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03/11/2016 | FRANCE | N°16/00338

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 8 section 1, 03 novembre 2016, 16/00338


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 1

ARRÊT DU 03/11/2016

***

N° de MINUTE :

N° RG : 16/00338

Jugement (N° 14/05521)

rendu le 15 Décembre 2015

par le tribunal de grande instance de Lille

REF : HB/VC

APPELANTE



Caisse d'Epargne et de Prévoyance Nord France Europe agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège social : [Adresse 1]

Rep

résentée par Me Bernard Franchi, avocat au barreau de Douai

Assistée de Me Arnaud Ninive, avocat au barreau de Lille



INTIMÉS



Monsieur [U] [H]

de nationalité franç...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 1

ARRÊT DU 03/11/2016

***

N° de MINUTE :

N° RG : 16/00338

Jugement (N° 14/05521)

rendu le 15 Décembre 2015

par le tribunal de grande instance de Lille

REF : HB/VC

APPELANTE

Caisse d'Epargne et de Prévoyance Nord France Europe agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège social : [Adresse 1]

Représentée par Me Bernard Franchi, avocat au barreau de Douai

Assistée de Me Arnaud Ninive, avocat au barreau de Lille

INTIMÉS

Monsieur [U] [H]

de nationalité française

demeurant : [Adresse 2]

Madame [T] [C] épouse [H]

de nationalité française

demeurant : [Adresse 2]

Représentés et assistés de Me Martine Vandenbussche, avocat au barreau de Lille

DÉBATS à l'audience publique du 07 Septembre 2016 tenue par Hélène Billières magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Patricia Pauchet

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Martine Battais, président de chambre

Catherine Convain, conseiller

Hélène Billières, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 03 Novembre 2016 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Martine Battais, président et Patricia Pauchet, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 28 juillet 2016

***

LA COUR,

Attendu que la Caisse d'épargne et de prévoyance Nord France Europe a interjeté appel d'un jugement du tribunal de grande instance de Lille du 15 décembre 2015 qui, rejetant la fin de non recevoir soulevée par elle tirée du défaut d'intérêt à agir de Monsieur [U] [H] et Madame [T] [C], son épouse, et de leur acquiescement aux clauses du contrat par son exécution partielle, a prononcé la nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels du prêt immobilier qu'elle a consenti à ces derniers selon une offre préalable acceptée le 18 mai 2009 ; qui a ordonné son remplacement par le taux légal pour toute la durée d'exécution du contrat et précisé que les sommes indûment versées à ce titre par le emprunteurs s'imputeront sur le capital ; et qui a condamné la Caisse d'épargne et de prévoyance Nord France Europe à payer à Monsieur [U] [H] et Madame [T] [C], son épouse, une somme de 1 200 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Attendu qu'il ressort des éléments du dossier que suivant une offre préalable acceptée le 18 mai 2009, la Caisse d'épargne et de prévoyance Nord France Europe a consenti à Monsieur [U] [H] et Madame [T] [C], son épouse, un prêt immobilier de 225 000 euros au taux nominal de 4,60 % l'an et au taux effectif global de 5,48 % l'an, remboursable par trois cents mensualités de 1 365,28 euros chacune avec assurance, prêt destiné à financer l'acquisition d'un immeuble situé au [Adresse 3] ;

Que reprochant à la Caisse d'épargne et de prévoyance Nord France Europe d'avoir déterminé le taux annuel de l'intérêt par référence à l'année bancaire de trois cent soixante jours et, non sur base de l'année civile de trois cent soixante cinq ou trois cent soixante six jours, conformément à l'article R. 313-1 du code de la consommation, Monsieur [H] et Madame [C] ont, par un acte du 13 mai 2014, assigné la banque, aux fins de substitution du taux légal au taux conventionnel pratiqué, devant le tribunal de grande instance de Lille qui a rendu le jugement déféré ;

Attendu que dans ses dernières conclusions du 21 juillet 2016, la Caisse d'épargne et de prévoyance Nord France Europe reproche au premier juge d'avoir rejeté la fin de non recevoir qu'elle avait soulevée devant lui tirée de l'exécution volontaire du contrat de prêt par le règlement, par les époux [H], de cinquante-huit mensualités de remboursement sans aucune contestation, et, partant, de leur défaut d'intérêt à agir ; qu'elle soutient à cet égard que les règles d'ordre public relatives à l'indication du taux effectif global en matière de crédit immobilier constituant des mesures de protection édictées dans l'intérêt de l'emprunteur, elles relèvent d'un ordre public de protection du consommateur et non d'une ordre public de direction de sorte que leur violation est sanctionnée par une nullité relative susceptible d'être couverte par une exécution volontaire de l'obligation au sens de l'article 1338 du code civil, laquelle, à la différence de la confirmation ou de la ratification, n'exige ni d'avoir agi en connaissance du vice affectant l'obligation ni avec l'intention de le réparer ; qu'en tout état de cause, elle fait valoir que dès lors que l'acte de prêt mentionnait expressément que intérêts conventionnels étaient calculés sur la base d'une année théorique de trois cent soixante jours et que Monsieur [H] et Madame [C] exercent les professions d'avocat, pour le premier, et d'enseignante pour la seconde, ils ont nécessairement agi en connaissance du vice qui, selon eux, affecte la stipulation d'intérêts conventionnels, et avec l'intention de renoncer à s'en prévaloir ;

Que sur le fond, que la Caisse d'épargne et de prévoyance Nord France Europe fait également grief au premier juge d'avoir prononcé la nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels du prêt et ordonné sa substitution par l'intérêt au taux légal en retenant à tort que le taux d'intérêt devait être calculé sur la base de l'année civile alors que les parties pouvaient convenir d'un taux d'intérêt conventionnel calculé sur une autre base que celle de l'année civile, et donc sur la base de soixante jours, seul le taux effectif global devant impérativement être calculé sur la base de l'année civile, ce qui a été le cas en l'espèce ; que nonobstant la mention figurant au contrat selon laquelle les intérêts conventionnels sont calculés sur la base d'une année bancaire de trois cent soixante jours, ceux-ci ont en tout état de cause été calculés sur base de l'année civile ; que les époux [H] ne démontrent enfin pas que l'écart entre le taux effectif global mentionné dans le contrat et celui qui aurait dû l'être serait supérieur à la décimale prescrite par l'article R. 313-1 du code de la consommation ;

Que dans l'hypothèse où la cour considérerait que le taux effectif global mentionné dans l'acte de prêt serait effectivement erroné, elle prétend que la seule sanction applicable est celle prévue à l'article L. 312-33 du code de la consommation, loi spéciale qui déroge à la sanction générale jurisprudentielle de substitution de l'intérêt légal au taux conventionnel, et qui consiste en la perte, en totalité ou en partie, du droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, sanction qui, en l'absence de préjudice subi par les époux [H], n'a pas lieu d'être prononcée en l'espèce ;

Qu'elle conclut en conséquence à l'irrecevabilité, et à défaut, au rejet de l'ensemble des demandes formées contre elle par Monsieur [H] et Madame [C] ; qu'elle réclame en outre l'allocation, à la charge de ces derniers, d'une somme de 2 400 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Attendu que par écritures récapitulatives n°2 du 25 juillet 2016, Monsieur [H] et Madame [C], qui se prévalent de l'erreur qui affecte le taux d'intérêt nominal du prêt, calculé, selon eux, sur la base de l'année bancaire de trois cent soixante jours et non sur la base de l'année civile de trois cent soixante cinq ou trois cent soixante six jours, demandent à la cour de les déclarer recevables en toutes leurs demandes et de débouter la Caisse d'épargne et de prévoyance Nord France Europe de l'ensemble de ses demandes ; que faisant valoir qu'ils ont, depuis le prononcé de la décision déféré, procédé à la vente du bien financé à l'aide du prêt litigieux et procédé au remboursement anticipé total dudit prêt au mois de juillet 2016, ils concluent en conséquence à la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions à l'exception de celles relatives à l'imputation des sommes indûment versées sur le capital et réclament, à ce titre, la condamnation de la banque à leur rembourser une somme de 48 352,52 euros au titre des intérêts conventionnels indûment perçus ; qu'ils sollicitent enfin l'allocation, à la charge de la Caisse d'épargne et de prévoyance Nord France Europe, d'une somme de 3 000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile ;

Attendu qu'il résulte de la combinaison de l'alinéa 2 de l'article 1907 du code civil et des articles L. 313-1, L. 313-2 et R. 313-1 du code de la consommation, ces derniers dans leur rédaction applicable à la date de souscription du prêt litigieux, que le taux conventionnel mentionné par écrit dans tout acte de prêt consenti à un consommateur ou à un non-professionnel, doit, comme le taux effectif global, être calculé sur la base de l'année civile, laquelle comporte trois cent soixante cinq jours ou, pour les années bissextiles, trois cent soixante six jours ;

Attendu qu'il ressort de l'examen des conditions particulières de l'offre de prêt acceptée le 18 mai 2009 par Monsieur [H] et Madame [C] qu'il y est expressément mentionné que « durant la phase d'amortissement, les intérêts sont calculés sur le montant du capital restant dû, au taux d'intérêt indiqué ci-dessus sur la base d'une année bancaire de 360 jours, d'un semestre de 180 jours, d'un trimestre de 90 jours et d'un mois de 30 jours » ;

Que dès lors que le prêt litigieux vise expressément les articles L. 312-1 à L. 312-36 du code de la consommation dans leur rédaction alors applicable, il obéit au régime du crédit immobilier consenti à un consommateur ou un non-professionnel en sorte que le taux conventionnel qui y est mentionné doit, comme le taux effectif global, être calculé sur la base de l'année civile ;

Que c'est en conséquence à tort que la Caisse d'épargne et de prévoyance Nord France Europe prétend que du moment que le taux effectif global a bien été calculé sur la base de l'année civile, rien n'interdit aux parties de convenir d'un taux d'intérêt conventionnel calculé sur une autre base de sorte que cette modalité de calcul du taux d'intérêt conventionnel, librement convenue entre les parties, ne saurait être remise en cause ;

Attendu que pour prétendre néanmoins à la régularité du taux conventionnel de 4,60 % mentionné dans l'acte de prêt souscrit par les époux [H] et, partant, à celle du taux effectif global qui y est indiqué de 5,48 %, la banque soutient qu'en dépit de sa mention dans l'acte, cette clause relative aux modalités de calcul du taux conventionnel du prêt n'aurait, en pratique, pas été appliquée, celui-ci ayant en réalité bien été déterminé conformément aux dispositions de l'article R. 313-1 du code de la consommation, par référence à l'année civile ;

Attendu à cet égard que selon le premier alinéa de ce texte, dans sa rédaction applicable au contrat de prêt litigieux, issue du décret n° 2002-927 du 10 juin 2002, pour les opérations de crédit mentionnées à l'article L. 312-2 du même code, le taux effectif global est un taux annuel, proportionnel au taux de période, à terme échu et exprimé pour cent unités monétaires ; que son alinéa 2 précise le taux de période est calculé actuariellement, à partir d'une période unitaire correspondant à la périodicité des versements effectués par l'emprunteur ; qu'il assure, selon la méthode des intérêts composés, l'égalité entre, d'une part, les sommes prêtées et, d'autre part, tous les versements dus par l'emprunteur au titre de ce prêt, en capital, intérêts et frais divers, ces éléments étant, le cas échéant, estimés ; qu'il est indiqué, aux termes de son alinéa 4 que pour les opérations mentionnées à l'article L. 312-2, lorsque les versements sont effectués avec une fréquence autre que annuelle, le taux effectif global est obtenu en multipliant le taux de période par le rapport entre la durée de l'année civile et celle de la période unitaire, le rapport étant calculé, le cas échéant, avec une précision d'au moins une décimale ;

Que selon le paragraphe c) de l'annexe à l'article R. 313-1 précité du code de la consommation, l'écart entre les dates utilisées pour le calcul est exprimé en années ou en fractions d'années, une année comptant trois cent soixante cinq jours, ou, pour les années bissextiles, trois cent soixante six jours, cinquante deux semaines ou douze mois normalisés et un mois normalisé comptant 30,416 66 jours (c'est-à-dire 365/12), que l'année soit bissextile ou non ;

Attendu que la banque produit, au soutien de son allégation, trois documents, le premier, établi le 26 août 2014 par la société de consultants en actuariat Prim'Act, étant un rapport d'analyse actuarielle relatif aux modalités de calcul des intérêts conventionnels des prêts amortissables par échéances constantes sur la plate-forme commune aux caisses d'épargne au regard de la décision rendue par la chambre civile de la Cour de cassation le 19 juin 2013 qui impose l'année civile comme base de calcul du taux conventionnel, le second étant un rapport d'expertise amiable du premier dressé le 28 novembre 2014 par Monsieur [G] [D], expert judiciaire près la cour d'appel de Douai et, le troisième, étant un rapport dressé le 31 mars 2016 par la société Prim-Act, portant plus spécifiquement sur la vérification du taux effectif global du prêt consenti aux époux [H] ;

Que le premier document n'est toutefois pas probant dès lors que s'il conclut à la compatibilité des modalités retenues par le réseau des caisses d'épargne de spécification des outils de calcul des prêts immobiliers avec la jurisprudence précitée de la Cour de cassation et à la cohérence des modalités de mise en 'uvre opérationnelles de calculs des taux d'intérêts sur le prêts amortis par échéances constantes, comme le prêt litigieux, avec cette même jurisprudence, il n'est pas démontré, autrement que par l'affirmation, que la période de référence à partir de laquelle les taux conventionnels sont calculés est celle du mois normalisé de 30,146 66 jours alors par ailleurs qu'il y est expressément indiqué que « les calculs sont réalisés systématiquement sur la base d'un calcul en périodes de 12 mois, 4 trimestres, 2 semestres ou 1 année et non sur un nombre de jours exacts » sans pour autant qu'il apparaisse que l'année effectivement prise en compte est, non pas l'année bancaire de trois cent soixante jours, mais bien l'année civile ;

Que le second document n'est pas davantage probant dès lors qu'il fonde ses calculs sur la base d'une année « lissée » de 365,25 jours et d'un nombre de jours par mois normalisé de 30,4375 jours, appelé mois « lissé », et non de 30,416 66 jours comme prescrit dans l'annexe de l'article R. 311-1 précité du code de la consommation ;

Que les calculs d'intérêts effectués dans ces deux documents pour tenter de démontrer que le taux nominal annuel a bien été calculé par référence à l'année civile sont en outre inopérants dès lors que le résultat obtenu pour le calcul des intérêts est nécessairement le même que l'on divise par douze, que l'on divise par 30,4375 puis multiplie par 365,25 ou que l'on divise par 30,416 66 puis que l'on multiplie par 365, le montant du capital restant dû auquel est appliqué le taux nominal annuel

(39 636,04 * 4.80 % / 12 = 39 636,04 * 4,80 % /365,25 * 30,4375 = 39 636,04 * 4.80 /365 * 30,41666 = 158,54), ce qu'au demeurant Monsieur [D] finit par reconnaître lui-même aux termes de son rapport ;

Que s'agissant enfin du rapport d'analyse portant plus spécifiquement sur le prêt consenti par la Caisse d'épargne et de prévoyance Nord France Europe à Monsieur [H] et Madame [C], force est de constater que s'il démontre que l'assiette de calcul du taux effectif global inclut bien le coût de l'assurance obligatoire, les frais de dossier de 159,98 euros et les frais de garanties 2 025 euros en sorte qu'il est à cet égard régulier, il n'est pas davantage démontré, pour les mêmes raisons que celles précédemment exposées, que le taux nominal annuel de 4,60 % a été déterminé, non pas par référence à l'année bancaire de trois cent soixante jours comme stipulé expressément dans le contrat de prêt, mais, conformément aux dispositions combinées des articles 1907 du code civil et L. 313-1, L. 313-2 et R. 313-1 précités du code de la consommation, par référence à l'année civile ;

Attendu que la banque échouant en ces conditions à démontrer le caractère erroné de la clause fixant les modalités de calcul du taux d'intérêt conventionnel par référence à l'année lombarde de trois cent soixante jours, il y a lieu d'en déduire que le taux d'intérêt conventionnel mentionné dans l'acte de prêt souscrit par Monsieur [H] et Madame [C] auprès de la Caisse d'épargne et de prévoyance Nord France Europe a bien été calculé sur une autre base que celle de l'année civile ;

Attendu que pour prétendre que le taux effectif global stipulé dans l'acte de prêt n'en serait pas moins régulier, la Caisse d'épargne et de prévoyance Nord France Europe fait valoir que l'erreur de calcul l'affectant serait seulement de 0,07611 de sorte que l'écart entre le taux effectif global mentionné dans le contrat de crédit et le taux réel serait inférieur à la décimale prescrite par l'article R. 313-1 du code de la consommation ;

Mais attendu qu'outre que l'erreur dont il est question est celle qui affecte spécifiquement le taux nominal stipulé à l'acte de prêt, le paragraphe d) de l'annexe à l'article R. 313-1 ancien du code de la consommation prévoit que le résultat du calcul du taux effectif global est exprimé avec une exactitude d'au moins une décimale et que lorsque le chiffre est arrondi à une décimale particulière, la règle suivante est d'application : si le chiffre de la décimale suivant cette décimale particulière est supérieur ou égal à 5, le chiffre de cette décimale particulière sera augmenté de 1 ;

Qu'il suit que dès lors que le taux effectif global stipulé dans l'acte de prêt est de 5,48 %, une erreur de calcul de 0,07611 conduit à modifier le résultat du calcul de ce taux au-delà du seuil légal puisqu'il serait alors en réalité de 5,55 % ;

Que la preuve se trouve donc au contraire rapportée de l'irrégularité du taux nominal stipulé dans l'acte de prêt souscrit le 18 mai 2009 par les époux [H] auprès de la Caisse d'épargne et de prévoyance Nord France Europe et, partant, de celle du taux effectif global, lui-même nécessairement erroné dès lors qu'il est proportionnel au taux nominal ;

Attendu que si, lorsque la mention d'une taux effectif global irrégulier figure dans l'offre de prêt, la possible déchéance du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge, telle que prévue à l'article L. 312-33 du code de la consommation, est, comme le souligne la Caisse d'épargne et de prévoyance Nord France Europe, également encourue, la seule sanction de la mention, dans le contrat de prêt, d'un taux effectif global erroné ou d'un taux conventionnel lui-même erroné, comme en l'espèce, est la nullité de la stipulation contractuelle relative aux intérêts conventionnels, laquelle appelle la substitution du taux légal au taux conventionnel à compter de la date du prêt et selon le taux légal en vigueur à cette date ;

Que c'est en conséquence à bon droit que le premier juge, constatant que Monsieur [H] et Madame [C] réclamaient la substitution, pendant toute la durée d'amortissement du prêt, soit à compter du 5 août 2009 et jusqu'à son terme, du taux de l'intérêt légal au taux conventionnel mentionné dans l'acte de prêt pour sanctionner l'erreur qui affecte celui-ci, calculé sur la base de l'année bancaire de trois cent soixante jours et non sur la base de l'année civile de trois cent soixante cinq ou trois cent soixante six jours, en a déduit que les emprunteurs entendaient poursuivre, non pas l'application des dispositions de l'article L. 312-33 du code de la consommation, mais l'annulation de la stipulation d'intérêts conventionnels ;

Attendu que pour prétendre à l'irrecevabilité de cette demande, la Caisse d'épargne et de prévoyance Nord France Europe soutient qu'en procédant au règlement pendant près de cinq ans des mensualités de remboursement du prêt souscrit par eux alors que la mention selon laquelle les intérêts étaient calculés sur la base de l'année bancaire de trois cent soixante jours figurait à l'acte de prêt, les emprunteurs, qui, en raison de leurs professions, avaient nécessairement connaissance du vice affectant la stipulation d'intérêts conventionnels en résultant, ont, par cette exécution volontaire de l'obligation de payer les intérêts conventionnels, renoncé à se prévaloir de la nullité relative encourue ;

Mais attendu qu'à supposer, comme le prétend la banque, que l'emprunteur puisse renoncer à la nullité relative de la stipulation d'intérêts conventionnels qui sanctionne la méconnaissance des dispositions des articles 1907 du code civil et L. 313-1 et R. 313-1 précités du code de la consommation, par une exécution volontaire de l'obligation prétendument irrégulière de payer les intérêts conventionnels, il reste que la renonciation de l'emprunteur à se prévaloir de la nullité de la stipulation d'intérêts par son exécution doit en tout état de cause être caractérisée non seulement par sa connaissance préalable de la violation des dispositions destinées à le protéger mais également par son intention de la réparer ;

Que s'il n'est pas contesté que Monsieur [H] et Madame [C] ont payé plusieurs mensualités de remboursement du prêt, la seule mention, dans les conditions particulières de l'acte, de ce que les intérêts étaient calculés sur le montant du capital restant dû, au taux indiqué de 4,60 % sur la base d'une année bancaire de trois cent soixante jours est insuffisante à rapporter la preuve de la connaissance certaine, par les emprunteurs, de l'irrégularité susceptible d'en résulter au regard des articles précités, nonobstant l'exercice, par le mari, de la profession d'avocat, alors que la banque indique elle-même dans ses écritures que la jurisprudence de la chambre commerciale de la Cour de cassation qui considère que rien n'interdit aux parties de convenir d'un taux d'intérêt conventionnel calculé sur une autre base que celle de l'année civile serait applicable au cas d'espèce ; qu'il ne peut par ailleurs être déduit des règlements opérés, même pendant plusieurs années, par Monsieur [H] et Madame [C], qu'ils aient eu la volonté claire et non équivoque de confirmer la stipulation d'intérêts conventionnels irrégulière ;

Que la Caisse d'épargne et de prévoyance Nord France Europe échouant ainsi à rapporter la double preuve que lui imposent les dispositions de l'article 1338 du code civil qu'elle invoque, le jugement sera confirmé en ce qu'il a écarté le moyen opposé par elle tiré de la confirmation tacite par exécution de l'obligation irrégulière de payer les intérêts conventionnels et, dès lors que l'exigence d'un écrit mentionnant le taux de l'intérêt conventionnel est une condition de la validité de la stipulation d'intérêts, en ce qu'il a prononcé la nullité de la stipulation d'intérêts contenue dans l'acte de prêt, les discussions des partie sur l'existence ou non d'un préjudice en résultant pour les emprunteurs et sur une perte de chance éventuelle étant parfaitement inopérantes à cet égard ;

Que c'est encore à bon droit que cette stipulation ayant été annulée, le premier juge en a déduit que la sanction de l'erreur commise par la banque appelait la substitution du taux légal au taux conventionnel, à compter de la conclusion du contrat ;

Attendu qu'il est établi par les éléments du dossier que Monsieur [H] et Madame [C] ont, à la suite de la vente de l'immeuble financé à l'aide du prêt litigieux, procédé le 5 juillet 2016 au remboursement anticipé des sommes restant dues s'élevant, selon décompte établi le 27 mai 2016 à la somme de 185 356,50 euros après prélèvement de l'échéance du 5 juillet 2016, ce qui n'est pas discuté par la banque ;

Qu'il convient en conséquence d'ordonner la restitution par la banque, pour la période comprise entre la date de conclusion du prêt le 18 mai 2009 et la date de son remboursement anticipé le 5 juillet 2016, des sommes indûment perçues au titre des intérêts conventionnels non stipulés régulièrement à l'acte de prêt, excédant le taux légal ;

Que Monsieur [H] et Madame [C], qui produisent un tableau de synthèse reprenant le montant des intérêts contractuels payés par eux durant cette période, celui des intérêts dus au taux légal au cours de cette même période et la différence entre ces montants, et justifient des modifications successives apportées par la loi au taux légal en vigueur au moment où il a été acquis, dressent dans leurs écritures le compte de leur créance qu'ils établissent à la somme totale de 48 352,52 euros ;

Que la Caisse d'épargne et de prévoyance Nord France Europe, si elle en discute le principe, ne critique pas les modalités de calcul de la créance des époux [H] telle qu'ils l'ont évaluée ;

Que la Caisse d'épargne et de prévoyance Nord France Europe sera donc, par réformation du jugement déféré, condamnée à verser à Monsieur [H] et Madame [C] la somme de 48 352,52 euros en restitution des intérêts excédant le taux légal ;

Attendu enfin qu'il apparaît inéquitable de laisser à la charge de Monsieur [H] et Madame [C] les frais exposés par eux en cause d'appel et non compris dans les dépens ; qu'il leur sera en conséquence alloué la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'indemnité allouée en première instance étant confirmée ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement,

Réforme le jugement entrepris, sauf en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens ;

Condamne la S.A. Caisse d'épargne et de prévoyance Nord France Europe à payer à Monsieur [U] [H] et Madame [T] [C], son épouse, la somme de 48 352,52 euros en restitution des intérêts excédant le taux légal ;

La condamne à leur verser une somme de 1 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

La condamne aux dépens d'appel.

Le greffier,Le président,

P. Pauchet M. Battais


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 8 section 1
Numéro d'arrêt : 16/00338
Date de la décision : 03/11/2016

Références :

Cour d'appel de Douai 81, arrêt n°16/00338 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-11-03;16.00338 ?
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