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07/07/2016 | FRANCE | N°15/03461

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 2, 07 juillet 2016, 15/03461


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 2



ARRÊT DU 07/07/2016



***





N° MINUTE :

N° RG : 15/03461



Jugement (N° 13/02964)

rendu le 13 Mai 2015

par le Tribunal de Grande Instance de DUNKERQUE

REF : CPL/VC



APPELANTE

SOCIÉTÉ CIVILE TENDRES POUSSES agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Ayant son siège social

[Adre

sse 2]

[Adresse 2]



Représentée par Me Bernard FRANCHI, membre de la SCP FRANÇOIS DELEFORGE-BERNARD FRANCHI, avocat au barreau de DOUAI

Assistée de Me Vincent BUE, avocat au barreau de LILLE




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République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 2

ARRÊT DU 07/07/2016

***

N° MINUTE :

N° RG : 15/03461

Jugement (N° 13/02964)

rendu le 13 Mai 2015

par le Tribunal de Grande Instance de DUNKERQUE

REF : CPL/VC

APPELANTE

SOCIÉTÉ CIVILE TENDRES POUSSES agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Ayant son siège social

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Bernard FRANCHI, membre de la SCP FRANÇOIS DELEFORGE-BERNARD FRANCHI, avocat au barreau de DOUAI

Assistée de Me Vincent BUE, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉS

Madame [H] [O] veuve [S]

née le [Date naissance 1] 1934 à [Localité 2]

et

Monsieur [W] [S]

né le [Date naissance 2] 1973 à [Localité 1]

Demeurant ensemble

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentés et assistés par Me Guy FOUTRY, avocat au barreau de DOUAI

DÉBATS à l'audience publique du 07 Juin 2016, tenue par Christian PAUL-LOUBIERE magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Claudine POPEK

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Christian PAUL-LOUBIERE, Président

Myriam CHAPEAUX, Conseiller

Isabelle ROQUES, Conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 07 Juillet 2016 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Monsieur Christian PAUL-LOUBIERE, Président et Claudine POPEK, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 29 avril 2016

***

FAITS ET PROCÉDURE

Madame [H] [O] veuve [S] et Monsieur [W] [S], (les consorts [S]), sont propriétaires indivis d'une parcelle de labour située [Adresse 3], actuellement cadastrée AT n° [Cadastre 12] sur la commune de [Localité 2].

Cette parcelle bénéficie, pour cause d'enclave, d'une servitude de passage dont l'assiette est sise sur la parcelle voisine, cadastrée anciennement AT n° [Cadastre 2] devenue, par la division des parcelles, [Cadastre 13] et [Cadastre 14] puis encore devenue [Cadastre 3]-[Cadastre 4]-[Cadastre 5]-[Cadastre 6]-[Cadastre 15]-[Cadastre 8]- 73, puis enfin s'agissant de la parcelle de terre cadastrée [Cadastre 9] devenue [Cadastre 10] et [Cadastre 11].

Cette servitude était déjà prévue à l'acte de vente, rédigé par Maître [R] [Z], notaire à [Localité 2], du 25 mars 1964 formalisant la vente de la parcelle, cadastrée anciennement A [Cadastre 2], entre les consorts [N] et Monsieur [U] [S].

Ledit acte contient en effet une clause rédigée comme suit : « l'immeuble présentement vendu a un droit de passage gratuit et perpétuel à pied, cheval, voiture, tracteur et autre matériel agricole, par le plus court trajet, sur la pâture cadastrée section A N° [Cadastre 2] de 2 ha 78 a 46 ca, appartenant à Monsieur [B] [X], cultivateur, demeurant à [Adresse 4], et ce sur une largeur de 5 mètres pour accéder au [Adresse 3] »

Ce droit de passage n'étant, selon eux, pas respecté par le propriétaire du fonds servant et les tentatives de règlement étant demeurées vaines, les consorts [S] ont attrait la SCI TENDRES POUSSES devant le tribunal de grande instance de Dunkerque qui, par jugement rendu le 13 mai 2015, a :

- ordonné à la SCI TENDRES POUSSES de rétablir la servitude de passage dont bénéficie la parcelle cadastrée sur la commune de [Localité 2] section AT N° [Cadastre 12], sur la parcelle anciennement cadastrée sur la même commune section A N° [Cadastre 2] désormais cadastrée sous les références de parcelle [Cadastre 4],[Cadastre 5],[Cadastre 6],[Cadastre 15],[Cadastre 7],[Cadastre 16],[Cadastre 8] et [Cadastre 9], selon le tracé figurant sur la pièce n°01-l communiquée par [H] [O] épouse [S] et [W] [S] dans le cadre de la présente instance et annexée au présent jugement ;

- condamné en conséquence la SCI TENDRES POUSSES à procéder à la démolition de la clôture et du portail entravant l'accès à la parcelle section AT N°[Cadastre 12], des constructions situées sur les parcelles [Cadastre 4],[Cadastre 5],[Cadastre 6],[Cadastre 15],[Cadastre 8] et [Cadastre 9] qui sont édifiées sur le tracé initial de la servitude de passage, par référence à la pièce n°01-l précitée et annexée au présent jugement et du revêtement de bitume sur la parcelle [Cadastre 16], le tout dans un délai de 6 mois à compter de la signification du présent jugement et ceci sous astreinte de 150 € par jour de retard à compter de l'expiration de ce délai jusqu'à complète exécution de cette injonction ;

- débouté la SCI TENDRES POUSSES de sa demande de déplacement de l'assiette de la servitude de passage dont bénéficiait la parcelle cadastrée sur la commune de [Localité 2] section AT n°[Cadastre 12], sur la parcelle anciennement cadastrée sur la même commune section A N° [Cadastre 2] désormais cadastrée sous les références de parcelle [Cadastre 4], [Cadastre 5],[Cadastre 6],[Cadastre 15],[Cadastre 7],[Cadastre 16],[Cadastre 8] et [Cadastre 9] ;

- condamné la SCI TENDRES POUSSES à payer à Madame [H] [O] épouse [S] et [W] [S] la somme de 2.000 € au titre d'un préjudice de jouissance outre celle de 2.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que les entiers dépens de l'instance.

La Société TENDRES POUSSES a interjeté appel de cette décision, selon déclaration reçue, par voie électronique, au greffe de la cour et enregistrée le 5 juin 2015.

Dans le dernier état de ses écritures récapitulatives, déposées par voie électronique le 6 janvier 2016, cette Société demande à la cour de :

- Réformer le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau,

- Déclarer Madame [H] [S] et Monsieur [W] [S] irrecevables et mal fondés en toutes leurs demandes, et les en débouter ;

- Dire que la servitude au profit de la parcelle cadastrée section AT n° [Cadastre 12] sera désormais fixée à partir de la voie publique dans « l'Allée des tendres pousses » (parcelle [Cadastre 16]) puis sur les parcelles [Cadastre 15] et [Cadastre 11], le long des parcelles [Cadastre 4] ; [Cadastre 5] [Cadastre 6] ; [Cadastre 8] ; [Cadastre 10], pour ensuite
traverser au droit la parcelle [Cadastre 11] et aboutir finalement sur la parcelle [Cadastre 12], selon le plan cadastral annoté, pièce 10 ;

En tant que de besoin :

- Surseoir à statuer au principal sur la fixation de l'assiette de passage

Avant dire droit :

- Ordonner une mesure d'expertise ou une consultation par Géomètre Expert inscrit auprès de la cour d'appel pour fixer l'assiette du passage le plus court et le moins dommageable en application de l'article 682 du code civil sur une longueur de 5 mètres à partir de la voie publique dans « l'Allée des tendres pousses » (parcelle [Cadastre 16]) puis sur les parcelles [Cadastre 15] et [Cadastre 11], le long des parcelles [Cadastre 4] ; [Cadastre 5] [Cadastre 6] ; [Cadastre 8] ; [Cadastre 10], pour ensuite traverser au droit la parcelle [Cadastre 11] outre la parcelle AT n° [Cadastre 12] et la [Adresse 4] pour les parcelles AT [Cadastre 10] ; AT [Cadastre 15], AT [Cadastre 16] (à droite de la grange).

Dans tous les cas,

- Condamner Madame [H] [S] et Monsieur [W] [S] à payer la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamner Madame [H] [S] et Monsieur [W] [S] aux entiers dépens, et dire que, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, la SCP DELEFORGE FRANCHI, avocats au barreau de Douai, pourra recouvrer directement les frais dont il a fait l'avance sans en avoir reçu provision.

Aux termes de leurs conclusions récapitulatives, déposées par voie électronique le 12 février 2016, les consorts [S] demandent à la cour de :

- Confirmer le jugement rendu dans toutes ses dispositions, excepté dans celle relative au quantum des dommages-intérêts,

- Recevoir en conséquence l'appel incident de Madame [H] [O] veuve [S] et de Monsieur [W] [S] et condamner la SCI TENDRES POUSSES à payer à ceux-ci la somme de 14.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice de jouissance (impossibilité de louer la parcelle de terre et paiement des impôts fonciers),

- Dire et juger que les parcelles cadastrées section AT N°[Cadastre 1] et AT N° [Cadastre 12] bénéficient de la servitude de passage,

- Dire et juger que la SCI TENDRES POUSSES ne peut opposer à Madame [H] [O] veuve [S] et à Monsieur [W] [S] les dispositions de l'article 701 alinéa 3 du Code civil,

- Condamner la SCI TENDRES POUSSES à payer à Madame [H] [O] veuve [S] et de Monsieur [W] [S] la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel outre les entiers frais et dépens de première instance et d'appel comprenant le coût des frais de constats établis les 25 avril 2012 et 1er mars 2013 par Maître [D], dépens d'appel dont distraction au profit de Me Guy FOUTRY, avocat au Barreau de Douai, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 29 avril 2016.

SUR CE,

'Sur la servitude de passage :

Attendu que l'article 701 du Code civil dispose :

« Le propriétaire du fonds débiteur de la servitude ne peut rien faire qui tende à en diminuer l'usage, ou à le rendre plus incommode.

Ainsi, il ne peut changer l'état des lieux, ni transporter l'exercice de la servitude dans un endroit différent de celui où elle a été primitivement assignée.

Mais cependant, si cette assignation primitive était devenue plus onéreuse au propriétaire du fonds assujetti, ou si elle l'empêchait d'y faire des réparations avantageuses, il pourrait offrir au propriétaire de l'autre fonds un endroit aussi commode pour l'exercice de ses droits, et celui-ci ne pourrait pas le refuser. » ;

Attendu que, se fondant sur ce texte, la SCI TENDRES POUSSES conclut à l'infirmation du jugement déféré ;

Qu'elle fait valoir d'une part, que l'existence de la servitude n'est pas remise en cause alors que les deux actes de vente du 25 mars 1964 et du 16 janvier 2004 ne reprennent pas un tracé précis de la servitude conventionnelle et de son emplacement exact, d'autre part, qu'en l'absence d'assiette primitive précisément définie dans les actes, la possibilité de modifier la servitude existante lui était offerte par le loi à la condition que le passage soit aussi commode pour le propriétaire du fonds dominant ;

Mais attendu que sur ces deux points, comme l'ont fait les premiers juges au vu des pièces produites, notamment les plans cadastraux successifs, les attestations de témoins et les constats d'huissier de justice établis les 25 avril 2012 et 1er mars 2013, et par adoption des motifs du jugement, la cour ne peut que relever :

Que le précèdent tracé de la servitude de passage, tel que revendiqué par les consorts [S], apparaît cohérent avec la configuration antérieure des bâtiments, notamment pour permettre un accès en ligne droite aux engins à travers les parcelles [Cadastre 15] et [Cadastre 9] permettant l'entrée dans la parcelle enclavée [Cadastre 12] ;

Que par décision unilatérale de la SCI TENDRES POUSSES, l'assiette de la servitude de passage a été transportée à un endroit différent de celui où il était assigné, sans accord préalable des propriétaires du fonds dominant ;

Que la circonstance que la S.C.I. TENDRES POUSSES ait obtenu un permis d'aménager conforme aux règles de l'urbanisme et que cette décision n'ait pas été contestée par les consorts [S] demeure indifférente, dès lors qu'une telle autorisation administrative est délivrée sous réserve des droits des tiers, notamment du respect des règles du droit civil, et que l'absence de recours n'est pas constitutive d'un accord exprès à la modification de la servitude ;

Que si le 3ème alinéa de l'article 701 du Code civil offre au propriétaire du fonds servant la faculté de déplacer l'assiette de la servitude, c'est aux conditions cumulatives que l'assiette primitive soit devenue plus onéreuse et que le nouveau tracé en soit tout aussi commode pour son exercice ;

Que ces conditions ne sont pas réunies en l'espèce puisque la modification n'a été effectuée qu'à l'avantage de la SCI TENDRES POUSSES en imposant, aux consorts [S], un nouveau tracé mal adapté aux man'uvres d'engins agricoles ;

Attendu qu'il convient, en conséquence, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande de déplacement de l'assiette de la servitude présentée par la SCI TENDRES POUSSES, lui a ordonné de rétablir la servitude de passage primitive et l'a condamnée à procéder à la démolition des éléments et construction entravant ledit passage ;

Que, corrélativement, la demande d'expertise n'apparaît pas justifiée ;

'Sur le préjudice de jouissance et l'appel incident des consorts [S] :

Attendu que la condamnation de la SCI TENDRES POUSSES à verser, aux consorts [S], la somme de 2 000 €, à titre de réparation de leur préjudice de jouissance, sera tout autant confirmée par adoption des motifs des premiers juges ;

Qu'ils ont, en effet, justement évalué l'indemnisation au regard du préjudice réel et certain, personnellement subi par eux, en relation causale avec le comportement fautif de la SCI TENDRES POUSSES ;

'Sur les frais irrépétibles de procédure et les dépens :

Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de consorts [S] l'intégralité des frais non compris dans les dépens exposés, par eux, en appel ;

Qu'il y a lieu de leur allouer, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, une somme complémentaire de 2 000 € ;

Que la demande faite, au même titre, par l'appelante sera rejetée ;

Que le sens de l'arrêt justifie de condamner la Société TENDRES POUSSES aux dépens d'appel ;

Qu'il y a lieu de confirmer le jugement sur les dépens et l'application qui y a été équitablement faite des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Condamne la SCI TENDRES POUSSES à payer la somme de 2 000€ aux consorts [S], sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens d'appel, qui comprendront le coût des constats d'huissier de justice, établis les 25 avril 2012 et 1er mars 2013 par Maître [D], et seront distraits au profit de Maître Guy FOUTRY, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de toutes demandes, fins ou prétentions, plus amples ou contraires.

Le GreffierLe Président,

C. POPEKC. PAUL-LOUBIERE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 2
Numéro d'arrêt : 15/03461
Date de la décision : 07/07/2016

Références :

Cour d'appel de Douai 1B, arrêt n°15/03461 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-07-07;15.03461 ?
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