43 313,76 euros HT pour les lots 8 à 14,

Soit un loyer de 88 817,05 euros HT par an pour l'ensemble immobilier.

Les promesses de baux prévoyaient une durée de location d'une durée de onze ans.

La SARL 2 pour 3 réclame 710 536,40 euros au titre du préjudice de la perte de loyers passés et à venir.

Cependant, compte tenu de l'état de l'immeuble en construction et de l'avancement des travaux, aucun élément du dossier ne permet de déterminer la date à laquelle les travaux auraient pris fin et la date de mise en location de l'immeuble. L'existence de malfaçons était également de nature à retarder les travaux et la mise en location de l'immeuble.

La SARL 2 pour 3 sera déboutée de ce préjudice hypothétique.

Sur le préjudice moral

La société 2 pour 3 qui est un acheteur professionnel de biens immobiliers invoque au titre de son préjudice moral l'incertitude liée à la situation notamment quant à la date à laquelle elle pourra bénéficier de l'immeuble. L'activité qu'elle exerce présente l'existence d'aléas qu'elle doit prendre en compte. Aucune pièce n'est versée justifiant d'un préjudice moral. Elle sera déboutée de sa demande.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Il y a lieu de condamner la Caisse d'épargne à verser à la société 2 pour 3 la somme de

10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de la procédure.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté la Caisse d'épargne et de prévoyance France Europe de ses fins de non- recevoir, sur les frais irrépétibles et les dépens ;

Statuant à nouveau,

Constate que la caducité du permis de construire a mis fin à la garantie d'achèvement financière de la Caisse d'épargne ;

Déclare l'action en responsabilité de la société 2 pour 3 à l'égard de la Caisse d'épargne, non prescrite ;

Déclare la Caisse d'épargne responsable du préjudice subi par la société 2 pour 3, du fait de l'inachèvement de l'immeuble ;

Condamne la caisse d'épargne à verser à la société 2 pour 3 la somme de 1 031 647 euros en réparation du préjudice subi par celle-ci ;

Déboute la SARL 2 pour 3 de sa demande de dommages et intérêts au titre de la perte de loyers ;

Condamne la Caisse d'épargne à payer à la société 2 pour 3 la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette toute autre demande ;

Condamne la Caisse d'épargne aux dépens de la procédure d'appel.

Le GreffierLe Président

V. RoelofsM.A.Prigent


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 2 section 1
Numéro d'arrêt : 15/06898
Date de la décision : 30/11/2017

Références :

Cour d'appel de Douai 21, arrêt n°15/06898 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-11-30;15.06898 ?
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