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23/11/2017 | FRANCE | N°15/02199

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 2, 23 novembre 2017, 15/02199


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 2 SECTION 2



ARRÊT DU 23/11/2017



***





N° de MINUTE : 17/

N° RG : 15/02199



Jugement (N° 2014001884)

rendu le 19 mars 2015 par le tribunal de commerce de Lille Métropole





APPELANTE



SAS Novafer agissant poursuites et diligences de son représentant égal en cette qualité audit siège

ayant son siège social siège [Adresse 1]

[Localité

1]

représentée par Me François Deleforge, SCP François Deleforge-Bernard Franchi, avocat au barreau de Douai

assistée de Me Elisabeth Angles d'Auriac, avocat au barreau de Paris



INTIMÉE



SARL CT Déve...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 23/11/2017

***

N° de MINUTE : 17/

N° RG : 15/02199

Jugement (N° 2014001884)

rendu le 19 mars 2015 par le tribunal de commerce de Lille Métropole

APPELANTE

SAS Novafer agissant poursuites et diligences de son représentant égal en cette qualité audit siège

ayant son siège social siège [Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me François Deleforge, SCP François Deleforge-Bernard Franchi, avocat au barreau de Douai

assistée de Me Elisabeth Angles d'Auriac, avocat au barreau de Paris

INTIMÉE

SARL CT Développement prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par Me Eric Laforce, SELARL Eric Laforce, avocat au barreau de Douai

assistée de Me Christophe Sory, avocat au barreau de Lille

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Marie-Laure Dallery, président de chambre

Nadia Cordier, conseiller

Isabelle Roques, conseiller

---------------------

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Valérie Roelofs

DÉBATS à l'audience publique du 28 septembre 2017 après rapport oral de l'affaire par Isabelle Roques

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 23 novembre 2017 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Marie-Laure Dallery, président, et Valérie Roelofs, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 29 juin 2017

***

FAITS ET PROCEDURE

La société Novafer est une holding créée dans le but de 'reprendre' la société Lorraine de Matériel Ferroviaire (dite société Lormafer), spécialisée dans la maintenance de matériel ferroviaire.

La société Novafer était détenue à 55% par la société CT Développement (CT signifiant [R] [P]) et, pour le reste, par la société Finafer, fonds d'investissement représenté par M. [X] [O].

M. [R] [P] était désigné comme président des sociétés Novafer et Lormafer.

Le 31 décembre 2009, la société Novafer a confié à la société CT Développement une mission de réalisation de prestations de 'conseil et d'assistance en stratégie et pilotage opérationnel'.

L'étendue de cette mission était précisée par cette convention.

Celle-ci faisait suite à deux précédents contrats, signés le 12 décembre 2006 et 31 décembre 2007.

Elle stipulait qu'elle était conclue pour une durée de 3 ans, renouvelable par tacite reconduction.

Elle a fait l'objet d'un renouvellement le 31 décembre 2012.

Courant 2012 et dans le but d'obtenir des fonds pour permettre la création de nouveaux sites en Europe, il a été envisagé d'ouvrir le capital social de la société Novafer au FSI.

En avril 2013, une cession de parts sociales a été régularisée, le FSI entrant dans le capital social à hauteur d'un peu plus de 27%, la société CT Développement ne détenant plus que 23,46% du capital tandis que la société Finafer détenait 47,82%.

En décembre 2012, pour tenir compte de ces évolutions à venir, M. [P] a démissionné de ses fonctions de PDG de Lormafer ainsi que de ses fonctions de président de la société Novafer.

Il a été remplacé par M. [W] s'agissant de la première société et par M. [O] pour la seconde.

Les sociétés Novafer et CT Développement sont restées liées par la convention de prestation de services conclue en décembre 2009.

Estimant que la société CT Développement ne remplissait plus ses obligations contractuelles, la société Novafer l'a, par lettre commandée avec demande avis de réception en date du 6 septembre 2013, mise en demeure de le faire, sous peine de résiliation de la convention.

Puis, par acte en date du 17 janvier 2014, la société Novafer fait assigner la société CT Développement devant le tribunal de commerce de Lille Métropole aux fins notamment de constater la résiliation de la convention de prestations de services ou de prononcer sa 'résolution' et de condamner la société CT Développement à lui régler diverses sommes, au titre des sommes indûment perçues ou à titre de dommages et intérêts.

De son côté, la société CT Développement estimait avoir parfaitement exécuté ses obligations mais sollicitait la résolution de la convention litigieuse, à raison des manquements de la société Novafer à ses obligations, ainsi que la condamnation de cette dernière à lui régler une somme de 1 519 087,50 euros à titre de dommages et intérêts.

Dans un jugement contradictoire rendu le 19 mars 2015, le tribunal de commerce de Lille Métropole a :

- dit que la société Novafer avait mis fin sans motif légitime à la convention de services,

- prononcé la résolution de cette convention,

- débouté la société Novafer de ses demandes,

- condamné la société Novafer à verser à la société CT Développement les sommes suivantes :

- 80 925,67 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la décision,

- 660 513 euros, 'avec intérêts au taux légal à compter du moment où CTD aurait dû percevoir ces sommes'

- 15 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire de la décision,

- condamné la société Novafer aux dépens de l'instance.

Par déclaration au greffe en date du 10 avril 2015, la société Novafer a interjeté appel de cette décision.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 29 juin 2017, l'affaire étant plaidée le 28 septembre puis mise en délibéré.

PRETENTIONS DES PARTIES

Vu les conclusions en date du 20 mars 2017 dans lesquelles la société Novafer demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris en toute ses dispositions,

- juger que la convention de prestation de services signée le 31 décembre 2009 a été valablement résiliée par elle, en application de l'article 6.2 de ce contrat,

- subsidiairement, prononcer la résolution judiciaire de cette convention aux torts exclusifs de la société CT Développement,

- condamner la société CT Développement à lui verser les sommes suivantes :

- 55 906,25 euros en 'répétition des honoraires et remboursements de frais indûment perçus', avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

- 313 675,60 euros à titre de dommages et intérêts à raison du préjudice qu'elle a subi du fait de la non-exécution de cette convention,

- débouter la société CT Développement de ses demandes ou, subsidiairement, réduire à de plus justes proportions les sommes réclamées par elle qui ne sauraient être supérieures à 150 000 euros,

- condamner la société CT Développement aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à lui verser une somme de 20 000 euros au titre de ses frais irrépétibles.

Vu les conclusions datées du 17 octobre 2016 aux termes desquelles la société CT Développement sollicite que la cour :

- confirme le jugement entrepris sauf sur le montant des sommes qui lui ont été allouées,

- constate l'absence de défaillance de sa part dans l'exécution de la convention de prestation de services,

- déboute la société Novafer de ses demandes,

- constate que cette dernière a mis fin et de manière brutale et abusive, sans motif légitime, à cette convention,

- prononce la résolution judiciaire de cette convention aux torts de la société Novafer,

- condamne, à titre principal, cette dernière à lui verser une somme de 1 519 087,50 euros TTC à titre de dommages et intérêts,

- subsidiairement :

- constate que 'la part variable annuelle moyenne' de sa rémunération s'est élevée à 80 925,67 euros durant les 3 exercices précédant la rupture de la convention,

- fixe cette part variable annuelle à cette somme de 80 925,67 euros,

- dit que 'la part variable de référence doit être rapportée, non pas à un seul, mais aux 3 exercices' dont elle a été 'spoliée',

- condamne, en conséquence, la société Novafer à lui régler :

- 660 513 euros au titre du 'forfait annuel',

- 242 777 euros au titre de la 'part variable',

- dise que les intérêts dus courront à compter du jour où les sommes devaient lui revenir ou à compter du 'prononcé pour ce qui est des rémunérations',

- condamne la société Novafer aux dépens ainsi qu'à lui verser une somme de 20 000 euros au titre de ses frais irrépétibles.

SUR CE,

Sur la résiliation ou la résolution judiciaire de la convention de services signée le 31 décembre 2009

Au visa de l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure au 1er octobre 2016, chaque partie impute à l'autre la responsabilité de la rupture de la convention de service les liant.

Au visa de ce même article, elles sollicitent le prononcé de la résolution judiciaire du contrat, s'il n'était pas considéré comme résilié, et ce aux torts de la partie adverse.

La société Novafer soutient qu'à compter de la démission de M. [P] de ses fonctions de direction des sociétés Novafer et Lormafer, la société CT Développement s'est désinvestie de sa mission de conseil et d'assistance, ne participant plus qu'à quelques réunions, ne produisant que très peu de mails, tous brefs, tant à son attention qu'à celle de ses clients, et ne faisant que très peu de déplacements auprès de ses clients.

Elle lui reproche également d'avoir utilisé les moyens qu'elle lui avait mis à sa disposition pour développer une autre activité ou pour les besoins de M. [P].

Elle estime donc qu'elle pouvait se prévaloir des stipulations de la convention relatives à sa résiliation ou, qu'à tout le moins, la résolution judiciaire de celle-ci doit être prononcée aux torts de la société CT Développement.

En réplique, cette dernière conteste ne pas avoir exécuté ses obligations contractuelles, rappelant que la convention ne fait aucunement peser sur elle une obligation de rendre compte à la société Novafer des prestations qu'elle accomplit pour elle.

Elle ajoute que, fin août 2013, cette dernière lui a brutalement interdit d'avoir des relations avec ses clients, l'empêchant par là même d'exécuter ses obligations.

La société CT Développement estime également que la société Novafer a dévoyé l'article de la convention relatif à sa résiliation.

Enfin, elle conteste toute utilisation des moyens mis à sa disposition par la société Novafer à des fins personnelles.

La société CT Développement estime donc que la société Novafer n'a pas respecté ses obligations contractuelles et que ces manquements ne peuvent que conduire à la résolution de la convention du 31 décembre 2009 aux torts de celle-ci.

L'article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure au 1er octobre 2016, dispose que la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement.

Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts.

La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances.

Il appartient au juge du fond d'apprécier si le retard dans l'exécution ou l'inexécution partielle est d'une gravité suffisante pour que la résolution doive être prononcée.

Aux termes de la convention de prestations de services signée le 31 décembre 2009, dans un exposé préalable, il est indiqué que 'Le Prestataire [la société CT Développement, représentée par M. [R] [P], son gérant] accepte de fournir au profit de la Holding [la société Novafer] et de ses filiales la Prestation de Services décrite ci-dessous car il possède, au sein de son effectif, la ou les personnes physiques (et en particulier lui-même) susceptibles de réaliser matériellement ces missions dans les conditions exigées par la Holding.

Le présent contrat est également conclu en raison de la présence de M. [R] [P] au sein de la Holding CT Développement, en sa qualité de gérant. Compte tenu de l'expérience et du savoir-faire du Prestataire, la Holding a souhaité recourir à ses services à titre non exclusif.'

Puis, cette convention stipule ce qui suit :

- 'Le Prestataire s'engage expressément à fournir à la Holding une activité de conseil et d'assistance en stratégie et pilotage opérationnel' (cf article 2 intitulé Prestations),

- ces prestations sont détaillées précisément dans cet article 2 et comprennent deux sous-rubriques : l'assistance à la définition de la stratégie de la Holding et l'assistance dans le pilotage opérationnel des domaines commerciaux, achats, industriels et financiers,

- s'agissant des 'Modalités d'exécution' (cf. Article 3), 'le Prestataire doit agir uniquement en tant que conseiller prestataire [....] et ne peut conclure de contrat au nom et pour le compte de la Holding. Il n'est pas le mandataire à ce titre de la Holding.' ; par ailleurs, 'Le Prestataire s'engage à apporter toute diligence et à mettre en oeuvre tous les moyens nécessaires pour fournir les Prestations à la Holding. Le Prestataire affectera les conseillers et consultants compétents pour la réalisation des Prestations ; ces derniers consacreront le temps nécessaire à l'exécution des missions définies [...].',

- enfin, s'agissant des 'Honoraires et [Localité 3]' (cf. Article 4), la Holding s'engage à régler au Prestataire pour une année :

- un montant forfaitaire de 250 000 euros hors taxes, calculé sur 'une base du coût horaire de 150 euros HT par heure'

- une prime variable liée à la performance pouvant aller jusqu'à un maximum de 50% du montant forfaitaire et calculée selon 3 critères l'Excédent Brut d'Exploitation, le Résultat Net et 'une appréciation qualitative de la performance' reposant sur des objectifs qualitatifs fixés chaque année,

- un bonus lié à la rentabilité pouvant aller jusqu'à 20% du montant forfaitaire, dû uniquement à compter de l'année 2012,

- une indemnité forfaitaire de déplacement couvrant tous les frais de déplacement en voiture et fixée à 12 000 euros, les autres frais étant remboursés au prestataire sur présentation de justificatifs.

Ainsi, la convention liant les parties ne détermine, à aucun moment, de modalités précises d'exécution par la société CT Développement de ses obligations contractuelles, et notamment les moyens matériels qu'elle devait utiliser pour exécuter les prestations qu'elle fournissait à la société Novafer.

Par ailleurs, alors que cette convention de 2009 était une reconduction de conventions signées et exécutées antérieurement, et ce depuis 2006, la société Novafer ne produit aucune pièce antérieure à la fin de l'année 2012 et à l'année 2013 qui permettrait d'établir selon quelles modalités la société CT Développement exécutait auparavant ses obligations de conseil et d'assistance.

C'est pourquoi, la société Novafer ne peut valablement soutenir dans le cadre de la présente instance qu'à compter de l'année 2013, les mails de M. [P] étaient devenus plus courts, moins fréquents, que la société CT Développement ne produisait plus de rapports ou de notes de travail, dès lors que la société Novafer n'établit pas quelle était la pratique antérieure à l'année litigieuse, qu'elle considérait comme étant la norme.

Ne sauraient être considérés comme probants les courriers produits, datés tantôt du 26 septembre, tantôt du 3 octobre 2013, rédigés dans les mêmes termes et signés par des personnes qui ne justifient ni de leur identité, ni de leur qualité, adressés à M. [O] qui font état de 'manquements de la société CT Développement' sans aucune précision sur lesdits manquements.

D'ailleurs, il doit être relevé que ces courriers sont attribués à des dirigeants ou salariés des sociétés Lormafer, Novafer ou d'un responsable du FSI qui avaient donc intérêt à soutenir la position prise par la société Novafer.

Et, les autres pièces sur lesquelles la société Novafer se fonde pour soutenir que la société CT Développement, et M. [P], n'ont pas exécuté les obligations prévues dans la convention ne sont pas plus pertinentes.

En effet, à titre d'exemple, le mail de la responsable Maintenance et Repair de la société Ermewa (pièce n°69 du dossier de la société appelante), daté du 11 septembre 2015, soit après que la présente instance a été introduite par la société Novafer, se limite à indiquer que les relations commerciales entre les deux sociétés 'sont tout sauf épisodiques' sans aucune précision sur l'ancienneté de ces relations, ni aucun lien avec des prestations (telles que des rendez-vous, visites ou autres) qui n'auraient pas été assurées par la société CT Développement dans le courant de l'année 2013 litigieuse.

Le document intitulé 'attestation' (cf. Pièce n°70), émanant d'une personne se disant président d'une société Millet mais qui ne justifie pas de son identité, ni de sa qualité, daté du 24 juillet 2015, contient une série de griefs à l'encontre de M. [P] dont l'ancienneté, puisque les faits se seraient produits en 2010 et auraient entraîné la fin de relations commerciales entre les sociétés Novafer et Millet au 31 décembre 2012, ne saurait établir que la société CT Développement n'a pas exécuté ses obligations contractuelles en 2013.

En outre, cette attestation évoque également des manquements de la société Novafer à ses obligations contractuelles, expliquant la fin de leurs relations commerciales, manquements qui ne peuvent être imputés à la société CT Développement, qui n'avait qu'une qualité de prestataire de services, mais qui semblent bien plus attribués à M. [P], qui était alors le dirigeant de la société Novafer.

Or, comme l'a justement souligné la société Novafer, le présent litige n'est en rien un litige entre deux personnes, MM. [P] et [O], mais entre deux sociétés.

Il ne saurait donc être reproché à la société CT Développement des comportements qu'aurait eu M. [P], son gérant, lorsqu'il dirigeait la société Novafer.

Enfin, le mail de M. [V], directeur du matériel au sein de la société Colasrail, (cf. Pièce 47) daté du 9 avril 2014 et qui répond à une sollicitation de M. [O] au sujet notamment des prestations accomplies par M. [P], se limite à faire mention d'interrogations de sa part sur le 'positionnement de M. [P]', interrogations qu'il a eu suite à des échanges avec la société Novafer en 'septembre', et fait mention de différents projets qui étaient en cours à cette période qui ont donné lieu à des commandes ultérieures tandis que d'autres n'ont pas abouti.

Ce mail établit donc que la société CT Développement avait bien des relations avec cette société Colasrail pour le compte de la société Novafer.

Au surplus, la société CT Développement produit de multiples mails qu'elle a adressés aux sociétés Lormafer, Novafer ou à certains de leurs partenaires, courant des années 2012 et 2013, qui attestent de ce qu'elle informait les 2 premières des prestations qu'elle réalisait pour elles dans le cadre de cette convention.

Ces mails pouvaient contenir des comptes-rendus succincts de réunions, des projets de contrat ou des informations sur les projets en cours.

Ainsi, la société Novafer ne rapporte pas la preuve que la société CT Développement n'a pas rempli ses obligations contractuelles.

En outre, comme l'a justement retenu le tribunal de commerce de Lille Métropole, aucun mail, avant celui daté du 28 août 2013, n'a été échangé entre les parties au sujet de la qualité des prestations fournies par la société CT Développement depuis la fin de l'année 2012.

Ce n'est que par mail du 28 août 2013 que M. [O], au nom de la société Novafer, a indiqué à M.. [P], représentant de la société CT Développement, qu'il trouvait les prestations de cette dernière 'plus que modestes' et lui demandait 'dans les meilleurs délais un rapport très détaillé et documenté des prestations de CTD au cours des 4 derniers mois (réunions, rapports, e-mails...) Avec les interlocuteurs internes et externes, les dates et le temps passé'.

Par ce même mail, la société Novafer a, dans l'attente de la réception du rapport demandé, 'formellement' prié la société CT Développement 'de cesser tout contact avec les équipes de Lormafer et les clients.'

Si la société CT Développement n'a pas fourni le rapport demandé, il n'en reste pas moins qu'au vu de ce qui vient d'être exposé, aucune stipulation contractuelle ne lui imposait de rendre compte de la sorte de son activité.

En conséquence, l'absence de production du rapport demandé par la société Novafer ne peut non plus caractériser un manquement de la société CT Développement à ses obligations.

La société Novafer soutient également que le manquement de la société CT Développement à ses obligations serait caractérisé par le fait qu'elle a accompli moins de déplacements professionnels dans le cadre de l'exécution de la convention litigieuse.

Cette convention prévoit expressément un forfait pour les déplacements faits en voiture et un remboursement sur justificatifs des déplacements faits par d'autres moyens de transport.

Ainsi, le fait que la société CT Développement ait sollicité moins de remboursement de trajets en train en 2013 n'est en rien une preuve d'une diminution des déplacements professionnels faits pour exercer ses missions, dès lors qu'elle n'avait pas à justifier de tous les déplacements faits en voiture et que la société Novafer n'établit pas qu'elle n'en a pas fait ou moins avec ce mode de transport.

En tout état de cause, comme cela a été relevé plus haut, la convention litigieuse ne déterminait pas précisément quels moyens devaient être mis en oeuvre par la société CT Développement, et notamment un nombre minimum de déplacements professionnels sur une année.

De même, la société Novafer argue d'une baisse de sa propre activité pour soutenir qu'elle serait imputable au désengagement de la société CT Développement.

Toutefois, cette dernière n'était investie que d'une mission de conseil et d'assistance.

La société CT Développement ne peut donc en rien être tenue à raison des ralentissements liés au secteur d'activité des sociétés Novafer et Lormafer, ralentissements constatés par la société Lormafer lors de la réunion de son conseil d'administration le 20 mars 2013 (cf. Pièce A 12 du dossier de la société CT Développement).

Ainsi, ces griefs ne sauraient non plus prospérer.

Enfin, s'agissant des détournements de moyens mis à sa disposition par la société CT Développement, à savoir du matériel de bureautique, des meubles de bureau et une ligne téléphonique, il n'est pas contesté que, le 24 octobre 2013, a eu lieu la restitution de matériels appartenant à la société Novafer (cf. Pièce 14 du dossier de celle-ci).

Par ailleurs, les constatations faites par l'huissier de justice mandaté par la société Novafer ont été faites en janvier 2014, pour partie dans les locaux de cette dernière, et ne permettent en rien d'établir que M. [P], et par lui la société CT Développement, utilisait ce matériel (poste et ligne téléphoniques et ordinateur) pour des fins autres que celles qui lui avaient été confiées au terme de la convention de prestation de service du 31 décembre 2009.

En tout état de cause, ces simples faits, s'ils étaient avérés, ne sauraient justifier une résiliation de cette convention, comme l'a retenu le tribunal de commerce de Lille Métropole lorsqu'il a évoqué des 'chicaneries'.

Il résulte de tout ceci que la société Novafer échoue à rapporter la preuve que la société CT Développement n'a pas exécuté ses obligations contractuelles.

En conséquence, elle ne pouvait valablement se prévaloir des stipulations de l'article 6.2 de la convention du 31 décembre 2009 relatives à la résiliation de celle-ci, pas plus qu'elle n'est bien-fondée à en solliciter la résolution judiciaire.

Le jugement entrepris doit donc être confirmé en ce qu'il a déboutée la société Novafer de ces deux demandes mais aussi de ses demandes subséquentes de dommages et intérêts et de répétition de frais et honoraires réglés à la société CT Développement.

Il résulte de ce qui vient d'être exposé que, par mail du 28 août 2013, la société Novafer a, pour la première fois, intimé à la société CT Développement de produire un ' rapport très détaillé et documenté des prestations [accomplie par elle] au cours des 4 derniers mois (réunions, rapports, emails...) Avec les interlocuteurs internes et externes, les dates et le temps passé'.

Dans ce même message, et dans l'attente de la production du rapport demandé, la société Novafer a interdit à la société CT Développement 'tout contact avec les équipes de Lormafer et les clients.'

De même, la société Novafer ne conteste pas avoir cessé de régler les factures émises par la société CT Développement à compter du mois de juillet 2013, la dernière facture réglée étant relative au mois de juin 2013.

Enfin, les échanges de courriers et de mails qui ont eu lieu après le 28 août 2013 attestent de la dégradation irréversible des relations entre les deux sociétés.

Il résulte de ces constatations que la société Novafer a manqué à ses obligations contractuelles, telles que prévues dans la convention du 31 décembre 2009, manquements tels qu'il convient de prononcer la résolution judiciaire de cette convention.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a dit que la société Novafer avait mis fin sans motif légitime à cette convention et en qu'il a prononcé la résolution de cette convention.

Sur les demandes en paiement présentées par la société CT Développement

Estimant que la convention du 31 décembre 2009, reconduite le 31 décembre 2012, devait prendre fin le 31 décembre 2015, la société CT Développement sollicite l'allocation à son profit de toutes les sommes, excepté le forfait pour frais de déplacement, qu'elle aurait perçues pendant cette période, si la société Novafer n'avait pas mis fin à cette convention.

En réplique, la société Novafer s'oppose à cette demande, soutenant que :

- elle n'est pas justifiée, la société CT Développement n'établissant pas la réalité du préjudice réellement subi,

- certains postes de la rémunération de la société CT Développement étaient liés aux résultats réalisés par elle-même, résultats auxquels cette dernière n'a pas contribué à compter de septembre 2013 et résultats qui, en tout état de cause, n'ont pas atteints ceux escomptés,

- et, à titre subsidiaire, seule une somme forfaitaire de 150 000 euros, telle que fixée dans la convention, peut être mise à sa charge.

Il convient de rappeler qu'aux termes de l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure au 1er octobre 2016, la partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts.

Le prononcé de la résolution du contrat emporte extinction des obligations qui en découlaient, de sorte que la partie, non tenue pour responsable de cette résolution, ne peut demander le paiement de ce qu'elle était en droit de recevoir au terme de cette convention mais uniquement des dommages et intérêts.

En l'espèce, il n'est pas contesté que la convention du 31 décembre 2009 a été reconduite pour une période de 3 ans à compter du 31 décembre 2012.

Toutefois, sa résolution a été prononcée et il résulte des développements ci-dessus qu'à compter du mois de septembre 2013, les deux sociétés ont rompu toutes relations contractuelles, de sorte que la société CT Développement n'a pas poursuivi sa mission de conseil et d'assistance de la société Novafer.

D'ailleurs, cette convention prévoyait deux possibilités de résiliation avant le terme fixé, en cas d'inexécution de ses obligations par l'une des parties ou en cas de changement de direction au sein de la société Novafer.

Ainsi, la durée de 3 ans n'était pas immuable, contrairement à ce que semble le sous-entendre le tribunal de commerce de Lille Métropole dans sa décision.

En outre, comme cela a été évoqué plus haut, lors de la reprise de stipulations de la convention litigieuse, une partie de la rémunération de la société CT Développement était fixée et évaluée en fonction des résultats annuels de la société Novafer mais aussi d'objectifs qualitatifs déterminés chaque année par les deux sociétés.

Or, comme l'a justement relevé le tribunal de commerce de Lille Métropole, à compter du mois de septembre 2013, puisque la société CT Développement n'a pu poursuivre sa mission de prestation de services, elle n'a pas non plus contribué aux résultats réalisés pour les années postérieures par la société Novafer.

Enfin, il n'est en rien établi, comme le soutient la société CT Développement, que la cession de parts sociales qu'elle a opérée au profit du FSI en avril 2013 était intimement liée et conditionnée à la poursuite de la convention de prestation de services qui avait été reconduite le 31 décembre 2012 et donc que la rupture de cette convention aggraverait le préjudice qu'elle en a subi.

Il résulte de l'ensemble de ces constatations que, si la société CT Développement a nécessairement subi un préjudice du fait de la rupture anticipée et sans motif sérieux de la convention litigieuse par la société Novafer, son préjudice ne peut consister qu'en la perte d'une chance d'obtenir la rémunération escomptée aux termes de ce contrat.

Compte tenu du fait que la société Novafer était redevable de certaines factures lorsqu'elle a mis fin à la convention de prestation de services, du 'montant forfaitaire', tel que prévu par ce contrat, mais aussi des sommes que la société CT Développement pouvait escompter percevoir au titre de la 'prime' et du 'bonus' pour l'année 2013, il convient de fixer à 300 000 euros la préjudice subi par cette dernière au titre de cette perte de chance.

Ainsi, le jugement entrepris sera réformé et la société Novafer sera condamnée à verser à la société CT Développement une somme de 300 000 euros à titre de dommages et intérêts.

S'agissant d'une condamnation à des dommages et intérêts, les intérêts moratoires seront dus à compter de son prononcé, et non à compter 'du jour où les sommes devaient revenir à la CT Développement', comme cette dernière le sollicite.

Le jugement entrepris sera donc infirmé également sur ce point.

La société CT Développement sera déboutée du surplus de ses demandes au titre de l'indemnisation de son préjudice.

Sur les dépens et l'indemnité au titre des frais irrépétibles

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement entrepris sur la condamnation aux dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Novafer, partie perdante, sera condamnée aux dépens d'appel ainsi qu'à verser à la société CT Développement une somme complémentaire de 5 000 euros en application, en cause d'appel, des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le sens du présent arrêt conduit à débouter la société Novafer de sa demande d'indemnité au titre de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

statuant par arrêt contradictoire et par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il a condamné la société Novafer à régler à la société CT Développment les sommes de 80 925,67 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la décision, et 660 513 euros, avec intérêts au taux légal à compter du moment où CTD aurait dû percevoir les sommes ;

Et statuant à nouveau sur ces chefs infirmés et y ajoutant,

CONDAMNE la société Novafer à régler à la société CT Dévelopement une somme de 300 000 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

DEBOUTE la société CT Développement du surplus de ses demandes ;

CONDAMNE la société Novafer à verser à la société CT Développement la somme complémentaire de 5 000 euros au titre de ses frais irrépétibles en cause d'appel ;

DEBOUTE la société Novafer de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Novafer aux dépens d'appel.

Le GreffierLe Président

V. RoelofsM.L.Dallery


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 2 section 2
Numéro d'arrêt : 15/02199
Date de la décision : 23/11/2017

Références :

Cour d'appel de Douai 22, arrêt n°15/02199 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-11-23;15.02199 ?
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