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06/07/2017 | FRANCE | N°14/07797

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 2, 06 juillet 2017, 14/07797


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 2 SECTION 2



ARRÊT DU 06/07/2017





***





N° de MINUTE : 17/

N° RG : 14/07797



Jugement (N° 2013/15265)

rendu le 03 décembre 2014

par le tribunal de commerce de Lille Métropole





APPELANTE



Selas Bernard et Nicolas Soinne mandataires judiciaires associés

ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 1]



représe

ntée et assistée par Me Benoît de Berny, de l'association de Berny Benoît-Follet Caroline et Herbaut Charlotte, avocat au barreau de Lille, substitué par Me Delphine Lancien



INTIMÉE



SAS White

ayant son siège social [Adres...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 06/07/2017

***

N° de MINUTE : 17/

N° RG : 14/07797

Jugement (N° 2013/15265)

rendu le 03 décembre 2014

par le tribunal de commerce de Lille Métropole

APPELANTE

Selas Bernard et Nicolas Soinne mandataires judiciaires associés

ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 1]

représentée et assistée par Me Benoît de Berny, de l'association de Berny Benoît-Follet Caroline et Herbaut Charlotte, avocat au barreau de Lille, substitué par Me Delphine Lancien

INTIMÉE

SAS White

ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 2]

représentée et assistée par Me Régis Debavelaere, avocat au barreau de Lille

DÉBATS à l'audience publique du 04 avril 2017 tenue par Stéphanie André magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Maryse Zandecki

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Marie-Laure Dallery, président de chambre

Stéphanie André, conseiller

Nadia Cordier, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 06 juillet 2017 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Marie-Laure Dallery, président et Maryse Zandecki, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 30 mars 2017

***

FAITS ET PROCEDURE

La SA Philippe Leprince Promotion (SA PLP) a été placée en liquidation judiciaire le 16 juin 1996. La Selas Soinne a été désignée en qualité de mandataire liquidateur.

La créance de la SAS White, prêteur immobilier, venant aux droits de la banque La Hénin, a été admise au passif hypothécaire de la société PLP pour la somme de 8 287 254, 58 francs.

L'immeuble hypothéqué ayant été adjugé le 07 juin 1998 pour 2, 51 millions de francs, le juge-commissaire à la liquidation a alloué deux provisions à la SAS White pour un montant total de 2 000 000 francs, soit 304 898, 04 euros.

La clôture de la liquidation a été prononcée pour insuffisance d'actif le 26 janvier 2011.

Faisant valoir que la trésorerie de la liquidation était insuffisante pour régler les frais de mandataire calculés à la somme de 87 990, 13 euros, la Selas Soinne a sollicité de la SAS White qu'elle lui restitue la provision à hauteur de 63 927, 18 euros, en vain.

Par exploit d'huissier du 1er octobre 2013, la Selas Soinne assigné la SAS White devant le tribunal de commerce de Lille-Métropole afin d'obtenir paiement de cette somme.

Par jugement contradictoire du 03 décembre 2014, le tribunal s'est déclaré compétent et a:

- débouté la SAS White de sa demande de délocalisation,

- dit l'action non fondée et débouté la Selas Soinne de toutes ses demandes,

- condamné la Selas Soinne à payer à la SAS White la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la Selas Soinne aux entiers frais et dépens.

La Selas Soinne a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 24 décembre 2014.

Par ordonnance du 10 juillet 2015, le président du tribunal de commerce de Lille-Métropole a fixé les honoraires de la Selas Soinne à la somme de 85 937, 50 euros.

La SAS White a formé tierce opposition incidente à cette ordonnance par conclusions du 10 janvier 2017.

Suivant ordonnance en date du 09 mars 2017, le conseiller de la mise en état a:

- déclaré irrecevable l'exception de nullité de la déclaration d'appel formée par la SAS White.

- prononcé la nullité des conclusions prises par la Selas Soinne en la qualité de liquidateur judiciaire de la SA Philippe Leprince Promotions,

- déclaré recevables les demandes présentées par la Selas Soinne à titre personnel,

- débouté la Selas Soinne de sa demande de dommages et intérêts pour incident abusif,

- débouté les parties de leurs demandes formées au titre de l'article 700 et dit que chacune conservera la charge de ses propres dépens d'incident.

PRETENTIONS ET MOYENS

Aux termes de ses dernières conclusions, signifiées par voie électronique le 28 mars 2017, la Selas Soinne demande à la cour d'infirmer le jugement et de:

- constater que le 13 juin 2012, le juge-commissaire a rétracté sa précédente ordonnance d'allocation provisionnelle à hauteur de 63 927, 18 euros,

- constater que la SAS White n'a pas exécuté l'ordonnance qui n'était pas revêtue de la formule exécutoire,

- constater le dépôt au greffe de l'ordonnance de taxe du 10 juillet 2015 à hauteur de 85 937, 50 euros,

- déclarer la SAS White irrecevable à former tierce opposition par application des dispositions des articles 145 du décret du 27 décembre 1985 et 583 du code de procédure civile, ou à opposer un prétendu caractère non avenu de l'ordonnance.

Subsidiairement:

- la déclarer mal fondée en sa tierce opposition incidente à l'ordonnance du président du tribunal de commerce du 10 juillet 2015,

- condamner la SAS White à restituer à la Selas Soinne la somme de 63 927,18 euros à titre de provision remise à titre précaire avec les intérêts au taux légal majoré à compter de la demande en paiement du 16 janvier 2013,

- la condamner à lui payer les sommes complémentaires suivantes:

- 5 000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les frais et dépens d'instance et d'appel.

A l'appui de sa demande en restitution, la Selas Soinne rappelle que la SAS White ne détient la somme de 63 927, 18 euros qu'à titre précaire s'agissant d'une provision versée en vertu de l'article L622-24 ancien du code de commerce applicable à une liquidation judiciaire ouverte sous l'empire de la loi du 25 janvier 1985.

La Selas Soinne considère que la tierce opposition incidente de la SAS White est irrecevable au motif qu'en application des articles 155 et 88 du décret du 28 décembre 1985, seul le débiteur a qualité et intérêt pour contester les comptes du liquidateur; la SAS White ne pouvant contester les émoluments que dans le cadre de la répartition du prix.

Sur la prescription soulevée par la SAS White, elle rétorque que:

- l'article R 153, qui fixe un délai de trois mois pour taxer les honoraires, ne sanctionne pas le mandataire judiciaire d'une forclusion, la demande de taxe ayant bien été formée dans le délai de 5 ans de la clôture conformément à l'article 2224 du code civil,

- la liquidation judiciaire ayant été ouverte avant 2005, la clôture, la taxation et la reddition de compte ne sont pas soumises aux textes invoqués par la SAS White.

Elle fait valoir que l'exception soulevée par la SAS White tenant au caractère non avenue de l'ordonnance de taxe faute d'avoir été signifiée dans les 6 mois, est irrecevable dès lors qu'il s'agit d'une exception personnelle que la SAS White n'a pas soulevée avant sa défense au fond.

La Selas Soinne soutient qu'elle a calculé le montant de ses émoluments conformément au tarif applicable et qu'elle n'a pas agi avec retard, sa première demande de taxation ayant été égarée et sa première demande de restitution formée auprès du groupe White dès 2012.  

Suivant ses dernières conclusions, signifiées par voie électronique le 20 mars 2017, la SAS White demande à la cour de confirmer le jugement et de:

Statuant sur la tierce opposition formée par les présentes conclusions incidentes à l'encontre de l'ordonnance de M. [E] en date du 10 juillet 2015:

- débouter la Selas Soinne de l'ensemble de ses prétentions,

- condamner la Selas Soinne (personnellement) au paiement d'une indemnité de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et aux dépens d'instance et d'appel.

Après avoir rappelé que la procédure de liquidation judiciaire de la société Philippe Leprince Promotion est régie par la loi du 25 janvier 1985 et les décrets du 27 décembre 1985 et que la cour n'est saisie que d'une demande personnelle formée par la Selas Soinne, la SAS White fait valoir que:

- la Selas Soinne n'est pas recevable à former une demande de restitution pour le compte d'une société dont la liquidation judiciaire est clôturée,

- les ordonnances de règlement provisionnel de la créance de la SAS White sont devenues définitives par la clôture de la procédure collective et en l'absence de remise en cause pendant la procédure,

- les honoraires du mandataire sont prescrits, dès lors qu'en vertu de l'article 27 du 3ème décret du 27 décembre 1985 et de l'article 153 du 1er décret du même jour, la taxe des frais et honoraires doit être présentée avec la reddition des comptes par le mandataire au juge dans les trois mois de la clôture de la liquidation judiciaire,

- l'ordonnance de taxe du 15 juillet 2015 n'a pas été régulièrement notifiée à l'égard de la société Philippe Leprince dans le délai de 15 jours visé à l'article 28 du décret 85-1390 du 27 décembre 1990, et est donc caduque,

- le liquidateur ne justifie d'aucune action dans le délai de 6 mois suivant la notification de l'ordonnance de taxe, de sorte que son action est prescrite en application de l'article 30 du même décret.

Sur le fond, s'il était jugé que les frais et honoraires n'étaient pas prescrits, la SAS White fait valoir que la Selas Soinne n'a pas été diligente, que son dossier de taxe est incompréhensible et précisément que:

- le mandataire ne peut prétendre à aucun droit sur l'actif immobilier réalisé car la réalisation de l'actif n'a pas abouti (article 18-1 du tarif décret 27 décembre 1985) faute pour lui d'avoir réalisé le travail de distribution et de répartition du prix prévu par l'article 154 de la loi du 25 janvier 1985,

- le mandataire ne démontre pas les travaux réalisés,

- le droit réclamé concernant les créances contestées (article 15 du tarif) n'est pas justifié, faute de preuve du montant des créances remises; les communications du mandataire sont par ailleurs contradictoires (créance Trésorerie [Localité 3]),

- le mandataire ne peut prétendre qu'il a été empêché de répartir le prix d'adjudication en raison du refus de la SAS White de ristourner la provision alors qu'il lui aurait suffit, s'il avait fait établir et publier la liste des créances, de proposer un état de collocation aux créanciers impliqués à la procédure avant de laisser prononcer la clôture.

MOTIFS DE LA DECISION

Il n'y a pas lieu de reprendre ni d'écarter dans le dispositif du présent arrêt les demandes tendant à 'constater que...' ou 'dire que ...' ou « donner acte que », telles que figurant dans le dispositif des conclusions des parties, lorsqu'elles portent sur des moyens ou éléments de fait relevant des motifs et non des chefs de décision devant figurer dans la partie exécutoire de l'arrêt.

A titre liminaire, la cour rappelle que la question de la recevabilité de la demande en paiement formée à titre personnel par la Selas Soinne a été tranchée par l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 09 mars 2017 et qu'il n'y a donc pas lieu de répondre à ce moyen, de nouveau soulevé dans les écritures au fond de l'intimée.

Sur la recevabilité de la tierce opposition

Selon l'article 583 alinéa 1 et 2 du code de procédure civile, est recevable à former tierce opposition toute personne qui y a intérêt, à condition qu'elle n'est été ni partie ni représentée au jugement qu'elle attaque. Les créanciers et autres ayant cause d'une partie peuvent toutefois former tierce opposition au jugement rendu en fraude de leur droits ou s'ils invoquent des moyens qui leur sont propres.

L'article 585 du même code dispose que tout jugement est susceptible de tierce opposition si la loi n'en dispose autrement.

Il résulte de l'article 586 alinéa 2 que la tierce opposition (dite incidente), peut être formée sans limitation de temps contre un jugement produit au cours d'une autre instance par celui auquel on l'oppose.

* * * * *

A titre liminaire, la cour observe qu'à l'exception de deux textes, les dispositions des articles R 663-3 et suivants du code de commerce (dont les articles R 663-38 et 663-39 relatifs aux décisions fixant les émoluments des mandataires judiciaires et aux voies de recours), issues du décret n°2006-1709 du 23 décembre 2006, ne sont applicables qu'aux procédures ouvertes à compter du 1er janvier 2006 et qui ne sont pas encore clôturées à la date de publication du décret. Les procédures ouvertes avant le 1er janvier 2006 demeurent régies par les dispositions du décret n°85-1390 du 27 décembre 1985 dans sa rédaction antérieure à celle résultant du décret du 23 décembre 2006.

Ouverte le 16 juin 1996 et clôturée le 06 janvier 2011, la présente procédure demeure ainsi gouvernée par le décret n°85-1390 (dit aussi '1er décret') du 27 décembre 1985, s'agissant notamment des décisions arrêtant la rémunération des mandataires et leurs voies de recours.

* * * * *

' A l'appui de sa demande d'irrecevabilité de la tierce opposition, la Selas Soinne invoque les articles 145 (dans son dispositif) et 155 (dans ses motifs), du 1er décret du 27 décembre 1985.

Or, ces deux textes sont parfaitement inopérants, le premier ayant trait à la radiation des inscriptions dans le cadre de la procédure d'ordre, le second à l'exécution provisoire des jugements et ordonnance rendues en matière de redressement et liquidation judiciaire.

' Egalement, l'article 153 du 1er décret rappelé par la Selas Soinne est-il sans rapport avec la tierce opposition formée par la SAS White puisqu'il évoque la contestation des comptes, établis par le liquidateur, relatifs aux opérations de réalisation des actifs et de répartition du prix, alors que la SAS White conteste l'ordonnance de taxe fixant les émoluments du liquidateur.

' En réalité, la matière est régie par les articles 28 et 29 du 3ème décret du 27 décembre 1985 aux termes desquels:

- article 28 (dans sa rédaction issue de l'article 107 du décret n°2004-518 du 10 juin 2004, applicable aux procédures en cours en vertu de l'article 108 de ce texte): 'La décision autorisant le versement d'une provision ou d'un acompte ou arrêtant, conformément aux dispositions de l'article 22 les émoluments des administrateurs judiciaires, commissaires à l'exécution du plan, représentants des créanciers et liquidateur, est dans les 15 jours de sa date, notifiée au ministère public, à la partie débitrice, et selon le cas, à l'administrateur judiciaire ou au mandataire à la liquidation des entreprises concerné par le greffier en chef de la juridiction, par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception. Le lettre de notification indique le délai et les modalités selon lesquelles la contestation peut être portée devant le président du tribunal de grande instance territorialement compétent'.

- article 29 alinéa 1er: 'La demande de taxe, présentée par tout intéressé, est faite, dans le délai d'un mois à compter de la notification prévue à l'article précédent, oralement ou par écrit au secrétaire du tribunal de grande instance; elle doit être motivée'.

Ainsi, le recours devant le président du tribunal de grande instance, contre l'ordonnance de taxe fixant les émoluments du liquidateur est ouvert par ces textes au ministère public, au débiteur et au mandataire concerné. Il s'en déduit que ce recours ordinaire est fermé aux créanciers de la procédure collective.

Cependant, dès lors, d'une part, qu'il est de principe (article 585 du code de procédure civile) que 'tout jugement est susceptible de tierce opposition si la loi n'en dispose autrement', d'autre part, que la nature de la décision déférée n'est pas visée par les dispositions spéciales de la loi du 25 janvier 1985 et des décrets du 27 décembre 1985 réglementant les voies de recours et excluant la tierce opposition, les voies de recours du droit commun restent ouvertes.

Ainsi, en l'absence de texte spécial excluant la possibilité d'une tierce opposition, rien ne s'oppose à ce que le créancier, s'il y a intérêt au sens de l'article 583 du code de procédure civile, puisse former tierce opposition incidente contre l'ordonnance fixant la rémunération du mandataire.

Or, en l'espèce, la SAS White a éminemment intérêt à contester l'ordonnance du 10 juillet 2015 puisque le mandataire lui réclame la restitution de la provision qui lui avait été versée, en exécution de cette décision.

L'ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce le 10 juillet 2015 et fixant la rémunération du liquidateur à la somme de 87 990,13 euros lui portant préjudice, la SAS White est recevable à former tierce opposition à son encontre.

Sur la caducité de l'ordonnance du 10 juillet 2015

Il résulte de l'article 28 du 3ème décret du 27 décembre 1987, déjà cité, que la décision arrêtant les émoluments du liquidateur doit être notifiée dans les 15 jours de sa date au ministère public, au débiteur et au mandataire intéressé.

La SAS White en conclut que l'ordonnance est caduque faute d'avoir été notifiée dans ce délai.

Cependant, l'absence de notification par le greffier ou la notification au delà du délai de 15 jours n'est assortie d'aucune sanction et n'entraîne pas la caducité de la décision, la seule conséquence portant sur le point de départ du délai pour exercer le recours.

Sur la prescription de l'action du liquidateur

Pour considérer que l'action du liquidateur est prescrite, la SAS White fait état de l'article 30 du même décret, aux termes duquel 'les actions des administrateurs judiciaires, commissaires à l'exécution du plan, représentants des créanciers, liquidateurs, en matière de rémunération, se prescrivent par six mois à compter de la notification prévue à l'article 28".

Cependant, la présente procédure diligentée à l'initiative de la Selas Soinne n'est pas relative à une action portant sur la rémunération du mandataire mais à une demande en paiement formée à l'encontre de la SAS White.

Ce texte est donc inopérant.

Sur la prescription des frais et honoraires

A titre liminaire, la cour observe que la SAS White ne reprend pas cette demande de constatation de la prescription dans le dispositif de ses conclusions.

Cependant, au regard des motifs qui sont développés par l'intimée et du visa, dans le dispositif de ses écritures, de la tierce opposition contre l'ordonnance du 10 juillet 2015, cette demande est implicitement mais nécessairement contenue dans la demande de débouter général.

' Selon l'article 153 alinéas 1 et 2 du 1er décret du 27 décembre 1985, 'le liquidateur remet les comptes au débiteur et les dépose au greffe dans les trois mois de la clôture des comptes des opérations de liquidation judiciaire. Ces comptes font apparaître le détail des opérations de réalisation des actifs et de répartition du prix. Tout créancier peut en prendre connaissance au greffe'.

Selon l'article 27 du 3ème décret du 27 décembre 1985, 'lors de la reddition de leurs comptes, les administrateurs judiciaires, commissaires à l'exécution du plan, représentants des créanciers et liquidateurs, sont tenus de remettre au juge-commissaire ou, lorsque le président du tribunal a cessé ses fonctions, au président du tribunal saisi, un compte détaillé de leurs émoluments. Le compte doit faire ressortir distinctement les émoluments tarifés, les déboursés, les droits de toutes nature payés au Trésor'.

Il se déduit de ces deux textes que la taxe des frais et honoraires du liquidateur doit être présentée, avec la reddition des comptes, dans les trois mois de la clôture de la procédure collective.

' Comme l'observe l'appelante à juste titre, ce délai de trois mois ne saurait s'analyser en un délai de forclusion en l'absence de texte le prévoyant.

' En revanche, et nonobstant l'absence de sanction, ce délai s'analyse en un délai de prescription dont le point de départ est l'ordonnance de clôture, le but de célérité poursuivi par la loi en matière de procédure collective et l'exigence de sécurité juridique imposant que des paiements fait à des créanciers ne puissent être remis en cause plusieurs années après la clôture de la liquidation judiciaire en raison de la carence du mandataire judiciaire.

En l'espèce, la liquidation judiciaire a été clôturée le 06 janvier 2011.

Or, d'une part la Selas Soinne ne justifie ni avoir procédé à la reddition des comptes ni avoir sollicité la taxation de ses émoluments dans le délai de 3 mois (soit avant le 6 avril 2011) fixé par ces textes, le greffe du tribunal de commerce ayant indiqué dans un courrier du 8 juillet 2014 qu'aucun des documents demandés (état de collocation, procès-verbal de clôture de la procédure d'ordre, compte de l'étude, ordonnance de taxe des honoraires), n'avait été déposé au greffe (pièces 9 et 10 de l'intimée).

La Selas Soinne n'invoquant ni ne justifiant d'aucun acte interruptif ou suspensif de prescription, il y a lieu de constater que la demande de taxation de ses honoraires formée devant le président du tribunal de commerce est prescrite.

' Aux termes de l'article 591 du code de procédure civile, la décision qui fait droit à la tierce opposition ne rétracte ou ne réforme le jugement attaqué que sur les chefs préjudiciables au tiers opposant.

Par exception au principe de la relativité de la décision statuant sur cette voie de recours, la tierce opposition en matière de procédure collective présente un caractère indivisible. Elle produit un effet erga omnes et a autorité absolue de chose jugée.

Il convient en conséquence de réformer l'ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce de Lille-Métropole le 10 juillet 2015, de constater que la demande de taxation de ses frais et honoraires par la Selas Soinne, relative à la liquidation judiciaire de la SA Philippe Leprince, est prescrite et de la rejeter.

Sur la demande en restitution de la somme de 63 927, 18 euros formée par la Selas Soinne

Aux termes de l'article L 622-24 alinéa 1er du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 25 janvier 1985, applicable au présent litige, 'le juge-commissaire peut, d'office ou à la demande du représentant des créanciers, du liquidateur, du commissaire à l'exécution du plan ou d'un créancier, ordonner la paiement à titre provisionnel d'une quote-part d'une créance définitivement admise'.

En l'espèce, les ordonnances du juge-commissaire des 19 mai 1999 et 06 juillet 2000 qui ordonnent le versement à la SAS White des provisions de 1 500 000 francs et 500 000 francs, précisent en leur dispositif que le créancier 'procédera à la restitution à première demande de tout ou partie de la somme indiquée ci-dessus sur la simple demande du liquidateur' (pièces 6 et 7 de l'appelante).

Cependant, en l'absence de reddition des comptes et de décision arrêtant valablement le montant de ses honoraires, la demande en restitution de la somme de 63 927,18 euros formée par la Selas Soinne doit être rejetée et le jugement entrepris confirmé.

Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive formée par la Selas Soinne

Déboutée de sa demande principale en paiement, la Selas Soinne ne peut qu'être déboutée de cette demande de dommages et intérêts. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formée par la SAS White

La SAS White, qui n'articule aucun moyen à l'appui de cette demande, n'invoque ni ne justifie d'aucun préjudice distinct et non réparé par l'indemnité de procédure accordée en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Sa demande sera rejetée.

Sur les frais et dépens de l'incident

La Selas Soinne, qui succombe en ses prétentions, sera condamnée au dépens d'appel.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la SAS White les frais exposés et non compris dans les dépens.

La Selas Soinne sera condamnée à lui verser la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant sur la tierce opposition incidente formée par la SAS White à l'encontre de l'ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce de Lille-Métropole le 10 juillet 2015:

DIT RECEVABLE la tierce opposition incidente formée par la SAS White à l'encontre de cette ordonnance.

DIT que ladite ordonnance n'est pas caduque.

REFORME l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Lille-Métropole du 10 juillet 2015 arrêtant le montant des faits et honoraires de la Selas Soinne dans le cadre de la liquidation judiciaire de la SAS Philippe Leprince,

STATUANT A NOUVEAU,

CONSTATE que la demande de taxation de ses frais et honoraires par la Selas Soinne est prescrite.

REJETTE en conséquence la demande formée par la Selas Soinne tendant à la taxation des frais et honoraires relatifs à la liquidation judiciaire de la SAS Philippe Leprince.

Statuant sur l'appel interjeté par la Selas Soinne à l'encontre du jugement rendu le 3 décembre 2014 par le tribunal de commerce de Lille-Métropole,

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Y AJOUTANT,

DEBOUTE la SAS White de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

DEBOUTE la Selas Soinne de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE la Selas Soinne à payer à la SAS White la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de ses frais irrépétibles d'appel.

CONDAMNE la Selas Soinne aux dépens d'appel.

Le GreffierLe Président

M. ZandeckiM.L. Dallery


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 2 section 2
Numéro d'arrêt : 14/07797
Date de la décision : 06/07/2017

Références :

Cour d'appel de Douai 22, arrêt n°14/07797 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-07-06;14.07797 ?
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