République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 2
ARRÊT DU 17/ 11/ 2016
***
- SUR RENVOI DE CASSATION-
No de MINUTE :
No RG : 15/ 06779
Jugement (No 12/ 00940)
rendu le 09 avril 2013 par le tribunal de grande instance de Boulogne sur Mer
Arrêt (No 13/ 02818)
rendu le 07 mai 2014 par la cour d'appel de Douai
Arrêt (No 13282)
rendu le 22 septembre 2015 par la Cour de Cassation
REF : CPL/ VC
DEMANDERESSE A LA DECLARATION DE SAISINE
Mme Elisabeth Z...
née le 04 juillet 1964 à Rosendaël (59240)
demeurant
...
62730 Marck
représentée par Me Isabelle Carlier, avocat au barreau de Douai
assistée de Me Frédéric Uroz, avocat au barreau de Lyon
DÉFENDERESSE A LA DECLARATION DE SAISINE
compagnie d'assurances AG2R Prévoyance, élisant domicile en son centre de gestion administrative de Paris Montholon-26 rue de Montholon-75305 Paris Cedex 09, prise en la personne de son représentant légal en exercice
ayant son siège social
35 boulevard Brune
75680 Paris Cedex 14
représentée par Me Philippe Janneau, avocat au barreau de Douai
assistée de Me Jacques Barthelemy, membre de la SELAS Barthélémy avocats, avocat au barreau de Lille, substitué à l'audience par Me Clothilde Souffrin, avocat au barreau de Lille
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
Etienne Bech, président de chambre
Christian Paul-Loubière, président de chambre
Isabelle Roques, conseiller
---------------------
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Claudine Popek
DÉBATS à l'audience publique du 27 septembre 2016
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2016 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par M. Etienne Bech, président, et Claudine Popek, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 27 septembre 2016
***
FAITS ET PROCÉDURE
Les professions de la boulangerie et boulangerie-pâtisserie sont régies par la convention collective nationale étendue des entreprises artisanales de la boulangerie et boulangerie-pâtisserie du 19 mars 1976.
Un avenant no 83 à cette convention collective, daté du 24 avril 2006 et lui-même révisé par un avenant no1 en date du 6 septembre 2006, a mis en place, dans cette profession, un régime de remboursement obligatoire complémentaire de frais de santé.
Aux termes de cet avenant, AG2R Prévoyance a été désignée comme organisme assureur, en application de l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale.
De ce dispositif conventionnel, il résulte que toutes les entreprises du secteur professionnel, visé par la convention collective, sont tenues, du fait de la volonté des parties signataires, de confier à cette institution de prévoyance, l'assurance de cette garantie collective.
Cela résulte de l'article 13 de l'avenant no 83 ainsi rédigé :
" AG2R Prévoyance, institution de prévoyance régie par le code de la sécurité sociale et relevant de l'autorité de contrôle des assurances et des mutuelles sise 54, rue de Châteaudun, 75009 Paris, membre du Gie AG2R, 35, boulevard Brune, 75680 Paris Cedex 14, est désigné comme organisme assureur du présent régime " remboursement complémentaire de frais de soins de santé ".
Les modalités d'organisation de la mutualisation du régime seront réexaminées par la commission nationale paritaire de la branche au cours d'une réunion et ce, dans un délai de 5 ans à compter de la date d'effet du présent avenant.
Les partenaires sociaux de la branche demandent à AG2R Prévoyance, en sa qualité d'organisme assureur désigné, de contracter un partenariat financier avec deux organismes reconnus par la branche, à savoir, ISICA Prévoyance et la mutuelle " Les risques civils de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie française " dans le cadre de conventions de réassurance.
Cette demande repose sur une volonté des partenaires sociaux de créer une solidarité financière forte dans la gestion du régime " remboursement complémentaire de frais de soins de santé " grâce à des partenaires financiers le permettant. "
Par ailleurs, cet avenant a prévu, en son article 14, une clause dite de migration ainsi rédigée :
" L'adhésion de toutes les entreprises relevant du champ d'application de la convention collective nationale des entreprises artisanales de la boulangerie et boulangerie-pâtisserie au régime " remboursement complémentaire de frais de soins de santé " et l'affiliation des salariés de ces entreprises auprès de l'organisme assureur désigné ont un caractère obligatoire à compter de la date d'effet précisée à l'article 16 du présent avenant.
A cette fin, les entreprises concernées recevront un contrat d'adhésion et des bulletins d'affiliation.
Ces dispositions s'appliquent y compris pour les entreprises ayant un contrat de complémentaire santé auprès d'un autre organisme assureur avec des garanties identiques ou supérieures à celles définies par le présent avenant ".
Ainsi, cette obligation vaut pour les entreprises qui auraient mis en place des garanties similaires avant la date d'effet de cet avenant.
Cet avenant no 83 a fait l'objet d'un arrêté d'extension pris par le ministre du travail en date du 16 octobre 2006.
L'arrêté d'extension ne comporte ni refus d'extension ni extension sous réserves d'aucun dispositif de l'accord, concernant les clauses de désignation et de migration.
Il a, au demeurant, été entièrement validé par un arrêt du Conseil d'Etat rendu le 19 mai 2008, à l'issue d'un recours en annulation.
Conformément à son article 16, l'avenant étendu précité a pris effet au 1er janvier
2007.
Ainsi, au 1er janvier 2007, l'avenant no 83 (et plus particulièrement ses articles 13 et 14) est devenu opposable à l'ensemble des professionnels de la boulangerie et ce, en application de l'article 1er dudit arrêté du 16 octobre 2006, ainsi rédigé :
" Sont rendues obligatoires, pour tous les employeurs et tous les salariés entrant dans le champ d'application de la convention collective nationale de la boulangerie-pâtisserie (entreprises artisanales) du 19 mars 1976, les dispositions de l'avenant no 83 du 24 avril 2006, relatif à la mise en place d'un régime de remboursement complémentaire de frais de soins de santé (une annexe), tel que modifié par son avenant no 1 du 6 septembre 2006, à la convention collective nationale susvisée ".
Il ressort de ces dispositions que l'ensemble des professionnels de la boulangerie et boulangerie-pâtisserie, implantés sur le territoire national, a l'obligation de procéder à l'affiliation de tout son personnel auprès de l'organisme AG2R, à compter du 1er janvier 2007.
Chaque boulanger se devait ainsi d'adhérer au modèle type de contrat proposé par AG2R.
Selon un nouvel avenant no 100 du 27 mai 2011, relatif à la désignation des organismes assureurs, AG2R était reconduit comme organisme assureur du régime " remboursement complémentaire des frais de soins de santé " pour une durée de 5 ans, soit jusqu'en 2016
Les clauses de l'avenant no 100 étaient rendues obligatoires pour tous les employeurs et tous les salariés compris dans le champ d'application de la convention collective nationale de la boulangerie et boulangerie-pâtisserie (entreprises artisanales) du 19 mars 1976, par l'article 6 de l'arrêté du 23 décembre 2011 pris par le ministre du travail, de l'emploi et de la santé.
C'est dans ce contexte que Mme Z... a refusé de régulariser le paiement des cotisations appelées en application de l'avenant no 83.
AG2R Prévoyance s'est donc adressée à justice, après une nouvelle mise en demeure du 21 juin 2011, restée vaine.
Par jugement rendu le 9 avril 2013 le tribunal de grande instance de Boulogne sur Mer a d'une part, condamné Mme Z... à régulariser son adhésion à AG2R Prévoyance, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, d'autre part, à payer une provision à valoir sur les cotisations qui résulteront de cette adhésion à compter du 1er janvier 2007.
Il a par ailleurs condamné Mme Z... à 750 euros au titre des frais irrépétibles et aux dépens.
Mme Elisabeth Z...a interjeté appel de cette décision.
Par arrêt rendu le 7 mai 2014, la cour d'appel de Douai a réformé le jugement et condamné AG2R Prévoyance au paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Un pourvoi a été formé et, par arrêt rendu le 22 septembre 2015, la Cour de cassation a cassé ledit arrêt et renvoyé la cause et les parties devant cette cour autrement composée, laquelle a été saisie par Mme Z....
Depuis lors, sur la contestation, par un boulanger, de l'arrêté d'extension de l'avenant no 100 du 23 décembre 2011, pris par le ministre du travail, de l'emploi et de la santé, le Conseil d'Etat a, le 30 décembre 2013, ordonné le sursis à statuer jusqu'à ce que la Cour de Justice de l'Union Européenne se soit prononcée sur la question préjudicielle suivante :
" Le respect de l'obligation de transparence qui découle de l'article 56 du traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne est-il une condition préalable obligatoire à l'extension, par un Etat membre, à l'ensemble des entreprises d'une branche, d'un accord collectif confiant à un unique opérateur, choisi par les partenaires sociaux, la gestion d'un régime de prévoyance complémentaire obligatoire institué au profit des salariés ? "
Par arrêt du 17 décembre 2015, la Cour de Justice de l'Union européenne a dit pour droit :
" L'obligation de transparence, qui découle de l'article 56 TFUE, s'oppose à l'extension, par un État membre, à l'ensemble des employeurs et des travailleurs salariés d'une branche d'activité, d'un accord collectif, conclu par les organisations représentatives d'employeurs et de travailleurs salariés pour une branche d'activité, qui confie à un unique opérateur économique, choisi par les partenaires sociaux, la gestion d'un régime de prévoyance complémentaire obligatoire institué au profit des travailleurs salariés, sans que la réglementation nationale prévoie une publicité adéquate permettant à l'autorité publique compétente de tenir pleinement compte des informations soumises, relatives à l'existence d'une offre plus avantageuse.
Les effets du présent arrêt ne concernent pas les accords collectifs portant désignation d'un organisme unique pour la gestion d'un régime de prévoyance complémentaire ayant été rendus obligatoires par une autorité publique pour l'ensemble des employeurs et des travailleurs salariés d'une branche d'activité avant la date de prononcé du présent arrêt, sans préjudice des recours juridictionnels introduits avant cette date ".
A deux reprises, dans le corps de son arrêt, la CJUE, précise : " Sans nécessairement imposer de procéder à un appel d'offres, l'obligation de transparence implique un degré de publicité adéquat permettant, d'une part, une ouverture à la concurrence et, d'autre part, le contrôle de l'impartialité de la procédure d'attribution (voir en ce sens, notamment, arrêt Engelmann, C-64/ 08, EU : C : 2010 : 506, point 50 et jurisprudence citée) " (cf. § § 39 et 44).
Le Conseil d'Etat a donc décidé, aux termes de son arrêt du 8 juillet 2016, d'annuler le dernier alinéa de l'article 6 de l'arrêté du ministre du travail, de l'emploi et de la santé du 23 décembre 2011 en tant qu'il étend l'article 6 de l'avenant no 100 du 27 mai 2011 à la convention collective nationale de la boulangerie et boulangerie-pâtisserie.
La décision précise que les effets produits antérieurement au 1er janvier 2017, par le dernier alinéa de l'arrêté du 23 décembre 2011, doivent être réputés définitifs, sous réserve des actions contentieuses mettant en cause des actes pris sur son fondement et engagées avant le 17 décembre 2015.
Enfin, il sera ajouté que, par décision rendue le 13 juin 2013, le conseil constitutionnel a dit les " dispositions de l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale doivent être déclarées contraires à la Constitution ".
La Loi no 2013-1203 du 23 décembre 2013, de financement de la sécurité sociale pour 2014, a modifié les dispositions de L. 912-1 du code de la sécurité sociale, en conséquence, et prévu des dispositions transitoires d'application dans le temps.
C'est dans cet état que l'affaire se présente une nouvelle fois devant la cour d'appel de Douai.
Aux termes de ses conclusions récapitulatives, déposées par voie électronique le 8 septembre 2016, Mme Elisabeth Z...demande à la cour de :
Vu l'article 16 de la Charte des Droits fondamentaux de l'UE
Vu les articles 9, 18, 56 et suivants, 102 et 106 du TFUE,
Vu les articles 31, 49 et 122 du code de la procédure civile,
Vu l'article 1382 du code civil,
Vu l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale avant sa déclaration d'inconstitutionnalité et vu l'actuel article L. 912-1 du code de la sécurité sociale,
Vu l'article L. 2253-2 du code du travail,
Vu l'article L. 931-13 du code de la sécurité sociale,
Vu la jurisprudence,
Vu l'avis du conseil de la concurrence du 29 mars 2013,
Vu les décisions du conseil constitutionnel du 13 juin 2013, du 18 octobre 2013, et du 19 décembre 2013,
Vu les arrêts de la CJUE des 3 mars 2011, 11 juin et 17 décembre 2015,
Vu les arrêts du Conseil d'Etat des 30 décembre 2013, 15 décembre 2015 et 8 juillet 2016,
Vu l'obligation de transparence dans le choix de l'organisme imposée par la CJUE,
Vu les conclusions de la Commission européenne et celles de l'Avocat général devant la CJUE
-RÉFORMER le jugement de première instance en toutes ses dispositions ;
et,
sur le plan du droit interne et ensuite de la décision du conseil constitutionnel du 13 juin 2013,
- FAIRE APPLICATION de la jurisprudence civile interne consacrant un principe de liberté d'adhésion aux entreprises entrant dans le champ d'application de la convention collective en cause ;
- DIRE ET JUGER que l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale n'avait pas vocation à s'appliquer et à emporter migration dès lors qu'en 2007 le niveau de garantie offert par AG2R était inférieur à celui souscrit auprès des autres organismes ;
- TIRER LES CONSÉQUENCES de la décision du conseil constitutionnel qui confirme la position de la concluante depuis de nombreuses années ;
- DIRE ET JUGER illégale et non conforme à la constitution la clause de migration et la clause de désignation visées dans l'avenant en cause au principal ;
- PRENDRE ACTE de l'exception d'illégalité des arrêtés d'extension du 16 Octobre 2006 et du 23 décembre 2011 du ministre du travail, de l'annulation du second d'entre eux par arrêt du Conseil d'Etat du 8 juillet 2016, et saisir à titre préjudiciel cette juridiction de la validité de l'arrêté d'extension de 2007 en application des dispositions de l'article 49 du code de procédure civile ;
- SURSEOIR A STATUER dans l'attente de la décision du Conseil d'Etat ;
en conséquence,
- DIRE ET JUGER que la créance de l'organisme AG2R n'est ni liquide ni exigible ;
- REJETER les demandes en paiement des cotisations et de rappels de cotisations ;
- REJETER la demande d'astreinte y afférente ;
à tout le moins,
- DÉCLARER irrecevables les demandes de l'organisme AG2R pour les motifs ci avant exposés (prescription et absence de base légale) ;
- DIRE ET JUGER que les contrats conclus avec d'autres complémentaires ‘'santé''qu'AG2R ont vocation à s'appliquer ;
sur le plan du droit communautaire et ensuite des arrêts de la CJUE des 3 mars 2011 et 17 décembre 2015,
- CONSTATER que les dispositions de l'avenant no 83 à la convention collective des entreprises artisanales de boulangerie et boulangerie-pâtisserie sont soumises au Traité de fonctionnement sur l'Union européenne (TFUE) ;
- DÉCLARER la clause de désignation, contenue dans l'avenant no 83 à la convention collective des entreprises artisanales de boulangerie et boulangerie-pâtisserie, contraire aux dispositions du Traité et notamment aux article 9 TFUE, 56, 102 et 106 du même traité en ce qu'aucune ouverture à concurrence n'a été faite dans le choix de l'organisme gestionnaire du régime en cause ;
- DÉCLARER de même que l'organisme AG2R a été choisi sans possibilité offerte à d'autres organismes de se positionner sur le marché et ce malgré les arrêts Beaudout précités et la jurisprudence constante de la CJUE sur ce point ;
- CONSTATER de manière générale la violation de l'obligation de transparence imposée par le droit de l'Union européenne et reconnue par arrêt de la CJUE du 17 décembre 2015 et du Conseil d'Etat du 8 juillet 2016 ;
- DIRE ET JUGER que, dès lors l'information légale et complète du choix de l'organisme gestionnaire n'ayant pas été faite, l'organisme AG2R s'est pourtant maintenu sur le marché en cause ;
- DIRE ET JUGER que le choix de l'organisme AG2R est illégal et que ce dernier exploite abusivement sa position dominante sur le marché national des frais de santé des salariés de la boulangerie-pâtisserie, en ce qu'il n'a permis, à aucun autre, de formuler des offres en matière de protection complémentaire de santé ;
- DIRE ET JUGER également que le contrôle de l'Etat, dans la gestion du régime en cause, est inexistant alors même qu'une contestation est élevée depuis plusieurs années à l'égard d'AG2R ;
en conséquence,
- REJETER les demandes d'adhésion et de paiements et de provision formulées par AG2R à l'encontre de Mme Z... ;
- REJETER la demande d'astreinte inhérente ;
- CONDAMNER l'organisme AG2R Prévoyance à payer à Mme Z... la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis du fait de l'attitude fautive d'AG2R ;
en tout état de cause,
- CONDAMNER AG2R à payer à Mme Z... les sommes de 4 000 euros au titre de la première instance outre 10 000 euros en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- CONDAMNER AG2R aux entiers dépens de la présente instance et de celle de première instance, dont distraction pour ceux d'appel au profit de Me Isabelle Carlier, avocate inscrite au Barreau de DOUAI, par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans le dernier état de ses écritures récapitulatives, déposées par voie électronique le 26 septembre 2016, AG2R Prévoyance demande à la cour de :
Au visa de :
- l'avenant no83 du 24 avril 2006 ;
- l'arrêté d'extension du 16 octobre 2006 ;
- l'avenant no100 du 27 mai 2011 ;
- l'arrêté d'extension du 23 décembre 2011 ;
- notamment les articles L. 911-1 et L. 912-1 du code de la sécurité sociale ;
- la décision du Conseil d'Etat du 19 mai 2008 ;
- l'arrêt de la CJUE du 3 mars 2011 ;
Et des :
- arrêts de la Cour de cassation rendus entre 2012 et 2015 ;
- articles 6 et 11 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme ;
- DIRE mal fondé l'appel interjeté par Mme Z... ;
Le rejetant :
- CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné à Mme Z... de régulariser son adhésion et accordé une provision à valoir sur les cotisations ;
En conséquence :
- ORDONNER à Mme Z... de payer à AG2R Prévoyance dans un délai de 15 jours à compter de la réception de l'appel de cotisations, les cotisations de l'ensemble de ses salariés prévues aux avenants no83 et no100 et dues depuis le 1er janvier 2007 ;
- SE RÉSERVER le droit de liquider ladite astreinte ;
- CONDAMNER Mme Z... au paiement d'une somme de 2 000 euros à titre d'indemnité pour résistance abusive outre celle de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens qui seront distraits au profit de Me Philippe Jeanneau, avocat au Barreau de DOUAI, sur son affirmation de droit en application de l'article 699 du code de procédure civile.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 27 septembre 2016.
SUR CE,
Attendu qu'au soutien de son appel, Mme Z... conclut à l'infirmation du jugement de première instance en toutes ses dispositions ;
Que selon elle, les clauses de désignation et de migration litigieuses violent tant le droit constitutionnel et législatif français que le droit de l'Union européenne ;
Qu'il ne pourra, en conséquence, être fait droit aux demandes d'adhésion et de paiement rétroactifs, formées par AG2R qui sera condamnée à indemniser Mme Z... pour les préjudices subis du fait de son comportement fautif ;
Sur la licéité ou non des clauses de désignation et de migration selon le droit interne :
Attendu que l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale, tel qu'issu de la loi no94-678 du 8 août 1994, en vigueur au 10 août 1994 et de l'en vigueur au 24 juin 2006Ordonnance 2006-344 du 23 mars 2006,, dispose :
" Lorsque les accords professionnels ou interprofessionnels mentionnés à l'article L. 911-1 prévoient une mutualisation des risques dont ils organisent la couverture auprès d'un ou plusieurs organismes mentionnés à l'article 1er de la loi no 89-1009 du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques (ou d'une ou plusieurs institutions mentionnées à l'article L. 370-1 du code des assurances, termes ajoutés en 2006) auxquels adhèrent alors obligatoirement les entreprises relevant du champ d'application de ces accords, ceux-ci comportent une clause fixant dans quelles conditions et selon quelle périodicité les modalités d'organisation de la mutualisation des risques peuvent être réexaminées. La périodicité du réexamen ne peut excéder cinq ans.
Lorsque les accords mentionnés ci-dessus s'appliquent à une entreprise qui, antérieurement à leur date d'effet, a adhéré ou souscrit un contrat auprès d'un organisme différent de celui prévu par les accords pour garantir les mêmes risques à un niveau équivalent, les dispositions du second alinéa de l'article L. 132-23 du code du travail sont applicables " ;
Attendu que pour Mme Z..., les dispositions de l'article L. 912-1 alinéa 2 du code de la sécurité sociale, applicables antérieurement au 1er janvier 2014, sont contraires à la constitution ;
Attendu que pour AG2R Prévoyance, la décision rendue le 13 juin 2013 par le conseil constitutionnel, selon laquelle les " dispositions de l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale doivent être déclarées contraires à la Constitution ", qui semble être en décalage par rapport à la position de la CJUE sur les clauses de désignation et de migration, ne saurait être utilement invoquée en l'espèce dans la mesure où elle n'impacte pas les contrats en cours.
Mais attendu qu'aux termes du troisième alinéa de l'article 62 de la Constitution : " Les décisions du conseil constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours. Elles s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles " ;
Attendu, que le conseil constitutionnel, a retenu, selon sa décision du 13 juin 2013, que " par les dispositions de l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale, le législateur a entendu faciliter l'accès de toutes les entreprises d'une même branche à une protection complémentaire et assurer un régime de mutualisation des risques, en renvoyant aux accords professionnels et interprofessionnels le soin d'organiser la couverture de ces risques auprès d'un ou plusieurs organismes de prévoyance ; qu'il a ainsi poursuivi un but d'intérêt général " ;
Qu'il a, cependant, énoncé d'une part, qu'" en vertu des dispositions du premier alinéa de l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale, toutes les entreprises qui appartiennent à une même branche professionnelle peuvent se voir imposer non seulement le prix et les modalités de la protection complémentaire mais également le choix de l'organisme de prévoyance (…) " et " que si le législateur peut porter atteinte à la liberté d'entreprendre et à la liberté contractuelle dans un but de mutualisation des risques, notamment en prévoyant que soit recommandé au niveau de la branche un seul organisme de prévoyance proposant un contrat de référence y compris à un tarif d'assurance donné ou en offrant la possibilité que soient désignés au niveau de la branche plusieurs organismes de prévoyance proposant au moins de tels contrats de référence, il ne saurait porter à ces libertés une atteinte d'une nature telle que l'entreprise soit liée avec un cocontractant déjà désigné par un contrat négocié au niveau de la branche et au contenu totalement prédéfini ; que, par suite, les dispositions de ce premier alinéa méconnaissent la liberté contractuelle et la liberté d'entreprendre " ;
Qu'il a ajouté, d'autre part, que si " les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 912-1 permettent d'imposer que, dès l'entrée en vigueur d'un accord de branche, les entreprises de cette branche se trouvent liées avec l'organisme de prévoyance désigné par l'accord, alors même qu'antérieurement à celui-ci elles seraient liées par un contrat conclu avec un autre organisme (…), ces dispositions méconnaissent également la liberté contractuelle et la liberté d'entreprendre " ;
Que le conseil constitutionnel en a déduit que les clauses de désignation et de migration, prises en application des dispositions de l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale, ont méconnu la liberté contractuelle et la liberté d'entreprendre garanties par la constitution et déclaré cette même disposition, dans sa rédaction issue de l'ordonnance no 2006-344 du 23 mars 2006, comme contraire à la Constitution ;
Attendu que, tirant tous les effets de cette décision, renforcée par la réponse du 18 octobre 2013 apportée par le conseil constitutionnel à une question prioritaire de constitutionnalité, le législateur a modifié les dispositions de L. 912-1 du code de la sécurité sociale (Loi no 2013-1203 du 23 décembre 2013 de financement de la sécurité sociale) en ces termes :
I.- " Les accords professionnels ou interprofessionnels mentionnés à l'article L. 911-1 peuvent, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, prévoir l'institution de garanties collectives présentant un degré élevé de solidarité et comprenant à ce titre des prestations à caractère non directement contributif, pouvant notamment prendre la forme d'une prise en charge partielle ou totale de la cotisation pour certains salariés ou anciens salariés, d'une politique de prévention ou de prestations d'action sociale.
Dans ce cas, les accords peuvent organiser la couverture des risques concernés en recommandant un ou plusieurs organismes mentionnés à l'article 1er de la loi no 89-1009 du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques ou une ou plusieurs institutions mentionnées à l'article L. 370-1 du code des assurances, sous réserve du respect des conditions définies au II du présent article.
Le ou les organismes ou institutions adressent annuellement au ministre chargé de la sécurité sociale un rapport sur la mise en œuvre du régime, le contenu des éléments de solidarité et son équilibre, dont le contenu est précisé par décret.
II.- La recommandation mentionnée au I doit être précédée d'une procédure de mise en concurrence des organismes ou institutions concernés, dans des conditions de transparence, d'impartialité et d'égalité de traitement entre les candidats et selon des modalités prévues par décret.
Le ou les organismes ou institutions ne peuvent refuser l'adhésion d'une entreprise relevant du champ d'application de l'accord. Ils sont tenus d'appliquer un tarif unique et d'offrir des garanties identiques pour toutes les entreprises et pour tous les salariés concernés.
III.- Les accords mentionnés au I comportent une clause fixant dans quelles conditions et selon quelle périodicité, qui ne peut excéder cinq ans, les modalités d'organisation de la recommandation sont réexaminées. La procédure prévue au premier alinéa du II est applicable à ce réexamen " ;
Attendu, que selon le droit applicable au domaine de l'espèce, à compter du 1er janvier 2014, si les accords professionnels ou interprofessionnels, peuvent prévoir l'institution de garanties collectives présentant un degré élevé de solidarité et organiser la couverture des risques concernés en recommandant un ou plusieurs organismes, c'est à la condition que cette recommandation soit précédée d'une procédure de mise en concurrence des organismes ou institutions concernés, dans des conditions de transparence, d'impartialité et d'égalité de traitement entre les candidats ;
Attendu qu'il reste à déterminer si cette évolution du droit est applicable au bénéfice des prétentions de Mme Z..., compte tenu de la période considérée ;
Que selon les deux décisions du conseil constitutionnel sus-énoncées, la déclaration d'inconstitutionnalité de l'article L. 912-1, qui a pris effet à compter de la publication de la première décision, n'était pas applicable aux contrats pris sur ce fondement et en cours d'exécution ;
Qu'il s'ensuit qu'à compter du 16 juin 2013, l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale ne pouvait plus servir de fondement, ni aux accords professionnels ou interprofessionnels de la branche ni aux contrats de référence, conclus individuellement avec une entreprise de la branche, à l'exception des accords et contrat en cours ;
Attendu que l'article 14 II de la loi no 2013-1203 du 23 décembre 2013, a prévu que les dispositions de l'article L. 912-1, dans leur rédaction issue de la présente loi, s'appliquaient aux accords conclus à compter du 1er janvier 2014.
Qu'ainsi le nouveau texte de l'article L. 912-1 est d'application immédiate à compter du 1er janvier 2014, sauf pour les accords et contrats en cours, évitant de bouleverser l'économie des clauses de désignation et de migration antérieures ou en vigueur et préservant les droits acquis par le contrat ;
Et attendu qu'en conformité avec cette évolution du droit positif, le Conseil d'Etat vient, par arrêt du 8 juillet 2016, d'annuler l'alinéa final de l'article 6 de l'arrêté du ministre du travail du 23 décembre 2011 en tant qu'il étend l'article 6 de l'avenant no 100 du 27 mai 2011 à la convention collective nationale de la boulangerie et boulangerie-pâtisserie avec effet à compter du 1er janvier 2017 ;
Que cet arrêt précise, par ailleurs, que les effets produits antérieurement au 1er janvier 2017, par les dispositions annulées de l'arrêté du 23 décembre 2011, doivent être réputés définitifs, " sous réserve des actions contentieuses mettant en cause des actes pris sur son fondement engagées avant le 17 décembre 2015 " ;
Attendu, enfin, qu'il est constant que la recommandation de AG2R Prévoyance n'a pas été précédée d'une procédure de mise en concurrence avec d'autres organismes ou institutions concernés, dans des conditions de transparence, d'impartialité et d'égalité de traitement entre les candidats, que la procédure d'avis préalable à l'extension, postérieure à la négociation intervenue entre les partenaires sociaux et AG2R, n'a pas rempli ;
Qu'il n'est pas contesté que Mme Z..., qui avait noué des relations contractuelles antérieures avec un autre organisme ou institution de prévoyance, n'a jamais passé un contrat avec AG2R Prévoyance ;
Qu'elle poursuit une action contentieuse, sur le fondement des arrêtés d'extension des avenants de désignation, depuis 2012 ;
Qu'en conséquence, fort de ce cadre juridique relevant de notre droit national et sans qu'il soit utile d'examiner les autre moyens soulevés par elle, au titre du droit de l'Union européenne, il apparaît que Mme Z... ne saurait se voir imposer aujourd'hui-sur le fondement des avenants no 83 et no 100 à la convention collective nationale des entreprises artisanales de la boulangerie et boulangerie-pâtisserie de 1976 et des arrêtés d'extension les validant, pris par le ministre du travail en 2006 et en 2011 – de contracter avec AG2R ;
Qu'il convient, dès lors, infirmant le jugement du tribunal de grande instance de Boulogne sur Mer déféré à la cour, de rejeter les demandes non fondées d'adhésion et de paiements rétroactifs formées par AG2R Prévoyance à son encontre et de dire que les contrats librement conclus avec d'autres organismes complémentaires qu'AG2R sont licites et ont vocation à s'appliquer ;
Que par voie de conséquence, les fin de non-recevoir et autre moyens, soulevés par Mme Z... et visant à voir rejetées les demandes en paiement présentées par AG2R Prévoyance, sont devenus sans objet ;
Sur les demandes de Mme Z... à l'encontre d'AG2R Prévoyance :
Attendu que Mme Z... invoque l'attitude procédurale insistante de l'organisme AG2R Prévoyance comme constitutive d'une faute délictuelle qui lui a causé directement un préjudice caractérisé ;
Qu'elle se prévaut de l'atteinte portée à ses libertés fondamentales, des difficultés de trésorerie impliquant la fermeture de son commerce, alors qu'elle n'a eu de cesse de se battre pour conserver sa meilleure couverture santé antérieurement conclue ;
Qu'elle évalue la réparation de son préjudice, toutes causes confondues, à 30 000 euros ;
Mais attendu que les éléments invoqués par Mme Z... ne permettent pas d'établir en quoi la persistance, dont AG2R Prévoyance a fait preuve, au cours des nombreuses procédures diligentées par elle, dans un contexte juridique complexe et soumis à une évolution récente, parfois hésitante, du droit positif, serait constitutive de manœuvres excessives, susceptibles de faire dégénérer, en abus, le droit d'ester alors que l'action en justice est un droit légitime ;
Que la demande formée par Mme Z... aux fin de paiement de dommages-intérêts n'apparaît pas fondée ;
Et attendu, qu'eu égard au sens de la présente décision, la demande faite, au même titre, par AG2R Prévoyance sera rejetée ;
Sur les frais irrépétibles de procédure et les dépens :
Attendu que compte tenu tant de l'importance du litige, de sa durée, des diligences accomplies et de l'équité, que du sens de l'arrêt, il apparaît inéquitable de laisser à la charge de Mme Z... l'intégralité des frais non compris dans les dépens exposés, par elle, tant en première instance qu'en appel ;
Qu'il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris sur les dépens et l'application qui y a été faite des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Qu'il convient d'allouer à Mme Z..., sur ce fondement, la somme de 14 000 euros pour toutes les instances, y compris l'instance d'appel ayant abouti à l'arrêt objet de la cassation ;
Que la demande formée par AG2R Prévoyance aux mêmes fins sera rejetée ;
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement,
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Déboute AG2R Prévoyance de l'ensemble de ses demandes ;
Y ajoutant,
Condamne AG2R Prévoyance à payer la somme de 14 000 euros à Mme Z..., sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
La Condamne aux dépens de première instance et d'appels, y compris l'instance d'appel ayant abouti à l'arrêt objet de la cassation ;
Dit que les dépens pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile et au profit de Me Carlier, avocat au Barreau de Douai ;
Déboute les parties de toutes demandes, fins ou prétentions, plus amples ou contraires.
Le greffierLe président,
Claudine PopekEtienne Bech